Parachat Vayikra 21 Mars 2015 1er Nissan 5775 |
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« Quand un homme offrira de vous un sacrifice » (Vayikra 1, 2)
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
On sait que la première paracha par laquelle on commence à enseigner la Torah aux petits enfants est la parachat Vayikra. Bien qu’elle soit plus difficile que les autres, puisqu’elle traite des halakhot complexes des sacrifices, c’est tout de même la coutume d’Israël de commencer l’enseignement par cette paracha, parce qu’elle éduque à ce qui constitue le don de soi. C’est le sens de « quand un homme offrira de vous un sacrifice » : tout homme doit sacrifier de lui-même, de son essence (« de vous ») pour le Créateur. Il est écrit (Téhilim 44, 23) : « Pour Toi nous sommes tués tous les jours », et les Sages ont expliqué (Guittin 57b) que l’on apprend de là que l’homme doit offrir sa vie pour faire la volonté du Créateur. Mais avec tout cela, le verset ne désigne pas uniquement un don de la vie effectif, comme pour les dix martyrs ou ‘Hana et ses sept fils, mais plutôt qu’on doit s’élever dans le service de D. au point d’être prêt à se sacrifier, à donner de son être et à annuler ses propres volontés devant celle de D.
Ce sujet, sur lequel le judaïsme repose, on l’enseigne aux jeunes dès leur plus tendre enfance, parce qu’écrire sur leur âme tendre ressemble à écrire sur un papier vierge (Avot 4, 20). Plus on leur apprend tôt qu’il y a lieu de se dévouer et de sacrifier quelque chose de soi-même, comme il découle de l’étude des sacrifices, plus il mériteront, avec l’aide du ciel, de grandir en juifs croyants et pieux prêts à se sacrifier pour D.
Nous devons savoir que le sacrifice de soi en faveur de la volonté de Hachem ne comporte pas uniquement des choses terribles et élevées qui exigent énormément de sacrifices, mais également des petites choses simples de la vie quotidienne. Par exemple, quand on se domine et qu’on se lève comme un lion pour aller prier avec un mynian, cela s’appelle un sacrifice, ainsi que lorsqu’on investit de l’argent pour acheter des très beaux tefilin, au lieu de le mettre dans des choses superflues. Cela ne dépend donc pas uniquement de grandes choses, mais se mesure également à des choses apparemment simples de la vie de tous les jours, qui représentent aussi un véritable dévouement, et sont considérées par le Créateur comme si l’on avait offert un sacrifice.
Il est écrit (Hochea 14, 3) : « Nos lèvres paieront les taureaux », ce que les Sages ont expliqué comme signifiant que depuis que nous ne pouvons plus apporter de sacrifices, la prière est ce qui les remplace. Lorsqu’on s’adresse en prière à Hachem en se repentant de ses mauvaises actions, la prière et la techouva montent devant Lui comme un holocauste, et il est écrit (Devarim 4, 30) : « Tu reviendras jusqu’à Hachem ton D. » Cela aussi vient nous enseigner que la façon de se rapprocher de D. est par la techouva. Lorsqu’on abandonne ses mauvaises voies en confessant ses fautes et en prenant sur soi de ne plus jamais y retomber, c’est considéré comme si l’on avait offert un sacrifice expiatoire devant D.
Dans ce contexte, il faut se demander pourquoi le Créateur nous a ordonné d’offrir des sacrifices à l’époque du Temple. Est-ce que Lui, Qui est incorporel, avait besoin des sacrifices offerts par nos ancêtres sur l’autel ? Il est clair que le Saint, béni soit-Il n’a aucun bénéfice à tirer des sacrifices, mais qu’ils sont entièrement destinés à l’homme. Il faut donc expliquer quelle est la spécificité et quels sont les avantages du sacrifice, pour que le Créateur nous ait ordonné de Lui en offrir de différentes sortes, chacun ayant un but bien précis.
