Parachat Térouma 21 Février 2015 2 Adar 5775 |
|
La participation du peuple d’Israël au Sanctuaire
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
On trouve au début de la paracha, qui traite du Sanctuaire, un verset dans lequel le Saint, béni soit-Il ordonne au peuple d’Israël de « prendre pour Lui une offrande ». Le Créateur nous demande d’apporter une offrande, ce qui sera considéré comme si nous L’aidions à ériger le Sanctuaire. Le Ba’al HaTourim explique que « Parle aux bnei Israël » est une façon de s’exprimer qui indique le désir d’apaiser, comme dans « Parlez au cœur de Jérusalem » (Yéchayah 40, 2), ce qui signifie que pour que le peuple d’Israël accepte volontiers de donner pour le Sanctuaire, il fallait lui parler doucement.
Une question s’impose : Pourquoi le Créateur du monde, à Qui tout appartient, devait-Il présenter cette requête au peuple d’Israël ? Ne pouvait-Il pas faire le Sanctuaire Lui-Même, puisqu’il est dit (‘Hagaï 2, 8) : « A Moi est l’argent et à Moi est l’or, parole de Hachem », ou encore (I Divrei HaYamim 29, 14) : « C’est de ce Tu possèdes que nous t’avons donné. » Dans ce cas, Hachem aurait évidemment pu dévoiler Lui-Même à Moché quelque grand trésor ou une mine de diamants et d’or, et ainsi Il n’aurait pas eu besoin des cadeaux du peuple d’Israël. On raconte sur Rabbi Chimon bar Yo’haï qu’un certain nombre de ses élèves avaient quitté la yéchiva et étaient partis pour gagner leur vie dans l’abondance. Plus tard, ils sont revenus avec des valises chargées d’argent et d’or. Quand Rabbi Chimon a vu que ses autres élèves ouvraient des yeux avides, il a dit : « Je vais vous donner une leçon. » Il les a emmenés dans une grande vallée, a dit ce qu’il a dit, et immédiatement toute la vallée s’est remplie de pierres précieuses. Tout le monde s’est mis à les ramasser rapidement et à remplir les poches et les sacs. A la fin, Rabbi Chimon leur a dit : « Vous pouvez prendre le butin, mais sachez que c’est sur le compte de vos bonnes actions, et qu’au lieu de recevoir leur récompense dans le monde à venir, vous la recevez ici-bas. » Quand ils ont entendu cela, les élèves ont tout laissé immédiatement et n’ont absolument rien pris dans la vallée (Chemot Rabba 52, 3).
A la lumière de cette histoire, notre étonnement va en grandissant : si des hommes comme Rabbi Chimon peuvent, simplement en parlant, remplir une vallée entière de pierres précieuses, à plus forte raison le Saint, béni soit-Il, Qui est le Roi du monde, peut-Il amener quelque chose à l’existence à partir de rien et créer de l’or, dont on ferait le Sanctuaire ! Par conséquent quel besoin avait-Il de parler doucement de façon conciliante pour convaincre les bnei Israël d’apporter des offrandes pour le Sanctuaire ?
Pour répondre à cette question, commençons par raconter une petite histoire qui peut servir de parabole. Un jour, quelqu’un est venu me trouver en pleurant et en soupirant sur l’amertume de son destin. Il m’a raconté que son gendre ne vivait pas en paix avec sa fille. Il lui en voulait parce qu’il l’avait pris comme époux pour sa fille alors qu’il était pauvre et indigent, et pourtant il l’avait aidé, lui avait donné de l’argent pour ouvrir un commerce, et lui avait même accordé une dot généreuse et toutes sortes d’avantages. Et malgré toutes ces bontés et tous les services qu’il lui avait rendus, lorsque son gendre était en colère il oubliait tout cela et se conduisait honteusement avec sa fille.
