Vayé'hi 29 Décembre 2012 16 Tévèt 5773 |
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Le lien entre le peuple d’Israël et la terre d’Israël
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« L’habitant du pays, le Cananéen, vit ce deuil de l’Aire-du-Buisson et ils dirent: "Voilà un grand deuil pour l’Égypte !" C’est pourquoi on nomma Evel Mitsraïm ce lieu situé de l’autre coté du Jourdain. » (Béréchit 50, 11)
Les bnei Israël et les Egyptiens ont pleuré le décès de Ya’akov durant quarante jours puis soixante-dix jours supplémentaires. Yossef et ses frères ont quitté l’Egypte pour accompagner leur père à sa dernière demeure et tous les anciens et notables du pays se sont joints à eux. Face à cette immense affliction, le peuple cananéen s’est dit « Voilà un grand deuil pour l’Egypte ! » et ont qualifié le décès de Ya’akov de « deuil égyptien (Evel Mitsraïm) ».
Ceci est très étonnant : il s’agissait d’un deuil pour le peuple juif, pourquoi donc les Cananéens l’ont-ils surnommé « deuil égyptien » ? Quel sens cela a-t-il ?
De plus, Yossef est monté en Canaan accompagné de toute l’armée de Par’o, de ses princes et de ses serviteurs. Ils auraient donc pu facilement soumettre tous les peuples de ce pays. Nous savons bien qu’ils ne craignaient pas de tomber entre les mains de ces habitants : pourquoi alors le peuple d’Israël a-t-il décidé de retourner en Egypte et non de s’emparer du pays à ce moment-là ?
Je pense que les Cananéens ont été très surpris de voir les bnei Israël enterrer Ya’akov en Canaan puis retourner immédiatement en Egypte. En effet, ils savaient que la terre d’Israël leur était promise et qu’ils auraient donc pu y rester et vaincre tous les peuples qui habitaient le pays. De plus, les fils de Ya’akov étaient réputés comme de puissants hommes de guerre qui avaient écrasé tous les peuples alentour, lorsque Chekhem fils de ‘Hamor avait souillé leur sœur Dina.
Mais malgré tout, les bnei Israël sont immédiatement retournés en Egypte dès la fin des jours de deuil, au lieu de combattre les peuples du pays, comme il est écrit « Yossef, après avoir enseveli son père, retourna en Egypte avec ses frères et tous ceux qui l’avaient accompagné pour ensevelir son père » (50, 14).
D’après moi, le peuple d’Israël connaissait les termes de l’alliance conclue entre D. et les Patriarches : ils seraient d’abord asservis et soumis en Egypte pendant quatre cents ans avant de sortir avec une grande richesse, de recevoir la Torah au mont Sinaï et de mériter d’entrer en terre d’Israël. Ainsi, les bnei Israël n’ont pas voulu hâter la délivrance et se sont conduits selon l’ordre de Hachem. C’est la raison pour laquelle ils se sont empressés de retourner en Egypte dès la fin des jours de deuil.
Face à ce comportement du peuple d’Israël, les Cananéens ont défini ce grand malheur comme un « deuil égyptien ». En effet, le peuple d’Israël s’est rendu en Canaan « sous la citoyenneté égyptienne » si l’on peut dire car ils se sentaient encore attachés à l’Egypte. Ils ne se considéraient pas comme un peuple à part entière car ils n’avaient pas encore mérité d’être sauvés et de recevoir la Torah. C’est pourquoi ils se sont dépêchés de retourner à leur travail jusqu’à que D. Lui-même les délivre. Le comportement des bnei Israël a inspiré le respect de D. au sein des nations du monde, forcées de constater que le peuple juif était soumis à Ses commandements. En effet, bien que puissants et accompagnés de toute l’armée égyptienne, les bnei Israël se sont pliés au décret de Hachem et sont rentrés en Egypte.
