Michpatim 25 Janvier 2014 24 Chvat 5774 |
|
||||||||||||||||||
L’essentiel pour recevoir la Torah, c’est l’unité du peuple (par Rabbi David Hanania Pinto Chelita) La parachat Michpatim commence par les mitsvot concernant l’esclave hébreu et ce qui traite des dommages. Il faut expliquer le rapport entre ces sujets et la parachat Yitro, qui contient le don de la Torah, et pourquoi la Torah les a juxtaposés. Rachi sent ce problème, et explique au nom de la Mekhilta que l’expression « et voici les lois » vient ajouter à ce qui précède : de même que les premières ont été données au Sinaï, celles-ci aussi ont été données au Sinaï. Mais il reste à expliquer ce que cela ajoute qu’elles aient été dites au Sinaï. Si elles avaient été données par D. mais pas au Sinaï, est-ce que cela leur enlèverait quelque chose ? J’ai vu l’objection suivante : pourquoi la parachat Michpatim commence-t-elle justement par les mitsvot sur les rapports des hommes entre eux, et non par les mitsvot entre l’homme et D., comme le loulav, le Chabbat, et ainsi de suite ? On peut l’expliquer d’après le fait bien connu que la préparation au don de la Torah a été « Israël a campé là », les bnei Israël ont campé comme un seul homme avec un seul cœur (Mekhilta Yitro 19), et sont devenus coresponsables. C’est seulement grâce à l’unité et l’amour mutuel que la Torah peut se maintenir, et c’est alors qu’elle se grave dans le cœur de l’homme, car comme on le sait, un comportement correct doit précéder la Torah. C’est pourquoi le Saint, béni soit-Il a fait précéder la création du monde de l’exigence d’une conduite saine, pour qu’on puisse y vivre tranquillement, sans conflits, colère ni haine, toutes choses qui mènent à la destruction totale. De plus, il y a beaucoup de mitsvot que tout le monde ne peut pas réaliser, par exemple celles des cohanim ou des léviïm, ou celles qui concernent les divorcés, les esclaves, et ainsi de suite. Or pour se parfaire, l’homme doit accomplir toutes les 613 mitsvot. Que faire ? Comme les bnei Israël sont responsables les uns envers les autres, il s’ensuit qu’on peut avoir le mérite des mitsvot faites par un autre, car grâce à la coresponsabilité, c’est comme si c’était lui qui avait fait cette mitsva. De la même façon qu’on peut être puni pour des fautes qu’on n’a pas commises, on peut aussi avoir le bénéfice de mitsvot faites par quelqu’un d’autre. Et quand l’amour d’Israël est parfait, c’est comme si l’on avait soi-même accompli les mitsvot d’un autre. C’est pourquoi le sujet des dommages est juxtaposé au passage du don de la Torah, où est expliqué comment elle a été donnée dans le tonnerre et les éclairs et comment une grande et terrible peur est tombée sur les bnei Israël, qui ont vu la voix de Hachem tailler des lames de feu, et ont dit à Moché (Chemot 20, 15) : « Parle, toi, avec nous, et nous écouterons (…) de peur que ce soit notre mort. » Hachem a également juxtaposé à cela le passage de l’autel, ainsi qu’il est écrit (Chemot 20, 20) : « Tu me feras un autel de terre », sur lequel il est interdit de faire passer le fer, et qu’il est naturellement interdit de construire avec du fer, car cela fait également allusion à l’idée que pour acquérir la Torah, il faut être aussi insignifiant que la terre. Comme nous le disons à la fin de la prière de Chemonè Esré : « que mon âme soit pour tous comme la poussière », c’est-à-dire que tout le monde me piétine sans que j’en tienne compte. Ajoutons que l’homme est comme un autel. Lorsqu’il y sacrifie ses désirs animaux pour se consacrer entièrement à la volonté de D., cela même est considéré comme s’il s’était offert en sacrifice, idée qui sous-tend le début de Vayikra (Vayikra 1, 2) : « Un homme qui sacrifie d’entre vous », c’est-à-dire qui se sacrifie lui-même. C’est pourquoi il faut ressembler à la terre, car l’homme provient de la poussière de la terre, pour indiquer la bassesse, et non au métal, qui fait allusion à l’orgueil, dur comme le métal et qui ne s’incline pas. Tout ceci est également parfaitement exprimé dans la mitsva de ne pas monter à l’autel par des degrés (Chemot 