Parachat Ha'azinou - Chabat Chouva 27 Septembre 2014 3 Tichri 5775 |
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Nous pouvons tous nous repentir (par Rabbi David Hanania Pinto Chelita) Le Chabbat techouva est appelé ainsi en raison de la haftara qui y est lue : « Reviens (« chouva »), Israël, jusqu’à Hachem ton D. » (Osée 14, 2). A quoi cela est-il comparable ? Ce monde-ci est semblable à une grande boutique, où quelqu’un entre et tourne dans tous les sens sans rien trouver. Quand il sort, on lui demande : « Est-ce que vraiment, dans une boutique aussi grande, vous n’avez rien trouvé ? » Et il est troublé. De même, l’homme qui descend en ce monde avec une âme élevée, des mains, des pieds, des yeux etc., demande ce qu’il a à faire en ce monde-ci. On lui répond : « En ce monde-ci il y a beaucoup de choses à faire, il y a la Torah, les mitsvot, les bonnes actions, manger, boire, et avoir du plaisir. » Mais il se promène tant qu’il veut sans rien acheter, et quand arrive le moment de sa mort, il monte au ciel. Alors, on lui demande : « Est-il bien possible que tu n’aies rien emmené avec toi, aucune mitsva ? » et il se trouble et répond : « Je n’ai pas eu le temps… » C’est ce que signifie le verset « Revenez vers Hachem », pour ne jamais être confus. C’est une grande générosité de la part de Hachem, qu’au lieu que nous ayons à Lui demander pardon, Il nous demande de revenir vers Lui, car toutes les portes sont ouvertes devant nous. Pourtant, l’homme n’y fait pas attention, il part en vacances en ce monde-ci, à un endroit où autrefois seuls les riches allaient, et où aujourd’hui les pauvres vont aussi. Il nous faut prendre conscience qu’auparavant, seuls les hommes exceptionnels savaient comment se repentir, alors qu’aujourd’hui, Hachem dit à tout le monde « Reviens, Israël, jusqu’à Hachem ton D. », car nous pouvons tous nous repentir. Nous devons savoir que même le plus simple, celui qui a commis beaucoup de fautes et qui est totalement détaché de D., s’il se repent, peut arriver à un niveau plus élevé que celui du tsaddik, et être proche de Hachem, Qui l’accueille les bras ouverts. Comme le dit le Rambam (Hilkhot Techouva 7, 6) : « Hier, il était abhorré par D., en horreur, loin et abominable, et aujourd’hui il est aimé et chéri, proche et ami. » On peut facilement arriver à la techouva par deux choses. Hachem a voulu donner du mérite aux bnei Israël, c’est pourquoi Il a multiplié pour eux la Torah et les mitsvot (Makot 23b), ce qui signifie que si l’on accomplit une seule mitsva à la perfection, on en viendra automatiquement à accomplir toutes les autres mitsvot, alors on sera pur et propre, et on pourra faire une techouva totale. L’âme humaine est une étincelle divine, et cette étincelle éveille l’homme à la techouva et aux bonnes actions. Même si c’est un méchant, il reste attaché à Hachem par cette parcelle, et doit se débarrasser de l’oubli, se rappeler D. et revenir vers Lui. Nous devons comprendre cela. Si l’oubli pousse l’homme à oublier D., pourquoi l’a-t-Il créé avec l’oubli, qui entraîne des fautes ? Il aurait mieux valu se rappeler que d’oublier ! Il faut savoir qu’il y a deux sortes d’oubli. La première, l’oubli qui vient de Hachem pour que l’homme oublie le jour de la mort, comme l’ont dit les Sages (Pessa’him 54b) : « Le jour de la mort est caché aux hommes, car s’ils se rappelaient le jour de la mort, ils ne feraient pas de mitsvot, étant constamment attristés par la pensée de la mort. » Ainsi, cet oubli lui fait oublier ses malheurs et il peut accomplir les mitsvot dans la joie. Mais bien sûr nos Sages ont également dit (Avot 2, 10) « Repens-toi un jour avant ta mort. » Cela signifie qu’il faut penser chaque jour à la mort pour nous repentir. Mais d’un autre côté, Hachem a pensé