J’ai demandé à ce monsieur pourquoi il avait tant investi dans son gendre, en le comblant de toutes sortes de bienfaits, et celui-ci a répondu que tout ce qu’il désirait, c’était qu’il apprécie sa conduite et que cela le pousse à bien se conduire envers sa fille. Mais maintenant, tous ses rêves s’étaient évaporés. Quand j’ai entendu cette réponse, j’ai immédiatement commencé à me demander pourquoi cette « affaire » n’avait pas réussi. Apparemment, la raison en était que le gendre se sentait comme un employé, or par nature (Guittin 13a) : « Un esclave n’aime pas avoir d’obligations. » Mais si le gendre était l’associé de son beau-père et que tous les gains soient partagés à égalité entre eux, alors l’« affaire » n’aurait pas échoué. Quand je suis arrivé à cette conclusion, j’ai proposé à cet homme une façon de se conduire à l’avenir, et je lui ai donné la bénédiction que la paix reviendrait dans le foyer de sa fille.
De cette histoire, nous apprenons que la nature du monde est que l’associé ressent une plus grande responsabilité pour son affaire. On peut dire quelque chose du même genre en ce qui nous concerne : le Saint, béni soit-Il désire que nous soyons des associés actifs et importants dans la construction du Sanctuaire, c’est pourquoi Il nous a enjoint avec insistance de donner pour le Sanctuaire justement de notre propre argent, afin que nous ayons une part dans sa construction, et ainsi Il nous le comptera comme si c’était nous qui avions amené Sa Présence à venir résider parmi nous.
De même, on peut dire plus encore : l’utilité de nous associer dans le Sanctuaire est, comme le disent les Sages (Berakhot 55a), que Betsalel unifiait les Noms du Saint, béni soit-Il par lesquels le monde avait été créé et les utilisait pour construire le Sanctuaire. L’explication en est que comme on le sait, le Saint, béni soit-Il (Zohar II 161b) « a regardé la Torah pour créer le monde ». La Torah entière est faite des Noms de D. (Zohar II 90b). Et il faut savoir qu’avant la Création, la Torah n’était pas semblable à ce qu’elle est aujourd’hui, avec des mitsvot et des lois, mais elle était remplie des Noms du Créateur du monde, et quand Il a envisagé de créer le monde, Il a séparé et ordonné toute chose pour la placer à l’endroit où elle devait être écrite dans la Torah (Introduction du Ramban à la Torah). Comme exemple, on peut apporter l’ordre « Ne laboure pas avec un bœuf et un âne ensemble » (Devarim 22, 10). Qu’a fait le Saint, béni soit-Il ? Il a créé le bœuf et Il a créé l’âne, pour que cet ordre puisse s’accomplir, et ainsi de suite.
Par conséquent, quand Betsalel a construit le Sanctuaire d’après les Noms de Hachem qu’Il avait utilisés pour créer le monde, il a réduit pour ainsi dire le monde et en a fait une miniature dans le Sanctuaire, si bien que le Sanctuaire est en fait un « petit monde ». Et du fait que le peuple d’Israël a apporté sa contribution au Sanctuaire, il est devenu par là l’associé dans la création d’un petit monde, ce qui était tout le but de l’association. Comme l’ont dit les Sages (Chabbat 119b), quiconque dit « Le ciel et la terre furent terminés » (Vayikhoulou) devient lui-même l’associé du Saint, béni soit-Il dans la création du monde. Il ont également dit (Nedarim 32a) que quiconque étudie la Torah maintient le monde à l’existence pour qu’il ne soit pas détruit, ainsi qu’il est écrit (Yirmiyah 33, 25) : « Si ce n’était pour Mon alliance le jour et la nuit, Je cesserais de fixer des lois au ciel et à la terre. »
L’essentiel de ce qui en découle est que nous sommes associés, pour ainsi dire, avec D. dans la construction du Sanctuaire, c’est-à-dire la création du monde. Nous devons savoir que si nous avons une utilité quelconque par nos actions, c’est à nous-mêmes que nous sommes utiles, et si nous détériorons par nos actions, c’est à nous-mêmes que nous faisons du mal. C’est véritablement nous-mêmes et le monde entier qui subissons les dommages de nos mauvaises actions, comme il est dit dans Kohélet (7, 13) : « Regarde l’œuvre de D. : qui peut redresser ce qu’il a abîmé ? »
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Le Maroc traversait une période difficile. La moitié du mois du deuxième Adar était déjà passée, et aucune goutte de pluie n’était tombée pour humidifier la terre. Les juifs de Mogador vinrent trouver Rabbi ‘Haïm Pinto pour le supplier de les sauver en priant pour eux, car le dommage était terrible pour les récoltes. En larmes, ils demandèrent au tsaddik d’éveiller la miséricorde du ciel en leur faveur.