2, 23), qui nous insinue de ne pas nous conduire avec orgueil, comme si l’on était supérieur à l’autre, si bien que cela rabaisse l’autre, et c’est comme si on le piétinait. C’est pourquoi la Torah nous insinue de ne pas monter par des degrés, de ne pas nous enorgueillir aux dépens de l’autre, car qui nous dit que son sang est moins rouge que le nôtre (Yoma 72b), qui dit que nous soyons plus important que lui ? Et si nous avons raison dans tout cela, nous comprendrons pourquoi la Torah a juxtaposé les passages du don de la Torah et des dommages. C’est pour nous dire que tout ce qui concerne la Torah et la crainte du Ciel doit être fondé sur les rapports des hommes entre eux, sans quoi il ne servirait à rien de recevoir les autres mitsvot. De même qu’avant le don de la Torah il y a eu un éveil à tout ce qui concerne les rapports entre les hommes, de même après le don de la Torah les bnei Israël doivent continuer à manifester leur unité, car c’est seulement grâce à la force de l’unité et de l’amour d’Israël que le grand et redoutable don de la Torah sera conservé et restera en eux. C’est pourquoi immédiatement après le récit du don de la Torah, on trouve les lois qui concernent la vie en société. La gravité des fautes envers autrui est soulignée par le fait qu’à Yom Kippour, Hachem pardonne tous les péchés, même les plus graves, mais les fautes vis-à-vis d’autrui ne sont pas rachetées avant que la victime ait pardonné (comme il est expliqué à la fin du traité Yoma). Les Sages (Yérouchalmi Péa chapitre 1 halakha 1) nous enseignent également qu’Akhav avait toujours l’aide du Ciel pour vaincre dans ses guerres, bien que ses soldats aient été des impies et des idolâtres, parce qu’il n’y avait pas entre eux de lachon hara et qu’ils étaient unis. En revanche, les soldats du roi David, qui étaient des justes, mouraient à la guerre parce qu’il y avait entre eux la faute du lachon hara, ce qui est absolument terrible. C’était également le cas pour les disciples de Rabbi Akiva, qui étaient au nombre de vingt-quatre mille, mais qui sont tous morts entre Pessa’h et Chavouot, bien qu’ayant été des Tannaïm et des grandes figures de Torah. Parce qu’ils ne se respectaient pas mutuellement, ils ont été punis de cette façon effrayante, comme l’ont dit les Sages (Yébamot 62b). Nous revenons à cela : l’essentiel est l’amour du prochain et l’unité entre les hommes. Cela permet aussi de comprendre que les lois sociales aient également été données au Sinaï, comme le dit Rachi, pour montrer l’importance de ces mitsvot. Il en va de même de la chemitta, dont il est dit qu’elle aussi a été donnée au mont Sinaï, parce qu’elle implique de laisser ses cultures à la disposition de tous et de veiller sur autrui avec bienveillance, sans compter ce qui concerne le rapport avec D., comme la foi et la confiance. LES PAROLES DES SAGES Le trésor spécial du Créateur du monde « Vous ne persécuterez pas la veuve et l’orphelin » (Chemot 22, 21) Les orphelins et les veuves n’ont aucun soutien et personne qui lutte pour eux, à l’exception de D. Lui-Même. Et c’est l’origine du mot « almana » (veuve), qui signifie « néelemet » (muette), car lorsqu’elle est opprimée, elle n’ouvre pas la bouche. Le mot « yatom » (orphelin) vient de la racine « détruire », comme dans « l’argent se termina (vayitom) ». C’est pourquoi quiconque leur fait de la peine ou les vole, c’est comme s’il s’en était pris à D. Lui-Même, et il est considéré comme un mécréant, parce que son acte témoigne qu’il pense que l’orphelin et la veuve n’ont pas de père qui veille à les défendre. C’est ce qu’explique « MeAm Loez ». On trouve un regard différent sur la veuve et l’orphelin dans le Midrach Rabba (Chemot 45, 6) : le Saint, béni soit-Il a montré à Moché tous les trésors des récompenses destinées aux tsaddikim, en indiquant un trésor particulièrement brillant. Quand il s’est enquis de sa nature, D. lui a répondu que c’était un trésor spécial mis de côté pour celui qui élève des orphelins. Voici un défi qui s’applique à chacun d’entre nous : regardons dans notre entourage proche et examinons combien