On rapporte dans la Torah qu’Avimélekh et son chef d’armée Pikhol étaient venus chez Avraham et Yitz’hak afin de conclure une alliance avec eux, engageant le peuple d’Israël à ne pas porter atteinte à leur descendance et à ne pas leur causer de mal. La seule volonté d’Avimélekh de sceller une alliance avec Avraham et Yitz’hak prouve la foi du roi en la promesse de D. : Avimélekh était persuadé que Hachem ferait sortir les bnei Israël d’Egypte et leur octroierait la terre de Canaan où il habitait alors. D’ailleurs le peuple guirgachi, l’une des sept nations habitant alors le pays, a quitté la terre de Canaan avant même d’entamer une guerre. En effet, ils étaient pleinement conscients que cette terre était la propriété du peuple d’Israël.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, lors du décès de Ya’akov, tous les princes d’Egypte ont quitté leur lieu d’habitation pour accompagner le défunt à sa dernière demeure. Bien que conscientes que la terre de Canaan appartienne au peuple juif, les nations habitant alors le pays n’ont pas craint que les bnei Israël les chassent pendant le deuil de Ya’akov. En effet, le moment n’était pas encore arrivé pour eux d’hériter de la terre : la première partie de l’alliance ne s’était pas encore concrétisée. C’est uniquement après son asservissement en Egypte durant quatre cents ans que le peuple juif méritera d’être sauvé et d’entrer en Israël.
Les Cananéens ont donc désigné le deuil des bnei Israël pour la disparition de Ya’akov par le nom de « deuil égyptien » car ils ont constaté que cette nation était encore sous la tutelle de l’Egypte et ne se considérait pas comme un peuple à part entière. Ainsi, il n’y avait aucun risque qu’ils les combattent et les chassent de leur terre. L’attitude des bnei Israël a entraîné l’admiration et la glorification du nom divin dans le monde ; tous les autres peuples ont été forcés de constater que les juifs étaient soumis à D. et suivaient Ses voies. En effet, le plus important est d’accomplir Sa volonté puis, ensuite seulement, de considérer l’aspect matériel : la terre d’Israël.
LES PAROLES DES SAGES
Le fardeau de l’âne et le goût du vin
Dans la bénédiction que Ya’akov a adressé à ses fils, Issakhar est comparé à « un âne musculeux », c’est-à-dire à un âne qui porte le joug de la Torah, un âne fort sur lequel on charge un lourd fardeau.
Cette exigence a été notre héritage pendant des milliers de générations. Durant des millénaires, nos ancêtres n’ont cessé d’étudier assidûment la Torah, et à chaque génération, les bnei Torah se sont soumis à son joug. Par cela, ils ont pu jouir de la promesse de nos Sages « Quiconque accepte le joug de la Torah est exempté du joug de la royauté et de celui du métier. »
Le Gaon Rabbi Berisch Plahem, l’un des plus grands disciples du Maguid de Doubno, a rapporté la parabole suivante (relatée dans « Ohel Ya’akov », Parachat Nitsavim) :
C’est l’histoire de deux jeunes gens qui étudiaient ensemble chez un Rav. Au moment voulu, chacun a fondé son foyer et leurs chemins se sont séparés. Le premier, qui a épousé une fille provenant d’un petit village, a reçu de son beau-père quelques centaines de florins pour ouvrir une épicerie et gagner ainsi sa vie. Son ami, en revanche, qui s’est marié avec la fille d’un homme très riche habitant une grande ville, a pu profiter d’un commerce important et florissant ouvert par son beau père.
Quelques années plus tard, celui qui habitait au village a eu l’occasion de se trouver dans la grande ville. Il s’est souvenu que son ami y habitait et a voulu lui rendre visite. Lorsqu’il est arrivé à son bureau, son ami, très occupé avec les hommes d’affaires, n’était pas disponible. L’homme a donc patienté jusqu’à l’après-midi, espérant pouvoir rencontrer son ami lors de la pause du repas.
Mais à sa grande surprise, l’homme d’affaires a continué à travailler pendant l’après-midi jusqu’à la fin de la journée, moment de la fermeture du magasin, et il est enfin rentré chez lui. Son ami l’a donc accompagné et ils ont échangé quelques nouvelles.