Imaginons-nous que le Temple ressemblait à un immense abattoir, étant donné qu’à toute heure de la journée des quantités de personnes y venaient pour offrir des sacrifices, chacune pour une raison personnelle. Apparemment, il aurait convenu que le Temple représente aux yeux du monde un symbole de sainteté et de pureté, sans y mêler l’abattage de bêtes avec tout ce que cela implique. Certes, nous avons le témoignage des Sages (Avot 5, 5) selon lequel on n’a jamais vu une mouche dans l’abattoir, et l’odeur de l’encens montait du Temple et se répandait dans Jérusalem, au point que les femmes n’avaient pas besoin de se parfumer (Yoma 39b), à cause de l’odeur agréable qui régnait à Jérusalem. Mais il n’en reste pas moins qu’apparemment, tout ce qui a trait aux sacrifices contredit la nature du Temple, qui est entièrement de sainteté et de spiritualité.
On peut répondre à cette question d’après ce que dit le Rambam (Moré Nevoukhim III 46), à savoir que lorsque les bnei Israël étaient asservis en Egypte, au cours de leur esclavage ils ont été témoins de la façon dont les Egyptiens faisaient des bêtes des idoles. Il était donc inévitable qu’il leur en reste quelque chose. Tout au fond du cœur, il y avait une admiration et un respect de la bête, la preuve en étant que lorsque Moché a tardé de descendre du Ciel, les bnei Israël ont voulu pour eux-mêmes un dirigeant pour le remplacer, et comme ils admiraient le bétail, ils ont fait la forme d’un Veau. S’ils n’avaient ressenti aucun respect envers les idoles de l’Egypte, ils n’auraient pas voulu pour eux-mêmes une idole sous la forme d’un veau, mais il est possible qu’ils auraient demandé des dieux sous la forme des armées célestes, ou quelque chose de ce genre.
C’est ce que dit le Rambam (Moré Nevoukhhim III 46) : le but des sacrifices était de déraciner ce sentiment du cœur des bnei Israël et de leur montrer que le bétail n’a aucun pouvoir ni aucune divinité, la preuve en étant qu’on peut les sacrifier sur l’autel. Du fait que les bnei Israël égorgeaient et offraient les idoles des Egyptiens sur l’autel, par cet acte ils égorgeaient aussi l’impression qui leur était restée de l’esclavage d’Egypte, au point que leur cœur s’est trouvé libre de servir uniquement Hachem.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
Le plaisir de l’instant
L’un de mes voyages à l’étranger, au cours duquel je devais partir de l’aéroport de Paris, fut retardé pendant quelques heures parce que les repas n’étaient pas encore arrivés à l’avion, c’est pourquoi les voyageurs furent obligés d’attendre à l’aéroport jusqu’à ce que la situation soit réglée.
Pendant toutes ces heures-là, je me suis efforcé de penser à des paroles de Torah, et parmi les nouvelles interprétations qui me sont venues à l’esprit alors que j’attendais, j’ai écrit entre autres :
J’écris ces choses assis à l’aéroport de Paris, et il y a déjà un retard du vol de plusieurs heures. En effet, l’équipe qui apporte la nourriture à l’avion est en grève, et l’avion ne décollera pas sans nourriture à bord.
En ce qui me concerne, je me demande ce que cela peut faire que nous ne mangions pas pendant le voyage, puisque nous faisons plusieurs jeûnes pendant l’année, et en particulier à Yom Kippour et Ticha BeAv, qui sont de longs jeûnes. Peu m’importe de ne pas manger, l’essentiel est d’arriver sain et sauf à destination.
