Behar Nasso 30 Mai 2015 12 Sivan 5775 |
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La sainteté du nazir: L'élimination du mauvais penchant
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
Dans le verset: Si un homme ou une femme fait expressément le vœu d'être nazir... il s'abstiendra de vin... et il présentera son offrande à l'Eternel, un agneau sans défaut pour holocauste, et un bélier sans défaut pour rémunératoire (Nombres 6:1-14). La Torah parle de celui qui aspire à se sanctifier et se dévouer corps et âme au Saint, béni soit-Il, qui veut fuir les futilités de ce monde et servir de sacrifice à son Créateur; qui vise à sanctifier et dépasser toutes les mitsvoth prescrites par la Torah. La Torah lui ordonne de s'abstenir de boire du vin et de se couper les cheveux: il porte alors le droit d'abstème, et devient sacré comme le Grand Prêtre. Il n'approchera d'aucun corps mort, même pour son père et pour sa mère, il ne se souillera pas (Lévitique 21:11). Le nazir est sanctifié par son élévation et ressemble au Grand Prêtre dont les habits contribuent à effacer les péchés de la communauté d'Israël (Zéva'him 88b; Erkhin 16a).
On peut se demander pourquoi la Torah lui interdit précisément de boire du vin et se couper les cheveux, ce qui le conduira à la sainteté absolue. C'est qu'à notre humble avis, la Torah donne à l'homme des conseils judicieux. S'il aspire à la plénitude et à se dévouer complètement à Dieu, il doit s'abstenir de boire du vin qui, comme nous l'avons vu, rend joyeux... Tous les plaisirs physiques servent de barrière qui empêche toute accession à la sainteté totale. Le nazir doit ressembler à un ange dévoué exclusivement à servir le Saint, béni soit-Il.
Quant à la barbe, nous savons qu'elle revêt de majesté celui qui la porte: elle donne au visage un aspect de sainteté (Zohar III, 131a). Les cheveux de la tête en revanche ont quelque chose d'impur, et celui qui les touche doit se laver les mains, ont enseigné nos Sages. D'autre part, les cheveux contribuent à embellir. C'est ce qu'on voit chez Yossef qui passait son enfance avec les fils de Bilha (Genèse 37:2), et se bouclait les cheveux pour être beau (Béréchith Rabah 84:7). C'est pour cela que la Torah prescrit au nazir de ne pas veiller à sa beauté physique en s'occupant de ses cheveux et de sa barbe: autrement, il risque de s'enorgueillir et d'en éprouver du plaisir, ce qui va à l'encontre de ses aspirations.
Rappelons l'épisode de cet abstème qui est venu un jour chez Chimon le Tsadik, et lui a demandé d'accepter son offrande pour qu'il puisse se raser les cheveux de la tête et la barbe. Pourquoi? lui demanda-t-il. Est-ce qu'ils te procurent du plaisir? Je suis un berger, lui expliqua le nazir, et j'ai vu le reflet de mon visage. J'ai alors été saisi de peur et craint d'être attaqué par le mauvais penchant car mes cheveux sont très beaux, c'est pour cela que j'ai sanctifié mes cheveux à Dieu. Chimon HaTsadik lui dit alors en l'embrassant sur le front: Que les nézirim comme toi se multiplient en Israël! Tu es sincère et tu as agi exclusivement pour l'amour de Dieu et réussi à vaincre ton mauvais penchant. L'abstème ressemble donc au Grand Prêtre, qui est seul habilité à entrer dans le Saint des Saints le jour de Kipour et est prêt à se sacrifier pour expier les fautes de la communauté d'Israël.
L'homme doit donc fuir tout ce qui peut lui procurer plaisir et satisfaction, car leur impact sur son âme est immense; il doit faire une haie autour de la Torah (Pirké Avoth 1:1) de peur de la transgresser. Car celui qui commet régulièrement des péchés est prêt à livrer combat à celui qui le réprimande si son cœur s'enorgueillit, il risque d'oublier l'Eternel, son Dieu (cf. Deutéronome 8:14). L'abstème doit donc se soumettre, s'humilier et s'abstenir de boire du vin pour montrer qu'il appartient tout entier à Dieu. Il doit éliminer de lui toute trace de corporalité...