Au cours de la discussion, l’hôte a fait remarquer à son ami riche : « Certes, j’habite dans une petite ville et je gagne difficilement ma vie. Mais malgré tout, j’ai plus de chance que toi : je ne suis pas pris par les affaires au point de devoir renoncer à mon repas de midi et à mon repos de l’après-midi. Quant à toi, que retires-tu de ta grande richesse si tu ne peux même pas te ressourcer pendant la journée par un peu de nourriture et de boisson ? »
Son ami riche lui a répondu : « Je connais ton genre d’affaires et je sais que tu en es satisfait. Toi, en revanche, tu ne connais pas le plaisir que m’apportent mes nombreux soucis et tu ne pourras pas le connaître tant que tu n’auras pas vécu et expérimenté cela. Lorsque D. t’apportera la réussite dans tes entreprises et que tu atteindras une grande richesse, alors tu comprendras combien ma satisfaction est intense, et ce, justement parce que je n’ai pas le temps de manger. C’est mon unique aspiration. »
Voici la leçon à en tirer : quand on dit « Tu mangeras du pain avec du sel, tu boiras un peu d’eau et tu vivras une existence de souffrance », on peut s’interroger « Comment une vie si difficile pourrait-elle m’être agréable ? » C’est pourquoi le Tanna explique : « Si tu agis ainsi ! » En d’autres termes, en regardant de l’extérieur on ne peut pas comprendre comment une telle vie de souffrance peut procurer du bonheur. Mais après avoir procédé au bon choix, avoir vaincu les ‘‘conseils’’ du mauvais penchant qui réside en chacun de nous, après s’être débarrassé de tous les plaisirs supposés de ce monde, on étudiera la Torah avec persévérance et seulement alors, on réalisera combien de bonheur et de plaisir contient justement le chemin « difficile ».
Rabbi Eliahou Lopian ajoute, en expliquant plus concrètement : « Si quelqu’un qui n’a jamais bu de vin me demande quel goût cela a, je le questionnerai : ‘‘N’avez-vous jamais goûté de sucre ?’’ S’il répond par l’affirmative, je lui demanderai alors ‘‘N’avez-vous jamais mangé un aliment acide ?’’
S’il répond encore positivement, je lui expliquerai : ‘‘Le goût du vin est un mélange de sucre et d’acidité.’’ »
Rav Lopian précise que malgré cet exemple concret, son interlocuteur ne sentira pas le goût du vin. « Mais si je lui sers un verre de vin, il en sentira beaucoup mieux le goût. »
C’est ce qu’a dit le Tanna : « Tu mangeras du pain avec du sel... si tu agis ainsi… » : tant que nous n’agirons pas ainsi, nous ne pourrons pas ressentir réellement que :« Heureux es-tu dans ce monde-ci ». Ceci rejoint d’ailleurs les paroles du roi David (Psaumes 34, 9) « Goûtez et voyez que Hachem est bon » : quand vous goûterez, vous vous rendrez compte que D. est bon.
Ce n’est qu’une souffrance imaginaire
On raconte qu’un jeune homme de dix-sept ans et son père se sont un jour présentés au ‘Hazon Ich pour un jugement rabbinique. Le père prétendait que son fils avait suffisamment étudié et que le moment était arrivé pour lui d’entrer dans la vie active : la viande et les poissons sont aussi des sujets dignes d’intérêt, et il voulait donc absolument que son fils gagne honorablement sa vie. Quant au jeune homme, il répondait timidement être ardemment attiré par la Torah, et non par le commerce.
