Nitsavim 12 Septembre 2015 28 Elloul 5775 |
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La stabilité nécessaire à la techouva
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Vous vous tenez tous aujourd’hui devant Hachem votre D., vos chefs de tribus, vos anciens, vos préposés, tout homme d’Israël » (Devarim 29, 9).
Ce verset, qu’on lit en général le dernier Chabbat de l’année, avant Roch Hachana, fait apparemment allusion au jour du jugement. En vue de Roch Hachana, le jour du jugement, l’homme s’éveille et implore le Créateur dans sa prière de lui pardonner et de racheter tous les péchés qu’il a commis pendant toute l’année. En effet, il a le sentiment qu’il ne peut pas se tenir en jugement dans son état de saleté intérieure, avec les taches laissées par toutes ses fautes graves ou moins graves, or il désire sortir innocent du jugement et mériter une bonne année.
Mais comment veut-il que Hachem accepte sa prière et lui pardonne toutes ses fautes alors qu’il est encore en pleine révolte et ne se repent pas de tout son cœur ? Comment s’imagine-t-il qu’il va mériter une bonne année, alors qu’il n’a pas résolu en lui-même de ne plus jamais fauter ?
On doit donc se repentir totalement de tout son cœur et de toute son âme, c’est-à-dire regretter sincèrement ses fautes, et prendre la résolution de ne plus y revenir. Cette résolution doit avoir une telle force que Celui qui voit tout ce qui est caché puisse témoigner qu’on ne commettra plus jamais ces fautes-là, comme l’écrit le Rambam dans les Hilkhot Techouva. C’est seulement ainsi que Hachem écoutera notre prière et pardonnera nos fautes. Et quand on se présentera en jugement le jour venu, Hachem verra le changement qui s’est opéré en nous, nous déclarera innocent et nous accordera une bonne année, remplie de bénédictions.
Cela se trouve en allusion dans le verset « vous vous tenez tous aujourd’hui, etc. ». Le mot « atem » (vous) est composé des mêmes lettres que « emet » (vérité), et sur le mot « hayom » (aujourd’hui), les Sages ont dit qu’il s’agissait du jour du jugement. Cela signifie que quand on se présente devant Hachem pour être jugé sur tous ses actes, c’est-à-dire à Roch Hachana, il faut s’armer de la vérité. En effet, devant le Saint, béni soit-Il, il n’y a pas de mensonge possible, et il est impossible de Le suborner, Il rétribue le tsaddik en fonction de sa vertu et le méchant en fonction de sa méchanceté, chacun selon la façon dont il s’est comporté.
Comment oserait-on se tenir en jugement devant Hachem en état de mensonge et de tromperies, et Lui demander pardon alors qu’on ne s’est pas encore véritablement repenti ? Comment n’aurait-on pas honte de dire des prières alors qu’on n’a pas encore véritablement décidé en soi-même de ne plus fauter ? On se tiendrait là comme un menteur et un trompeur, alors comment Hachem, Qui est vérité, pourrait-Il pardonner les fautes et nous innocenter ? C’est là-dessus que le verset « vous vous tenez tous aujourd’hui devant Hachem votre D. » vient nous mettre en garde. Hachem doit percevoir le « atem » (vous), à savoir la vérité qui est en vous, si vous êtes comme vos chefs de tribu, vos Anciens et vos préposés, car les dirigeants spirituels des bnei Israël sont les tsaddikim de la génération, ils se tiennent en techouva totale et véritable, c’est pourquoi tout juif doit prendre exemple sur eux et se présenter au jugement avec la vérité dans le cœur. Cela lui permettra certainement d’être déclaré innocent, comme les chefs de tribus, les tsaddikim de la génération.