Mais maintenant que notre Saint Temple a été détruit, comment pouvons-nous être des nézirim s'il faut apporter un sacrifice à la fin de la période de la nézirouth ou si on devient impurs? Comment pouvons-nous nous éloigner du mauvais penchant et de l'influence du voisinage? En étudiant la Torah dans les synagogues et yéchivoth, qui sont en quelque sorte des petits sanctuaires (cf. Ezéchiel 11:16; voir aussi Méguilah 29a). Donc, si ce scélérat paga' békha, te blesse, traîne-le vers la yéchivah. Le Talmud ne dit pas pagach békha, te rencontre, car cette rencontre même avec le mauvais penchant constitue un heurt. Traîne-le donc dans la maison d'étude, tu en seras épargné. Car la Torah protège et sauve (Sotah 21a). Il n'est donc pas de plus grand ascète que celui qui se débarrasse de toute corporalité et s'engage dans l'étude de la Torah.
Ne le traîne pas littéralement dans la maison d'étude: il risque de déranger toi et les autres dans leur étude. Laisse-le donc plutôt dehors... L'essentiel est de s'engager intensivement dans l'étude de la Torah (Torath Cohanim Bé'houkotaï), comme il est écrit: La Torah travaille pour le laborieux... (Proverbes 16:26; voir aussi Sanhédrine 99b): on se dépouille ainsi de toute corporalité et on se sanctifie complètement pour l'amour de Dieu et Sa Torah.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
L’espace qui se trouve à proximité de la tombe du tsaddik rabbi ‘Haïm Pinto est de l’ordre du « peu qui contient beaucoup ».
La pièce qui se trouve à côté de la tombe est petite et ne peut contenir qu’une trentaine de personnes. Mais un miracle se produit à chaque fois : chaque année, le jour de la hiloula, des centaines de personnes se retrouvent dans cette pièce. C’est un véritable miracle. Cela nous rappelle ce qui se produisait à Jérusalem, où Temple était de l’ordre du « peu qui contient beaucoup ».
Lors d’une nuit de hiloula, à quatre heures du matin, toute l’assemblée récitait des seli’hot près de la tombe. S’y trouvait aussi rabbi David ‘Hanania Pinto, qui était l’officiant.
Le Rav a fermé les yeux quand il a soudain vu une lumière briller, puis passer, puis disparaître. Il a d’abord pensé au flash d’un appareil photo, ou à une simple lumière. Mais non, c’était une lumière si intense, si particulière, si indescriptible.
Il croyait être le seul à l’avoir vue. Mais quand il a interrogé les gens autour de lui, nombreux sont ceux qui lui ont dit avoir vu cette lumière briller, puis disparaître. Il s’agissait en fait de la lumière positive émanant du tsaddik. A quoi correspond cette lumière ?
Le Rav l’explique selon le commentaire écrit par le gaon Rabbi Avraham ben ‘Attar :
Pour quelle raison allumons-nous des bougies près d’une tombe ?
Il est écrit « Car la mitsva est une lampe et la Torah est la lumière. » La lampe, c’est l’âme, la mitsva. Autrement dit, on peut éclairer son âme en accomplissant des mitsvot. Ainsi, en allumant des bougies près de la tombe d’un tsaddik, on éveille le souvenir des mitsvot qu’il a accomplies durant sa vie et de la sorte on éveille le mérite du tsaddik, qui sera un bon défenseur pour nous. C’est à cela que correspond la lumière intense : il s’agit de la lumière créée par les mitsvot du Rav.
Lorsque nous croyons d’une foi parfaite dans la puissance du tsaddik, dans le fait qu’il peut opérer des délivrances, alors il prend notre défense. Plus particulièrement avant les jours redoutables – Roch Hachana et Yom Kippour – où nous avons besoin de mérites et de défenseurs droits et justes, le mérite d’un tsaddik est ce qui peut le mieux intervenir en notre faveur.
Quand nous nous rendons sur les tombes des tsaddikim pour éveiller leurs mérites, ils œuvrent pour notre bien. Et parfois, le tsaddik nous exprime, par un signe, sa joie de voir les gens se lier à D. par son intermédiaire, et il révèle sa présence par une grande lumière de joie spirituelle intérieure.
