VAYERA 19 Octobre 2013 15 Hechvan 5774 |
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Mamré a fait preuve de responsabilité et a mérité la bénédiction de Hachem (par Rabbi David Hanania Pinto Chelita) Le Midrach rapporte qu’Avraham, avant de se circoncire, a demandé l’avis de ses trois amis. Aner et Eshkol lui ont conseillé de ne pas se circoncire, mais Mamré lui a donné le conseil inverse : obéir à la volonté de Hachem. C’est pourquoi le Saint, béni soit-Il lui a dit : par le mérite du bon conseil que tu as donné à Avraham, c’est sur ton territoire que Je me révélerai à lui, ainsi qu’il est dit : « Hachem lui apparut dans les plaines de Mamré » (Béréchit Rabba 42, 8). Il y a beaucoup de choses à comprendre à ce propos. Nous savons qu’Avraham a subi dix épreuves, comme l’ont dit les Sages dans la Michna (Avot 5, 3), et dans toutes les autres, on ne trouve pas qu’il soit allé prendre conseil de ses amis. Alors pourquoi justement ici, pour la mitsva de la circoncision, qui est apparemment une épreuve relativement mineure par rapport aux autres, est-il allé leur demander s’il fallait le faire ? De plus, il est très surprenant qu’Aner et Echkol, qui étaient des tsaddikim, et de véritables amis pour Avraham, ainsi qu’il est dit (Béréchit 14, 13) : « c’étaient les alliés d’Avraham », lui aient donné un aussi mauvais conseil, ne pas obéir à Hachem et ne pas se circoncire ! Ne connaissaient-ils donc pas depuis toujours la dévouement d’Avraham pour n’importe quelle mitsva ? Nous allons tenter de l’expliquer au mieux. On sait parfaitement que chacun doit manifester une grande responsabilité envers le prochain, partager ses difficultés et le soutenir dans son service de Hachem, comme le dit le prophète (Yéchayah 41, 6) : « Que chacun aide son prochain et encourage ses frères. » Lorsque quelqu’un encourage l’autre, sa propre spiritualité s’en trouve renforcée, pour mieux servir Hachem. C’est un devoir pour tout le monde, car cela fait partie de la mitsva « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Vayikra 19, 18). L’occasion s’en présente chaque jour. Quand on voit quelqu’un qui a un doute dans le service de Hachem, non seulement on doit l’encourager, mais on doit également lui donner de bons conseils sur la façon de surmonter ses difficultés et d’organiser sa vie. Par exemple, si quelqu’un veut travailler Chabbat parce qu’il n’a pas d’autre moyen de subsistance, et qu’il vient demander conseil à son ami à ce propos, il est interdit à ce dernier de lui dire : « C’est toi seul que cela regarde, moi je n’ai pas le droit de prendre sur moi cette responsabilité, car si je te conseille de ne pas travailler Chabbat, peut-être qu’ensuite tu viendras me reprocher que c’est à cause de moi que tu n’as plus de quoi vivre, que tu te trouves dans une grande pauvreté, que cela te fait des ennuis avec ta femme et que toute ta vie n’est que misère et douleur ! » Il est interdit de dire des choses de ce genre, mais au contraire, il faut prendre ses responsabilités et lui dire avec une fermeté absolue qu’il est interdit de travailler le Chabbat, parce que Hachem l’a interdit. C’est à lui de faire confiance à Hachem pour lui venir en aide. Personne ne doit craindre d’assumer cette responsabilité, parce qu’il s’agit d’une mitsva de la Torah. De plus, il faut donner à l’autre le sentiment qu’on se sent responsable du conseil qu’on lui a donné, au cas où l’autre montrerait de la faiblesse pour accepter seul de telles décisions et prendre sur lui pareille responsabilité. Je vois également des choses de ce genre. Souvent, des gens viennent me trouver pour me demander conseil, que ce soit pour des questions d’argent, de leur vie privée, ou des questions concernant leur commerce, ou