Rabbi ‘Haïm écouta attentivement, et décréta : « Demain, vous vous réunirez tous à la synagogue. Ne mangez et ne buvez rien, et multipliez les prières. Ensuite, allez au cimetière et c’est là que nous attendrons le salut. »
Le lendemain, on proclama un jeûne public et des prières en commun. Le public se rassembla à la synagogue pour prier, et à la fin de la prière tout le monde se rendit au cimetière, avec Rabbi ‘Haïm à leur tête. Quand ils rentrèrent au cimetière, Rabbi ‘Haïm se tint à côté de l’une des tombes et demanda à son serviteur de dire à haute voix : « Adar Beit est en excommunication, Adar Beit est en excommunication, Adar Beit est en excommunication ! »
Le serviteur obéit, bien que le sens de ces mots lui échappât complètement. Et alors qu’il attendait de voir comment les choses allaient tourner, Rabbi ‘Haïm s’écria immédiatement à haute voix : « Adar Beit, tu es délié, Adar Beit, tu es pardonné, Adar Beit, tu es permis », comme on le dit dans la cérémonie de « hatarat nedarim », pour délier d’un vœu. Rabbi ‘Haïm termina ce qu’il voulait faire et rentra immédiatement chez lui. Tout le monde l’imita.
Alors que chacun rentrait chez soi, les entrepôts du ciel s’ouvrirent tout à coup et une pluie violente s’abattit à terre.
On raconte qu’encore avant que les fidèles aient eu le temps d’arriver chez eux, tous leurs vêtements étaient trempés par la pluie abondante qui était tombée ce jour-là grâce à la prière du tsaddik.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
L’engagement favorable
« Qu’ils Me prennent [en Mon Nom] une offrande » (Chemot 25, 2)
Trois frères de la ville de Marseille possédaient une grande chaîne de magasins qui réussissait dans la vente de vêtements et d’accessoires de mode, et voici qu’une certaine personne les dénonça en les accusant de vente illégale et de gains illicites.
Le fisc opéra des vérifications de leur comptabilité, et découvrit un certain nombre d’irrégularités, en conséquence de quoi ils furent traduits en justice et on voulut leur imposer une amende de plusieurs millions d’euros ! Les trois frères comprirent que pour ramasser cette somme énorme, ils devraient vendre toutes les boutiques qu’ils possédaient, ainsi que leurs domiciles privés, ce qui les laisserait dans le dénuement le plus total. Cela les bouleversa et mit en eux une grande angoisse.
Quand je les ai rencontrés après le décret qui venait de leur tomber sur la tête, encore avant le grand procès qui devait se dérouler, je me suis aperçu qu’ils étaient brisés et déprimés, et qu’ils ne savaient pas du tout que faire ni comment ils allaient sortir de ce terrible malheur.
« Le Rav comprend, me dit l’un des frères, qu’outre la difficulté que nous avons à concevoir la perte de tout notre argent et de tous nos biens personnels, nous sommes plongés dans une difficulté supplémentaire, c’est que nous n’aurons plus maintenant la possibilité d’honorer les engagements que nous avons pris au cours des années de donner de grosses sommes d’argent aux institutions de ‘hessed et de Torah, ainsi qu’aux yéchivot. Que pourrons-nous répondre aux nombreux envoyés quand ils viendront nous demander des sommes d’argent que nous n’aurons plus la possibilité de leur donner ? » demanda-t-il avec un grand désespoir.