Le ‘Hazon Ich a répondu au père : « Avez-vous déjà étudié les Pirkei Avot ? Vous souvenez-vous de la michna ‘‘Voici la voie de la Torah : Tu mangeras du pain avec du sel, tu boiras un peu d’eau, tu dormiras par terre... si tu agis ainsi, heureux es-tu dans ce monde-ci et tu connaîtras le bien dans le monde à venir.’’ La promesse d’un bonheur dans le monde futur est facilement compréhensible, mais que signifie ‘‘heureux es-tu’’ dans ce monde pour quiconque mène une existence difficile ? De plus, pourquoi la michna a-t-elle précisé ‘‘Si tu agis ainsi’’ ? »
« En réalité, nos Sages nous apportent ici un enseignement que, contrairement à vous, votre fils a compris, a-t-il expliqué au père naïf, si bien que s’accomplit en vous le verset ‘‘Ils ne se comprenaient pas l’un l’autre’’ : seul celui qui se comporte de cette façon sait qu’il est heureux également dans ce monde-ci. En effet, il ne s’agit que d’une souffrance imaginaire, infinitésimale par rapport au plaisir que rapporte l’effort dans l’étude de la Torah. »
GARDE TA LANGUE
Il pense ne pas avoir fauté
Quiconque est atteint par la maladie de proférer des paroles interdites réagit comme tout autre malade : tant que la maladie est en vigueur, l’individu ne sent rien du tout. Lorsqu’on veut lui administrer un médicament, il refuse et s’exclame « Que me voulez-vous donc ? Je ne suis pas du tout malade ! » Puis au bout de quelques jours il ressent la douleur, et informe le médecin qu’à présent il se sent malade... et le docteur répond que maintenant, il ne reste plus qu’à espérer que D. le guérisse rapidement !
Il en va de même dans notre domaine : lorsqu’un individu ne surveille pas ses paroles et parle beaucoup, il en vient forcément à se vanter, à dire des paroles offensantes, des paroles trompeuses, du mensonge, de la médisance, du colportage, des paroles rusées, humiliantes ou menant à la discorde, de la moquerie, de la colère etc. Il s’agit toujours de paroles vaines. Même s’il ne tombe pas dans toutes ces transgressions en un seul jour, il finira par trébucher dans la plupart d’entre elles en quelques mois. Mais cet homme-là pense n’avoir jamais fauté dans ce domaine, car cela n’a jamais été son intention. D’ailleurs, même quand il prononce « ’Al ‘Het » à Yom Kippour, il ne se sent pas personnellement concerné : il pense que cette obligation a été donnée au monde entier dans le doute.
(Zakhor LeMyriam)
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
La puissance des tsaddikim au moment où ils quittent ce monde
« L’ange qui me sauve de tout mal bénira les enfants ; qu’il perpétue mon nom et le nom de mes pères Avraham et Yitz’hak. »
Nous trouvons sur Ya’akov, au moment où il était malade et allait mourir (Béréchit 47, 31) : « Il dit : jure-le moi, et il le lui jura, et Israël se prosterna à la tête du lit. » Rachi écrit : « A la tête du lit, il s’est tourné du côté de la Chekhina. C’est l’origine de l’enseignement (Chabbat 12b) selon lequel la Chekhina se trouve à la tête du lit du malade. Autre explication : à la tête du lit – parce que sa descendance était parfaite et ne comportait pas d’impie, puisque Yossef était roi, et aussi qu’il avait été emprisonné chez les non-juifs et avait pourtant conservé toute sa droiture. »
Et en vérité, qu’est-ce qui a poussé Rachi à donner ces deux explications ensemble ?
Ainsi, Ya’akov a dit à Yossef : toute ma vie, je me suis éloigné de la faute, mon fils Réouven est les prémices de ma vigueur (Béréchit 49, 3), et je n’ai jamais eu d’incident impur de ma vie (Yébamot 76a), maintenant que je vais bientôt mourir, je vois que ma descendance est intègre et que toute ma vie j’ai évité la faute, car un ange m’a préservé du mal toute ma vie. Maintenant aussi, la Chekhina se trouve au-dessus de mon chevet. Et donc toutes les bénédictions que je vais vous donner, il est certain qu’elles s’accompliront. Il est vrai qu’il est impossible à l’homme de croire en lui-même jusqu’au jour de sa mort, car il risque encore de fauter (Pirkei Avot 2, 4), mais le jour même de sa mort, quand il voit qu’il n’a pas commis de faute, il peut croire en lui-même et bénir ses enfants et sa famille.
Ya’akov était sûr de lui-même à tel point qu’il leur a dit « qu’Il perpétue mon nom et le nom de mes pères », c’est-à-dire que comme pendant toute ma vie j’ai fui la faute, j’ai mérité que toute ma descendance soit pure.