de jeunes orphelins nous connaissons personnellement, et combien de veuves éplorées se sont ajoutées récemment à notre entourage. Il y a là de quoi nous éveiller doublement. D’un côté, sur le mérite qui nous est offert de les aider, pour accomplir l’enseignement « de même qu’Il est miséricordieux, sois toi aussi miséricordieux », car cela nous permettra de bénéficier nous aussi de Sa miséricorde. Et par ailleurs, sur les précautions extraordinaires qu’il faut prendre quand on rencontre ces cœurs brisés, qui se trouvent parmi nous dans chaque ville et village, et le besoin d’acquérir des mérites, justement à ce moment-là, en leur apportant l’aide qui convient. A quel point il faut faire attention à notre conduite avec eux, nous pouvons l’apprendre de ce qui est raconté dans le livre « Tenouat HaMoussar » sur le fondateur de l’école du moussar, le gaon Rabbi Israël Salanter זצ''ל, qui une veille de Pessa’h n’a pas pu être présent au moment où l’on cuisait les matsot, cuisson sur laquelle il veillait avec quantité de détails scrupuleux. Cela étant, il a demandé à ses élèves de le remplacer et de veiller au processus de la cuisson, pour que les matsot soient « keshérot laméhadrin ». Ses élèves lui ont demandé : « Rabbeinou, à quoi devons-nous accorder une attention toute particulière ? » Il leur a répondu : « Vous devez faire attention à ne pas faire pression sur la femme qui pétrit la pâte et à ne pas la bousculer pour qu’elle se dépêche. Et si vous demandez pourquoi, je vais vous le dire : parce que cette femme est veuve, et qu’il nous est interdit de peser sur elle et de lui causer de la peine. Les matsot pour la mitsva doivent être mehoudarot aussi en ce qui concerne les lois de ‘Hochen Michpat ! » L’« askan » qui a préservé du décret de mobilisation A l’époque du gaon Rabbi Yitz’hak El’hanan Spector zatsoukal, le Rav de Kovno, un terrible décret a été pris, à la suite duquel les soldats du tsar ont pris des jeunes gens, qui ne demandaient qu’à se « tuer » dans la tente de la Torah, pour les incorporer dans l’armée. Cette mobilisation était susceptible d’engendrer une catastrophe pour ces garçons, à la fois spirituellement et matériellement. La dernière possibilité qui restait à la communauté juive était de ramasser de belles sommes d’argent afin de les utiliser pour soudoyer les recruteurs. Mais ce n’était pas facile pour ces familles. A cette époque, il était difficile de ramasser d’aussi grosses sommes, et si on y arrivait, le deuxième objectif, trouver la personne qui accepterait de les faire passer aux recruteurs pour qu’ils dispensent les garçons, était encore considérablement plus ardue. Les responsables les surveillaient de près, et si quelqu’un s’était fait attraper à vouloir soudoyer, il risquait la mort. Qui aurait accepté de mettre sa vie en danger pour cela ? Il y avait à ce moment-là une certaine famille qui reçut le télégramme désespérant lui annonçant que le fils était destiné à l’armée, accompagné d’une convocation à se présenter aux autorités. Les parents ne savaient comment s’en sortir, alors que pendant ce temps-là leur fils était plongé dans sa feuille de Guemara avec les commentaires des Richonim. L’envoyer à l’armée justement à ce moment-là équivalait à une mort spirituelle. N’ayant pas le choix, Rabbi Ya'akov, le père du garçon, alla trouver son Rav, Rabbi Yitz’hak El’hanan, pour lui demander de lui trouver quelqu’un qui ferait passer le pot-de-vin afin de contourner le décret. Rabbi Yitz’hak El’hanan le reçut affablement, et dit qu’il connaissait effectivement un bon intermédiaire qui pourrait faire passer l’argent sans crainte. Au bout d’un certain temps, cet homme revint en disant qu’il avait bel et bien reçu une lette l’informant que la convocation de son fils était annulée pour diverses raisons, et il eut envie de savoir qui était l’« askan » qui avait été prêt à assumer cette tâche, malgré le grand danger qui s’y attachait. Il s’étonnait de ce que le Rav garde secrète l’identité de cet homme. Certes, il le comprenait, mais le peuple juif était en danger, car beaucoup de ceux qui