Je lui ai répondu : « Admettons que Hachem ne vous laisse que les sommes d’argent que vous vous êtes engagés à donner à la tsedaka, est-ce que vous les prendrez pour vous-mêmes ou est-ce que vous les donnerez comme vous vous y êtes engagés ? »
Il répondit avec beaucoup d’assurance : « S’Il nous laisse ne fût-ce qu’une seule boutique dont nous puissions tirer notre subsistance, nous donnerons tous nos gains à la tsedaka, et nous ne demanderons rien pour nous-mêmes. »
En entendant cette réponse, je me suis adressé aux deux autres frères et je leur ai demandé, à eux aussi, comment ils se comporteraient si Hachem ne leur laissait que les sommes d’argent pour lesquelles ils s’étaient engagés envers la tsedaka, et ils ont immédiatement répondu que peu leur importait de perdre leur propre maison ni leur argent personnel : ce qui les préoccupait en ce moment était uniquement leurs obligations envers ceux qui étudient la Torah.
Quand j’ai entendu cela, j’ai été très ému et je leur ai donné la bénédiction suivante : « Il est certain que par le mérite de la mitsva de tsedaka que vous observez avec tant de fermeté, en regrettant d’avoir des difficultés à l’accomplir, le Saint, béni soit-Il joindra une bonne pensée à l’action, et vous fera réussir dans votre procès. »
C’est avec l’encouragement de cette affirmation que les trois frères ont abordé le grand procès complexe qui avait été fixé.
Au jour prévu, ils devaient passer trois procès différents.
Le premier se déroula, le deuxième également. Mais quand le juge voulut ouvrir leur dossier devant eux pour le troisième et dernier procès, on ne le trouva pas ! C’était le dossier qui contenait tous les documents et tous les témoignages accusateurs à cause desquels ils devaient s’attendre à un verdict qui leur prendrait tout ce qu’ils possédaient…
On se mit immédiatement à chercher le dossier perdu, mais malgré des recherches dans tous les endroits possibles et dans tout les bureaux imaginables, le dossier avait disparu, comme s’il n’avait jamais existé.
En l’absence de ce dossier capital, il fut décidé de reporter le moment du procès de quinze jours, en pensant que pendant ce temps-là, on retrouverait le dossier perdu, et alors on pourrait donner le verdict concernant les propriétaires de la société.
Au fil des jours, les frères attendirent une convocation au Tribunal, mais à leur grande surprise, on ne leur en envoya aucune. Un mois passa, puis un autre mois, six mois passèrent, et le Tribunal ne donnait aucun signe de vie. C’était tout à fait extraordinaire.
Au bout de six mois supplémentaires pendant lesquels les frères ne reçurent aucune convocation au Tribunal, ils s’adressèrent à leur avocat pour lui demander s’il savait où en était leur affaire.
« Pourquoi voulez-vous éveiller quelque chose qui a été oublié ? Efforcez-vous vous aussi d’oublier tout cela, et ne réveillez pas le chat qui dort », leur répliqua l’avocat.
Mais les frères avaient très peur, c’est pourquoi ils envoyèrent l’avocat au juge, pour qu’il vérifie ce qu’était devenu le dossier.
Quand le juge entendit la question, il pensa que ses oreilles le trompaient, et il envoya l’avocat répondre aux frères qu’ils avaient beaucoup de chance, et qu’il n’y avait eu aucun décret dans leur affaire !
Cette histoire était absolument extraordinaire et a provoqué un très grand kidouch Hachem, car tout le monde a vu l’immense pouvoir du Saint, béni soit-Il, Qui est tout-puissant, et Qui en un seul instant relève les humbles. C’était aussi une grande leçon sur l’immense force de la mitsva de tsedaka, qui est capable de transformer un mauvais décret.