qu’il était mauvais de penser constamment à la mort, et c’est pourquoi Il a créé l’oubli. Il y a un autre oubli, qui provient du mauvais penchant, et qui fait oublier à l’homme qu’il y a le châtiment et qu’il y a la mort. S’il continue sans cesse à pécher sans se repentir, c’est l’oubli le plus grave. C’est pourquoi quand arrive le mois d’Elloul, le mauvais penchant vient faire oublier à l’homme le jour du jugement, alors il n’en ressent pas la crainte. Pour qu’il se mette à la sentir, il doit se considérer en ce monde-ci comme un touriste, et non comme un résident permanent, et toujours se rappeler qu’il y a quelqu’un qui l’appelle à se repentir : « Reviens, Israël, jusqu’à Hachem ton D., car tu as trébuché par ton péché » (Osée 14, 2). Quand il se rappellera cela, il en viendra de lui-même à désirer faire techouva. S’il attend que Hachem l’appelle, son destin sera amer, car qui sait jusqu’où il va descendre, pour que Hachem doive l’appeler afin de le réveiller et de le faire sortir de l’abîme ! Il vaut donc mieux qu’il se rappelle lui-même et fasse techouva. D’ailleurs, l’histoire de Rabbi Elazar ben Dourdaya (Avoda Zara 17a) est bien connue. Il a cherché à commettre une faute avec une prostituée habitant au loin. Il a pris une bourse remplie de pièces d’or et traversé sept fleuves. Au moment de l’acte, elle a soufflé et dit : « De même que ce souffle ne retournera jamais à son origine, la techouva d’Elazar ben Dourdaya ne sera jamais acceptée. » Il est allé s’asseoir entre deux hautes montagnes et a demandé aux montagnes et aux collines d’implorer miséricorde pour lui. Elles ont refusé, car elles devaient demander pour elles-mêmes, ainsi qu’il est écrit (Isaïe 54, 10) « car les montagnes chancelleront, etc. » De même, le ciel et la terre n’ont pas voulu intercéder pour lui, car ils devaient demander pour eux-mêmes. De même, le soleil et la lune ne l’ont pas voulu, parce qu’ils devaient demander pour eux-mêmes. De même, les étoiles et les constellations ont refusé. Il a dit : « La chose ne dépend que de moi. » Il a mis la tête entre ses genoux et a éclaté en sanglots jusqu’à ce que son âme s’échappe. Alors une voix céleste s’est élevée en disant : « Rabbi Elazar ben Dourdaya est convié à la vie du monde à venir. » On ne comprend pas. La femme en question était foncièrement mauvaise, alors comment a-t-elle pu lui faire la morale ? C’est qu’elle-même s’est éveillée à la techouva tout à coup. Quand elle a vu comment Elazar ben Dourdaya donnait sa vie pour commettre une faute, elle a su qu’il ne faisait pas bien, et que tout cela était l’œuvre du mauvais penchant. Elle a donc eu un mouvement de repentir de tout son cœur, c’est pourquoi elle a aussi réussi à faire faire techouva à Rabbi Elazar ben Dourdaya. Donc de même qu’il est possible de se dévouer entièrement pour une faute, c’est possible également pour faire une mitsva, et il faut beaucoup de dévouement pour une techouva véritable. LES PAROLES DES SAGES Entretenir l’enthousiasme Le gaon Rabbi Chalom Tsvi Shapira זצ''ל a raconté (cité dans le livre « MiMizra’h Chémech ») que dans les cours du Machguia’h Rabbi Yé’hezkel Lewinstein זצ''ל, à l’époque de Shanghai, il a dit ce qui suit le lendemain de Roch Hachana : « Ce n’est pas un hasard si le jeûne de Guedalia tombe après Roch Hachana. En général, après un jeûne, on risque de manifester un mauvais caractère, de se mettre en colère etc., parce qu’on se dit qu’on a sacrifié de son sang à Hachem, c’est pourquoi on s’irrite. Alors que pendant les deux jours de Roch Hachana, on était plongé dans la prière et les supplications (en se disant en soi-même qu’on est vraiment magnifique), si bien qu’on estime que maintenant, on a le droit de se laisser aller. C’est pourquoi le jeûne de Guedalia vient précisément