d’autres sujets, matériels ou spirituels. Alors, je réfléchis. Pourquoi viennent-ils me demander conseil dans leurs problèmes personnels, qu’est-ce que je peux leur conseiller d’autre que ce qu’ils savent déjà parfaitement eux-mêmes ? Mais cela relève de ce que nous avons expliqué. Ces gens manquent de confiance en eux, et il leur manque aussi le sens des responsabilités. C’est pour cela qu’ils viennent prendre conseil, pour être sûrs de ne pas faire de bêtise. De plus, parfois la personne elle-même ne voit pas ce que d’autres peuvent voir, car on ne perçoit pas ses propres faiblesses (Michna Taharot 2, 5). C’est pourquoi ils prennent conseil, et c’est moi qui prends la responsabilité sur mes épaules, afin de les aider. Ce principe de coresponsabilité, nous l’apprenons d’Avraham. Lorsque le Saint, béni soit-Il lui a dit de se circoncire, il n’avait aucun doute à ce sujet, mais il est allé prendre conseil de ses amis pour entendre ce qu’ils auraient à dire sur l’idée de la circoncision, qui présentait un danger. Il voulait nous enseigner par là une attitude à prendre : si l’on demande l’avis des autres dans le service de Hachem, on ne manquera pas de porter tout de même sur soi la responsabilité. Par conséquent, Aner et Eshkol, qui étaient les alliés d’Avraham et ses grands amis, ne lui ont pas dit explicitement de ne pas se circoncire, puisque Hachem lui avait dit de le faire. Et effectivement, dans le Midrach il n’est pas écrit qu’ils lui ont dit de ne pas se circoncire, mais qu’ils n’ont pas voulu lui donner le conseil de le faire, car ils craignaient de porter la responsabilité de la vie d’Avraham. Cela, Avraham le leur a appris : quand on vient prendre conseil de vous, il ne faut pas se dérober, mais assumer envers l’autre la responsabilité de l’aider et de le soutenir, même si on a l’impression d’y perdre, parce que c’est la volonté de Hachem. En effet, si Hachem avait voulu, il ne les aurait pas mis dans une situation d’épreuve quant au travail le Chabbat, mais aurait envoyé une subsistance suffisante et satisfaisante pendant les jours de la semaine. S’il existe une épreuve de travail le Chabbat, ce n’est manifestement pas la volonté de Hachem que l’on transgresse, et cela, l’un doit le rappeler à l’autre. C’est pourquoi Mamré n’a pas craint de prendre ses responsabilités envers Avraham, au contraire, il lui a conseillé de se circoncire. C’est une leçon que la Torah nous enseigne : s’engager envers le prochain, l’encourager et le soutenir au moment où il manque de confiance en lui-même. Car il faut faire confiance à Hachem : Il n’éprouve pas l’homme au-delà de ce qu’il est capable de surmonter, comme le dit le ‘Hidouchei HaRim de Gour. Et ainsi, on pourra être soutenu et encouragé par les conseils que l’on reçoit. HISTOIRE VECUE Les grands d’Israël dans leur enfance « L’enfant grandit, il fut sevré. » (Béréchit 21, 8) Parfois, la grandeur d’un homme se dévoile déjà en sa période de croissance, alors que « l’enfant grandit ». Déjà à ce stade, des signes de grandeur sont perceptibles. Alors on peut le montrer du doigt et déclarer explicitement « Cet homme sera un géant dans le peuple d’Israël. » Rabbi Salman Moutsafi était âgé de cinq ans lorsqu’il est entré au Talmud Torah, et il connaissait déjà par cœur toutes les parachiot de la Torah avec la prononciation exacte à l’âge de six ans. On raconte qu’un Chabbat, pendant la lecture de la Torah, le ‘hazan a fait une erreur que les fidèles n’ont pas repérée. Le jeune Salman a alors corrigé l’officiant à haute voix, mais son grand-père, de par sa grande modestie, l’a caché derrière son manteau alors que tous les présents étaient stupéfaits d’entendre cet enfant si expert dans la prononciation. L’histoire la plus