Il a mis son propre nom avant ceux de ses ancêtres, et il est également dit (Yéchayah 29, 22) : « Ainsi a parlé Hachem à la maison de Ya’akov, qui a sauvé Avraham : désormais, Ya’akov n’aura plus honte et son visage ne pâlira plus. »
Et les Sages ont expliqué (Sanhédrin 19b) : où trouvons-nous que Ya’akov ait sauvé Avraham ? Rav Yéhouda a dit qu’il lui avait épargné les difficultés d’élever des enfants. Rachi explique que c’est lui qui a subi l’effort d’élever les tribus, effort qui aurait dû être celui d’Avraham, ainsi qu’il est écrit (Béréchit 26, 4) : « Je multiplierai ta descendance. » Il l’a préservé de cela. Du fait que sa descendance a été entièrement pure, il a complété ce qui devait l’être, au jour de sa mort il était sûr d’être digne de bénir ses fils, et le Saint, béni soit-Il a été d’accord avec lui.
Tout cela lui est arrivé par le mérite de la Torah, à laquelle il s’est entièrement consacré, quatorze ans dans le beit midrach de Chem et Ever et vingt ans chez Lavan (Béréchit Rabba 68, 11). Il est aussi écrit (Mikha 7, 20) : « Tu donneras la vérité à Ya’akov. »
Comment en suis-je donc arrivé à me garder de toute faute ? Parce que je veillais à me conduire avec sainteté. Il est écrit (Devarim 23, 10) : « Tu te garderas de toute mauvaise chose », si tu te gardes de toute mauvaise chose, ton camp sera saint, et tout mon camp, c’est-à-dire tous mes fils, sont saints et ont conservé leur droiture. Pourquoi ? Parce que je me conduisais avec sainteté moi-même et que je me gardais de tout mal !
A LA SOURCE
« Le D. Qui a été mon berger depuis ma naissance jusqu’à ce jour » (48, 15)
Le Malbim souligne qu’Il s’est conduit avec moi comme un berger envers son troupeau, il ne décide pas s’ils sont dignes de paître en fonction de leurs actes ou de leur préparation. Ainsi, Hachem me fait paître et me donne ma nourriture en abondance, comme il est habituel pour les besoins de créatures…
« Yossef est un rameau fertile, un rameau fertile sur une source » (49, 22)
« Le mauvais œil (« ayin ») n’avait aucun pouvoir sur lui, ainsi qu’il est écrit « Yossef est un rameau fertile, un rameau fertile sur une source (« ayin »)… un œil qui refuse de se repaître de ce qui n’est pas à lui, le mauvais œil n’a aucune prise sur lui » (Berakhot 20a).
Grande est la culpabilité de celui qui par jalousie regarde son prochain d’un œil envieux et lui cause du tort, comme s’il n’y avait ni juge ni jugement !
Rabbi Eliahou Dessler, auteur de Mikhtav MeEliahou, en donne pour raison que comme dans une certaine mesure l’homme provoque la jalousie d’autrui, il est jugé en fonction de la stricte justice. En effet, on sait parfaitement que celui qui ne vit absolument pas pour lui-même et dont toute la vie se passe à donner plutôt qu’à prendre ne suscite pas la jalousie. C’est ce qu’ont dit les Sages, « un œil qui refuse de se repaître de ce qui n’est pas à lui, le mauvais œil n’a aucune prise sur lui. » Et c’est ce qu’ils ont expliqué sur le verset « Qu’ils se multiplient (« vayidgou ») à l’infini au cœur du pays » : « De même que l’eau recouvre les poissons (daguim) dans la mer, si bien que le mauvais œil ne les atteint pas, qu’il en soit ainsi de la descendance de Yossef ». En effet, il y a deux choses qui caractérisent les poissons : ils sont cachés aux yeux, et ils vivent dans leur univers sans compétition avec les êtres qui vivent sur la terre. Cela nous enseigne que celui qui vit en étant caché des yeux, et dont les aspirations sont différentes de celles de la vie de la rue, ne suscite aucune jalousie.