immédiatement après Roch Hachana : il n’y a absolument pas le temps de se relâcher, parce qu’on se trouve maintenant en plein dans le mouvement de techouva et qu’on a beaucoup de travail devant soi. » Le gaon Rabbi Eliezer Shulwitz זצ''ל avait l’habitude de raconter sur son Rav, le « Or Israël » de Salant זצ''ל, qu’un jour il avait rencontré la veille de Yom Kippour une de ses connaissances dont le visage exprimait de la peine. Rabbi Israël lui avait demandé s’il y avait un malheur chez lui, et il avait répondu : « Aujourd’hui c’est la veille de Yom Kippour, et je redoute ce jour terrible. » Rabbi Israël lui avait dit : « Votre cœur est un « domaine privé » où vous pouvez avoir peur autant que vous voulez, mais votre visage est un « domaine public » et il vous est interdit de menacer les gens ou de les effrayer. La Michna qui dit de faire bon visage à tout le monde s’applique même la veille de Kippour. » N’en vouloir à personne Le machguia’h Rabbi Chelomo Wolbe זצ''ל faisait remarquer qu’il faut faire extrêmement attention pendant cette période à ne pas se laisser aller à la colère par excès de tension. Parfois, c’est justement pendant ces jours-là que les relations avec les autres tendent à empirer. Quelqu’un est en train de prier le Chemonè Esré et son voisin prie en élevant un peu la voix. Le premier passe tout le temps de la prière à se dire qu’il le dérange, et il attend « ossé chalom » pour pouvoir le lui reprocher. A cause d’une légère irritation qui provient de la tension, on peut perdre des prières entières. Il s’écriait en yiddish : Nous devons être « glatt » et ne pas permettre à de quelconques ressentiments d’avoir prise sur nous… Dans les cours qu’il donnait à cette période de l’année, il citait les paroles de la Guemara : « On ne juge l’homme que sur ses actes du moment. » On ne tient pas compte de ce que cet homme va devenir, si au moment du jugement il peut être considéré comme un tsaddik, alors on le juge comme un tsaddik. C’est pourquoi il est capital de se consacrer à améliorer son caractère, ne pas se mettre en colère et ne pas tenir rigueur, écarter la haine et la jalousie. Se préparer, mais sans tristesse et sans nervosité. Si nous disons « car Tu pardonnes à Israël et Tu absous les tribus de Yéchouroun », alors celui qui dit cela doit lui aussi pardonner et absoudre. Sans compter qu’avant de dire les « malkhouyot », il faut annuler toutes les dissensions, comme l’explique Rachi : « Il deviendra roi de Yéchouroun – lorsqu’ils s’unissent dans un faisceau et que la paix règne entre eux, alors Il est leur roi, et non lorsque des querelles les opposent. » Mais il y a quelque chose de plus profond, disait le Rav Wolbe : « Quiconque n’a pas pitié des autres, du Ciel on n’a pas pitié de lui. » Pourquoi ? Nécessairement, celui qui n’a pas pitié d’autrui, même s’il a des milliers de mérites et autres bonnes actions, on ne peut pas avoir pitié de lui du Ciel ! Combien cette idée est terrible ! Comment un coléreux, un rancunier ou un avare peuvent-ils se présenter au jour du jugement, puisque c’est de cette façon-là qu’eux-mêmes vont être jugés ! Et par ailleurs, par une bonne conduite envers le prochain, par de l’indulgence et de la pitié, on peut se débarrasser de quantités de péchés. A Roch Hachana, il y a un risque d’essayer de « grimper au ciel », au point d’oublier le côté pratique de l’acceptation du Royaume des Cieux, qui est l’amélioration du caractère. Il est interdit de permettre à un enthousiasme temporaire de nous éloigner de la réalité à cause d’une imagination, mais il faut rester pratique, dans la prière et dans les tekiyot. Dans le « Kol Koré » spécial que Rabbi Sim’ha Zissel a écrit pour ses élèves au mois d’Elloul 5647, il révèle qu’il a trouvé un remède pour s’occuper