recevaient cette convocation ne savaient comment se comporter, il valait donc la peine de donner son nom au public. Rabbi Yitz’hak El’hanan lui dit ouvertement : « Je suis prêt à vous révéler, mon ami, qui est cet « askan ». Lorsque vous êtes venu me trouver avec en main l’enveloppe de l’argent, pour que je la fasse passer à un « askan » qui accepterait de la donner comme pot-de-vin pour que votre fils soit libéré de l’armée, il y avait dans la pièce à côté une pauvre orpheline qui pleurait sur son destin, car elle ne pouvait pas se marier. Son père était mort peu de temps auparavant, et elle n’avait pas un sou pour payer une dot afin de se marier. Dans une telle situation, on ne pouvait pas trouver un garçon qui soit prêt à l’épouser, malgré toutes ses qualités. Quand j’ai vu les larmes de cette orpheline, dont tout le désir était de fonder un foyer casher en Israël avec un mari ben Torah, je me suis dit : si je lui donne l’argent que vous vous êtes procuré pour libérer votre fils, et qu’en échange elle prie pour la réussite de votre fils, le Saint, béni soit-Il, père des orphelins, exaucera certainement sa prière et répondra à ses supplications et à ses larmes. C’est pourquoi j’ai décidé de lui remettre l’argent que vous m’aviez donné, et je lui ai demandé en échange de prier pour que le Saint, béni soit-Il ait pitié de votre fils, et qu’Il annule pour vous la menace de ce décret. Et effectivement, ces larmes qui provenaient du fond du cœur, ce sont elles l’« askan » qui a réussi à annuler le décret qui menaçait votre fils. » La fin de cette histoire extraordinaire est que cette orpheline a mérité un fiancé talmid ‘hakham, qui n’est autre que le garçon qui était destiné à la conscription. Ensemble, ils ont construit un merveilleux foyer. Et plus encore que nous n’avons appris combien Rabbi Yitz’hak El’hanan était intelligent et sage, nous avons appris ce que c’est que la prière d’une orpheline pauvre qui demande à son Père du Ciel de l’aider dans sa détresse : elle est volontiers exaucée. GARDE TA LANGUE Si cela peut provoquer l’hostilité Il est interdit de raconter à Réouven que Chimon lui a fait une certaine chose ou a dit sur lui une certaine chose, même si l’intention n’est pas de créer une hostilité entre eux et même si on estime que Chimon a agi correctement, car si on pense que cette histoire risque de mettre une hostilité entre eux, c’est de la médisance. A LA LUMIERE DE LA PARACHAH Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita L’essentiel de l’asservissement de l’homme est vis-à-vis de D. « Il restera six années esclave et à la septième il sera remis en liberté sans dédommagement. » (Chemot 21, 2) Il serait judicieux de citer ici les merveilleuses paroles du Abrabanel sur ce verset. Voici ce qu’il dit : « Le texte vient annoncer à l’esclave que s’il a l’intention de se débarrasser de l’obligation d’assumer sa subsistance et éventuellement celle de sa femme et de ses enfants, il n’en retirera que la honte d’avoir travaillé pendant six ans en tant qu’esclave vendu. Puis il finira par être remis en liberté, sans dédommagement, sans rien du tout. ‘‘S’il est venu seul, seul il sortira’’ sans rien retirer de son labeur. ‘‘S’il était marié’’ et qu’il a imaginé se faire prendre en charge par son maître, à la fin ‘‘sa femme sortira avec lui’’ et toute la responsabilité lui reviendra, comme au départ. C’est ce que signifie la phrase ‘‘sa femme sortira avec lui’’. » On peut expliquer, dans un esprit de moussar, que lorsque Hachem octroie la richesse à quelqu’un, c’est pour lui permettre de Le servir dans l’aisance et la sérénité. Il en fait ainsi le dépositaire de l’argent des pauvres et des bnei Torah, et lui donne le mérite d’être celui qui aidera les nécessiteux et ceux qui étudient. Or le but de chacun de nous en ce monde est d’aider autrui et de sortir de notre égoïsme. Ainsi, nous accomplissons notre rôle en devenant maître de notre richesse, et en sortons gagnants dans ce monde-ci ainsi que dans le monde à venir. Mais quelqu’un qui perdrait la tête à cause de l’argent, deviendrait esclave de sa richesse