Mattot Massei 18 Juillet 2015 2 Av 5775 |
|
Les villes de refuge
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
Le Saint, béni soit-Il ordonne à Moché de dire aux bnei Israël de mettre à part six villes de refuge au moment de l’entrée en Erets Israël, trois d’entre elles étant situées à l’intérieur des frontières, et les trois autres au-delà du Jourdain, dans les territoires des tribus de Réouven, Gad et la demi-tribu de Menaché. Moché informe les bnei Israël que ces villes sont destinées à ceux qui auraient commis un homicide involontaire, pour que le vengeur du sang ne les tue pas. Ils ont la possibilité de s’enfuir dans une ville de refuge. Le meurtrier doit rester dans cette ville jusqu’à la mort du cohen gadol, et tant qu’il s’y trouve, il est interdit au vengeur du sang de venir le tuer. Qui est appelé meurtrier involontaire ? Quelqu’un qui a tué non par mauvaise intention mais sans avoir voulu le faire, par exemple si quelqu’un se trouvait sur une échelle en train de couper des branches et que tout à coup la scie qu’il avait en main lui a échappé et a tué quelqu’un qui passait sous l’arbre à ce moment-là. Dans ce cas-là, il n’y avait évidemment pas d’intention délibérée de tuer, l’homicide a été involontaire, et celui qui l’a commis s’enfuit dans une ville de refuge pour être protégé du vengeur du sang.
Deux questions se posent à ce propos. D’abord, pourquoi le peuple d’Israël a-t-il reçu l’ordre de désigner des villes de refuge de l’autre côté du Jourdain également ? Cela équivaut à donner une récompense aux tribus qui ont préféré l’autre rive à la terre d’Israël dans sa sainteté, alors pourquoi faut-il les en récompenser en leur donnant trois villes de refuge là où ils vivent ?
Ensuite, j’ai entendu de mon maître le Rav Chamaï Zahn zatsal la question suivante : pourquoi y avait-il pour toutes les routes menant aux villes de refuge des pancartes indiquant la direction à prendre, sans compter que tous les ans on réparait les routes qui menaient à ces villes, alors qu’il n’est indiqué nulle part qu’il y ait eu des panneaux indicatifs donnant la direction de Jérusalem au moment des fêtes de pèlerinage ? Cela paraît surprenant, parce qu’il n’y a aucun lieu plus important et plus saint en Erets Israël que la ville de Jérusalem où se trouve le Temple, alors pourquoi n’indiquait-on pas les routes qui y menaient, alors que celles qui menaient aux villes de refuge étaient indiquées ?
On peut répondre que peut-être un meurtrier involontaire en Erets Israël tentera-t-il de se réfugier après l’homicide chez quelqu’un de sa famille qui habite de l’autre côté du Jourdain, c’est pourquoi Hachem a ordonné d’y placer des villes de refuge, afin qu’il puisse s’enfuir et ne soit pas livré au vengeur du sang.
En ce qui concerne la deuxième question, le fait qu’il n’y ait de panneaux indicateurs que pour les routes qui mènent aux villes de refuge et non pour celles qui mènent à Jérusalem, cela comporte une preuve de l’extrême attention que porte Hachem à l’honneur des gens, tout en étant prêt à renoncer à Son propre honneur. En effet, pour protéger l’honneur des hommes Il a ordonné qu’on indique le chemin des villes de refuge, alors que pour Son propre honneur Il n’a pas ordonné qu’on indique le chemin de Jérusalem.
Cela comporte une leçon pour le peuple d’Israël : lui aussi doit se conduire de cette façon, les juifs doivent veiller à l’honneur d’autrui, pour imiter les midot du Saint, béni soit-Il, et être prêts à sacrifier leur propre honneur en faveur de celui du prochain.
On ne doit pas s’exempter totalement et se rassurer en se disant qu’on ne l’a pas fait exprès. En effet, quand quelqu’un commet trop de fautes involontaires il ne mérite pas le pardon, car il aurait dû apprendre les halakhot afin de ne pas retomber dans la même faute. On ne peut pas se reposer sur ses lauriers pendant toute la vie et se consoler en se disant que ce n’était pas exprès, on est obligé d’aller au beit hamidrach, d’ouvrir des livres et d’étudier la halakha à fond. Quelqu’un qui se trompe constamment finit par en devenir un pécheur délibéré, parce qu’il a omis sciemment de chercher à apprendre ce que dit la Torah à ce propos.