Mais en face de moi je vois que tous les non-juifs qui doivent prendre le même avion ne sont pas du tout en train de discuter du retard, mais parlent tout le temps de nourriture : combien il est frustrant d’être privé d’un bon repas et de boissons à volonté ! A chaque instant, ils téléphonent à leur famille, en exprimant leur colère du fait qu’il n’y aura pas de repas pendant le vol, si bien qu’ils ont été obligés d’acheter des sandwiches. Tout cela parce qu’il leur était difficile de supporter le poids du sacrifice de ne pas manger. Alors que par ailleurs, il est écrit sur le peuple d’Israël : « Car à cause de Toi nous sommes tués tous les jours » (Téhilim 44, 23).
C’est cela que j’ai écrit en attendant que se résolve le retard du vol.
Ensuite, j’ai pensé plus précisément à la différence entre le peuple d’Israël et les nations du monde en ce qui concerne le désir.
Les non-juifs qui m’entouraient n’étaient pas capables d’imaginer un vol sans nourriture ni boisson, c’est pourquoi ils avaient même retardé le décollage de l’avion. Alors que le peuple d’Israël jeûne plusieurs fois dans l’année sur l’ordre du Créateur, et par là se débarrasse du désir de la nourriture superflue et se sanctifie dans ce qui est permis.
Cette compréhension nous mène à l’histoire suivante, dont nous pourrons aussi apprendre sur la grandeur des bnei Israël, qui investissent des efforts et des forces pour servir le Créateur.
Une certaine année est venu se présenter à moi un homme très âgé qui avait les yeux gonflés et le visage sombre et creusé de rides. Tout son corps était hâlé et bronzé par les rayons du soleil.
Quand je lui ai demandé comment cela lui était arrivé, il m’a expliqué que tout cela résultait d’être resté assis très longtemps sous les rayons du soleil pendant de nombreuses années, dans le but avoué de bronzer. A force de chaleur et des rayons du soleil, son visage avait noirci et s’était ridé. Ses yeux gonflés n’étaient que le résultat direct du manque de sommeil la nuit à cause de diverses distractions et autres vanités de ce monde.
Quand j’ai entendu cela, mon cœur s’est rempli de crainte pour lui. Qu’est-ce que ce vieillard allait répondre quand son jour arriverait et que le tribunal céleste lui demanderait ce que signifiaient ses actes ici-bas ? Est-ce qu’il oserait répondre devant le Saint, béni soit-Il et les anges célestes comme il venait de me répondre à moi ? Que toute sa vie il avait cherché à assouvir les divers désirs de son corps ?
Par ailleurs, je me suis dit qu’à l’opposé de cet homme qui avait les yeux gonflés pour s’être livré aux vanités de ce monde et dont le visage avait noirci au soleil, heureux est le juif dont les yeux sont gonflés parce qu’il leur a refusé le sommeil pour étudier la Torah même la nuit, et heureux est celui dont le visage a noirci et s’est ridé à cause de son étude de la Torah et des efforts qu’il y a mis.
Et heureuse est la part du juif dont les cheveux ont blanchi à cause des immenses efforts qu’il a investis dans la Torah.
Heureux sommes-nous, comme notre sort est bon, comme notre destin est agréable, et comme notre héritage est beau !
GARDE TA LANGUE
A cause de la sainteté du lieu
Celui qui dit du lachon hara à la synagogue ou au beit hamidrach transgresse également l’interdiction « vous craindrez Mon Sanctuaire », qui est une mitsva de craindre Celui qui a placé Son Nom en ce lieu, dont les synagogues et les maisons d’étude font également partie.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Le Saint, béni soit-Il nous appelle chaque jour et à toute heure
« Hachem appela Moché et lui parla de la Tente d’assignation en disant » (Vayikra 1, 1).
Pourquoi cette expression de « vayikra » (Il appela) a-t-elle été choisie de préférence à toute autre ? En effet, il est courant que le Saint, béni soit-Il S’adresse à Moché dans les termes « vayidaber » (Il parla), « vayomer » (Il dit). On peut expliquer que « vayikra » signifie un appel, mais peut aussi être compris comme « lire, étudier », pour nous enseigner que le Saint, béni soit-Il a étudié avec Moché. Sa voix jaillissait de la gorge de Moché, et celui qui étudie la Torah doit savoir que le Saint, béni soit-Il étudie avec lui.