de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » : l’étude régulière du livre « Tomer Devora », sans jamais sauter un jour. Ainsi, nous trouvons aussi dans la résolution de la veille de Kippour 5652, signée par Rabbi Sim’ha Zissel et d’autres grands du « Talmud Torah » de Kelem : « Etudier chaque jour dans Tomer Devora ». Le travail sur les relations interpersonnelles à Kelem tous les jours de l’année, et en particulier pendant les Yamim Noraïm, était considérable. Pendant tout le mois, une pancarte, intitulée « Heara noraa », était accrochée à la porte du Talmud Torah. On pouvait y lire : « L’existence du Royaume n’est effective que lorsque les serviteurs sont tous comme un seul homme au service du roi. L’essentiel de « pour que vous Me rendiez Roi sur vous » est l’unité des serviteurs, c’est pourquoi nous avons le devoir de prendre sur nous de travailler pendant toute l’année sur l’amour du prochain, et c’est par cela que nous réaliserons les malkhouyot… et personne ne doit dire que c’est trop difficile, car lorsque on traite la question avec des idées propices, cela devient petit à petit plus facile, en particulier en suivant Tomer Devora… » Rabbi Sim’ha Zissel écrit à ses élèves à propos de ce travail-là pendant le dernier été où le Talmud Torah a existé à Grubin que le travail du mois d’Elloul qui s’approche est de vivre avec des gens dont les opinions sont très éloignées des nôtres, tout en vivant avec eux dans l’amour et la fraternité, « c’est le devoir qui nous incombe pendant cet Elloul ». La signature Le Roch Yéchiva de Poniewitz, le gaon Rabbi David Powarsky זצ''ל, a raconté : Je me souviens qu’il y a des années, lorsque le beit hamidrach était totalement rempli à Roch Hachana et que lorsque quelqu’un était assis, l’autre devait se lever parce qu’il n’y avait pas de place pour que deux personnes puissent s’asseoir en même temps, j’ai remarqué quelqu’un qui restait debout tout le temps pour que l’autre puisse s’asseoir ; il s’inscrivait ainsi dans le livre de la vie, alors que l’autre restait assis sans faire attention… Ensuite, pendant l’année, j’ai suivi celui qui était resté debout pour voir comment il se conduisait, et j’ai vu qu’effectivement, partout où il allait, il s’efforçait de faire des choses du même genre, il s’était véritablement inscrit dans le livre de la vie pour de bon. C’est ce que signifie la prière « tout homme signe ». Nous devons savoir que c’est l’homme lui-même qui écrit dans le livre de la vie et le livre de la mort qui sont ouverts à Roch Hachana. C’est pourquoi quand nous nous préparons au jour du jugement, nous devons nous efforcer d’être inscrits dans le livre de la vie. GARDE TA LANGUE Aux conditions suivantes Lorsqu’on voit quelqu’un qui veut s’associer à une certaine personne, et qu’on estime que cela va certainement entraîner pour lui quelque chose de fâcheux, il est permis de l’en informer pour le protéger, pourvu que les conditions suivantes soient remplies : bien réfléchir à ce que la chose soit effectivement mauvaise ; ne pas exagérer l’histoire mais la raconter telle qu’elle est ; avoir véritablement l’intention d’être utile et n’avoir en soi aucune haine ; si l’on peut obtenir le même résultat sans rien raconter, il est interdit de raconter. L’autorisation n’est valable que si aucun mal ne doit en résulter pour cette personne, mais que cela la privera seulement du bénéfice de l’association en question. A LA LUMIERE DE LA PARACHAH Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita L’importance de la joie et de la paix A Roch Hachana, on se souhaite mutuellement une « chana tova oumevorekhet », une année bonne et bénie, une année de satisfaction et de santé, une année de paix entre les hommes et entre les conjoints. Pourtant, la paix ne peut durer