marquante et la plus extraordinaire qui prouve sa discrétion s’est produite dans son enfance. A peine âgé de six ans, il était déjà le plus brillant des élèves de son âge. Un jour, le Talmud Torah devait être visité par des hôtes venus de diaspora accompagnés des chefs de la communauté et du Rav de Bagdad. Le directeur du Talmud Torah a alors décidé de leur présenter le jeune Salman pour qu’ils soient impressionnés par l’étendue de ses connaissances et contribuent ainsi à créer une bonne réputation à l’école et à ses professeurs. Mais après avoir été mis au courant, le jeune Salman en a décidé autrement. Il a déclaré explicitement au directeur qu’il ne comptait pas profiter de l’honneur de la Torah, qu’il ne voulait pas faire preuve de vanité par rapport à ses amis, et que donc, il n’apparaîtrait pas devant les invités. Mais puisque le directeur tenait tout de même à présenter son élève aux visiteurs, le jeune enfant l’a informé que, dès l’arrivée des hôtes, il serait contraint de quitter le bâtiment. En entendant cela, le directeur a donné l’ordre de placer aux portes du Talmud Torah un garde qui veillerait à ce que Salman Moutsafi ne sorte pas de l’établissement à ce moment-là. Alors quand les invités sont arrivés, Salman a voulu s’enfuir, mais la porte de sortie était fermée et surveillée par un garde. Immédiatement, il s’est dirigé vers les toilettes pour s’y cacher, et a d’ailleurs raconté par la suite à ce sujet : « Pendant deux heures entières j’ai souffert corps et âme dans le seul but de ne pas m’enorgueillir face à mes amis. » Alors que Rabbi Salman était âgé de neuf ans, Rabbeinou Yossef ‘Haïm est décédé. Comme le reste de ses amis, le jeune enfant a participé à l’enterrement en pleurant ce tsaddik disparu. Puis, alors qu’on faisait descendre le cercueil dans la tombe, il s’est engagé à étudier la Torah avec plus de persévérance, à se conduire avec piété et abstinence et à combler le vide laissé par le décès de ce dirigeant de diaspora connu pour sa piété et sa sainteté. Dès lors, il a commencé à devenir comme une fontaine jaillissante. Un autre esprit s’est répandu sur lui, son attitude est devenue plus sainte, il a commencé à se séparer et à se distinguer du reste du monde tandis que toutes ses pensées se tournaient uniquement vers la Torah et le service divin. C’est ainsi qu’il a décidé de se lever chaque nuit à ‘hatsot (milieu de la nuit) pour étudier jusqu’au lever du jour. Mais il était confronté à la question suivante : comment se réveillerait-il puisque son père refuserait de le réveiller régulièrement au milieu de la nuit pour l’emmener étudier avec lui à un si jeune âge ? Après avoir longuement réfléchi, il a eu une idée. Il a pris une corde dont il a attaché une extrémité autour de sa main et accroché l’autre au verrou de la porte. Ainsi, quand son père se lèverait en milieu de nuit pour partir et tirerait sur le verrou, la main de l’enfant serait tirée aussi, ce qui le réveillerait. Ce système a fonctionné pendant deux semaines… puis une nuit, son père a remarqué la corde accrochée au verrou et l’a empêché de continuer. Mais puisque « rien ne peut entraver la volonté », il a trouvé un autre moyen : il a attaché un bout de la corde à sa main et a fait descendre l’autre bout à travers la fenêtre jusqu’à l’arrière de la maison. Puis il a demandé à son ami, que les parents autorisaient à se lever à ‘hatsot, de passer par chez lui et de tirer sur la corde. Ainsi chaque nuit, après que son père ait quitté la maison, le jeune Salman était réveillé par son ami et ils se rendaient tous deux au beit hamidrach où ils s’installaient discrètement et étudiaient jusqu’au lever du jour. Ils étudiaient du moussar (qu’ils mettaient ensuite en pratique) pendant