Rabbi ‘Haïm Vital dit à ce propos que lorsqu’un juif commet une faute, il risque de perdre toutes les mitsvot qu’il a faites, à l’exception de la mitsva de tsedaka, car il est dit « Sa justice [« tsidkato », littéralement : sa tsedaka] subsiste à jamais » (Téhilim 111, 3). Et il me semble logique d’ajouter que peut-être, grâce à la mitsva de tsedaka que l’on conserve à jamais, on peut mériter que le cœur s’éveille au regret et au repentir.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« Hachem donna la sagesse à Chelomo (I Melakhim 5, 6)
Le rapport avec la paracha : La haphtara raconte la construction du Premier Temple construit par le roi Chelomo, ce qui est en rapport avec la paracha, où il est question de la construction du Sanctuaire par Moché.
« Il y eut la paix entre ‘Hiram et Chelomo et tous deux conclurent une alliance » (I Melakhim 5, 26)
Comment le roi Chelomo a-t-il pu conclure une alliance avec un étranger ?
Rabbi Bounim de Peschis’ha zatsal répond à cela que certes, il est écrit littéralement « ils conclurent une alliance tous deux » et non « ils conclurent tous deux une alliance », parce que bien qu’ils aient conclu une alliance, malgré tout ils sont resté « tous deux », à savoir deux mondes différents.
L’alliance avait par conséquent simplement un caractère politique, ce n’était pas une alliance spirituelle intérieure.
(Ma’ayana chel Torah)
« Cette demeure que tu construis, si tu marches dans Mes lois et que tu observes Mes statuts » (I Melakhim 7, 12).
Hachem a dit à Chelomo : « Ne t’imagine pas que la construction de cette maison s’opère par l’argent et l’or que tu as investis en quantité. Tout cela n’est que de la matière inerte et non un Temple.
« C’est seulement « si tu marches dans Mes lois et que tu observes Mes statuts », qu’ainsi tu construiras la Demeure. Et cela mènera à l’installation de la Présence divine et la Demeure deviendra un Temple. »
Avec ces matériaux spirituels, il est possible qu’il y ait un Temple, même après la destruction. Même quand les matériaux concrets ne seront plus là, même alors, la promesse « Je résiderai parmi les bnei Israël et Je n’abandonnerai pas Mon peuple Israël » se réalisera.
(« Kokhav MeYa’akov »)
GARDE TA LANGUE
Tu aimeras ton prochain – comme toi-même !
Celui qui dit du lachon hara sur le prochain et celui qui en écoute transgressent tous deux la mitsva « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », car celui qui aime son prochain comme lui-même ne raconte pas de lachon hara sur lui et n’accepte pas d’en entendre.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
La grandeur de l’unité
« Ils me feront un sanctuaire et Je résiderai parmi eux. » (Chemot 25, 8)
Le Saint, béni soit-Il demande au peuple d’Israël de Lui construire un petit sanctuaire, pour qu’Il puisse faire demeurer Sa présence parmi eux. Le verset dit « Je résiderai parmi eux », et c’est surprenant, il aurait été plus normal d’écrire « J’y résiderai » ! Pourquoi ce pluriel ? C’est la raison pour laquelle nos Sages expliquent que le Saint, béni soit-Il a insinué aux bnei Israël qu’Il désirait faire reposer Sa Chekhina non seulement à l’intérieur du Sanctuaire, mais à l’intérieur de chaque juif, qui est comme un petit sanctuaire (voir Néfech Ha’Haïm 1, 4, dans la note). Mais nous devons savoir que la base et la condition de la Présence du Créateur en l’homme dépend de l’unité des bnei Israël entre eux, car tant qu’ils sont unis et ont un sentiment de responsabilité mutuelle, le Saint, béni soit-Il peut faire résider Sa Chekhina entre eux. En revanche, quand la séparation et la discorde règnent au sein des bnei Israël, le Saint, béni soit-Il ne peut pas faire reposer Sa Chekhina parmi eux, car Sa nature est la paix (Chabbat 10b), de même, Il a conclu la birkat cohanim par la paix (chalom), et nous terminons la prière du Chemonè Esré et les bénédictions du Chema par la paix (voir Bemidbar Rabba 21, 1). Or la réalité de la discorde et des disputes ne peut pas exister en même temps que cette nature de paix.
