Devarim 25 Juillet 2015 9 Av 5775 |
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« Voici les paroles que Moché adressa à tout Israël en deçà du Jourdain »
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Voici les paroles que Moché adressa à tout Israël en deçà du Jourdain, dans le désert, dans la plaine en face de Souf, entre Paran et Tofel, Lavan, ‘Hatsérot et Di-Zahav. » (Devarim 1, 1)
Le livre de Devarim est surnommé « Michné Torah » (‘Houlin 63b) car Moché y a enseigné (chana) et répété aux bnei Israël toutes les mitsvot que Hachem leur avait données jusqu’à présent.
De même, il répertorie toutes les remontrances adressées par Moché aux bnei Israël avant leur entrée en terre d’Israël. En effet, Rachi explique (Devarim 1, 1) : « Etant donné que ce qui va suivre est constitué par des remontrances, et que le texte énumère ici tous les lieux où ils ont irrité Hachem, il les dissimule et ne les cite que par allusion, afin de ménager l’honneur d’Israël. » En d’autres termes, Moché a répété aux bnei Israël toutes les fautes qu’ils avaient commises, pour qu’ils apprennent de leurs erreurs et ne fautent plus envers D. Mais afin de préserver l’honneur d’Israël, la Torah ne mentionne les fautes que par allusion et non dans le détail.
Il existe deux moyens d’adresser des reproches. Le premier consiste à réprimander autrui selon le commandement (Vayikra 19, 17) « Reprends ton prochain. » Le second est, quant à lui, le fait d’évoquer le jour de la mort, selon l’enseignement de nos Sages (Berakhot 5a) : « Que quiconque est tenté de commettre une certaine faute se rappelle immédiatement le jour de la mort. » Cette pensée prendra le dessus sur son mauvais penchant et il n’en viendra pas à fauter. C’est dans cet esprit que Moché a réprimandé les bnei Israël avant de quitter ce monde, afin de rappeler à leur mémoire le jour de la mort. En effet, en pensant au jour de sa disparition, on abandonne la transgression pour rejoindre le bon chemin.
Au vu de ce que nous venons de dire, je me suis interrogé : pourquoi Moché a-t-il commencé le Michné Torah en adressant des réprimandes au peuple, et non en répétant les mitsvot et en les lui enseignant ? En effet, les bnei Israël auraient pu se renfermer suite à cela au point de ne plus être réceptifs à l’obligation d’accomplir les mitsvot ! Il aurait donc été plus approprié de commencer par l’enseignement des mitsvot.
Plus encore, cette génération à qui Moché a adressé des reproches ne faisait pas partie de ceux qui avaient fauté dans le désert. En effet, ces derniers avaient déjà tous péri lors d’une épidémie, et une nouvelle génération dépourvue de fautes s’était à présent levée. Alors pourquoi les réprimander pour des fautes qu’ils n’avaient pas commises ?
Il y a également lieu d’expliquer pour quelle raison le livre de Devarim, surnommé « Michné Torah », ne commence pas par relater la Création du monde et le miracle de la sortie d’Egypte, qui constituent la base et la racine de l’existence du peuple d’Israël et de son passage à l’état de peuple élu. Pourquoi ce livre préfère-t-il débuter en détaillant le trajet des bnei Israël dans le désert ? Apparemment, il aurait été plus adéquat que ce cinquième livre s’ouvre sur l’histoire d’Israël depuis qu’il est devenu un peuple, et sur des paroles qui renforcent la foi en D. et l’alliance que nous avons conclue avec Hachem lors du don de la Torah.
On peut répondre à la première question en expliquant que pour que la Torah se maintienne chez les bnei Israël, ils doivent tout d’abord être réceptifs à une bénédiction. Tout comme un tonneau est nécessaire pour conserver le vin, ou quatre murs porteurs sont indispensables pour meubler une maison, les bnei Israël doivent aussi commencer par devenir réceptifs au don de la Torah, à travers la réprimande. C’est seulement ensuite que la sainte Torah pourra résider en eux.
C’est pourquoi Moché a commencé par adresser des reproches aux bnei Israël, même si eux précisément n’avaient pas fauté dans le désert : il a voulu leur enseigner que l’homme n’est un réceptacle pour la Torah que lorsqu’il suit la voie de D. et réalise Sa volonté.
Comment peut-on réussir à accomplir la volonté de Hachem ?