et amasserait une fortune par cupidité, deviendra pauvre en mitsvot et sera humilié par les autres. Puis à la fin de sa vie, il se retrouvera vide et démuni, car son travail ne lui aura rien apporté, ainsi qu’il est dit « Car quand il mourra, il n’emportera rien ; son luxe ne le suivra point dans la tombe » (Psaumes 49, 18). Outre les humiliations subies dans ce monde-ci, il sera rabaissé dans le monde à venir, car son avarice ne lui aura apporté que du mal. C’est pourquoi il incombe à chaque ben Israël de se soumettre uniquement à D., et de ne pas devenir esclave de sa richesse. A LA SOURCE « Si tu achètes un esclave hébreu » (21, 2) Le « Avnei ‘Ezer » demande : pourquoi le texte a-t-il employé l’expression « esclave hébreu » et non « esclave israélite » comme c’est le cas dans le reste de la Torah ? C’est à cause de la racine du mot « hébreu » (‘ivri), qui désigne la grandeur d’Avraham et des bnei Israël : ils ont la capacité de se confronter au monde entier. « Le monde entier se trouve d’un côté (‘ever) et eux se trouvent de l’autre. » Cette capacité représente la liberté authentique : nous ne sommes pas soumis aux opinions et influences étrangères qui, d’ailleurs, n’ont aucun effet sur nous. Nous adhérons à ce qui nous paraît « vrai », même si nous sommes seuls face au monde entier. C’est ce que l’on appelle être un véritable « homme libre ». C’est pourquoi, dans le passage traitant de l’esclave hébreu qui ne peut être asservi pendant plus de six ans, parce qu’il est un « homme libre » de par son essence et non « un serviteur de serviteurs », la Torah a choisi d’employer le terme « hébreu », qui nous renseigne sur l’essence même d’un membre du peuple d’Israël : un homme libre. « Mais si quelqu’un, agissant avec préméditation contre son prochain, le tue avec ruse, du pied même de Mon autel tu le conduiras à la mort » (21, 14) Le verset implique qu’il est inutile de préciser que s’il s’est enfui vers l’une des villes de refuge mentionnées plus haut (« Je te désignerai un endroit »), il faudra l’en faire sortir. Mais même s’il embrasse les cornes de l’autel comme Yoav (« Yoav se réfugia dans le tabernacle du Seigneur où il embrassa les cornes de l’autel », I Rois 2, 28), on l’en fera sortir et on le tuera. Cela découle de la droiture et du principe « des lois et statuts justes » (Devarim 4, 8) : même celui qui pense être soutenu par Hachem ou par l’autel qui Lui est lié devra être livré aux mains du juge s’il est un assassin et qu’il est condamné à mort. Il n’y a alors pas lieu d’avoir pitié de lui, car la miséricorde, à ce moment-là, est plutôt de la cruauté envers les créatures. (Rabbeinou Bé’hayé) « Celui qui maudit son père ou sa mère sera puni de mort » (21, 17) On constate que la Torah se montre plus sévère envers celui qui maudit (qui sera puni par la lapidation) qu’envers celui qui frappe (qui sera condamné à la strangulation). Le Ramban explique cette différence en disant que la faute de la malédiction est plus courante : en effet, lorsque le sot se met en colère, il maudit sans cesse ses parents. Or plus cette transgression est fréquente, plus elle mérite d’être punie. Ou alors, la malédiction est une faute plus grave en elle-même, car elle mentionne le nom de Hachem. C’est pourquoi le coupable doit être puni tout d’abord pour avoir maudit ses parents, mais aussi pour avoir employé le nom de D. pour commettre une faute. Dans un autre registre, le gaon de Vilna donne une raison différente dans son explication du livre des Proverbes (18, 8) : « La parole est plus agressive que les coups. En effet, ces derniers ne touchent que le corps, tandis que les mots atteignent l’âme. « Enfin, les coups peuvent être guéris, contrairement à une parole prononcée. » LA VIE DANS LA PARACHA A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben ‘Attar « Si l’esclave dit » (21, 5) Ici, le texte nous informe sur le travail du serviteur qui s’enthousiasme pour le service de son Créateur, et désire encore servir son Maître même quand il n’a plus de forces. C’est le sens de « J’aime mon Maître, ma femme et mes enfants » : il