Cela peut nous permettre de comprendre la juxtaposition des parachiot Nitsavim et Vayélekh. Si nous sommes en marche, alors « Vayélekh » (littéralement : il ira) ne relève pas de la même chose que « Nitsavim » (littéralement : nous sommes debout dans une attitude stable). La véritable stabilité de l’homme se manifeste uniquement quand il est stable et véridique envers lui-même, quand il ne se ment pas à lui-même, ce qui n’est le cas que lorsqu’il marche et progresse sur le chemin de la vérité, qui est la Torah, la voie de D., ainsi qu’il est dit (Vayikra 26, 2) : « Si vous marchez dans Mes voies », ou encore (Téhilim 119, 45) : « Je marcherai bien au large. »
Marcher dans le chemin de la vérité, le chemin de la Torah, le chemin de Hachem, c’est cela la stabilité la plus solide du monde humain. Et c’est également le rapport entre les parachiot Nitsavim et Vayélekh. Vous vous tenez stables et véridiques avec vous-mêmes uniquement quand vous marchez dans le chemin de la vérité, le chemin de la Torah, le chemin de Hachem.
Si nous avons raison, cela permet également de comprendre le verset (Devarim 30, 14) : « Car la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour la faire. » Les commentateurs objectent que les Sages ont dit (Avot 1, 17) : « Ce n’est pas l’étude qui est l’essentiel mais l’action », alors au nom de quoi est-il important d’ajouter « dans ta bouche et dans ton cœur » ? Il suffit que la chose soit proche de toi pour la faire, puisque l’essentiel est l’action !
L’explication en est que lorsqu’on se concentre sur la Torah dans le but de l’accomplir, D. joint une bonne pensée à l’action (Kidouchin 40a), et c’est considéré comme si on l’avait accomplie, même si dans les faits on ne s’est pas encore consacré à l’étude. Mais cela, c’est uniquement quand le but de l’étude est l’acte à accomplir, quand le « dans ta bouche et dans ton cœur » ont comme objectif de faire correctement, c’est-à-dire que « dans ta bouche et dans ton cœur » représente la préparation à l’accomplissement de la mitsva, afin qu’elle soit parfaite. Ce qui n’est pas le cas quand ce n’est pas une préparation : alors l’acte n’est pas égal à la bouche et au cœur, il est comme un corps sans âme, parce que la pensée ne se joint pas à l’action.
On le comprend parfaitement d’après ce que nous avons expliqué, que la préparation à l’action consiste à conserver sa stabilité, à marcher dans le chemin de la vérité, le chemin de la Torah, le chemin de Hachem, à s’attacher à la vérité sans se leurrer soi-même, et sans se présenter devant Hachem pour Lui demander pardon alors qu’il n’y a dans le cœur aucune trace de changement. C’est cela la préparation au jour du jugement pour en arriver à l’action, dans le cœur et dans la bouche, l’action de demander pardon de toutes ses fautes au Créateur du monde. Alors Hachem pardonne, car il est dit (Téhilim 34, 19) : « Hachem est proche de ceux qui ont le cœur brisé, et Il sauve ceux qui sont abattus. »
LES PAROLES DES SAGES
Un peu d’attention
« Les choses cachées appartiennent à Hachem notre D., mais les choses révélées sont à nous et à nos enfants à jamais, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette Torah. » (Devarim 29, 28)
Beaucoup d’encre a coulé au sujet de ce verset, tentant d’interpréter la présence des points au-dessus du mot « oulevaneinou » (et à nos enfants).
Le ‘Hafets ‘Haïm donne une explication simple. Quand on écrit une lettre à l’attention de son prochain et qu’on cherche à insister sur un certain mot, on le souligne, afin que le lecteur sache qu’il doit lui accorder plus d’attention et en tirer les conclusions nécessaires.
De même, en ordonnant à Moché d’accentuer le terme « et nos enfants », Hachem a voulu souligner que de ce mot dépend toute la pérennité de la Torah. L’éducation des enfants et le fait de les guider sur le droit chemin qui mène vers la maison de D. est si important que D. a, si l’on peut dire, souligné spécifiquement ce mot : ce sont les points qui figurent au-dessus.