En adressant des reproches à soi-même, en se punissant pour les mauvaises actions commises et en veillant ainsi à adhérer au bon chemin. En acceptant les remontrances de Moché, les bnei Israël de cette génération se sont renforcés dans le service divin, ce qui leur a permis d’expier les fautes de leurs pères.
Dans le même ordre d’idées, Rabbi Elimélekh de Lizensk, auteur de « Noam Elimélekh » (cf. Noam Elimélekh Likoutei Chochana, titre « ‘Hizkiyahou tourna ») dit qu’avant de commencer à prier, il faut effectuer un repentir parfait, afin de ne pas croire que l’on se présente devant le roi avec des habits sales. En effet, les fautes sont comparables à des taches qui salissent l’âme de l’homme. C’est pourquoi au début de la amida, on proclame et supplie « Pardonne-nous, notre Père, car nous avons fauté » : nous implorons D. de nous accorder le pardon afin que notre prière puisse être agréée.
Quant à la seconde question que nous avons posée, à savoir pourquoi le livre de Devarim n’évoque pas la Création du monde ni la sortie d’Egypte, il est possible de répondre que ces événements étaient si puissamment enracinés chez les bnei Israël qu’il n’était pas nécessaire de les répéter une nouvelle fois. De même, la Torah n’a pas mentionné la sortie d’Egypte, car ce miracle visait en partie la circoncision et l’offrande du sacrifice pascal. Or puisque les bnei Israël ne se sont pas circoncis dans le désert à cause des fatigues de la route, et n’ont de ce fait pas pu offrir le sacrifice pascal (car il fallait être circoncis pour le faire), il n’était pas nécessaire d’évoquer le miracle de la sortie d’Egypte.
Comme nous l’avons déjà précisé, les membres de la génération à qui Moché s’est adressé étaient entièrement méritants : seuls leurs pères avaient fauté. Mais en les réprimandant, Moché a délivré un message à toutes les générations suivantes : la Torah ne peut résider que chez celui qui améliore ses actes et fait en sorte de devenir un réceptacle pour le maintien de la Torah (cf. Alcheikh Chir Hachirim 5, 5). A l’inverse, lorsqu’on n’améliore pas sa mauvaise conduite, tout en accomplissant malgré tout les mitsvot de manière routinière, on est comparable à celui qui veut se purifie tout en saisissant un objet impur.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
Du deuil à la joie
L’année dernière, le soir de Ticha BeAv, en sortant du beit hamidrach après avoir récité les kinot, je me suis adressé à mes disciples en ces termes : « Regardez la maison d’étude et voyez comme ses murs sont endeuillés ! Durant l’année, nous ressentons en ce lieu de la joie et une certaine exaltation, grâce à ces murs qui sont imprégnés de paroles de Torah. Mais en cette soirée de Tich’a Beav, il est triste de rester ici et il semblerait que les murs du beit hamidrach soient également tristes et endeuillés.
Pourquoi cela ? Parce que ce soir on n’étudie pas, et la voix de la Torah n’émane pas du beit hamidrach. La joie et l’exaltation liées à l’étude sont donc absentes ! En effet, c’est uniquement quand la voix de la Torah résonne dans la maison d’étude qu’on peut y éprouver de la joie et de la satisfaction. »
En réalité, durant toute l’année, lorsqu’on n’étudie pas la Torah, les murs de la maison d’étude sont attristés. Mais le soir du 9 Av, outre le manque d’étude spécifique à ce jour-là, se font ressentir également toutes les autres occasions où nous avons manqué d’étudier la Torah et à cause desquelles nous n’avons pas encore été délivrés. En effet, si le deuil pour la destruction du Temple est toujours d’actualité, c’est le signe que la raison de sa destruction n’a pas encore disparu : « C’est parce qu’ils ont abandonné Ma Torah » (Yirmiyah 9, 12).
Renforcement de la foi
Lors de l’un de mes nombreux séjours dans la merveilleuse communauté « Cha’arei Tsion » de Buenos-Aires, j’ai eu l’occasion d’y passer un jour de Ticha BeAv.
Après la prière et la lecture des kinot sur la destruction du Temple et sur le terrible exil dans lequel nous sommes plongés, le Rav m’a demandé de l’accompagner chez un membre de la communauté dont le fils était très malade, presque sur le point de mourir. J’accomplirais ainsi la mitsva de rendre visite aux malades.