s’agit de son âme et des mitsvot qu’il accomplit en ce monde. Il ne veut pas quitter ce monde sans rien, comme les morts, et ceci nous renseigne sur son désir de servir le Maître. Le Maître lui assure alors qu’il sera appelé « serviteur de D. » et que son désir sera comblé : « Tu lui as accordé le désir de son cœur ». Mais pas maintenant, car maintenant il ne sera qu’un esclave. Par contre, dans le monde à venir, Hachem le choisira parmi les anges en tant que fidèle serviteur. C’est ce qui s’est passé pour Moché, qu’Hachem a appelé « serviteur de D. » (Devarim 34, 5), car il désirait vivre et entrer en Erets Israël pour servir D. et accomplir Ses commandements. LES SENTIERS DES JUSTES Pour acquérir les valeurs et les bonnes midot La source de toutes les bénédictions se trouve dans la mida de la paix (chalom), qui est un des Noms du Saint, béni soit-Il. Le Saint, béni soit-Il n’a pas trouvé de meilleur récipient pour contenir la bénédiction pour Israël que la paix, c’est le seul récipient qui Lui convienne pour cela. La plus grande bénédiction que l’on puisse donner à quelqu’un que nous aimons est donc qu’il soit en paix. Il est dit « Recherche la paix et poursuis-la », il est important de savoir de quelle façon on peut l’acquérir durablement. Lorsqu’on est apte à acquérir la mida de la paix et qu’on sait qu’il s’agit du Nom du Saint, béni soit-Il, cela décide de toute la conduite à tenir, on saura se gérer convenablement, et on s’attachera de plus en plus à faire la volonté du Créateur, et ainsi on parviendra à trouver la voie qui convient dans le service divin en tout temps. Au cours de la journée, on se mesure à beaucoup de défauts qui ont leur source dans l’imperfection et la méconnaissance de la mida de la paix. Si l’on savait marcher dans cette voie en chaque chose, la satisfaction et le perfectionnement qui mènent à la joie accompagneraient les progrès dans la Torah jusqu’à un summum de perfection. Le gaon Rabbi Zilberstein a raconté l’anecdote suivante : « J’ai une fois été présent au moment où le gaon Rabbi Chalom Eisen זצ''ל, qui était machguia’h à la yéchiva de Slonim et décisionnaire de longue date au beit din tsédek de Jérusalem, a rencontré un élève à côté de l’hôpital Hadassa, et quand il lui a demandé ce qu’il faisait là, l’élève avait répondu qu’il était venu rendre visite à sa femme qui était hospitalisée. « J’ai tendu l’oreille pour entendre ce que lui dirait Rabbi Chalom. Et voici que ce tsaddik cite à son élève le verset (Michlei 27, 18) : « Qui veille sur le figuier mangera ses fruits », et il lui dit que le verset s’applique à la maîtresse de maison, la femme. Celui qui vit avec elle en paix, veille sur elle et se montre bon envers elle, méritera aussi de manger de ses fruits. » Dans cette rubrique, nous allons évoquer brièvement la perfection qui s’exprime dans le fait de proposer son aide à la maîtresse de maison. Dans le traité Méguila (23, 1), la Guemara dit que pendant les fêtes, on n’appelle que cinq personnes à lire la Torah, parce qu’on vient plus tard à la synagogue. La raison de ce retard est la suivante : on s’efforce le matin de préparer le repas de fête (Rachi ad locum). Et le gaon Yaavets objecte : ce ne sont pas les hommes qui font la cuisine, pourquoi donc devraient-ils être en retard à la synagogue ? Il répond que pendant que les femmes font la cuisine, les maris doivent garder la maison et les enfants. Les femmes ont aussi besoin de l’aide de leur mari dans la préparation de ce qui est nécessaire pour le repas. Le livre « Toldot Ya'akov » sur l’auteur du « Kehilot Ya'akov » raconte : « Un avrekh ben Torah était venu demander qu’on le guide dans l’étude. Rabbeinou s’est installé avec lui et lui a donné des directives très claires sur la façon d’étudier. Quand il s’est levé en remerciant et s’est apprêté à partir, Rabbeinou lui a demandé de revenir. Il avait quelque chose à ajouter : « N’oubliez pas d’aider à la maison. Quand vous allez rentrer chez vous, demandez si votre aide est nécessaire en quelque chose. » « Et quand on répondit : « Ma femme est très pieuse, et elle veut