Soyez donc heureux, vous qui avez mérité de voir cette lumière, car cela n’arrive pas à tout le monde ! Mais celui qui a pu la voir sait que D. a accepté sa prière, ou alors qu’Il désire sa proximité et lui envoie des signes du Ciel pour éclairer son chemin le menant jusqu’à Lui.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
La puissance de « Nous ferons et nous entendrons »
Une fois, j’ai été invité à prendre la parole devant un public de la haute société. Il s’agissait de gens très riches, mais complètement éloignés de D. et de Ses voies. Seules les futilités de ce monde les intéressaient et étaient pour eux une priorité.
Après mon intervention, j’ai voulu savoir si mon discours les avait touchés. Alors je me suis adressé à chacun d’entre eux en leur demandant leur avis sur ce qu’ils venaient d’entendre.
Ils ont été nombreux à dire que l’intervention les avait impressionnés. Certains ont souligné que le sujet de l’éducation des enfants que j’avais évoqué leur avait particulièrement parlé. En effet, l’éducation est comme le corps de la famille, et sans l’éducation des enfants, la famille va à sa perte. D’autres, en revanche, ont admis qu’un autre sujet que j’avais traité les avait davantage éveillés à se renforcer. Et ainsi de suite.
Malgré tout, il semblait évident que certaines personnes dans l’assemblée n’avaient rien compris. J’en étais très surpris, car il s’agissait d’hommes d’affaires intelligents, sensés, et réfléchis. Les paroles de Torah que j’avais présentées avaient été dites dans une langue qu’ils comprenaient, et ils correspondaient à ce style de discours. Pourtant, mes dires semblaient ne pas les avoir touchés du tout.
En regardant ces gens-là, j’ai essayé de comprendre ce qui les avait amenés à écouter mon cours. Ils savaient pourtant que celui-ci porterait sur le judaïsme et éveillerait à se rapprocher de D. S’il en est ainsi, et qu’ils n’avaient aucunement l’intention de se renforcer grâce à mes propos, pourquoi ont-ils assisté à mon cours ?
En réalité, c’est l’œuvre du Satan. Lorsque le mauvais penchant veut influencer quelqu’un, il ne vient pas lui dire « Va commettre telle faute », car l’homme ne lui prêterait alors aucune attention. Il fait chuter l’homme par la ruse : il commence par l’inciter à aller écouter un cours de Torah, mais dans sa malice, il se joint à lui à la maison d’étude et pendant le cours, instille en lui des doutes et des réflexions nuisibles et déforme à ses yeux les paroles de Torah, jusqu’à ce que l’homme qui s’est fatigué pour se rendre à la maison d’étude ne se renforce pas du tout des paroles d’éveil qu’il a entendues.
Lorsque quelqu’un assiste à un cours de Torah, poussé par le mauvais penchant qui l’a incité à s’y rendre seulement par curiosité et non par réelle volonté de se renforcer dans l’accomplissement des mitsvot et la crainte du Ciel, alors le mauvais penchant est en mesure de le dominer. Ainsi, l’individu en question ne retirera aucun bénéfice spirituel du cours.
En revanche, lorsqu’un individu s’éveille par lui-même et cherche à écouter la voie de D., le mérite de cet élan l’aide à protéger son âme des tentations du yetser hara.
La force de la phrase « Nous ferons et nous entendrons » prononcée par les bnei Israël avant le don de la Torah, ainsi que la force de notre propre volonté d’écouter la parole de D., nous aideront à surmonter notre mauvais penchant et nous renforceront dans l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvot.
Dans la chaleur du jour
Un Chabbat, alors que je donnais mon cours habituel sur le Ben Ich ‘Haï aux heures chaudes de l’après-midi, le Satan s’est introduit et les climatiseurs de la maison d’étude ont cessé de fonctionner.
Il n’a pas fallu beaucoup de temps avant que nous ressentions la chaleur pesante envahir la pièce. Des gouttes de sueur ont perlé sur nos fronts, et la température de la salle, qui était jusqu’à présent fraîche et agréable, s’est mise à augmenter sans tenir compte de nous. Mais nous avons poursuivi notre étude pendant près de deux heures, en faisant fi de la terrible chaleur, et en restant attachés à la Torah de D.
Pendant toute la durée de l’étude, mon mauvais penchant me murmurait : « Il fait très chaud aujourd’hui, et toute l’assistance souffre aussi de cette chaleur pesante. Pourquoi t’entêtes-tu à donner le cours maintenant ? On peut y renoncer exceptionnellement ! Tu as déjà donné de nombreux cours ce Chabbat, que se passerait-il si tu annulais celui-ci ? »
Mais me sont tout de suite venues à l’esprit les différentes descriptions du dévouement de notre maître le Ben Ich ‘Haï, qui donnait des cours de Torah pendant plusieurs heures consécutives devant des dizaines de milliers de personnes, sans climatisation, et en Irak, pays connu pour sa redoutable chaleur.