environ deux heures, puis du Talmud. L’essentiel est la persévérance Les bnei Torah connaissent bien les interprétations profondes et les écrits perspicaces du gaon Rabbi Moché Chik, le Maharam Chik. Mais tout le monde ne sait pas comment il a mérité d’atteindre un tel niveau. Rabbi Moché Chik a passé son enfance à Brezova dans la région de Nitra en Slovaquie, une petite ville de laquelle proviennent de nombreux hommes connus. Il étudiait la Torah sans relâche et avec tant d’assiduité que des étincelles de sagesse sont apparues chez lui dès son enfance, alors qu’il n’était pas naturellement doué d’un esprit vif ni d’une compréhension rapide. Une fois, il a raconté à son gendre que lorsqu’il était enfant, sa vivacité d’esprit était très limitée et qu’il n’arrivait même pas à comprendre une page de Guemara qu’on étudiait avec lui. Mais malgré tout, il n’y a pas prêté attention, s’est attaché à persévérer dans l’étude et s’empêchait de dormir afin de réviser ce qu’on lui avait enseigné, même s’il n’avait pas bien compris le sujet. C’est uniquement grâce à son immense assiduité dans la Torah que les sources de la sagesse lui ont été ouvertes, car l’essentiel est la persévérance. Son âme s’est attachée à l’amour de la sainte Torah et il n’a pas relâché ses efforts malgré la faiblesse de sa nature physique. Les médecins l’avaient d’ailleurs prévenu qu’un tel rythme d’étude pouvait le rendre malade. Mais sa persévérance, à laquelle il n’a pas renoncé, a porté ses fruits : au bout d’un petit moment, il s’est créé un renom parmi les étudiants, au point qu’un notable de sa ville natale a demandé au père de Rabbi Moché d’envoyer son fils érudit comme camarade pour le sien. Alors qu’il était âgé de onze ans, on l’a envoyé étudier dans la yéchiva de son oncle le gaon Rabbi Yitz’hak Frankel, chef du tribunal rabbinique de Ragendorf. Là, il a continué à étudier avec sa persévérance surnaturelle. Et quand, une fois, son Rav lui a ordonné d’aller dormir, il s’est caché dans une petite chambre où il s’est enveloppé du vieux manteau de son maître pour se protéger du froid, et a continué à étudier la Torah en cachette. Bien plus tard dans la nuit, son Rav l’a vu et en a été émerveillé. Et effectivement, ses efforts ont fini par porter leurs fruits. Vers la fin de sa vie, le Maharam Chik a confié à son fils n’avoir rien oublié des paroles de son maître le ‘Hatam Sofer : tout ce qu’il avait entendu de sa bouche, tant dans le domaine de la halakha que de la Aggada, était gravé dans son cœur. Alors que le Maharam Chik était Rav de Yaguen, le ‘Hatam Sofer a eu l’occasion de s’y trouver et est entré dans son beit hamidrach. Le Maharam Chik étudiait alors le traité Souka et il était si concentré qu’il n’a pas remarqué la présence de son maître jusqu’à ce que ses élèves lui fassent des signes. Alors il s’est levé et a considéré comme impoli de poursuivre le cours en sa présence. Mais le ‘Hatam Sofer lui a ordonné de continuer et le Maharam Chik, toujours debout, a enseigné à ses élèves les explications qu’il avait entendues de son maître sur cette souguia. A la fin du cours, le ‘Hatam Sofer a hoché la tête et déclaré : « Croyez-moi, j’avais déjà oublié la plupart de ces explications. » GARDE TA LANGUE La mesure de la parole La médisance est évaluée par rapport à la personne elle-même. Par exemple, dire d’un homme pauvre qu’il donne telle somme à la tsedaka peut être une louange, alors que dire la même chose d’un homme riche peut s’avérer être une critique. Celui qui raconte n’a pas à prétendre que l’on pourrait dire la même chose de lui-même, car la médisance se mesure par rapport à celui de qui l’on parle et ne dépend pas de celui qui médit. A LA LUMIERE DE LA PARACHAH Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita Quel est le jeune homme qu’Avraham a emmené avec lui ? Dans l’épisode relatant le sacrifice d’Yitz’hak, il est dit (Béréchit 22, 5) « Avraham dit à ses serviteurs : ‘‘Tenez-vous ici avec l’âne ; moi et le jeune homme nous irons jusque là-bas, nous nous prosternerons et nous reviendrons vers vous.’’ » Il y a lieu de comprendre pourquoi Avraham a dit « moi et le jeune homme » sans mentionner le nom de ce dernier. S’agit-il d’un jeune homme dont il ne connaissait pas le nom ? Par ailleurs, il est étonnant qu’Avraham ait dit « nous nous prosternerons et nous reviendrons vers vous », ce qui sous-entend qu’il comptait revenir à deux, alors qu’il était censé aller sacrifier son fils et devait donc revenir seul ! Dans ce cas, que signifie la phrase « nous reviendrons » (cf. Rachi) ? Comment n’a-t-il pas craint d’exprimer une parole qui semblait mensongère, puisqu’il était censé revenir seul après avoir sacrifié son fils ? Tentons d’expliquer tout cela : évidemment, avant d’avoir reçu l’ordre de sacrifier Yitz’hak, chose qu’on ne peut ni imaginer ni décrire, Avraham le considérait comme le fils unique qui lui était né dans ses vieux jours. De plus, il suivait le chemin de son père et était donc destiné à être sa continuité, comme Hachem le lui avait promis : « Car c’est la postérité d’Yitz’hak qui portera ton nom » (Béréchit 21, 12). Mais dès qu’Avraham a reçu l’ordre divin de le sacrifier, il est devenu la propriété de D., comme s’il n’était plus son fils. C’est pourquoi il l’a désigné simplement comme « le jeune homme ». Ainsi, en allant accomplir l’ordre divin, Avraham a réfréné son grand amour pour son fils et l’a considéré comme un jeune homme ordinaire, pour bien fixer en lui-même que rien n’égale l’amour pour D. De plus, ce n’est pas sans raison qu’il a dit « nous nous prosternerons et nous reviendrons » sans mentionner qu’il allait sacrifier son fils : il ne voulait pas que ses serviteurs l’empêchent d’accomplir l’ordre divin. En effet, en voyant que leur maître était muni de feu, de bois, d’un couteau, mais pas d’agneau à sacrifier, ils pourraient le soupçonner d’aller sacrifier Yitz’hak son fils et être tentés de l’en empêcher en prétendant : « Vous luttez pour que les habitants du monde ne sacrifient pas leurs enfants à l’idolâtrie, et vous-même sacrifiez votre propre fils ! Vous profanez ainsi le nom de D. et demain, tous les habitants de la terre vous diront ‘‘Examine tes actes avant d’examiner ceux des autres !’’ (Baba Metsi’a 107b). » C’est pourquoi il a modifié quelque peu la réalité en disant « nous nous prosternerons et nous reviendrons vers vous. » Cependant, il n’a proféré aucun mensonge. En effet, quand il a dit « nous nous prosternerons » alors qu’il comptait sacrifier Yitz’hak, cela ne pose pas problème, car l’idée de la prosternation est de s’annuler et de se soumettre à Hachem. Or, quelle plus grande annulation existe-t-il que l’accomplissement d’une mitsva qui demande un tel sacrifice ? De même, quand il a affirmé « nous reviendrons », il ne s’agissait pas d’un mensonge, puisque de chaque mitsva émane un ange, et donc, même s’il ne revient pas avec Yitz’hak, il reviendra avec la mitsva et l’ange créé de ce fait. A LA SOURCE « Qu’on aille quérir un peu d’eau ; lavez vos pieds » (18, 4) Certains de nos Sages reprochent à Avraham d’avoir servi l’eau à ses invités par l’intermédiaire d’un messager, et c’est pourquoi D. aussi a « remboursé » ses fils par le biais d’un messager, comme il est dit « Moché leva la main et frappa le rocher. » Mais en réalité, qu’a fait Avraham de mauvais en servant l’eau par un intermédiaire ? Dans son livre « Ahavat ‘Hessed », le ‘Hafets ‘Haïm donne deux raisons : a. Cette mitsva le concernait