de tout son cœur que j’étudie et que je me consacre à la Torah », Rabbeinou répliqua : « Cela, c’est sa mitsva, mais votre mitsva est de l’aider. » « Il est aussi rapporté que le Steipler זצ''ל, dans ses directives de l’étude de la Torah à un avrekh, avait ajouté : « Naturellement, il faut un peu aider à la maison, mais s’efforcer de terminer le plus rapidement, et de retourner immédiatement à l’étude, pour être plongé tout le temps dans l’étude de la Torah. Et si on a l’intention que ce soit pour l’amour du Ciel, alors il y a une aide du Ciel, on trouve beaucoup de temps pour cela, et la femme aussi le voit et permet qu’on étudie plus longtemps. » La rabbanit n’aime pas cela On raconte sur le gaon Rabbi Moché Feinstein זצ''ל qu’il avait l’habitude de venir en aide à sa femme dès que le besoin s’en faisait sentir, bien que la rabbanit n’ait pas aimé qu’il se mêle de ce qui concerne « ce monde-ci », à savoir les besoins de la maison. Quand ils arrivèrent en Amérique, le rabbanit avait du mal à faire les courses dans un pays étranger et une langue non moins étrangère. Ce n’était pas déshonorant pour lui de l’accompagner à l’épicerie ou au marché. Un jour, on découvrit Rabbi Moché, alors qu’il était déjà âgé, debout dans la cuisine en train de faire la vaisselle. Il expliqua : « La rabbanit ne se sent pas bien, et je sais qu’elle n’aime pas voir de la vaisselle sale qui n’est pas rangée à sa place. » On raconte la même chose sur le Rav de Jérusalem, le gaon Rabbi Chemouël Salant זצ''ל: une fois, alors que sa femme la rabbanit suspendait du linge après avoir été malade, il s’était approché pour l’aider. La rabbanit s’opposa absolument à ce que le Rav de Jérusalem soit en train de suspendre du linge, en disant que c’était une profanation de l’honneur de la Torah. Le Rav lui répondit : « Tu viens d’être malade, et il t’est interdit de faire des efforts, or mon salaire ne me permet pas d’engager une aide… » Le véritable honneur de la fête Le livre « Saviv Choul’hano chel HaMaguid » (Autour de la Table du Maguid) raconte que le gaon Rabbi Chalom Eisen זצ''ל, qui était décisionnaire à Jérusalem, était célèbre pour son adresse dans la vérification de la cacherout des quatre espèces. Avant la fête de Soukot, tous les ans des centaines de personnes venaient chez lui pour lui demander son avis sur les etroguim et loulavim qu’ils voulaient acheter. Un jour se présenta à lui un jeune avrekh qui tenait à la main un etrog qu’il estimait particulièrement beau. Sur sa demande, le Rav Eisen se mit à vérifier l’etrog de tous les côtés, et au bout de quelques minutes d’un examen attentif, il leva la tête et dit au jeune avrekh : « Cet etrog n’est pas destiné à quelqu’un comme vous. » L’avrekh était stupéfait, et les pensées s’agitaient dans sa tête. « J’ai étudié très attentivement les halakhot des quatre espèces, se disait-il, j’ai consacré beaucoup de temps à chercher un etrog que j’estimais parfait. Pourquoi le Rav pense-t-il donc que cet etrog ne m’est pas destiné ? » Dans sa confusion, il demanda au Rav : « Y a-t-il un problème halakhique sur cet etrog ? » Au lieu de répondre à la question, le Rav Eisen lui en posa une autre : « Dites-moi, quel est votre métier ? » « J’étudie dans un collel à Jérusalem », répondit-il. Quand le Rav voulut savoir quelle somme le collel payait aux avrekhim, il lui dit la somme exacte, qui n’était pas particulièrement élevée. « Maintenant je vais vous poser une dernière question, dit le Rav : quel prix vous demande-t-on pour cet etrog? » L’avrekh cita une somme considérable. « C’est bien ce que je pensais, dit le Rav, et il continua : Vous avez certainement raison, cet etrog est effectivement magnifique et répond à tous les critères de la halakha, que ce soit du point de vue de la cacherout ou du point de vue de sa beauté générale. Mais si vous m’écoutez, achetez un etrog beaucoup moins cher, et avec le reste de l’argent que vous vouliez y consacrer, achetez à votre femme une robe pour la fête. C’est là qu’est vraiment l’honneur de la fête, et vous accomplirez ainsi la mitsva de la joie de la fête. »
|