que lorsqu’il y a la joie. Quand on est heureux en son cœur, qu’on remercie D. de tout le bien qu’Il nous fait, et qu’on accepte les souffrances avec amour, de cette façon on fait résider la joie dans sa maison et sur tout ce qui nous entoure, donc automatiquement il y a la paix. Et l’on peut de cette façon servir D. véritablement. C’est pourquoi, en vue des fêtes, il faut ajouter de la joie et se réjouir de la fête, ainsi qu’il est écrit (Devarim 16, 14-15) : « Tu te réjouiras de ta fête, et tu seras uniquement heureux. » Le mot « akh » (uniquement) est formé des lettres kaf et aleph, alors que « ayil » (bélier) a la valeur numérique de 42, et la moitié de ayil est donc 21 (exprimé en lettres par kaf aleph, soit « akh »). C’est une allusion au bélier d’Avraham, qu’il a coupé en deux et offert avec une grande joie à la place de son fils Yitz’hak. C’est pourquoi à Roch Hachana on évoque souvent ce bélier, sacrifié par Avraham avec une grande joie, avec la même joie exactement qu’il avait mise à se préparer avant de s’apprêter à sacrifier son fils Yitz’hak. Quelqu’un qui a des malheurs, physiques ou psychiques, mais ne cesse pas pour autant de servir D. dans la joie, est considéré comme s’il s’était sacrifié lui-même devant D., comme ce bélier. Surtout quand il fait régner autour de lui une atmosphère de détente et de joie, d’effacement de soi, et s’il ne parle que calmement. C’est le sens de « tu seras uniquement joyeux », se réjouir comme s’est réjoui Avraham de sacrifier le bélier. De plus, par la joie, l’homme fait résider la Chekhina à l’intérieur de chez lui. En effet, « akh » a la valeur numérique du Nom divin e-h-y-e. « Tu seras uniquement (akh) joyeux » signifie donc que par la joie, on provoque la venue de la Chekhina chez soi. A LA SOURCE « Car c’est un peuple qui se sent impuissant, ils sont dépourvus d’intelligence » (32, 28) Apparemment, quelqu’un qui se sent impuissant, c’est à cause de son manque d’intelligence, alors pourquoi faut-il le répéter ? C’est que parfois, il peut y avoir une situation où l’on se sent impuissant, pas à cause du manque d’intelligence, mais au contraire à cause d’une intelligence supérieure qui à cause de la perte possible préfère se déclarer impuissante. « Na’hal Kedoumim » explique que nous en trouvons un exemple dans la Guemara (Meguila 12b) : A’hachvéroch avait demandé au début aux sages d’Israël ce qu’il convenait de faire avec Vashti. Ils se sont demandé : comment se conduire ? Si nous lui disons de la tuer, demain, quand il se réveillera, il va venger son sang sur nos frères, et si nous lui disons de lui faire grâce, cela comporte une insulte envers sa royauté. C’est pourquoi ils lui ont répondu : depuis le jour où le Temple a été détruit et où nous avons été exilés de notre pays, notre peuple est devenu impuissant et nous n’avons plus la possibilité de traiter de cas qui sont passibles de mort. Allez trouver Amon et Moav, qui sont en paix et pourront donner un jugement. C’est pourquoi le verset a été obligé d’ajouter qu’ils sont un peuple qui se sent impuissant, et pourquoi ? Parce qu’ils sont dépourvus d’intelligence. « Hachem jugera Son peuple, Il prendra pitié de Ses serviteurs, parce qu’Il les verra à bout de forces, sans appui et sans ressources » (32, 36) Apparemment, comment le Saint, béni soit-Il peut-Il juger Son peuple ? N’y a-t-il pas une halakha selon laquelle un témoin ne peut pas devenir un juge ? Or le Saint, béni soit-Il juge à partir de ce qu’Il a vu Lui-Même ! Le livre « Yitav Panim » (sermon du Chabbat Techouva) explique que la raison pour laquelle un témoin ne peut pas devenir un juge est parce qu’il a vu l’acte de ses yeux, donc il n’est pas capable de l’interpréter en faveur de l’accusé. Mais le Saint, béni soit-Il est juste et