C’est ainsi que j’ai surmonté mon mauvais penchant et que j’ai continué à donner cours comme chaque semaine. En effet, je savais qu’une grande récompense attendait chacun des participants, vu la difficulté que posait la chaleur et leurs gros efforts fournis pour écouter le cours, comme ont dit nos Sages (Avot 5, 23) : « La récompense est fonction de l’effort », la récompense qui attend ceux qui accomplissent une mitsva est à l’image de l’effort fourni pour réaliser cette mitsva.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« Il y avait alors un homme » (Juges 13)
Le rapport avec la paracha : La haphtara fait part de la nezirout de Chimchon, ainsi que des indications que le prophète a données à sa mère à ce sujet. Or ceci est renvoie à la paracha, qui parle du nazir et de ses mitsvot.
« Sa femme était stérile, elle n’avait jamais enfanté. » (Choftim 13, 2)
On apprend d’ici que Manoa’h et sa femme étaient en désaccord.
Il lui disait : « Tu es stérile, et c’est pourquoi tu n’enfantes pas. » Et elle répondait : « C’est toi qui es stérile, et c’est pourquoi je n’enfante pas. » Mais en réalité, Manoa’h n’était pas stérile.
Alors « un ange du Seigneur apparut à cette femme » : on en déduit que l’épouse de Manoa’h était une femme pieuse, puisqu’elle a mérité qu’un ange s’adresse à elle et instaure la paix dans son couple. Cet ange est venu l’informer que c’était elle qui était stérile, et non pas son mari.
Puisqu’elle a vu un ange, elle a été appelée « Tselalfounit (tselal : ange ; pouni : s’adresse à moi). En effet, le terme « tselal » désigne un ange, comme il est expliqué sur le verset (Béréchit 19) : « Ils sont venus s’abriter sous (betsel) mon toit ».
(Midrach Rabba)
« Et maintenant observe-toi bien, ne bois ni vin ni autre liqueur enivrante, et ne mange rien d’impur… car cet enfant doit être un nazir consacré à D. dès le ventre » (Choftim 13, 4-5)
Le fait que le fils soit un nazir consacré à D. dépend du comportement de la mère tant qu’il est encore dans son ventre, « dès le ventre ».
« Dans vos groupes, bénissez D. ! » : pour que les bnei Israël bénissent D. en groupe, il faut qu’ils soient « issus de la source d’Israël ». En d’autres termes, cela dépend de leur origine. C’est seulement quand l’origine est juive et pure que les enfants peuvent bénir D. En revanche, s’ils proviennent d’une source impure, ils sortiront blasphémateurs, que Dieu nous en garde.
« C’est lui qui entreprendra de sauver Israël de la main des Philistins. » (Choftim 13, 5)
Le prophète lui a annoncé la délivrance d’Israël afin que la femme ne craigne pas que D. renonce à Sa bonté si elle trébuche et commet une faute.
En effet, une telle crainte n’est légitime que lorsque le bienfait en question concerne l’individu. Mais lorsqu’il touche à la collectivité, Hachem ne Se rétracte pas.
C’est pourquoi l’ange lui a annoncé que « c’est lui qui entreprendra de sauver Israël de la main des Philistins » : puisque cette bonté concerne l’ensemble du peuple, D. ne reviendra pas sur Sa promesse.
(« Misguéret Hacha’ar »)
GARDE TA LANGUE
Se faire licencier
Même si le fait de ne pas raconter de lachon hara causera à la personne en question une importante perte financière, parce qu’elle sera par exemple licenciée de son travail et qu’elle n’aura plus de quoi nourrir sa famille, il lui sera interdit de proférer de tels propos.