Les Sages (Yalkout Chimoni Michlei 953) ajoutent que l’expression « vayikra » vient nous faire l’éloge de Moché, car il est celui que Hachem a appelé avec une expression d’affection, et Moché, dans sa grande humilité, a considéré cela comme si ce mot était écrit avec un « hé » au lieu du « aleph », comme « yakar », quelque chose de précieux et d’élevé, qu’il avait mérité grâce à la profondeur de son étude de la sainte Torah.
Je me suis toujours demandé pourquoi le Saint, béni soit-Il n’avait pas énoncé personnellement toute la Torah au peuple d’Israël, mais avait commencé Lui-Même puis laissé Moché continuer. Or on sait qu’Il avait la possibilité de le faire, de même qu’Il a dit le mot « Anokhi », qui comprenait la Torah toute entière en soixante-dix langues. Par conséquent, pour quelle raison Moché a-t-il répété toute la Torah aux bnei Israël au lieu que ce soit le Saint, béni soit-Il en personne Qui la leur enseigne ?
On peut répondre à cela par une parabole. Lorsque nous voyons un train qui traîne des wagons, on comprend que c’est la locomotive qui conduit, et que du fait que les wagons ont des roues, ils la suivent. C’est la même chose en ce qui nous concerne : le Saint, béni soit-Il est comparé à la locomotive qui tire le tout après elle. C’est Sa volonté que nous soyons rattachés à Lui et que nous le suivions comme une continuité. Or s’Il avait Lui-Même prononcé toute la Torah pour l’ensemble d’Israël dès le début, nous les petits, nous n’aurions plus rien à renouveler par la suite. Il a voulu nous insinuer par là que nous devons nous donner du mal pour trouver de nouvelles explications, sans nous relâcher.
Les juifs du Maroc ont l’habitude de dire : « Heureux celui qui méritera de voir la délivrance, et heureux celui qui ne méritera pas de voir la délivrance. » Pourquoi cela ? C’est que la délivrance est un moment très difficile, car outre les mauvaises conditions de sécurité qui peuvent entraîner la mort physique, il y a aussi un danger spirituel terrible qui a le pouvoir de mener l’homme à une mort éternelle dont il ne se relèvera pas. C’est cela la séparation de « vayikra », la séparation de la réalité du Saint, béni soit-Il et de l’étude avec Lui. Quelqu’un qui étudie la Torah, c’est comme s’il étudiait avec Hachem.
Et c’est la raison pour laquelle nous évoquons tous les ans Haman, qui a fait de sinistres projets grâce à la réalité de l’affaiblissement dans l’étude de la Torah. C’est de cette situation qu’il a puisé la force de ses actes audacieux et qu’il a levé la tête (Méguila 13b). De même à ‘Hanouka, parce qu’ils avaient délaissé l’effort de l’étude, ce malheur leur est arrivé. L’affaiblissement dans la Torah mène à la destruction spirituelle et à l’assimilation, c’est pourquoi on doit toujours être attiré par Hachem et relié à Lui, Qui nous appelle chaque jour. En effet, la signification profonde de « Hachem appela Moché » s’adresse à tout un chacun, en tout temps et à toute heure, car en tout juif il y a une étincelle de Moché.
A LA SOURCE
« Hachem appela Moché » (1, 1)
Les commentateurs ont fait remarquer que la première fois où il est dit « Hachem appela Moché » est avant le don de la Torah (Chemot 19, 20). Pourquoi Moché n’a-t-il pas déjà écrit un petit « aleph » dû à son humilité à ce moment-là, et a-t-il attendu jusqu’à présent ?