davantage que son messager. b. C’est une preuve d’honneur pour l’invité que ce soit le maître de maison en personne, et non un envoyé, qui le serve. De plus, il s’agissait d’anges respectables, et même si Avraham ne le savait pas, son attitude n’était pas adaptée et c’est pourquoi sa récompense a également été entachée. « Qu’on aille quérir un peu d’eau ; lavez vos pieds » (18, 4) Il est probable, souligne le gaon Rabbi Moché Feinstein, qu’Avraham a fait servir l’eau à ses invités par l’intermédiaire d’un messager afin d’initier celui-ci à la mitsva de l’hospitalité. C’est d’ailleurs ce que dit Rachi plus loin au sujet du verset (7) « Il choisit un veau tendre et gras et le donna au serviteur : c’était Yichmaël, pour l’initier aux mitsvot. » Dans ce cas, pourquoi reproche-t-on à Avraham de ne pas l’avoir fait lui-même ? Rabbi Moché nous livre ici un grand fondement de l’éducation : « Si Avraham cherchait réellement à éduquer son fils, il aurait été préférable que ce dernier voie son père accomplir une mitsva, et ne se suffise pas d’entendre un ordre ou une consigne. Ainsi, la meilleure leçon éducative pour Yishmaël aurait été qu’Avraham amène lui-même l’eau à ses hôtes. » « Moi, poussière et cendre » (18, 27) Rachi commente : « J’aurais déjà dû être réduit en poussière par les rois, et en cendres par Nimrod. » Le Ayélet Hacha’har précise que puisqu’il est écrit « et cendre », cela signifie qu’il est à la fois poussière et cendre. Mais puisqu’une personne ne peut pas mourir deux fois, on comprend qu’il aurait dû être soit poussière, soit cendre. Cependant, il semble que l’histoire avec Nimrod se soit produite avant la guerre contre les rois. Avraham aurait donc dû dire « Moi, cendre et poussière. » Expliquons ceci à l’aide de ce qui est écrit dans Berakhot (13a) : « Les derniers malheurs font oublier les premiers. » De ce fait, le miracle qui a eu lieu avec les rois était plus concret pour lui que le miracle d’avoir été sauvé de Nimrod. LA VIE DANS LA PARACHA A partir de l’enseignement de Rabbenou ‘Haïm ben ‘Attar « Sarah nia en disant » (18, 15° Le fait de dire « car elle avait peur » nous informe que la tsadéket Sarah n’a pas dit explicitement « Je n’ai pas ri », car elle ne prononçait pas de mensonges. Elle a juste dit quelque chose qui nous a fait comprendre qu’elle n’avait pas ri. C’est pourquoi le texte ne dit pas « Elle a dit ‘‘Je n’ai pas ri.’’ » A la question « Comment a-t-elle osé nier les paroles de D. ? », on répond « car elle avait peur. » Explication : imaginons un fidèle serviteur empreint de la crainte de son maître et qui, une fois, a commis par inadvertance un acte incorrect pour lequel il a bien sûr été réprimandé. Quand la crainte va grandir en lui à cause de ce qu’il a fait, il ne rassemblera pas ses forces pour reconnaître son acte et il niera. Il avouera que la chose s’est réellement passée, mais il n’osera pas dire qu’il en est l’auteur (toujours à cause de la grande crainte qu’il éprouve à l’égard de son maître). C’est ce que nous dit le verset par la phrase « car elle avait peur ». La réponse d’Avraham est « Non, mais tu as ri. » En d’autres termes « Il est préférable que tu admettes avoir ri, car D. désire que nous reconnaissions nos actes explicitement. » D’ailleurs, notre prophète nous a déjà informé que « Celui qui les confesse et y renonce obtient miséricorde » (Proverbes 28, 13). LES SENTIERS DES JUSTES POUR ACQUERIR LES VALEURS ET LES BONNES MIDOT Notre maître le gaon Rabbi Chelomo Zalman Auerbach זצ''ל nous a laissé des directives précises sur l’attitude à adopter en matière de halakha. Une ligne claire caractérisait son enseignement : « Ce qui est essentiel est essentiel, et ce qui est secondaire est secondaire. » On doit savoir ce