De plus, Hachem n’a accordé la Torah aux bnei Israël qu’une fois qu’ils se sont trouvés dans l’unité, ainsi qu’il est dit dans la Torah (Chemot 19, 2) : « Israël campa là en face de la montagne. » Le mot « campa » est au singulier, pour nous enseigner que les bnei Israël ont campé en face de la montagne comme un seul homme avec un seul cœur (voir Yalkout Chimoni Chemot 275). Hachem n’accorde la Torah à Ses enfants qu’une fois qu’Il les a vus dans l’unité, parce que la plupart des mitsvot de la Torah ont trait à des sujets qui dépendent des relations des hommes entre eux. Et comme beaucoup des mitsvot traitent de ce genre de sujets, pour que la Torah puisse s’appliquer aux bnei Israël et vivre en eux, ils devaient d’abord faire la preuve que la paix et la fraternité régnaient effectivement ente eux, et ensuite seulement ils ont mérité de recevoir la Torah.
En réfléchissant, on s’aperçoit qu’on peut facilement casser un bâton, mais un fagot de douze bâtons, il est beaucoup plus difficile de le briser. De la même façon, lorsque le peuple d’Israël est dispersé et que chacun se trouve dans son coin, il est facile de le démoraliser et de le soumettre. En revanche, quand les douze tribus de D. se trouvent entre eux en paix et dans l’unité, le fait même de cette unité les renforce et empêche la possibilité de les démoraliser et de les soumettre (voir Yalkout Chimoni Amos 5049).
A LA SOURCE
« Qu’ils prennent pour Moi une offrande » (25, 2)
Cette paracha est juxtaposée à la parachat Michpatim, ce qui comporte une allusion, comme l’écrit Rabbi Ya'akov Guintz dans son livre « Harei Bachamaïm » au fait qu’avant de donner de la tsedaka avec son argent, il faut vérifier que cet argent ne contient pas la moindre trace de vol, car dans le cas contraire la tsedaka ne servirait absolument à rien, comme un loulav volé, parce que ce serait une mitsva provenant d’une transgression.
C’est ce que veut dire le prophète Yéchayah (59, 14) : « La justice est forcée de reculer et la tsedaka se tient au loin », car une fois que la justice a reculé, même la tsedaka que l’on fait se tient au loin et n’est d’aucune utilité.
Cette idée figure déjà chez le prophète (56, 1) : « Observez la justice et faites de la tsedaka, car Mon secours est près de venir. »
C’est donc la raison pour laquelle la parachat Michpatim vient en premier, et ensuite Hachem a donné l’ordre d’apporter une offrande pour le Sanctuaire.
« Tu le recouvriras d’or pur, à l’intérieur et à l’extérieur » (25, 11).
Rabbi Yossef Dov Soloveitchik zatsal, dans son livre « Beit Halévy », voit dans cet ordre une injonction aux responsables de la communauté, à ceux qui donnent la tsedaka et soutiennent les talmidei ‘hakhamim, à ne pas se contenter de donner de la nourriture, mais à veiller également à leur honneur, en leur fournissant des vêtements, un appartement et ainsi de suite. On ne doit pas dire qu’il suffit à un talmid ‘hakham d’avoir de la nourriture pour qu’il se sente libre d’étudier, mais qu’il n’a pas besoin de marques de respect, et qu’il est inutile de multiplier les frais pour le rendre honorable.
C’est pourquoi la Torah a ordonné « Tu le recouvriras à l’intérieur et à l’extérieur », que le talmid ‘hakham soit convenable extérieurement aussi. Il ne suffit pas de le recouvrir « intérieurement », qu’il ait chez lui de quoi manger, mais aussi « extérieurement » : les talmidei ‘hakhamim doivent être agréables aux yeux des autres dans leurs vêtements, leurs demeures et tout ce qui les concerne.
« Tu feras des tentures de chèvre pour la tente du Sanctuaire » (26, 7).
Toute la beauté du Sanctuaire qui était construit en or et en argent, en tentures d’azur et de pourpre et d’écarlate, tout cela était recouvert de tentures ordinaires de peaux de chèvre avec des agrafes en cuivre.