Evidemment j’ai tout de suite accepté, conscient de la valeur de cette mitsva qui fait du bien au malade et améliore au moins son état moral. Nous nous sommes donc dirigés ensemble vers la maison.
Dès que nous sommes entrés dans la chambre du malade, j’ai été effrayé de découvrir un jeune homme émacié qui était étendu sur le lit sans bouger. Sa mère était assise à son chevet, sanglotant et se lamentant : « Dommage que ce soit Ticha BeAv aujourd’hui et que vous ne puissiez pas bénir mon enfant ! »
Voulant encourager cette maman plongée dans la détresse, je lui ai conseillé d’arrêter de pleurer et de s’apitoyer sur le sort de son fils. Je lui ai dit que de même que le jour de Ticha BeAv se transformera en un jour de joie, avec l’aide de D. l’état de son fils s’améliorera, et il pourra quitter son lit de malade et retrouver une vie paisible.
Elle m’a écouté, et soudain son visage s’est éclairé d’un sourire et une étincelle de foi a illuminé ses yeux. En voyant cette foi brûlante qui lui avait redonné élan et moral, je me suis réjoui d’avoir été l’émissaire permettant d’éveiller cette flamme.
Un an plus tard, je me suis de nouveau rendu en Argentine dans la communauté « Cha’arei Tsion ». Après la prière, les fidèles sont venus me serrer la main, tandis que certains d’entre eux me demandaient un conseil, une bénédiction, etc. Soudain, le Rav de la communauté est venu me demander si je reconnaissais l’homme qui l’accompagnait. Face à ma réponse négative, il m’a présenté le jeune homme malade à qui j’avais rendu visite un an plus tôt à Tich’a Beav. Il a ajouté que, grâce à D., il avait guéri de façon miraculeuse et que sa maladie avait disparu sans laisser de traces. Il se tenait à présent en face de moi.
En voyant ce jeune homme debout et en bonne santé, je me suis souvenu de l’enseignement de nos Sages : « Même si une épée tranchante est posée sur le cou de quelqu’un, qu’il n’hésite pas à implorer miséricorde » (Berakhot 10a). L’explication simple est que même si notre situation paraît désespérée, nous devons croire en D., Qui a le pouvoir et la capacité de nous sauver d’une situation difficile et de nous faire passer de la souffrance au bien-être.
C’est la foi simple et entière qu’avait sa mère en sa guérison, un an plus tôt, qui a aidé le jeune homme et l’a ramené à la vie.
C’est à cela que se réfèrent les paroles du prophète ‘Habakouk (2, 4) « le juste vivra par sa foi » : la foi nous procure la vie et la force de vivre.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Le dimanche 10 Adar 5755, Rabbi David ‘Hanania Pinto était « sandak » à une circoncision à Paris chez le Rav David Cohen, un membre important de la communauté. Lors de la réception suivant la circoncision, un des invités, Monsieur Bensoussan, a pris la parole pour raconter cette extraordinaire histoire :
Il avait voyagé à Mogador pour participer à la dernière hilloula de Rabbi ‘Haïm Pinto (26 Eloul 5754). Il souffrait à cette période de douleurs très intenses aux jambes et avait de nombreux autres problèmes de santé qui l’empêchaient de marcher seul. Il avait donc toujours besoin de deux personnes pour l’aider à se déplacer.
Arrivé à destination, il a décidé de dormir près du tombeau du tsaddik : peut-être que par le mérite de la sainteté du Rav, D. lui enverrait une guérison complète ! C’est donc ce qu’il a fait : il a dormi près du tombeau.
Pendant la nuit il a rêvé que le tsaddik Rabbi ‘Haïm venait en personne l’opérer des jambes. Puis le Rav lui a dit : « Par le mérite de la confiance que vous avez en Hachem et dans les justes, sachez qu’on m’a envoyé du Ciel exprès pour vous guérir. Maintenant vous pouvez vous lever, car vous n’êtes plus souffrant et vous pouvez rentrer en France sans l’aide de qui que ce soit ! Réveillez-vous ! »
Il s’est immédiatement réveillé et s’est mis à réfléchir sur son rêve, en pensant : « Ce n’est peut-être qu’un songe. J’ai dormi près du tombeau en espérant être guéri par le mérite du tsaddik et c’est pourquoi j’ai fait ce rêve. Les rêves sont vains. »
Mais soudain il a senti, involontairement, ses jambes bouger. Il a essayé de se lever sans se faire aider et… miracle ! Il y est parvenu sans aide, sous les yeux de tous ses voisins.