De même qu’un mécanicien n’a pas le droit de s’affubler de ce titre s’il n’a pas étudié les lois de son métier et ne s’est pas spécialisé convenablement, de même, dans un autre domaine, le juif ne peut pas porter ce nom s’il n’est pas allé au beit hamidrach étudier les lois qui transforment l’homme en quelqu’un de haut et lui valent le titre de « juif ».
Après cent vingt ans, quand on se tiendra devant le tribunal céleste, il vous sera posé des questions précises sur toute votre vie. Et si l’on ne s’est pas efforcé de connaître la loi juive et qu’ainsi on a fauté sans le vouloir une fois après l’autre, on devra rendre des comptes là-dessus, parce que toutes ces erreurs sont venues du fait qu’on n’a pas cherché à approfondir ses connaissances.
On peut ajouter que de même que le meurtrier involontaire doit s’enfuir vers une ville de refuge, celui qui se trompe constamment doit aller au beit hamidrach et s’y plonger jusqu’à connaître les halakhot à fond. Le meurtrier involontaire doit rester dans la ville de refuge jusqu’à la mort du cohen gadol, ainsi celui qui a commis beaucoup de fautes doit rester au beit hamidrach et apprendre la Torah jusqu’à obtenir que le mauvais penchant meure en lui ; c’est comparable à la mort du cohen gadol, car il y a aussi des prêtres de l’idolâtrie, par exemple Yitro qui était prêtre de Midian, c’est-à-dire de l’idolâtrie, c’est pourquoi on doit travailler et étudier jusqu’à ce que ce prêtre de l’idolâtrie qui est en soi, c’est-à-dire le mauvais penchant, meure, et ensuite on pourra commencer à sortir de la ville de refuge.
Naturellement, le mauvais penchant ne dit pas d’aller commettre des fautes graves, parce qu’alors on ne l’écouterait pas, c’est pourquoi il commence par des petites fautes involontaires, et quand on trébuche en cela, il en propose de pires, jusqu’à ce qu’en fin de compte on tombe dans les trois fautes les plus graves de la Torah. Il est dit de Yéhochoua cohen gadol que le mauvais penchant se tenait à sa droite pour le faire fauter. Cela paraît étonnant, puisque comme nous l’avons dit le mauvais penchant se tient à la gauche de l’homme en cherchant d’abord de le faire tomber dans de petites fautes par inadvertance, alors chez quelqu’un de la stature spirituelle de Yéhochoua cohen gadol, le mauvais penchant essayait de se tenir à sa gauche en sachant qu’à sa droite, il n’avait absolument aucune chance de réussir.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
Pour l’amour du Ciel
Un groupe de juifs riches qui avaient une usine de vins et de fromages m’a demandé la permission d’ajouter mon nom au hekhcher de leurs produits, pour en favoriser la vente.
En compensation, ils me proposaient une somme considérable, en ajoutant que si je refusais leur proposition, ils iraient la présenter à un autre organisme, qui recevrait cet argent pour donner un hekhcher à leurs produits.
En vérité, au début j’ai eu tendance à accepter, en me disant que cela ne pouvait pas faire de mal que je donne mon aval à un certain produit. D’autant plus qu’il était question de machgui’him pieux, fiables et bons, qui surveilleraient convenablement le processus de fabrication des produits. Ainsi, me disais-je, je pourrai utiliser cet argent pour mes institutions, les soutenir et les renforcer.
Mais en réfléchissant mieux, je me suis dit qu’il était possible que lorsque j’aurais donné mon accord sur le hekhcher, cela puisse provoquer des torts à d’autres organismes de cacherout, parce que les gens pourraient préférer ma hachga’ha à d’autres hekhcherim.
D’une part, j’avais déjà vu en imagination toutes les institutions de Torah que je pourrais soutenir avec cette somme qui m’avait été proposée et tous les batei midrachim que je pourrais fonder avec cet argent, mais de l’autre j’ai compris que cela risquait de porter atteinte à d’autres hekhcherim, et cela ne me donnait pas de repos.
En fin de compte, j’ai fait un examen de conscience détaillé, et je me suis demandé si mon but en acceptant cette proposition serait de créer un hekhcher de qualité, uniquement pour l’amour du Ciel, ou s’il était de recevoir une grosse somme d’argent pour l’entretien de mes institutions, afin d’avoir de tout cela une satisfaction personnelle ?