Cela comporte une leçon pour les bnei Israël, comme il est expliqué dans le livre « Pardes Yossef » : nous devons savoir comment nous comporter avec la richesse ; la beauté et le luxe à l’intérieur de la maison, alors qu’à l’extérieur, il faut manifester de la simplicité pour ne pas éveiller la jalousie et l’hostilité des voisins.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« De tout homme (« meet kol ich ») qui y sera porté par son cœur » (25, 2)
Les mots « meet kol ich » sont superflus, il aurait suffi de dire « de quiconque y sera porté par son cœur ». Ces trois mots viennent peut-être inclure trois détails dans lesquels la loi est différente de l’habitude. Ce sont les orphelins, les femmes et les riches généreux. Les orphelins parce qu’on n’impose pas aux orphelins de donner de la tsedaka, mais si c’est pour leur faire une bonne renommée, c’est permis. Les femmes, ainsi qu’il est dit qu’on ne doit accepter des femmes qu’une toute petite somme. Le riche généreux, comme il est dit qu’il est interdit à celui qui gère la tsedaka d’exiger de lui un don, de peur qu’il ne se force à donner ce qu’il ne peut pas vraiment se permettre.
En ce qui concerne l’offrande pour le Sanctuaire, Hachem a dit à Moché qu’il prenne aussi de ces trois catégories. Le mot « ett » vient inclure les femmes, le mot « kol » vient inclure les orphelins, et le mot « ich » le généreux, de ces trois-là on doit prendre, même quelque chose d’important.
On peut l’expliquer par les paroles des Sages qui ont dit que le Sanctuaire vient racheter la faute du Veau d’Or, et aussi que la manne faisait tomber du ciel pour les bnei Israël des pierres précieuses, ou encore que le plus petit d’entre eux avait pris du butin de l’Egypte de quoi charger quarante ânes d’argent, d’or et de pierres précieuses. Ils ont encore dit que le butin de la mer était plus important que le butin de l’Egypte, donc les bnei Israël étaient immensément riches, c’est pourquoi on pouvait inclure ces trois catégories, car les exceptions ne portent que sur les cas ordinaires, mais dans le cas du Sanctuaire, on peut prendre de ces personnes, d’autant plus qu’en regard de leur grande richesse, ce pouvait être considéré comme une petite chose, même pour celui qui est généreux, et même s’il avait donné tout ce qu’il fallait pour le Sanctuaire.
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
L’homme, œuvre des mains du Saint, béni soit-Il, a été créé à l’image de D. Les Sages ont expliqué que quiconque méprisait l’œuvre des mains de D., c’est comme s’il méprisait D. Lui-Même.
Effrayant !
Eh oui. Demandons-nous à propos de qui cela a été dit. Dans le livre de Devarim, la Torah ordonne au tribunal qu’après avoir pendu celui qui était passible de mort, il ne fallait pas le laisser passer la nuit sur la potence, mais l’enterrer immédiatement, le jour même. Et pourquoi ? « Parce qu’un pendu est une malédiction de D. »
Rabbi Méïr compare cette situation à celle de deux frères jumeaux vivant dans une même ville. L’un est nommé roi, et l’autre devient brigand. Le roi ordonne de le pendre. Quiconque le voit se dit : « Le roi est pendu ! » Le roi ordonne alors qu’on le descende (Sanhédrin 46b).
Nous voyons donc que la Torah a tant de considération pour l’homme que de le mépriser équivaut à mépriser D., bien qu’il soit question de quelqu’un que le tribunal a jugé passible de mort, et non d’un tsaddik ou d’un homme pieux.
En ce qui concerne le respect envers le prochain, nous devons apprendre de la conduite du Rav Shakh zatsal, comme le raconte le livre « Orh’ot Rabbeinou » :
« En ce qui concerne l’attention portée au respect de l’autre, celle de Rabbeinou était extrême. Dans sa grande sagesse et sa sensibilité inhabituelle, il savait reconnaître d’avance les situations dans lesquelles il y avait un risque de blesser l’autre, et faisait tout pour éviter d’en arriver là. Il utilisait toutes sortes de subterfuges, afin de surtout ne pas provoquer la moindre peine à autrui et ne pas le blesser.