La vie dans la paracha
Tiré de l’enseignement du Ora’h ‘Haïm
« Israël vit les fils de Yossef et dit : qui sont ceux-là ? » (48, 8)
C’est difficile à comprendre : n’avait-il pas étudié la Torah avec eux pendant dix-sept ans, comment peut-il poser pareille question ?
Nos Sages ont dit (Tan’houma Vayé’hi 6) qu’il a eu une vision de destruction, du fait qu’allaient sortir d’eux des impies, et c’est une interprétation, mais il faut également comprendre le sens direct du verset.
L’Ecriture nous dévoile que la vue de Ya’akov avait baissé à cause de son grand âge, il ne pouvait plus les reconnaître. Donc bien qu’il ait vu deux personnes se tenir devant lui, en plus de Yossef qui parlait avec lui et qu’il connaissait, parce qu’il lui avait dit « Je suis ton fils Yossef », comme il est dit plus haut, il n’a pas reconnu ses fils, c’est pourquoi il demande « qui sont ceux-là ? »
Il est également possible que Ya’akov ait voulu éveiller l’amour du père pour son fils avant de les bénir, pour que sa bénédiction soir renforcée par l’amour et la tendresse, c’est pourquoi il a demandé « qui sont ceux-là ? », pour entendre de la bouche de son fils bien-aimé les mots « ce sont mes enfants », et qu’il soit pris de tendresse pour eux. C’est ce qui se cache dans le verset « Plus J’en parle, plus Je veux me souvenir de lui, Mes entrailles se sont émues en sa faveur, Je le prendrai en pitié » (Yirmiyah 31, 19).
LES CEDRES DU LIBAN
Le Gaon Rabbi Salomon Moutsafi
Le jeune Salomon Moutsafi était âgé de neuf ans lorsqu’il sortit furtivement de la maison de ses parents pour l’enterrement du géant de la génération, le père de la diaspora de Babylonie, Rabbeinou Yossef ‘Haïm, le « Ben Ich ‘Haï ».
Près des mottes de terre, il s’engagea à étudier la Torah avec assiduité et à se conduire avec piété et abstinence. Ses parents, constatant son comportement extrême, tentèrent de le modérer, mais il resta sur ses positions.
Sa biographie rapporte son extraordinaire persévérance à s’attacher aux livres saints, jour et nuit. Pour réussir à se réveiller pendant la nuit pour étudier, le jeune garçon attachait une corde à sa main qu’il reliait de l’autre côté au verrou de la porte. Ainsi, lorsque son père se levait au milieu de la nuit pour étudier et qu’il tirait la porte, sa main était tirée aussi et il se réveillait.
Au bout de deux semaines, ayant remarqué ce qu’il faisait, son père l’empêcha de continuer. Mais le jeune Salomon trouva une autre méthode : il attacha à sa main une corde qu’il fit passer par la fenêtre vers l’arrière de la maison. Puis il demanda à son compagnon d’étude de passer près de chez lui et de tirer la corde. Ainsi, ils se rendaient tous deux a la maison d’étude et y étudiaient secrètement, (et brillamment), jusqu’au lever du jour.
Il acquit la majorité de ses connaissances auprès du kabbaliste ‘Hakham Yéhouda Petayah. Après avoir fini de lui enseigner le Talmud avec les Arba Tourim, le ‘Hakham lui donna le livre ‘‘Ets ‘Haim’’ et lui demanda d’en étudier un chapitre chaque semaine, sur lequel il l’interrogerait le Chabbat suivant.
Il prétendit en vain qu’il était encore trop jeune, et dès lors, il ne quitta plus son Rav : ils se plongeaient ensemble dans l’étude classique, et secrètement, ils consacraient chaque jour quelques heures à l’approfondissement de la Torah cachée.
Lorsque son père tomba malade et que sa situation financière se dégrada notablement, Rabbi Salomon se mit à travailler comme aide du riche Mena’hem Daniel, membre du Sénat irakien et dirigeant de la communauté juive de Bagdad. Daniel, témoin de la réussite du ‘Hakham Salomon, lui réserva une pièce dans son bureau pour gérer sa comptabilité, et lui proposa de diriger ses affaires en-dehors du continent.