On trouve une belle réponse à cela dans le livre « Chvilei HaParacha » au nom de Rabbi Chwelkin, avec l’introduction de l’enseignement suivant de la Guemara (Nedarim 38a) : « Rabbi Yo’hanan a dit que le Saint, béni soit-Il ne fait reposer Sa Chekhina que sur quelqu’un de fort, de riche, de sage et d’humble. »
Cela paraît étonnant ; « sage », on le comprend bien, « humble » également, car celui qui s’enorgueillit, c’est comme s’il repoussait la Chekhina, mais pourquoi faut-il aussi qu’il soit « fort » et « riche » pour mériter la Présence divine ?
Rabbi ‘Haïm de Volojine explique que la qualité essentielle pour la prophétie est l’humilité, mais que si l’on est pas aussi riche et fort, il n’y a aucune preuve que ce soit une humilité véritable, car quand on est pauvre, il n’y a pas de quoi s’enorgueillir. Mais si en plus d’être sage on est également fort et riche, et malgré tout humble, alors c’est une preuve que l’humilité est sincère et parfaite.
Or avant le don de la Torah, Moché était pauvre, car au moment où tous les bnei Israël étaient affairés à ramasser le butin de la mer, il s’occupait des ossements de Yossef, par conséquent il n’aurait pas convenu d’écrire à ce moment-là « vayikra » avec un petit « aleph » en signe d’humilité.
Mais à présent, une fois que les premières Tables ont été brisées et qu’il s’est enrichi de leurs débris, son humilité prend une signification particulière.
« Tout ce que tu présenteras comme offrande, tu le saleras avec du sel » (2, 13).
A notre époque, les sacrifices sont remplacés par la prière, et c’est ce service-là que D. nous invite à « saler avec du sel ».
Quel est donc le sel que nous devons utiliser dans nos prières ?
Ce sont les larmes, faites d’eau salée.
Et pourquoi les larmes s’appellent-elles une « alliance de sel » ?
Voici ce qu’explique Rabbeinou Ya'akov Abou’hatseira, que son mérite nous protège :
C’est parce que toutes les portes ont été verrouillées, à l’exception de la porte des larmes. Et c’est cela l’alliance conclue avec elles, qu’elles ne sont jamais en vain.
C’est pourquoi il faut accompagner tout sacrifice de sel, c’est-à-dire que nous devons verser des larmes dans toutes nos prières, et ainsi la prière ne sera pas vaine.
« Si quelqu’un détourne un objet consacré » (5, 15)
Le ‘Hida trouve dans ce verset une allusion à ce qu’ont dit les Sages, à savoir que le mot « ma’al » (détourner un objet consacré) est l’acrostiche de Maakhalot (la nourriture), Arayot (les relations interdites), Lachon (le bon usage du langage). En effet, la plupart des gens tombent dans le vol, une minorité dans les relations interdites, et tout le monde dans le lachon hara.