En voyant cela, ses amis stupéfaits se sont exclamés : « Monsieur Bensoussan, que vous arrive-t-il ? Vous êtes-vous moqués de nous jusqu’à présent en prétendant être souffrant et ne pas pouvoir marcher ? Avez-vous fait semblant d’être handicapé ? »
Saisi d’une émotion intense, il leur a fait part de son rêve à la fois terrible et merveilleux. A ce moment-là, la joie a explosé parmi tous les présents et une grande sanctification du nom de D. a été réalisée près du tombeau de Rabbi ‘Haïm Pinto, le jour de sa hilloula. Que son mérite nous protège.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« Vision d’Yichayah » (Yichayah 1)
Le rapport avec le Chabbat : la haphtara décrit les malheurs qui toucheront les bnei Israël lors de la destruction du Temple à cause de leurs fautes. Cette haphtara est la troisième des haphtarot que l’on lit lors des trois chabbatot précédant Ticha BeAv.
« Le bœuf connaît celui qui l’a acheté, et l’âne la mangeoire de son maître » (Yéchayah 1, 3)
Le bœuf est un animal plus intelligent que l’âne, c’est pourquoi il connaît également son maître.
L’âne, quant à lui, ne connaît que la mangeoire. Autrement dit, il voit l’orge qui est dans la mangeoire et le mange, et s’imagine, avec son instinct animal, que la mangeoire est en fait son maître qui le nourrit. Il n’est pas en mesure de comprendre que quelqu’un a placé l’orge dans la crèche.
Il en va exactement de même pour les gens qui sont enfoncés dans les futilités de ce monde et s’imaginent que leur subsistance dépend de tel talent ou de tel endroit, etc. D’ailleurs, le proverbe courant chez les ignorants exprime bien cette idée : « Sans l’œuvre de mes dix doigts, que serais-je devenu ? »
Ces hommes-là sont comme les ânes, qui ne connaissent que la crèche et ne peuvent s’imaginer qu’un dirigeant se soucie de les nourrir.
(« Lev Eliahou »)
« Lavez-vous, purifiez-vous, écartez (en face) de mes yeux l’iniquité de vos actes, cessez de mal faire » (Yéchayah 1, 16)
Les dernières lettres des mots « l’iniquité de vos actes en face de (ro’a maallelékhem minegued) » forment le mot « dema ».
Ceci signifie par allusion que lorsque quelqu’un se repent, il doit verser une larme – « dima » – devant D., car les portes des larmes ne sont pas verrouillées. C’est grâce aux larmes que les fautes sont effacées et écartées de devant Hachem, comme l’a dit le poète : « Efface mes fautes par mes larmes. »
(« Zekan Aharon »)
« Sion sera sauvée par la justice, et ses pénitents par la vertu » (Yéchayah 1, 27)
Durant toute sa vie, le Rav de Jérusalem, le gaon Rabbi Yossef ‘Haïm Sonnenfeld, a œuvré pour la construction et le peuplement du pays tout en s’opposant à la création d’un gouvernement juif en Israël avant que le moment soit proclamé par le Ciel, tout en provoquant les nations du monde.
Il disait qu’il est stipulé dans la Torah : « C’est à toi que Je donnerai le pays de Canaan. » Hachem a donc promis de nous donner Lui-même ce pays ! Il n’est pas dit que nous devions en prendre possession par la force.
Il a même trouvé une jolie allusion à cela dans le verset « Sion sera sauvée par la justice, et ses pénitents par la vertu » :
« Sion sera sauvée par la justice » (Tsion Bemichpat Tipadé) a la même valeur numérique que « Talmoud Yérouchalmi ».
« Et ses pénitents par la vertu » (Véchavéha Bitsedaka) a la même valeur numérique que « Talmoud Bavli ».
Ceci nous enseigne que c’est uniquement par l’étude du Talmud Bavli et Yérouchalmi que Sion sera sauvée des mains des peuples étrangers, et non par la guerre et la force.