« Dans un cas extraordinaire, que raconte l’un de ses élèves, Rabbeinou participait à une circoncision chez l’un de ses élèves qui lui avait demandé d’être sandak. Pendant les préparatifs de la fête, l’un des participants transportait un banc d’un endroit à l’autre, lorsque à cause de sa maladresse, le banc alla frapper le dos de Rabbeinou…
« Naturellement, ceux qui étaient présents prirent peur. Le coup était fort et avait certainement fait mal, mais Rabbeinou ne se retourna même pas… dans sa grande sensibilité, il avait compris que s’il se retournait et pouvait voir qui était le maladroit qui l’avait frappé, cela causerait à ce dernier une grande honte, et cela, il voulait l’éviter à tout prix ! »
Il y a une histoire concernant le Roch Yéchiva de Porat Yossef, le gaon Rabbi Yéhouda Tsadka zatsal, à l’époque où il rassemblait les enseignants du « ‘Hinoukh Ha’atsmaï » au début de sa fondation pour qu’ils se regroupent dans cet organisme. Il participait avec eux à des réunions et des discussions sur divers problèmes. Au cours de l’une d’elle, l’un des enseignants, qui en avait assez, se leva tout à coup et l’humilia en public. Etait également présent le neveu de Rabbi Yéhouda, qui fut rempli de colère contre cet homme, mais se contint et se dit : « L’honneur du Ciel veut que je me maîtrise pour le moment, mais je ne vais pas laisser cet homme passer la nuit en toute tranquillité. »
Après la réunion, quand tous les participants se furent dispersés pour rentrer chez eux, le neveu rentra chez lui et écrivit de sa main une violente protestation contre l’homme qui avait eu l’insolence de s’attaquer à l’honneur de la Torah.
Peu de temps après, son oncle, Rabbi Yéhouda, apparut sur le seuil de son appartement. Il se dit naïvement qu’il venait chez lui pour parler de quelque chose ayant trait aux activités discutées et à la façon d’organiser les enseignants. Mais après quelques paroles polies, Rabbi Yéhouda lui demanda ce qu’il pensait de l’homme en question.
Le neveu répondit : « Je n’aurai pas de paix ni de repos jusqu’à ce qu’il vienne te demander pardon, monte sur l’estrade, s’excuse en public, et dise : J’ai péché envers le D. d’Israël et envers Rabbi Yéhouda Tsadka. »
Alors, le Roch Yéchiva s’adressa à lui en ces termes : « Je vais te demander quelque chose, mon fils. Il est dit dans la Guemara (Chabbat 88b) : « Ceux qui subissent des affronts mais ne répliquent pas, s’entendent humilier et ne répondent pas, l’Ecriture dit d’eux : « Tes amis rayonneront comme le soleil dans sa gloire. » La question se pose : pourquoi les Sages évoquent-ils tout cela au pluriel, alors que celui qui est offensé est une seule personne, il n’y en a pas toujours plusieurs ? Il aurait donc fallu utiliser le singulier !
C’est que, expliqua-t-il, c’est parce que celui qu’on a offensé, humilié ou insulté, non seulement est certainement vexé, mais il y en a plusieurs autres qui sont offensés en même temps que lui, par exemple de la famille ou des amis ou des connaissances, des élèves et des disciples. Par conséquent, sache que les Sages viennent nous enseigner qu’eux aussi ont le devoir de ne pas répliquer et de ne pas répondre. C’est d’eux que l’Ecriture dit qu’ils sont les « amis » de Hachem.
Une belle leçon
Il faut éviter de raconter des secrets en présence d’étrangers, ou de parler dans une langue étrangère en leur présence. Ces choses mènent aux soupçons et à la méfiance.
(« Hizaharou Bikhvod ‘Havreikhem »)