droit, et même quand Il voit la faute, Il dit : c’est Moi qui l’ai provoquée, car J’ai créé le mauvais penchant, comme l’ont dit les Sages, c’est pourquoi Il peut Lui-Même être juge, parce qu’Il voit tous les aspects de l’acte. C’est le sens littéral du verset « Il jugera Son peuple ». Cela signifie que bien que le Saint, béni soit-Il soit témoin, Il sera aussi le juge. Pourquoi est-Il à la fois le témoin et le juge ? Parce que « Il prendra pitié de Ses serviteurs parce qu’Il les verra à bout de forces, sans appui et sans ressources ». Comme l’explique Rachi : « Le Saint, béni soit-Il aura pitié de Ses serviteurs, Il Se ravisera et les reprendra en pitié », parce qu’Il constatera qu’ils sont à bout de forces et ont fauté malgré eux. « Moché vint et dit toutes les paroles de ce poème aux oreilles du peuple, lui et Hochea bin Noun » (32, 44) Rabbi Yossef Bekhor Shor observe la signification du changement d’expression par laquelle Moché désigne ici Yéhochoua comme « Hochea ». C’est parce que lorsqu’il est devenu le serviteur de Moché, celui-ci l’a appelé Yéhochoua, car les princes et les rois ont l’habitude de changer le nom de leurs serviteurs et de lui donner le nom qu’ils désirent, comme Paro l’a fait envers Yossef en l’appelant Tsafnat Pa’anea’h, et Nevou’hadnetsar envers Daniel en l’appelant Beltchatsar, et envers ‘Hanania, Mishaël et Azaria qu’il a appelés Chadrac, Mechakh et Aved Ngo. Maintenant qu’il est devenu roi il a retrouvé son premier nom, et il l’appelle « Hochea ». « Meurs sur la montagne où tu vas monter et rejoins tes pères, comme est mort ton frère Aharon » (32, 50) Comme est mort ton frère Aharon – de la même mort, que tu as vue et désirée. Moché avait enlevé à Aharon le premier vêtement et en avait revêtu Elazar, et ainsi de suite pour le deuxième et le troisième, et il avait vu son fils dans sa gloire. Moché avait dit à Aharon : Mon frère, monte sur le lit, et il était monté. Etends les mains, et il les avait étendues. Etends les jambes, et il les avait étendues. Ferme les yeux, et il les avait fermés. Ferme la bouche, il l’avait fermée, et il était mort. Moché avait dit : Heureux est celui qui meurt de cette mort-là ! (Rachi) Rabbi Yossef Cahneman de Poniewitz a joliment expliqué ce que Moché avait exactement désiré dans la mort d’Aharon. Lorsque l’homme est dans ce monde, il doit vivre selon les directives de Hachem et observer tous Ses commandements, mais lorsqu’il est mort il devient libéré de toutes les mitsvot. Or dans la mort d’Aharon, nous trouvons que même sa mort était selon les ordres de Hachem : quand il a eu l’ordre de monter sur le lit il a obéi et y est monté, il a eu l’ordre d’étendre les mains, il les a étendues, et ainsi de suite. C’est exactement cela que Moché désirait : que même sa mort soit en conformité avec la volonté de Hachem. Et il l’a mérité, ainsi qu’il est écrit « il mourut sur la montagne », même de sa mort il avait reçu l’ordre, comme il est dit plus loin (34, 5) : « Moché le serviteur de Hachem mourut là, dans le pays de Moav, selon l’ordre de Hachem. » LA VIE DANS LA PARACHA A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar « C’est en face de toi que tu verras le pays, mais tu n’y entreras pas » (32, 52) C’est difficile à comprendre : une fois qu’il a été dit « tu n’y entreras pas », pourquoi y a-t-il lieu de dire « dans le pays que Je donne aux bnei Israël » ? On peut l’expliquer à la façon dont on dit que dans l’avenir, Moché rentrera en Erets Israël avec les Patriarches. Et il est dit dans le Zohar (II 120) que c’est lui qui mènera Israël vers le pays au moment de leur délivrance. Quand Hachem a dit « tu n’y entreras pas », il a senti que cela semblerait vouloir dire à jamais, c’est pourquoi le verset ajoute « vers le pays que Je donne etc. », ce