Tout à coup, l’éclairage m’est venu du Ciel et j’ai compris que la deuxième possibilité était la bonne ! Mon but dans cette histoire était le gain financier pour mes institutions de Torah et mon profit personnel de leur accroissement, plutôt que le désir de soutenir un réseau de cacherout qui me ferait donner mon nom au nouveau hekhcher.
Je me suis dit : dans ce cas, c’est le mauvais penchant qui essaie de me séduire pour que j’accepte cette proposition, pour réussir de cette façon à provoquer des disputes et des scissions parmi nos frères juifs, car « pour l’amour du ciel » n’existe que là où ne vient pas se mêler un intérêt personnel. »
Une fois que je suis arrivé à cette conclusion, j’ai informé les propriétaires de l’usine de mon refus, parce que je ne désirais pas gagner quoi que ce soit en causant une perte aux autres, et je n’étais pas disposé à ce qu’à cause de moi il y ait du lachon hara sur la présent hachga’ha, comme si elle n’était pas assez cachère, en particulier étant donné que de nombreuses familles gagnent leur vie grâce à ces réseaux de cacherout, et je n’avais certainement pas l’intention de leur causer un tort quelconque.
Ceci mis à part, personne ne peut me promettre que la nouvelle hachga’ha portant mon nom serait véritablement meilleure que la précédente. Et dans ce cas, cela risquerait d’être de ma part une faute de faire du mal à quelqu’un.
D. merci, je suis content et heureux de ne pas être tombé dans le piège du mauvais penchant et de n’avoir pas été séduit par cette proposition alléchante, bien qu’ayant déjà vu en imagination des bâtiments d’institutions de Torah construits grâce à cet argent.
Je sais qu’il n’y a aucune possibilité de causer de la satisfaction au Créateur du monde quand cela pourrait blesser d’autres personnes. Un acte, pour pouvoir s’appeler totalement « pour l’amour du ciel », doit être pur de tout intérêt personnel.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
C’était la nuit du 26 Elloul, la nuit de la hilloula du saint Rabbi ‘Haïm Pinto, que son mérite nous protège, et le mois pendant lequel le tsaddik Rabbi Moché Aharon Pinto, que son mérite nous protège, avait quitté ce monde.
Rabbi Yitz’hak Wanounou d’Ashdod qui faisait partie des plus anciens fidèles de la synagogue portant le nom de Rabbi ‘Haïm, ne s’était pas endormi. Il avait une insomnie. A quatre heures du matin, il décida d’aller à la synagogue.
Pour une raison quelconque, Rabbi Yitz’hak n’a pas pris son itinéraire habituel, mais il est parti de la rue principale de la ville en direction de la synagogue.
En approchant du bâtiment de la synagogue à une heure si matinale, il a entendu des voix et des bruits de prières et de supplications. La synagogue était aussi illuminée de tous les côtés. Rabbi Yitz’hak s’étonna. Qu’est-ce qui se passait ici ? Si tôt le matin, à quatre heures ?
Il s’approcha du bâtiment, regarda à l’intérieur, et vit de nombreux fidèles qui remplissaient la synagogue. Sa stupéfaction s’accrut considérablement. Il ne se passait rien de très spécial à la synagogue, alors qu’est-ce que c’était que ces prières ? Si on disait effectivement les seli’hot, il aurait dû le savoir à l’avance pour venir prier avec eux ?
Rabbi Yitz’hak s’approcha de la porte de la synagogue et tenta de l’ouvrir, mais en vain. La porte était verrouillée. Comme il avait les clefs dans sa poche, il ouvrit. Mais à sa grande stupéfaction, l’intérieur était obscur et silencieux. Ni lumière ni fidèles, un silence profond, et personne en vue.
Terrifié, il s’enfuit pour sauver sa vie. Plus tard, à cause de la grande peur qui l’avait saisi, il fut hospitalisé ce jour-là en réanimation.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« Ecoutez la parole de Hachem » (Yirmiyah 2, 4)
Le rapport avec la paracha : cette haphtara est la deuxième des trois haphtarot instituées par les Sages pour les trois semaines qui précèdent Ticha BeAv, qui traitent des prophéties de catastrophe prophétisées par Yirmiyah sur la destruction de la ville de Jérusalem.