C’est l’allusion contenue dans les mots « si quelqu’un détourne un objet consacré (ma’al), il détourne la vie que lui a donnée D. pour se livrer à ces fautes principales, car à cause du désir de nourriture on en vient à voler, et à cause d’une trop grande abondance de nourriture on en vient aux relations interdites dans lesquelles tombe une minorité.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Si quelqu’un commet par inadvertance une faute en transgressant un interdit de Hachem » (4, 2)
Par allusion, du fait que l’âme d’un homme mauvais se trouve diminuée à cause d’un acte mauvais, du fait d’une faute délibérée le mauvais s’appelle mort de son vivant, ainsi qu’il est dit (Yé’hezkel 18, 32) : « lorsque le mort meurt », parce qu’il n’a pas d’âme. Et il est également dit (Michlei 23, 2) : « Si tu possèdes une âme ». Or le verset déclare que l’âme est également diminuée par une faute involontaire, non pas entièrement mais un peu, et du fait de ce manque, Hachem dit qu’on doit amener un sacrifice, ainsi l’âme se rapprochera de sa racine, qui l’éclairera comme auparavant. Mais une faute délibérée efface entièrement l’âme, et un sacrifice ne servira à rien, car il n’y a plus dans la réalité d’âme à rapprocher, jusqu’à ce qu’elle se repente et que vienne Yom Kippour, alors elle vivra, ainsi qu’il est dit (Yé’hezkel 18, 32) : « Revenez, et vivez ! »
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Le Rambam, dans son commentaire sur la Michna dans Pirkei Avot, traite des paroles du Tanna qui dit : « Ne méprise aucun homme, car il n’y a pas d’homme qui n’ait son heure. » Voici comment il explique cette phrase :
« Ne méprise aucun homme au monde. En effet, il n’y a aucun homme sans importance dans le monde qui n’ait pas un moment où l’on aura besoin de lui pour quelque chose et qui vous sera utile. C’est pourquoi ne méprise aucun homme. »
Outre la valeur intrinsèque qu’il faut attribuer à tout homme du fait que c’est un homme, le Rambam veut souligner que même en ce qui concerne l’utilité personnelle, il faut se rappeler qu’il n’y a personne qui n’ait son heure, heure à laquelle il vous est supérieur dans un certain domaine et où l’on risque d’avoir besoin de son aide.
Tout lecteur a certainement eu un jour l’occasion de ressentir la vérité de cette affirmation. La providence divine nous fait parfois parvenir des rappels au moyen de rencontres avec quelqu’un que nous considérions comme inférieur, et voilà que maintenant il est devenu quelqu’un d’important et nous avons besoin de son aide.
Il est facile d’estimer quelle honte et quel désagrément seraient les nôtres si effectivement dans le passé nous avions méprisé cette personne, parce qu’elle ne nous paraissait pas respectable. La meilleure chose à faire dans le service de Hachem est donc de respecter tout homme, quel qu’il soit, naturellement et sans faire de calculs d’intérêts divers, car telle est la volonté de Hachem. Mais comme nous l’avons dit, la prudence nécessaire qui nous est conseillée par le Tanna est de faire attention à l’honneur de chacun et de s’abstenir de le mépriser, car il n’y a personne qui n’ait un moment où il monte à la grandeur et aux honneurs.
Tout ustensile a son heure
Le commentaire du Ya’avets au nom des commentateurs est imprégné d’une grâce particulière :
« N’éloigne aucun ustensile de chez toi en disant que tu n’en as pas besoin, car il n’y a rien qui n’ait sa place, et demain tu en auras besoin. C’est comme si la Michna avait pitié de petites cruches, alors que toutes ses leçons sont remplies de choses plus précieuses que l’or pur, et de plus nous avons vu plusieurs personnes à qui la chance n’a pas souri pendant toute leur vie.
« Mais il me semble que cette michna a beaucoup de raison d’être, car elle explique l’adage « Qui est respectable ? Celui qui respecte les autres. » En effet, le sage qui a du cœur et qui a atteint le niveau de l’humilité reconnaît la nécessité de tout ce qui existe dans le monde. Il n’y a rien d’inutile dans le monde, car tout est l’œuvre de D., et la grandeur de l’organisateur se fait connaître dans l’organisation et la sagesse de Ses actes. C’est pourquoi le sage respecte les créatures comme on respecte un fils de roi alors que le roi est assis à sa fenêtre d’où il vous regarde.
« Il est donc dit de ne pas mépriser, car celui qui se moque du pauvre aggrave sa situation, or il n’y a personne qui n’ait son heure, en ce monde-ci ou dans le monde à venir. Peut-être que sa grandeur dans le monde à venir dépassera la tienne, comme il est dit : ceux qui sont élevés sont en bas et ceux qui sont abaissés sont en haut. N’exagère rien en disant que ce n’est pas juste, qu’il était indigne d’être créé, car il n’y a rien au monde qui n’ait pas été créé pour une raison. Cette question n’a aucune raison d’être, car celui qui dit cela ne fait pas des compliments au monde.