A LA LUMIÈRE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
La nezirout en réaction à l’orgueil
« Hachem parla ainsi à Moché. ‘‘Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : si un homme ou une femme fait expressément vœu d’être abstème, voulant s’abstenir en l’honneur de Hachem, il s’abstiendra de vin et de boisson enivrante, ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de liqueur, ni une infusion quelconque de raisins, et ne mangera pas de raisins frais ni secs.’’ » (Bemidbar 6, 1-3)
Il est écrit dans le traité Nazir (4b) : On enseigne que Chimon Hatsaddik a dit « Je n’ai jamais mangé de sacrifice de rachat d’un nazir impur, sauf une fois. Un homme habitant dans le sud s’est rendu chez moi. Il avait de beaux yeux, un aspect agréable, et des cheveux bouclés. Je lui ai dit : ‘‘Mon fils, pourquoi couper de si beaux cheveux ?’’ Il m’a répondu : ‘‘Alors que j’étais berger pour mon père dans ma ville, je suis allé puiser de l’eau à la source. J’ai regardé mon reflet et mon mauvais penchant m’a incité à la faute. Je lui ai dit : ‘Sot ! Pourquoi t’enorgueillis-tu d’un monde qui ne t’appartient pas et où tu vas finir comme de la vermine ? Je jure de couper mes cheveux pour le Nom divin !’’’ Alors je me suis levé, l’ai embrassé sur la tête et lui ai dit : ‘‘Que les nezirim comme toi se multiplient en Israël ! C’est à ton sujet que le texte dit (Bemidbar 6, 2) : ‘Si un homme fait expressément vœu d’être abstème, voulant s’abstenir en l’honneur de Hachem.’’’ »
Ceci demande à être expliqué : de quoi s’est émerveillé Chimon Hatsaddik au point d’embrasser le nazir sur la tête et de s’exclamer « Que les nezirim comme toi se multiplient en Israël ! » ? C’est difficile à comprendre : peut-on imaginer, D. nous en garde, que les autres nezirim n’étaient pas sincères, et que Chimon Hatsaddik se soit émerveillé justement de celui-ci, qui était à ses yeux un nazir authentique ?
En réalité, la nezirout vient surtout réparer le manque de soumission et d’abstinence. Lorsque cet homme a senti que le mauvais penchant prenait le dessus sur lui et tentait de le conduire à la faute, il s’est engagé à devenir nazir. Puis quand il a senti que cette nezirout, censée l’aider à s’améliorer et à se sanctifier, le conduisait vers l’orgueil, il s’est rendu impur. Or dans ce cas, puisque l’impureté est incompatible avec la nezirout, il doit apporter un sacrifice expiatoire et recommencer à nouveau.
Nous apprenons d’ici une idée fondamentale. C’est précisément lorsqu’un homme cherche à se sanctifier, à s’améliorer et à se soumettre à Son créateur que le mauvais penchant se dresse et introduit en lui des soupçons d’orgueil. Il lui fait croire qu’il a déjà atteint la perfection et qu’il dépasse, dans le domaine des midot et de la crainte du Ciel, telle ou telle personne connue pour sa piété. Mais quand de telles pensées envahissent le cœur d’un repenti, il doit se rendre chez un tsaddik, qui lui montrera ce qu’il a encore à réparer et dans quels domaines évoluer.
Revenons à notre nazir que Chimon Hatsaddik a embrassé sur le front et à qui il a dit : « Que les nezirim comme toi se multiplient en Israël ». Les véritables nezirim savent quand ils doivent s’engager dans la nezirout afin de se préserver de la débauche et des autres mauvaises choses. Mais ils savent aussi quand l’interrompre, lorsqu’ils sentent que le yetser hara les empêche de se sanctifier et introduit dans leur cœur de l’orgueil, qui est comparable aux unions interdites. En effet, il en ressort alors qu’ils ont plus à y perdre qu’à y gagner.
A LA SOURCE
« Hachem parla à Moché en disant : ‘‘Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : si la femme de quelqu’un, déviant de ses devoirs’’ » (5, 11-12).
Voici comment Rabbeinou Yehonathan explique le midrach qui explique « en disant : cela a été dit pour les générations futures ». En effet, il n’était pas nécessaire de faire boire la Sota pendant la période du désert, car la manne qui tombait le matin vérifiait déjà si la femme avait été infidèle à son mari.
On explique ainsi les paroles de Moché « Rendez bonne justice dès la première heure »: grâce à la manne qui tombait le matin, Moché avait la réponse. Si elle tombait près de la maison du père, cela indiquait que la femme avait trompé son mari.
Ainsi, pendant la période du désert, il n’était absolument pas nécessaire de faire boire la Sota. Ce passage concerne donc les générations suivantes.