« Ainsi parle Hachem, quelle injustice vos pères avaient-ils découverte chez Moi pour s’éloigner de Moi ? » (2, 5)
Il faut interpréter ce verset sur le mode de l’allusion, d’après ce que disent nos Sages dans le Midrach (Béréchit Rabba 51, 5) : « rien de mauvais ne descend d’en-haut », ce qui signifie que tous les malheurs de l’homme en ce monde sont provoqués par ses fautes et qu’il ne faut surtout pas en accuser le Créateur du monde.
Mais quelqu’un qui est loin de la vie de la Torah et des mitsvot pense par erreur que le mal vient du Ciel, c’est pourquoi il proteste contre le Créateur.
C’est le sens du verset : « quelle injustice vos pères avaient-ils découverte en Moi », la raison pour laquelle ils ont trouvé une injustice en Moi est qu’ils pensaient que c’est Moi qui leur avait causé des souffrances et des malheurs, « pour s’éloigner de Moi », c’est qu’ils s’étaient éloignés de Moi et que leur foi s’était affaiblie, et ils ont cru faussement que c’était D. Qui avait provoqué leurs malheurs.
(« Torat HaParacha »)
« Cieux, soyez confondus de ceci » (2, 12)
Il faut expliquer ce verset sur le mode allusif d’après ce que disent nos Sages dans le Talmud au nom de Rabbi Eliezer : « Sans la Torah, le ciel ne pourrait subsister, ainsi qu’il est dit (Yirmiyah 33, 25) : « Sans mon alliance jour et nuit, Je n’aurais pas placé de lois au ciel et à la terre » » (Pessa’him 68b)
Ils ont encore dit : « Cela nous enseigne que le Saint, béni soit-Il a posé une condition à la Création en disant : « Si les bnei Israël acceptent la Torah, vous subsisterez, mais sinon Je vous ramènerai au chaos » (Chabbat 68a).
Et dans le traité Avoda Zara (2b) : « Le mot « zot » désigne toujours la Torah, ainsi qu’il est dit : « Ceci (zot) est la Torah placée par Moché ».
C’est ce que dit ici le verset : « Cieux, soyez confondus », les cieux seront confondus et retourneront au chaos. Pourquoi ? « de ceci » (zot) : à cause de l’abandon de la Torah qui s’appelle « zot ».
(« Torat HaParacha »)
« Car Mon peuple a commis deux méfaits, ils M’ont abandonné, Moi la source d’eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées qui ne peuvent retenir les eaux » (2, 13).
Celui qui faute en une chose dont il a un profit peut trouver une excuse devant Hachem, en disant que le désir de la faute l’a aveuglé.
Mais celui qui faute en quelque chose qui n’a aucune valeur n’a rien à invoquer contre un châtiment rigoureux, et c’est ce que dit le verset : « Mon peuple a commis deux méfaits », il ne suffit pas que « ils M’ont abandonné, Moi la source d’eau vive », mais aussi « pour se creuser des citernes crevassées qui ne peuvent retenir les eaux. »
(« ‘Hatam Sofer »)
GARDE TA LANGUE
Uniquement si c’est utile
On a le droit de prendre des renseignements sur quelqu’un pour les besoins d’une association ou d’un chidoukh ou choses de ce genre, même si cela doit mener à entendre des propos péjoratifs sur la personne.
Mais quand on pose des questions sur elle, il faut commencer par dire qu’on le fait parce que c’est utile, afin que l’interlocuteur ne tombe pas dans la faute du lachon hara sans avoir l’intention que ce soit utile.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Tout est-il vraiment entre les mains du Ciel ?
« Voici les étapes des bnei Israël » (Bemidbar 33, 1)
Les initiales de « Ele massei » (voici les étapes), avec les mots eux-mêmes, ont la valeur numérique de « bam » (d’eux), ce qui évoque le verset (Devarim 6, 7) « védibarta bam », tu parleras d’eux, il s’agit des paroles de la Torah, qui est aussi appelée « massei », étapes, car l’homme voyage sans cesse à l’intérieur de la Torah.
Cela signifie que celui qui marche dans les voies de Hachem et accomplit Ses paroles mérite « Ele massei », dont les dernières lettres, hé et youd, forment le Nom de D., c’est-à-dire qu’il mérite que Hachem soit avec lui dans toutes les étapes de sa vie et éclaire ses voies.
Par ailleurs, le verset (Bemidbar 33, 2) « Voici leurs étapes et leurs départs » est difficile à comprendre, car on s’en va pour voyager, et on ne voyage pas pour s’en aller, alors il aurait dû être écrit l’inverse, leurs départs et leurs étapes.