Rabbi Salomon apprit l’anglais, le turc et le français, puis il fut nommé directeur général et comptable principal, alors qu’il passait huit heures à étudier la Torah et huit heures à travailler au bureau. Il avait un mérite particulier, car en chaque début de mois il donnait un salaire complet au directeur de la yéchiva « Midrach Beit Zilka » pour un des avrekhim, sans que celui-ci sache d’où provenait la somme.
A la fin de l’année 5695, après s’être occupé du « Beit Mena’hem », il quitta Menah’em Daniel pour s’associer au ‘Hakham Yéhouda Petayah, qui s’était installé en Erets Israël un an auparavant.
Il refusa tous les cadeaux envoyés par le riche Mena’hem Daniel, car il ne voulait pas profiter d’une chose pour laquelle il n’avait fait aucun effort.
Il arriva qu’un jour, à Jérusalem, Rabbi Salomon soit emprisonné parce qu’il avait violé le couvre-feu. C’était dans la période où, sous le gouvernement britannique, les habitants vivaient dans la terreur constante entre un couvre-feu et le suivant, et il s’était rendu de chez lui à la synagogue en compagnie d’un élève, sans savoir qu’un couvre-feu avait été décrété sur la ville.
Tout à coup, une voiture de police britannique bondit dans leur direction. Les Anglais les arrêtèrent, et après un court interrogatoire, les emmenèrent au camp Chanler. Là-bas, Salomon trouva plus de trois cents prisonniers qui se tenaient dans un même enclos sans bouger.
« Est-il possible, s’écria-t-il, que vous restiez assis là à ne rien faire ? C’est une occasion unique de faire quelque chose ! » Immédiatement, il rassembla tout le monde et s’improvisa ministre-officiant : pendant trois heures, il leur fit la morale, et ils récitèrent des seli’hot, le tikoun ‘hatsot et des prières pour la paix du peuple d’Israël. Les officiers britanniques étaient interloqués par cette scène étrange de résidents du camp priant ensemble et se lamentant vers leur père céleste.
Dès la fin de la prière, les officiers s’empressèrent de libérer Salomon, ainsi qu’une grande partie des prisonniers, en s’exclamant : « Nous ne voulons plus de vous ici ! »
Une fois rentré chez lui, Rabbi Salomon confia à sa femme inquiète : « As-tu entendu ? Ce n’est pas en vain qu’on m’a arrêté aujourd’hui ! Le Ciel avait prévu que j’aille au camp Chanler. »
Vers minuit, un mardi de l’année 5735, après avoir récité, avec concentration comme à son habitude, la bénédiction « Chéhakol Nihya Bidvaro », il se coucha du côté droit, dit le Chéma et rendit son âme au Créateur avec sainteté et pureté.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Un honorable juif a une fois voyagé de Montréal à Miami pour ses affaires, malgré sa peur de l’avion. En plein vol, le pilote a demandé de boucler les ceintures de sécurité, expliquant qu’il y avait un orage et une grande tempête au-dessus de Miami et que la situation était dangereuse. Effrayé, ce passager s’est mis à prier pour que D. l’aide, par le mérite de Rabbi ‘Haïm Pinto, et que l’atterrissage se déroule correctement. Et ainsi, environ une heure plus tard, l’avion a atterri en paix et sans aucun problème.
Cet homme-là a raconté par la suite avec une grande émotion à Rabbi David ‘Hanania Pinto : « Après l’atterrissage, le pilote a confié, stupéfait : ‘‘Je ne comprends pas comment j’ai pu atterrir sans souci. En effet, on m’a informé depuis l’aéroport qu’il y avait un problème dans l’air, et de mon côté j’ai également remarqué quelque chose d’inhabituel. Puis soudain, tout a disparu comme si de rien n’était.’’ »
C’est cela la force de la foi : ce qu’un pilote ne peut accomplir, un simple juif peut le faire avec une foi pure et une petite prière.