« Ils mettront Mon Nom sur les bnei Israël et Je les bénirai. » (6, 27)
Bien que Hachem ait ordonné aux cohanim de bénir le peuple d’Israël, c’est tout de même Lui qui bénit et qui approuve, par l’intermédiaire des cohanim. C’est pourquoi Il a dit : « Ils mettront Mon Nom sur les bnei Israël » : les cohanim ne font que prononcer la bénédiction et les saints Noms, mais D. est Celui qui réalise cette bénédiction à travers eux.
Par ailleurs, souligne Rabbi Avraham Sabbah dans son ouvrage « Tsror Hamor », quand les cohanim connaissaient le Nom de D., Hachem répandait Sa bénédiction et les mots étaient placés dans la bouche du cohen.
« Douze coupes d’or, pleines de parfum » (7, 86)
Contrairement aux écuelles, au sujet desquelles il n’est pas dit qu’elles étaient pleines de fleur de farine, pour les coupes, le texte précise explicitement qu’elles étaient pleines de parfum.
A ce sujet, Rabbi Yitz’hak Zév Halévy Soloveitchik rapporte une merveilleuse explication au nom de Rabbi Eliezer Moché de Pinsk : le jour de l’inauguration de l’autel, à savoir le jour de l’onction, tous les chefs de tribu ont apporté leur oblation. Mais ensuite, chacun a offert son sacrifice et son oblation à un jour différent. Et sachant que (Chavouot 11a) « après être restée une nuit dans l’ustensile, la fleur de farine n’est plus valide », ils ne pouvaient pas apporter la fleur de farine dans l’écuelle le jour de l’inauguration de l’autel, car chacun attendait son jour pour apporter son offrande. Or la fleur de farine n’est plus valide au bout d’une nuit. C’est pourquoi ils ont apporté les écuelles sans fleur de farine.
Mais pour le parfum, qui ne perd pas sa validité au bout d’une nuit, les chefs de tribu ont pu l’apporter dès le début en même temps que les coupes, c’est pourquoi il est dit que les coupes qu’ils ont apportées étaient pleines de parfum.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Celui qui présenta le premier jour son offrande fut Na’hchon, fils d’Aminadav, de la tribu de Yéhouda. » (7, 12)
« De la tribu de Yéhouda » : il n’est pas précisé « le prince », comme pour toutes les autres tribus. Ceci vient nous apprendre que Na’hchon aurait été digne d’apporter le sacrifice en premier, même s’il n’était pas chef de tribu. En effet, il avait de la valeur par lui-même, ce qui n’était pas le cas des autres princes, dont la seule valeur résidait dans leur rôle.
Ceci vient également valoriser Na’hchon en montrant qu’il ne se considérait pas comme un prince, mais comme un membre de la tribu. De plus, nos Sages (Tan’houma Nasso 28) ont cherché à analyser les noms des princes par rapport à leurs actes, et l’on constate que le nom de ce tsaddik indique qu’il a été le seul à se sacrifier pour entrer dans la mer.
En effet, le nom « Na’hchon » peut aussi se lire « Na’hchol » (« se soulever »), car le « noun » peut être remplacé par un « lamed » puisque ces deux lettres se prononcent avec la langue. Ainsi, bien qu’une vague se soit dressée (na’hchol) devant Israël, appelé « Mon peuple » (ami), il s’est dévoué (nadav) pour entrer dans la mer, comme l’expliquent les Sages (Sota 37a, Bemidbar 13, 7).
DANS LA VOIE DES PÈRES
La Torah est plus grande que la prêtrise
L’histoire suivante racontée dans la Guemara (Yoma 71b) est bien connue : un certain cohen gadol ignorant a quitté le Temple à la sortie de Yom Kippour. Tous le peuple l’a suivi pour l’accompagner, mais dès qu’ils ont vu Chemaya et Avtalion marcher, ils ont abandonné le cohen pour suivre ces derniers.
Il est dit, au sujet de la tsedaka (Horayot 13a) : « Un mamzer érudit a la préséance sur un cohen gadol ignorant », en dépit du commandement positif de la Torah d’honorer le cohen, comme il est dit (Vayikra 21, 8) : « Tiens-le pour saint. » Nos Sages expliquent : « Tiens-le pour saint dans tout ce qui a trait à la sainteté : il faut lui donner la préséance pour la lecture de la Torah, pour le birkat hamazon, lui servir une belle part en premier. » Mais quoi qu’il en soit, lorsque le cohen est ignorant, l’érudit passe avant lui.