Parfois, on ne veut pas du tout voyager, on sort de chez soi, mais comme Hachem veut qu’on voyage, en fin de compte c’est comme cela que tournent les choses. Et parfois, on a bel et bien l’intention de voyager, mais comme du Ciel on ne le veut pas, on manque son voyage, et il y a de nombreux cas de gens qui avaient prévu de prendre l’avion pour un certain endroit, mais comme en-haut on ne désirait pas ce voyage, à la dernière minute ils ont raté l’avion et sont restés chez eux.
Il s’ensuit par conséquent que tout est dicté d’en-haut, et c’est le Tout-Puissant Qui décide où l’homme se trouvera à chaque instant de sa vie. C’est l’explication de « Voici leurs étapes et leurs départs. » Les bnei Israël voyageaient sans savoir vers où, mais ils partaient en fonction du décret de Hachem.
A la lumière de ce que nous avons dit, il semble apparemment que l’homme n’ait aucun choix, que tout soit fixé par D. C’est le Saint, béni soit-Il Qui décide à quoi va ressembler la vie de l’homme, alors pourquoi est-il dit dans la Torah (Devarim 30, 15) : « Vois, J’ai placé devant toi aujourd’hui la vie et le bien, la mort et le mal », ce qui paraît sous-entendre que l’homme a le choix de son comportement, si bien que ce verset contredit ce qui a été dit précédemment, que c’est le Saint, béni soit-Il qui fixe tout ce qui arrive à l’homme ?
L’explication en est qu’en vérité, tout se trouve entre les mains de D., et c’est Lui qui décide qui sera riche ou pauvre, qui aura des enfants et qui n’en aura jamais, ce n’est pas quelque chose qui dépende de notre choix. Pourtant il y a un certain domaine dans lequel le Saint, béni soit-Il ne fixe rien mais accorde à l’homme toute possibilité de décider de son avenir, c’est la crainte du Ciel. C’est à ce propos que les Sages ont dit (Berakhot 33b) : « Tout est entre les mains du Ciel, sauf la crainte du Ciel. »
Il est possible que la situation de l’homme, qui provient de Hachem, se modifie en fonction de sa conduite, et il est dit à ce propos (Edouyot 5, 7) : « Tes actes peuvent rapprocher et tes actes peuvent éloigner », l’homme a le choix absolu de décider s’il désire s’attacher à Hachem, suivre le droit chemin ou alors mépriser le chemin des pères pour en suivre un autre.
A LA SOURCE
« C’est la chose que Hachem a ordonnée aux filles de Tslophe’had en disant : qu’elles épousent qui elles désirent, mais qu’elles se marient dans une famille de la tribu de leur père. » (36, 6)
Ce verset semble comporter une contradiction. Au début, elles ont l’air de pouvoir se marier dans la tribu de leur choix, et à la fin, le verset dit « mais qu’elles se marient dans une famille de la tribu de leur père. »
Le ‘Hatam Sofer l’explique en fonction de ce qu’ont dit les Sages, que les filles de Tslophe’had ne pouvaient pas avoir d’enfants, parce qu’elles s’étaient mariées après l’âge de quarante ans, mais à cause de leur vertu un miracle leur a été fait et elles ont eu des enfants.
C’est pourquoi a priori, l’Ecriture dit « qu’elle épousent qui elles désirent », cela n’affectera pas l’héritage de la tribu, puisque selon la nature de toutes façons elles n’auraient pas d’enfants. Le fait que le mari hérite ne change rien, puisque l’héritage du mari n’est pas une loi de la Torah.
Mais comme le Saint, béni soit-Il voulait leur faire un miracle et qu’elles aient des enfants, il ne convenait pas que ce miracle vienne léser la tribu de leur père. C’est pourquoi Hachem leur a conseillé de ne se marier qu’avec quelqu’un d’une famille de la tribu de leur père. Alors, il sera possible de leur faire un miracle et qu’elles aient des fils, puisque l’héritage de leur père n’en souffrira en rien.
« Ma’hla, Tirstsa, ‘Hogla, Milka et Noa, les filles de Tslophe’had, épousèrent les fils de leur oncle. » (36, 11)
L’un des notables de Vilna était venu trouver Rabbi Chelomo Zalman de Vilna pour se plaindre à lui de ce que le père de sa bru l’avait trompé ainsi que sa famille. Une fois que son fils l’érudit avait épousé la fille de cet homme, il s’est avéré qu’elle avait quelques bonnes années de plus que lui.