(« Od Yossef ‘Haï »)
GARDE TA LANGUE
Il faut implorer le pardon
Voilà comment doit agir celui qui souhaite se repentir de la faute de la médisance : si ceux qui l’ont écouté ne l’ont pas cru, et qu’il n’a pas causé de tort à son prochain, il s’agit d’une faute envers D. Il devra donc regretter, se confesser et s’engager à ne plus recommencer. Mais s’il a causé du tort à son prochain, il devra lui demander pardon. Même si celui-ci ne sait pas qu’il est le coupable, il devra le lui dire et implorer son pardon.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
« Voici les paroles que Moché adressa à tout Israël en deçà du Jourdain, dans le désert, dans la plaine en face de Souf, entre Paran et Tofel, Lavan, ‘Hatsérot et Di-Zahav. » (Devarim 1, 1)
Avant de mourir, Moché s’est adressé aux bnei Israël en leur transmettant des paroles qui resteront gravées dans leur cœur, car il lui était difficile de se séparer d’eux.
En agissant ainsi, il cherchait à ce que ses paroles accompagnent les bnei Israël qui, en les respectant constamment, auraient senti leur guide vivant encore avec eux et parmi eux. « Voici les paroles » signifie : Faites de ces paroles l’essentiel, et le reste, laissez-le de côté, y compris la disparition de Moché. Que sa mort ne mène pas le peuple d’Israël à l’abattement et au découragement. Si vous agissez de la sorte, vous mériterez de ressentir Moché vivant avec vous à chaque instant. En effet, dans leur mort, les tsaddikim sont appelés vivants (Berakhot 18a), et nos Sages ajoutent qu’une étincelle de Moché est présente à chaque génération.
Par ses paroles, Moché a voulu transmettre un message à toutes les générations : le Temple a été détruit à cause de la haine gratuite (Yoma 9b). La jalousie qu’éprouvaient les gens de cette génération les a poussés à dire du lachon hara les uns sur les autres, et en raison de cette médisance, des querelles et des différends, le Temple a été détruit.
De même, le peuple d’Israël a été puni parce que les explorateurs avaient calomnié la terre d’Israël. Il a donc été contraint d’errer dans le désert pendant quarante ans au lieu d’entrer tout de suite dans le pays (Bemidbar 14, 21-35), c’est pourquoi Moché leur a dit « Voici les paroles » : il vous faut dire uniquement de bonnes paroles, et vous abstenir de celles qui provoquent la discorde et les conflits, sans jamais les employer. Si vous vous conduisez de la sorte, vous mériterez que la paix et l’amitié règnent sur vous, et de ce fait, que le Nom de D. réside parmi vous.
J’ai lu dans des livres que le terme « Elé » (voici) est composé des initiales des mots « Avak Lachon Hara » (poussière de médisance). En d’autres termes, Moché met en garde les bnei Israël afin qu’ils évitent de dire même de la poussière de médisance. Bien que celle-ci semble être insignifiante et sans valeur, ce n’est pas le cas, et ce genre de propos peut s’avérer extrêmement destructeur.
La poussière de médisance peut s’exprimer dans des paroles qui, en elles-mêmes, ne sont pas calomnieuses. Mais quelque chose dans le ton adopté, dans le choix du moment ou dans la façon dont elles sont racontées fait d’elles de la « poussière de médisance » (‘Hafets ‘Haïm 2, 2). Quiconque néglige cette interdiction finira par en arriver à la médisance proprement dite , or lorsqu’on arrive à une telle situation, alors on peut s’avaler tout vivants les uns les autres, et de là à une autre destruction le chemin est court.
A LA SOURCE
« Voici les paroles que Moché adressa à tout Israël » (1, 1)
Toute la Torah a été rapportée à Israël par l’intermédiaire de Moché, alors pourquoi est-il écrit ici « Voici les paroles » ?
Rabbi Yéchoua Chimon ‘Haïm Ovadia en donne une explication dans son livre « Torah Ve’Haïm » basée sur le témoignage que D. a fait à Aharon et Myriam au sujet de Moché, en disant « Je lui (bo) parle face à face » : à travers lui (bo), et non avec lui (imo).
En réalité, dans le livre de Devarim, Moché a dit à Israël ce qu’il avait reçu par prophétie, comme les autres prophètes. On peut donc dire à ce sujet « Voici les paroles que Moché adressa. » Mais dans les autres livres de la Torah, il ne s’agissait pas de paroles de prophétie mais des propos de la sainte Chekhina.
« Ce fut dans la quarantième année » (1, 3)
A partir des remontrances adressées par Moché au peuple d’Israël juste avant sa mort, Rachi tire une règle concernant la réprimande : on n’adresse des reproches aux gens qu’à l’approche de la mort.