qui dans un din est l’essentiel, et ce qui relève seulement du souhaitable, ce qui est obligatoire et ce qui est seulement possible. Il avait l’habitude de dire que c’est seulement après avoir soigneusement examiné les racines de la halakha et étudié la souguia en profondeur qu’on pouvait se montrer plus exigeant envers soi-même si l’on en ressentait le besoin et le désir. Car en vérité, il faut examiner comment il est possible à l’homme de se montrer sévère, puisqu’il a le devoir de se conduire comme la communauté et selon l’essentiel de la halakha tel qu’il figure dans le Choul’han Aroukh. Mais si on a étudié la souguia à fond, avec Rachi, Tossefot et les approches des Richonim, et qu’on tend à se montrer sévère, on doit le faire, si c’est ainsi que l’on conçoit la halakha après l’avoir étudiée sérieusement et qu’on s’y sent « obligé par son cœur ». Par conséquent, on mérite dans ce cas une bénédiction, car c’est une sévérité à laquelle on est arrivé dans la pureté. Mais multiplier les sévérités sans adopter cette attitude conduit à faire du secondaire le principal ! Et ce n’est pas une bonne façon de faire, sans compter que cela pèse sur les habitants de la maison et ceux qui la fréquentent. Une fois, il est arrivé au gaon זצ''ל de voir un père et son fils marcher ensemble dans la rue en plein Chabbat, le père portant un banc et le fils marchant à côté de lui sans rien porter du tout. Ce spectacle lui fit mal, et à la première occasion il en parla avec emportement dans un cours à la yéchiva. Comment, à cause d’une sévérité dans les halakhot du « eirouv », pouvait-on manifester tant de mépris pour la mitsva de respecter son père, qui fait partie des plus graves qui soient ? Et en particulier selon l’avis du ‘Hazon Ich, qui tendait à penser qu’à notre époque, il n’existe presque pas de « domaine public » de la Torah. Dans le cas présent, il fallait s’appuyer sur cette opinion. La reconnaissance Rav Eliahou Dessler nous éveille dans son livre « Mikhtav Me Eliahou » à la reconnaissance que nous devons porter à nos parents. D’après lui, le premier niveau dans la reconnaissance est de savoir et de comprendre qu’on doit être reconnaissant parce que l’autre s’est donné du mal pour nous. Certes, quelqu’un de mesquin pourrait dire que malgré tout, il n’y a pas de devoir d’être reconnaissant aux parents qui se sont occupés de nous et ont investi de nombreux efforts dans notre éducation, car eux-mêmes en ont retiré un grand plaisir, puisque le Saint, béni soit-Il a implanté l’amour des enfants dans le cœur des parents. C’est donc pour eux-mêmes qu’ils ont œuvré. Là-dessus, il faut répondre que même si les parents ont aimé s’occuper de leurs enfants et les élever, cela n’enlève rien au devoir de reconnaissance que le fils doit leur porter, sans aucune restriction. En effet, il a reçu d’eux une abondance de bien, ils lui ont donné tout le contenu de sa vie, tout lui est venu par eux. Est-ce que cela ne suffit pas pour leur être reconnaissant pendant toute la vie ? C’est pourquoi celui qui ne ressent pas le devoir d’être reconnaissant à ses parents, le Saint, béni soit-Il dit de lui : « J’ai bien fait de ne pas habiter parmi eux », car il ne reconnaît pas non plus la bonté de Hachem. Une mère et son fils sont arrivés chez Rabbi Israël Abou’hatseira, Baba Salé. Le fils était débraillé. Il avait les cheveux longs, portait des vêtements criards et désordonnés, et on l’avait manifestement obligé à venir là. Quand leur tour arriva, ils rentrèrent chez le tsaddik. Le gabbaï lut sur un papier ce que la mère demandait : « Moi, la mère du jeune garçon, je demande que Rabbeinou le bénisse et ait sur lui une influence pour qu’il manifeste plus de respect envers sa mère, afin de ne pas