Rabbi Chelomo Zalman calma l’homme, et l’incita à ne pas provoquer l’annulation du mariage de son fils. Entre autres, il lui dit : Voyez que même dans notre Torah, nous trouvons quelque chose du même genre que ce qui vous est arrivé. A la fin de la parachat Massei, il est dit sur les filles de Tslophe’had : « Ma’hla, Tirstsa, ‘Hogla, Milka et Noa, les filles de Tslophe’had, épousèrent les fils de leur oncle. » Rachi fait observer : ici, le verset les énumère d’après leur âge, alors qu’ailleurs elle sont énumérées en fonction de leur sagesse.
Et à ce propos, il y a lieu de demander : pourquoi est-ce que l’Ecriture parle partout des filles de Tslophe’had en fonction de leur sagesse, et ici seulement, dans la parachat Massei, en fonction de leur âge ?
C’est que dans le traité Baba Batra (119b) les Sages ont dit sur les filles de Tslophe’had que même la plus jeune d’entre elles ne s’est pas mariée avant l’âge de quarante ans, c’est pourquoi dans cette circonstance il ne convenait pas de les compter selon leur âge, l’Ecriture les compte donc selon leur sagesse.
Mais à la fin de la parachat Massei, ici il est déjà question des filles de Tslophe’had après leur mariage, c’est pourquoi ici on les compte en fonction de leurs âges respectifs. En effet, après le mariage il n’y avait plus lieu de craindre que l’âge véritable de la femme soit connu en public…
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Voici les étapes des bnei Israël depuis qu’ils sont sortis du pays d’Egypte selon leurs armées, conduits par Moché et Aharon » (33, 1).
Que signifie « conduits par Moché et Aharon » ? C’est d’eux que dépendaient les étapes, ainsi qu’il est écrit dans la parachat Beh’aalotkha (9, 23) : « Selon la voix de Hachem ils partaient (…) d’après la voix de Hachem transmise par Moché. »
Aharon s’est joint à lui, car c’est lui qui sonnait la trompette marquant le départ, en cela il était le partenaire de Moché.
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Le Roch Yéchiva de ‘Hevron, le gaon Rabbi Yé’hezkel Sarna zatsal, expose dans son livre « Daliout Yé’hezkel » trente choses sur lesquelles il faut réfléchir afin d’améliorer nos actes pendant la période de bein hametsarim. Entre autres, il englobe, à partir des paroles des Sages et des kinot, les choses qui ont provoqué la destruction du Temple et celles qui se sont produites à la suite de la destruction.
Nous avons donc dressé une courte liste, non exhaustive, des points sur lesquels il faut réfléchir et auxquels il y a lieu de prêter attention : La foi et la conscience de l’amour de D. envers Israël dans toutes les générations ; l’éloignement de la cruauté et de toute mauvaise mida ; la confiance dans le principe de mesure pour mesure ; la conscience de la gravité des fautes des hommes entre eux, et en particulier ne pas faire honte à quelqu’un ; la conscience que « A toi, Hachem, est la justice et à nous la honte. » ; la crainte et le respect de la synagogue, qui est un petit Temple ; ne pas avoir de peine pour quelque chose qui n’en vaut pas la peine ; la prière pour la délivrance ; l’amour des autres et l’éloignement de la haine gratuite et de ses persécutions.
Le châtiment de la haine gratuite est d’être persécuté, comme on le dit dans les kinot de Ticha BeAv : « Nous sommes poursuivis jusqu’au cou, malheur, car la haine gratuite nous persécute. »
Apparemment, demande le Rav Sarna, où est là-dedans la « mesure pour mesure » ?
Mais si on réfléchit à la nature de la haine gratuite, cela nous éclairera. Nous verrons alors que l’origine de la haine gratuite est dans la persécution, car si celui qui est animé d’une haine gratuite arrêtait fût-ce un instant de détester l’autre pour se demander pourquoi il le déteste, sa haine disparaîtrait, puisqu’elle est gratuite et n’a aucune cause ; mais en le persécutant à cause de sa haine, il n’a pas le temps de réfléchir. C’est pourquoi mesure pour mesure, celui qui est habité par cette haine est persécuté par d’autres jusqu’au cou, sans connaître aucune raison de cette persécution. C’est mesure pour mesure.