Nous constatons que l’étude de la Torah rachète les fautes même à notre époque, où nous n’avons plus ni prêtrise, ni sacrifices. En effet, la Guemara dit (Mena’hot 110a) : « Quiconque étudie le passage relatif au sacrifice expiatoire est considéré comme ayant offert un sacrifice expiatoire. Et quiconque étudie le passage relatif au sacrifice de rachat est considéré comme ayant apporté ce sacrifice. »
Quant à la royauté, nous voyons que lorsque David (Mo’ed Katan 16b) était installé à la maison d’étude devant son maître, il ne s’asseyait pas sur des coussins, mais il pliait ses genoux pour s’asseoir par terre, parce que lorsqu’il étudiait la Torah, il se soumettait à Hachem, bien qu’étant roi.
Le roi a la mitsva d’écrire pour lui un Séfer Torah et de le prendre partout où il se rend, comme il est dit (Devarim 17, 19) : « Car il doit y lire toute sa vie, afin qu’il s’habitue à révérer Hachem, son D., qu’il respecte et exécute tout le contenu de cette doctrine. » Nos Sages ont dit (Sanhédrin 21b) : il part en guerre, il le prend avec lui ; il rentre, il le prend avec lui ; il siège au tribunal, il est avec lui ; il s’assoit, il est face à lui. » Pour quelle raison ? Pour que tous ses actes soient conformes à la Torah, et que la royauté ne dépasse pas la Torah, mais soit entièrement soumise à ses lois.
Mon père et maître m’a raconté que le tsaddik rabbi ‘Haïm Benvenisti s’était une fois rendu au Maroc et a rendu visite à Rabbi Yehouda Pinto, le père de Rabbi ‘Haïm Pinto, en lui octroyant de grands honneurs. Puis dès son retour à Jérusalem, il s’est mis à lui envoyer de l’argent. Un jour, ses élèves lui ont demandé : « Pourquoi honorez-vous à ce point le tsaddik Rabbi Yéhouda Pinto ? Vous aussi vous bénéficiez du mérite de vos ancêtres, alors pourquoi vous annulez-vous devant Rabbi Yéhouda Pinto ? »
Voici ce que leur a répondu le tsaddik : « Seul celui qui a un mérite des pères sait vraiment l’apprécier, or puisque c’est mon cas, je reconnais et estime le mérite des ancêtres qui revient à Rabbi Yéhouda, c’est pourquoi je m’annule devant lui. »
Rabbi ‘Hanania ben ‘Akachia a dit : « Hachem a voulu rendre les bnei Israël méritants, c’est pourquoi Il leur a multiplié la Torah et les mitsvot. »
Voici comment nous pouvons expliquer la notion de multiplication des mitsvot, évoquée ici par le Tanna : la sainte Torah n’est pas seulement un livre de lois, dont nous avons besoin uniquement quand nous voulons connaître une certaine règle. Au contraire, elle nous guide, nous accompagne à chaque instant de notre vie, et il nous est impossible de vivre sans elle. Le Choul’han ‘Aroukh contient des halakhot détaillées pour chaque moment, et tous nos actes doivent être conformes à la Torah.
Hachem a fait ainsi pour que chaque jour et à chaque endroit, afin que nous puissions nous imprégner de la Torah et apporter une nouveauté dans les halakhot qui concernent notre situation, si bien que nous aurons un lien permanent avec la Torah. Par exemple, celui qui se lève doit se souvenir des lois qui s’appliquent au matin ; lorsque le Chabbat rentre, on doit faire appel aux halakhot de ce jour ; quand on s’installe pour manger, on doit se rappeler les lois du repas, du mélange de viande et de lait, et veiller à ce que les aliments soient bien cachers.
Quand on se rend au marché et que l’on commerce avec les gens, on doit faire attention aux lois sur le vol, la fraude, etc. Enfin, quand on se marie, on doit suivre les halakhot énoncées dans le Even Ha’ezer relatives à la ketouba et au mariage, et ensuite respecter la pureté familiale.
Pour résumer, Hachem a fait en sorte que l’on ait à suivre la Torah dans tous les domaines, de façon à établir un lien constant avec elle, tout ceci pour qu’on ait le mérite de surmonter le mauvais penchant, en vue d’adhérer à D. et d’obtenir sa part au monde futur.