transgresser la mitsva de respecter ses parents. » La mère et le fils regardèrent le tsaddik, qui ne disait rien. Son visage exprimait une profonde douleur, il murmura comme pour lui-même : « Ah, si j’avais une mère ! Si j’avais une mère, c’est sur mes épaules que je la porterais, en dansant de joie ! » Une larme coula sur sa joue… Le garçon fut bouleversé et marmonna en se tournant vers sa mère : « Pardon Maman, pardonne-moi tout ce que je t’ai fait. Pardon du grand chagrin que je t’ai causé. » Le visage du tsaddik s’est éclairé et il a dit au garçon : « Ta faute est effacée et ton péché pardonné. Viens t’asseoir à côté de moi et je vais te raconter une histoire. » Le garçon s’est assis à côté de lui, et le tsaddik s’est mis à raconter : « Quand nous étions jeunes, moi et mon frère Rabbi David, nous servions de toutes nos forces notre père, qui était un saint. Il était très malade et se plaignait de ses douleurs, ses gémissements brisaient le cœur et nous rendaient très tristes. « Un jour, mon frère lui a demandé : « Papa, pourquoi est-ce que tu gémis tellement ? » Il lui a répondu : « Jusqu’à présent, j’avais un pur diamant, maintenant l’éclat du diamant s’est terni » (il voulait par là reprocher sa question à Rabbi David). Mon frère a entendu ces paroles sévères sortir de sa bouche sainte et en a été bouleversé. A partir de ce moment-là, il a pris sur lui de s’exiler, et pendant une année entière il s’est enfermé dans l’une des synagogues sans en bouger pour étudier dans la solitude, comme s’il avait été mis à l’écart de la communauté. « A la fin de l’année, il est sorti de la synagogue et est allé trouver le gouverneur de la ville, un ami de la famille, qui l’a accueilli avec de grands honneurs. Mon frère lui a demandé de vérifier si son père lui avait pardonné la phrase qui lui avait échappé par inadvertance un an auparavant ! Le gouverneur est allé poser la question à mon père, qui a répondu : « Je savais bien que c’était un pur diamant et que son éclat ne s’était pas terni, allez lui dire que je ne lui en veux pas. » « Le gouverneur a transmis ces paroles et mon frère s’est empressé de se rendre à la maison. Quand il est arrivé à la porte, il est tombé à genoux, et c’est ainsi qu’il s’est avancé jusque vers l’endroit où était assis son père. Là, il lui a dit en pleurant : « Mon père, fais-moi ce que tu estimes bon, je suis prêt à mourir sur l’autel de ta volonté. » Quand Rabbi Israël eut terminé son histoire, il posa la main sur la tête du garçon et dit : « Si tu promets de t’améliorer et de veiller à respecter ta mère, je te donnerai toutes les meilleures bénédictions ! Tu dois être heureux d’avoir la possibilité d’accomplir une mitsva aussi élevée, accomplis-la donc à la perfection. » Le garçon sortit de chez le Rav en étant une personne totalement différente. Il prit sur lui de tout son cœur et de toute son âme de respecter sa mère comme l’avait ordonné la sainte Torah. LES LOIS DE LA VIE Lois et coutumes portant sur le respect des parents Une femme mariée est dispensée du respect à ses parents, parce qu’elle dépend de son mari. Voici comment les Sages ont expliqué le verset (Vayikra 19, 3) : « Chaque homme d’entre vous, vous craindrez sa mère et son père » – cela ne désigne que les hommes, d’où le savons-nous pour les femmes ? Lorsqu’il est dit « vous craindrez », c’est qu’il y a deux personnes. Mais dans ce cas que vient nous enseigner « chaque homme » ? Un homme a la possibilité de le faire, une femme n’a pas la possibilité de le faire, parce qu’elle dépend de quelqu’un d’autre (son mari). Quand le mari le permet, la femme a le devoir de respecter ses parents, en tout ce qui est possible, comme l’homme.
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