qui signifie : maintenant, mais pas dans l’avenir. QUELQUES PAROLES D’EVEIL Quand le moment passe Les dix jours de techouva de l’année 5771, dans le quartier « Zikhron Méïr » de Bnei Brak. Une foule est rassemblée comme tous les ans dans le hall de la yéchivat ‘Hakhmei Lublin pour le sermon de « Chabbat Chouva » du Rav des lieux, le gaon Rabbi Chemouël Wozner, auteur de « Chévet HaLévi », chelita. Comme depuis des dizaines d’années, à la fin de sa dracha en halakha, le gaon chelita adresse des paroles d’encouragement portant sur des sujets d’actualité, et des choses dans lesquelles il est nécessaire d’établir des limites contre les excès de l’époque. Sur quoi le gaon proteste-t-il devant ce grand public ? Voici un résumé de ses propos : « On sait que la mitsva de Keryat Chema – prendre sur soi le joug du Royaume des cieux – est considéré dans la halakha selon la grande majorité des opinions comme une mitsva positive de la Torah. Si le moment de dire le Chema a passé, on a négligé une mitsva positive de la Torah. Et à cause de nos nombreuses fautes, les gens s’autorisent à permettre l’existence de mynianim où le Chema n’est pas récité conformément à la halakha – mais au bout de trois ou quatre heures. Un juif qui prie dans ces endroits-là sans avoir dit le Chema auparavant en son temps annule chaque jour une mitsva positive de la Torah. Il me semble que ceux qui fixent une telle prière a priori et donnent ainsi la possibilité d’annuler le Keryat Chema de la Torah, je suis obligé de dire qu’il est possible que ce gens-là soient des renégats en ce qui concerne cette chose-là ! J’espère que le public veillera à débarrasser la ville de Bnei Brak de cette honte, car ces gens-là sont des pécheurs qui font fauter un grand nombre en donnant la possibilité à des juifs de transgresser une mitsva positive de la Torah. » Quelques jours auparavant, une annonce publique avait été faite dans le quartier de Ramat El’hanan à Bnei Brak provenant de son Rav, le gaon Rabbi Yitz’hak Zilberstein chelita, avec les autres rabbanim du quartier, dans laquelle il appelait les habitants du quartier à ne pas constituer de mynianim après l’heure du Keryat Chema. Et en particulier, ajoutait le Rav Zilberstein, en ce moment où l’ennemi iranien menace de nous anéantir, or il est expliqué dans le traité Sota que par le mérite du Chema, on tient tête aux ennemis, et que le gardien d’Israël protège le reste d’Israël, qui dit Chema Israël ! Passible d’anathème ! Il est dit dans le traité Berakhot 10b : « Celui qui lit le Chema en son temps est plus grand que celui qui étudie la Torah. » On trouve également dans le Midrach (Kohélet Rabba 1, 37) : « Quand arrive l’heure de lire le Chema et qu’on ne le lit pas en son temps, le verset dit à ce propos que « ce qui est tordu ne peut pas être redressé ». Le Zohar (parachat Balak) cite l’histoire de Rav Yitz’hak et Rav Yéhouda qui cheminaient ensemble. Ils arrivèrent au village de Sakhnin où se trouvait Rav Hamnouna, et ils descendirent chez sa femme, qui avait un enfant petit. Ce fils révisait son étude, et sa mère lui dit : « Approche-toi de ces personnes de haut niveau, qui te donneront une bénédiction. » Il s’approcha, et immédiatement revint sur ses pas en disant à sa mère : « Je ne veux pas m’approcher d’eux, parce qu’aujourd’hui ils n’ont pas dit le Chema, et on m’a enseigné que celui qui ne dit pas le Chema en son temps est passible de « nidouï », d’anathème, pendant toute cette journée-là ! » Les Sages l’entendirent et reconnurent qu’effectivement c’était vrai, mais que c’était arrivé parce qu’ils étaient occupés par une mitsva, et étaient donc dispensés d’une autre mitsva. Ils lui demandèrent d’où il savait qu’ils n’avaient pas dit le Chema en son temps. L’enfant répondit qu’il le savait