Le deuil pour l’âme
Le gaon Rabbi Ye’hiel Ya'akov Weinberg zatsal raconte dans « Lifrakim » : Une fois, lorsque le Saba de Slobodka zatsal se trouvait dans la ville d’eau de Krants, il a parlé du devoir de prendre le deuil pendant la période de bein hametsarim et a rappelé que le Deuxième Temple a été détruit par la faute de la haine gratuite et que ce Satan continue à danser parmi nous !
Ecoutez, m’a dit le Saba, dites la vérité : le jour amer de Ticha BeAv, si on donne à quelqu’un la kina de « arzei haLevanon » et pas à vous, est-ce que vous laisserez passer cela sans réagir ? (Le Saba faisait allusion à un événement qui s’était produit dans une certaine ville et qui avait provoqué une grande dissension, parce qu’on n’avait pas donné à quelqu’un la kina de « arzei haLevanon »).) Avouez : Est-ce que le feu de la haine envers les gabaïm ne brûlerait pas en vous, envers celui qui aurait mérité cet honneur à votre place, et envers les autres qui auraient été témoins de votre honte sans protester ?
Il y en a encore qui estiment que le moussar est inutile. Or les gens de l’époque de la destruction étudiaient la Torah et observaient les mitsvot, mais il y avait en eux de la haine gratuite. Est-il possible de purifier un cœur sans moussar ?
Le Saba s’est arrêté pendant quelques instants. Son émotion était sans limites. Il me saisit par la manche et dit : « Savez-vous ce que c’est que la haine gratuite ? » Je lui ai répondu : « Un cœur méchant, l’avarice, la jalousie, se sentir brûlé par le bonheur de l’autre… »
Le Saba répliqua en ricanant : « Pour vous, c’est tout simple. N’avez-vous pas étudié au beit hamidrach du moussar ? Les Sages ont dit : « Les derniers, dont la faute n’a pas été révélée » – la haine gratuite est une faute qui n’a pas été révélée aux hommes, ni à celui qui hait ni aux autres. Pour les gens de la génération de la destruction, cela n’a pas été révélé, et vous, vous en faites une longue confession – c’est le rôle du moussar d’ouvrir les yeux sur ce qui se lève dans les profondeurs de l’âme, et d’extirper la plante vénéneuse avant qu’elle ne murisse et ne devienne une force ardente. Les Sages nous ont donné une description terrifiante de l’événement qui a précédé la destruction, l’histoire de Kamtsa et Bar Kamtsa. Ils ont voulu nous enseigner par là qu’avant de prendre le deuil sur la destruction du Temple, nous devons prendre le deuil sur la destruction de notre âme. Ce deuil-là est le plus amer, car nous avons la possibilité de nous repentir et de reconstruire ce qui a été détruit. L’amer exil est bien pire qu’un simple châtiment.
Une mesure d’amour
Voici une petite remarque qui peut nous mener en ces jours-ci à cette noble mida de l’ « amour gratuit » : chercher le mérite du prochain.
Le principe est de chercher un côté positif en toute chose que nous rencontrons. Même dans des cas extrêmes nous devons nous efforcer de chercher à imaginer un côté positif, même si cela n’a rien de réaliste, ce qui nous permettra aussi de nous éloigner de la haine gratuite dans la direction de l’amour gratuit.
On connaît par exemple une histoire qui est arrivée au gaon Rabbi ‘Haïm Halévi de Brisk zatsal qui s’est trouvé à un certain endroit avec l’un des sages de sa génération. Ce Rav était bavard par nature, pendant toute cette heure-là il est resté assis à parler, sans s’arrêter, alors que Rabbi ‘Haïm se taisait plus qu’il ne répondait…
Lorsqu’il est sorti de la pièce, l’un des présents a demandé à Rabbi ‘Haïm : « Rabbeinou, pourquoi vous êtes-vous tu pendant tout ce temps-là en laissant Untel parler tout seul sans arrêt ? »
Il leur répondit : « Il suffit à Untel de réfléchir pendant une heure pour parler pendant vingt-trois heures, alors que moi, je réfléchis pendant vingt-trois heures pour pouvoir parler pendant une heure… »
C’est ainsi que Rabbi ‘Haïm de Brisk a effacé avec subtilité les paroles superflues de ce Rav, en évitant une haine gratuite inutile.