Sur ce, Rabbi Ye’hia Na’hmani exprime son étonnement dans son livre « Imrei Noam » : nous manquerions alors d’accomplir la mitsva « Reprends ton prochain », et comme l’ont expliqué nos Sages, même cent fois !
En réalité, il y a lieu de faire la distinction entre la mitsva générale de la réprimande et les reproches adressés aux bnei Israël juste avant la mort de Moché.
La mitsva « reprends ton prochain » vise à écarter l’homme de la faute à partir du moment où il commence à la commettre et cette mitsva reste en vigueur à chaque instant. Mais en ce qui concerne les fautes déjà commises par le passé, notre seul but est de l’empêcher de retomber dans cette sottise, et à ce sujet il est dit qu’il ne faut adresser de reproches aux gens qu’à l’approche de la mort.
« Assez longtemps vous avez demeuré sur cette montagne. Partez, poursuivez votre marche » (1, 6-7).
Le ‘Hida nous livre une jolie explication au sujet de ce verset :
Tant que les bnei Israël campaient au pied du mont Sinaï, ils pouvaient prétendre avoir accepté la Torah malgré eux, car Hachem les y avait contraints. Mais dès qu’ils sont entrés en terre d’Israël, leur argument a été invalidé, puisque comme explique le Rachba, la Guemara (Chabbat 88a) enseigne que « c’est un bon argument face à Hachem » : dès leur entrée en terre d’Israël, leur argument a été annulé. En effet, il est dit « Il leur octroya des terres occupées par des peuples… afin qu’ils observent Ses statuts » (Téhilim 105, 44-45).
Ainsi, lorsqu’ils ont conquis le pays, ils ont accepté de nouveau la Torah volontairement.
C’est pourquoi Moché leur a dit « Assez longtemps vous avez demeuré sur cette montagne » : cela suffit de prétendre que « cette montagne » vous a contraints ; « partez, poursuivez votre marche » vers la terre d’Israël et acceptez la Torah volontairement.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Contre moi aussi Hachem S’irrita à cause de vous » (1, 37)
On ne voit pourtant pas que Hachem Se soit irrité contre Moché à cause de la faute des explorateurs !
Cela peut s’expliquer selon l’enseignement de nos Sages (Taanit 29a) au sujet du verset « Le peuple passa cette nuit à gémir » (Bemidbar 14, 1) : ils ont instauré des pleurs pour les générations à venir. En effet, c’était le soir du 9 Av, date où le Temple a été détruit. Ils ont dit également que si Moché était entré en terre d’Israël et avait construit le Temple, celui-ci n’aurait pas été détruit, car aucun peuple n’aurait pu y porter atteinte, et encore (Midrach Tehilim 79) sur le verset « Psaume d’Assaph. O Dieu, des païens ont envahi » : on aurait dû dire « élégie », et non « psaume » ! Mais c’est que D. a déversé Sa colère sur du bois et des pierres. A présent, on peut comprendre : si Moché était entré en terre d’Israël et avait construit le Temple, Hachem n’aurait pas pu déverser Sa colère sur lui, comme il a été expliqué précédemment. Il aurait donc porté Son courroux sur les bnei Israël et les aurait anéantis au lieu de détruire le Temple. C’est pourquoi D. a décrété, à cause de la faute des explorateurs, que Moché meure dans le désert.
C’est le sens de « Contre moi aussi Hachem S’irrita à cause de vous » : à cause de vos fautes. Sans la faute des explorateurs, les bnei Israël seraient entrés dans le pays, et Moché avec eux. Et même s’il avait construit le Temple, il n’y aurait pas eu de crainte, car le côté négatif n’aurait pas pris le dessus, et ils auraient séjourné de droit dans le pays. Mais à cause de la faute des explorateurs, le côté impie a pris de l’ampleur et Hachem a su que les bnei Israël ne resteraient pas de plein droit.
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Si l’on vous demandait, chers lecteurs, quelle est l’origine de la mauvaise mida de la haine gratuite, il y aurait certainement toutes sortes d’explications désignant la source de ce comportement.
Par ailleurs, nous avons trouvé au nom du gaon Rabbi Aharon Yéhouda Leib Steinmann (paroles rapportées dans le livre « Yimalé Pi Tehilatekha » que d’après nos Sages, le deuxième Temple a été détruit principalement à cause de la haine gratuite.