par l’odeur de leurs vêtements. On raconte sur le Steipler זצ''ל qu’il priait régulièrement au beit hamidrach « Lederman » au mynian de 7 heures du matin, et il regardait plusieurs fois la pendule accrochée au mur pour voir s’il n’y avait pas de crainte qu’on soit en retard pour l’heure du Chema d’après le Maguen Avraham. Un jour, il avait dit au chalia’h tsibour que de dépasser ce moment était un doute de la Torah, et qu’il était impossible d’attendre la dernière minute, parce que la pendule n’était peut-être pas tellement exacte, c’est pourquoi il fallait avancer. Quelle différence avec un etrog ? Le gaon Rabbi Chelomo Zalman Auerbach זצ''ל encourageait vivement à lire le Chema au moment fixé par le « Maguen Avraham ». Il disait que si l’on vous proposait un etrog invalide d’après le Maguen Avraham, on le l’achèterait pas, alors pourquoi ne pas craindre la même chose pour la mitsva positive du Keryat Chema ? (Halikhot Chelomo Tefila p. 91) Dans sa haskama à un livre portant sur la mitsva de Keryat Chema, le gaon Rabbi Yéhouda Tsadka זצ''ל écrit : « Il est vrai qu’il y a plusieurs opinions quant à l’heure du Keryat Chema, mais celui qui fait attention cherche à se rendre quitte d’après toutes les positions, parce que tout le monde reconnaît que plus on le dit tôt, mieux c’est. Celui qui achète un etrog, combien il paye pour en trouver un mehoudar, il cherche et cherche encore et voyage au loin pour avoir le plus beau, alors pourquoi ne pas respecter toutes les opinions à propos du Chema ? Il n’y a pas de réponse à cela. Heureuses sont les synagogues qui veillent, le Chabbat, à ne pas commencer trop tard, afin que tout le public mérite de dire le Chema en son temps avec ses bénédictions. » J’ai tellement pleuré… Dans l’un de ses cours, le Rav Shakh זצ''ל a dit : « Il y a des garçons qui étudient bien et dont la piété est encore plus grande que la sagesse, et ils regardent leur montre pour voir si six heures ne sont pas encore écoulées depuis qu’ils ont consommé un bouillon de poulet. C’est effectivement ce qu’il faut faire. Mais presque tous les jours, ils transgressent le moment de la lecture du Chema d’après la Torah, ce qui est une mitsva positive comme de manger de la matsa le soir de Pessa’h ou d’entendre le chofar à Roch Hachana. Je me souviens que je n’ai jamais laissé passer le moment du Chema d’après le Maguen Avraham. Dans mon enfance, une fois, alors que j’avais neuf ans, je me suis levé plus tard, et ce jour-là j’ai pleuré aussi fort que si je m’étais endormi avant la nuit du séder et réveillé le lendemain matin, en découvrant que j’avais perdu toute la mitsva du soir de Pessa’h. Quelle insolence ! Le gaon Rabbi Nissim Karelitz chelita rappelle (dans « ‘Hout Chani », Chabbat II) ce que dit la Michna dans Pessa’him : on égorge le sacrifice de Pessa’h en trois groupes, et la Guemara ajoute que le troisième groupe s’appelle « kat atslanit », le groupe des paresseux, bien que ce soit la loi qui leur demande de se diviser en trois groupes ; mais il fallait se dépêcher pour faire partie des premiers ! Réfléchissons : le groupe des paresseux accomplit la mitsva du sacrifice de Pessa’h en son temps, c’est malgré eux qu’ils sont obligés de se diviser en trois groupes. Et pourtant, comme ils ne se sont pas dépêchés, ils s’appellent paresseux ! A plus forte raison dans la mitsva de Keryat Chema, dont le temps est a priori celui de la prière de vatikin. Celui qui se fixe de lire le Chema à un moment sur lequel les opinions sont divisées, s’est acquitté de la mitsva a posteriori, mais c’est une grande insolence envers D., et celui qui décide d’adopter pareille conduite a priori ne s’appelle certainement pas quelqu’un qui est attentif aux mitsvot !
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