« De plus, le monde est comme un corps dont la Torah est la forme, et de même qu’il n’y a rien qui ne contienne pas de Torah, il n’y a rien qui soit superflu dans le monde. »
Chacun a son heure propre
Pour terminer, citons un passage qui nous donne un regard élargi, éducatif et positif, vers un aspect supplémentaire de la phrase par laquelle nous avons commencé cette semaine : « Il n’y a personne qui n’ait son heure. »
Le Rav Moché Mordekhaï Pliskin chelita, dans son livre « Un bon cadre éducatif », raconte qu’un juif américain était venu en visite en Erets Israël avec ses trois enfants. Ils y sont restés pendant quinze jours et ont visité de nombreux endroits.
Une fois dans l’avion qui les ramenait en Amérique, le père demanda à chacun de ses enfants :
« Qu’est-ce qui t’a le plus plu dans ta visite en Israël ? »
Le premier répondit : « La visite chez le Rav. »
Le deuxième répondit : « La visite chez Mamie après le Chabbat. »
Le troisième répondit : « Le voyage au quartier de « Gueoula » à Jérusalem pour acheter des kipot neuves. » Alors, le père remarqua que les trois réponses avaient un dénominateur commun. Dans tous ces cas-là, il s’était promené avec un seul de ses enfants. Chacun avait particulièrement apprécié le voyage pendant lequel il avait été seul avec son père…
C’était cela son heure à lui !
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
En Elloul 5604 (un an avant la disparition de Rabbi ‘Haïm, que son mérite nous protège), la ville de Mogador fut détruite, au moment de la guerre entre les Marocains et les Français. De nombreux habitants furent obligés de fuir avec leur femme et leurs enfants en attendant que les choses se calment, pour être sauvés de la mort et de la faim qui sévissait dans la ville. Et c’est étonnant ! Comment le tsaddik n’a-t-il pas prié D. que la guerre n’arrive pas jusqu’à la ville ? Par la puissance de sa sainteté, Rabbi ‘Haïm aurait pu défendre le monde entier, et surtout empêcher que la ville de Mogador soit détruite !
Mais notre maître chelita a expliqué que c’est un principe connu que lorsque le tsaddik voit un décret dur et mauvais, il sait l’annuler par l’exil, c’est pourquoi il a préféré ordonner à tout le monde de s’enfuir et de s’exiler plutôt que de perdre la vie s’ils restaient dans la ville.
Rabbi ‘Haïm faisait partie d’un groupe d’habitants qui s’enfuit de la ville à pied, parce qu’à cause de la situation militaire, il n’y avait plus de charrettes ni d’ânes disponibles. Au moment où ils se sont enfuis est arrivé un non-juif qui dans sa haine des juifs a voulu frapper le Rav, mais sa main s’est immédiatement desséchée et il ne pouvait plus la lever. C’était un miracle. A ce moment-là, le Rav était déjà très âgé, il avait 86 ans, et ce voyage épuisant lui fut très difficile. Son fils le tsaddik Rabbi Hadan, que son mérite nous protège, prit son père sur ses épaules. Il marcha ainsi pendant un jour entier, jusqu’à ce qu’ils arrivent à la ville d’Azgar, où ils se réfugièrent chez le gouverneur de la ville, ‘Haz Abdallah, qui faisait partie des justes des nations.
Le gouverneur Abdallah assura les besoins du Rav et de sa famille avec largesse, il protégea la famille pendant toute cette période, et les sauva de la faim et de tout dommage. Après la guerre, Rabbi ‘Haïm et sa famille prirent congé de lui pour rentrer chez eux à Mogador. Le Rav lui donna la bénédiction de connaître tout ce qu’il y a de mieux, par le mérite de tout le bien qu’il avait fait à sa famille.
[Séfer Chenot ‘Haïm]