En général, les midot se détériorent, car on croit toujours avoir raison. Si l’on pensait autrement, on éviterait bien des choses. En effet, les différends, la haine gratuite et l’orgueil proviennent pour la plupart de l’idée que l’homme a d’avoir, lui seul, raison.
On trouve dans diverses occurrences des paroles positives à l’égard des pauvres. Lorsque nos Sages font l’éloge d’une chose, ce n’est pas forcément pour nous dire qu’elle est bonne, mais plutôt pour nous enseigner qu’il faut agir de la sorte. Or cela ne peut pas être le cas pour les pauvres, puisqu’on connaît l’enseignement de nos Sages sur la charité : « Il ne faut pas donner plus d’un cinquième de sa fortune de peur d’en arriver à dépendre des autres. »
Mais en réalité, être pauvre ne signifie pas forcément manquer d’argent, mais plutôt sentir que l’on n’a rien, hormis D. Telle est la louange que font nos Sages au sujet de la pauvreté : il faut se sentir pauvre en esprit.
En éprouvant ce sentiment de ne rien posséder, nous diminuons beaucoup le nombre de querelles et la haine gratuite. C’est essentiellement ce qui est exigé de l’homme et heureux est celui qui y parvient, surtout dans le domaine de la haine gratuite, qui a causé la destruction du Temple.
Seuls les grands d’Israël, qui ont acquis une authentique perception de la Torah, peuvent savoir et fixer quand il y a lieu d’entrer dans une controverse et quand il faut à tout prix s’en éloigner. L’histoire suivante le montrera :
Une fois, un étudiant en yéchiva dans la vieille Jérusalem a eu un fils. La femme de cet érudit avait un proche qui était mohel et qui les soutenait financièrement. Cet homme-là était l’ami d’un des hommes éclairés (maskilim) de Jérusalem qui avait enfreint les règles en matière d’éducation. Le mohel en question a fait pression sur l’accouchée pour qu’elle accorde à ce maskil la place honorable de « sandak ». Quand la chose a été sue par les amis de l’avrekh, ils en ont été fâchés, et avec le père du nouveau-né, se sont mis d’accord pour faire échouer le plan.
Ils ont secrètement décidé de célébrer la brit mila une heure avant l’heure indiquée au maskil et au proche en question. Ainsi, quand ces derniers arriveraient, la circoncision serait déjà terminée.
Pour ce faire, ils devaient choisir un mohel. Ils ont décidé d’inviter le gaon Rabbi Yossef ‘Haïm Sonnenfeld, le premier dans tout ce qui a trait à la sainteté, connu comme un excellent mohel et qui serait certainement heureux de contribuer à la réussite de leur plan. Ils sont donc allés lui faire part de leur projet.
Mais quelle ne fut pas leur surprise quand ils ont entendu, justement de la bouche de Rabbi Yossef ‘Haïm, la réponse résolue et déterminée : « Je ne suis pas prêt à participer à cette affaire. Je ne serais pas mohel à ce brit ! » Ils ont tenté de le convaincre, mais en vain, et le projet n’a pas pu aboutir.
En entendant parler du refus de Rabbi ‘Haïm, à cause duquel tout le plan avait échoué, le gaon Rabbi Yéhochoua Leib Diskin a dit : « Si Rabbi ‘Haïm a refusé, il a eu raison de le faire. Il a certainement supposé que lorsque l’accouchée serait mise au courant, elle en serait attristée et fâchée. Or la colère pourrait porter atteinte à sa santé. Ainsi, ils auraient risqué de lui causer du tort, et peut-être même de la mettre en danger, même s’ils avaient raison et que leurs calculs n’aient visé que l’amour du Ciel.
Or il avait visé juste, car ce calcul moral était effectivement ce qui avait empêché Rabbi ‘Haïm de participer à la cérémonie.
Il n’y a pas de question
Fin de Ticha BeAv, yéchivat « Beit Hillel » à Bnei Brak. Avant de prier arvit, un homme de l’assemblée pose au gaon Rabbi Mordekhaï Man la question suivante : peut-il prier maariv en tant qu’officiant et commencer avec « Chir Hamaalot », puisqu’il suit le rite sfard ?
Voici ce que lui a répondu Rabbi Mordekhaï : « Nous sommes restés assis par terre pendant une nuit et une journée à cause de la haine gratuite, et vous venez me poser de telles questions ! Commencez par Chir Hamaalot… ! »