Le gaon Rabbi Ya’akov Israël Kaniewski, auteur de « Kehilot Ya’akov », avait l’habitude de raconter :
« A l’époque, dans les petits villages de la diaspora, les gens vivaient dans une immense pauvreté. Ainsi, ils s’habituaient à ne pas obtenir tout ce qu’ils désiraient. Lorsqu’un enfant rentrait du Talmud Torah, il n’y avait souvent rien à manger à la maison, et il supportait la faim. Quand il y avait de quoi manger, c’était de la nourriture de base. Les fruits étaient rares, et un nouvel habit ? On n’en recevait qu’occasionnellement ! La pauvreté et les souffrances éduquent l’homme pour son bien : en effet, lorsque plus tard, au cours de sa vie, des choses qu’il aurait souhaitées lui manqueront, il ne sera pas frustré puisqu’il aura appris, depuis son enfance, à se priver.
« Mais aujourd’hui, l’enfant est habitué depuis son plus jeune âge à recevoir de ses parents tout ce qu’il désire. De la nourriture en abondance – il est inconcevable qu’il n’y ait pas de quoi manger – des fruits et des bonbons. On habille aussi les enfants presque comme des princes, avec de nouveaux vêtements très régulièrement.
« Et parallèlement à la profusion matérielle que l’on déverse sur l’enfant, on néglige complètement son éducation. Le père va au travail et n’a pas le temps de surveiller sa progéniture. Puis il rentre à la maison fatigué, épuisé, nerveux et incapable d’éduquer et d’influencer positivement ses enfants, de sorte que ceux-ci grandissent sans éducation.
« Puis lorsqu’un enfant a grandi ainsi, s’habituant à tout recevoir et à voir ses désirs satisfaits dans l’immédiat, quand il devient adulte et que tout ne se passe pas comme il le voudrait, cela l’irrite et il s’enfonce dans l’amertume et la dépression.
« En effet, les parents peuvent lui fournir la nourriture et les vêtements, mais l’honneur, par exemple, ils ne peuvent pas le lui procurer. Ainsi quand il n’est pas valorisé à l’école, que d’autres élèves réussissent mieux que lui ou se montrent dotés de meilleures capacités, la jalousie le dévore et la recherche de la considération ne lui laisse aucun répit, car il a été habitué à recevoir tout ce qu’il souhaite ! Mais les parents ne peuvent lui fournir l’honneur auquel il aspire, et ceci entraîne crises, nervosité, déprime et abattement.
« Cela n’aurait pas été le cas s’il avait été aguerri depuis son enfance, s’il avait été habitué à ne pas recevoir tout ce qui le tente, car alors les circonstances de la vie ne l’auraient pas amené à la contrariété et à l’amertume. Et plus encore, ceux qui ont pris l’habitude de vivre dans la pauvreté et la misère retirent de la joie du moindre avantage inhabituel que la vie leur offre. Ainsi ils sont toujours heureux, puisque tout ce qu’ils reçoivent les réjouit. »
Achète la vérité avec de l’argent
Rabbi Yéchayahou Halévy Horowitz, le Chla, raconte l’histoire suivante dans son livre « Chnei Lou’hot Habrith » : « Un homme très pieux de la communauté de nos frères d’Espagne, qui avait l’habitude de me rendre visite, ne prononçait que des paroles de stricte vérité sans la moindre ambiguïté, et pour tout l’or du monde, il n’aurait jamais renoncé à cette conduite.
« Il m’a raconté comment il avait mérité d’acquérir cette précieuse mida, qui s’était enracinée en lui : c’était grâce à l’éducation que son père lui avait prodiguée dans son enfance. Quand il se disputait avec ses frères comme le font les enfants, et que chacun allait se plaindre auprès de son père du mauvais comportement de l’autre, le père leur disait : ‘‘Mes enfants, je pardonnerai à celui qui reconnaîtra sa faute et dira la vérité à condition qu’il veille à ne pas recommencer. Quant à celui qui nie, sachez que je chercherai et me renseignerai, et si je découvre qu’il a menti, je le punirai doublement.’’
« Ainsi agissait son père. Il pardonnait à celui qui reconnaissait sa faute, et lui donnait même quelques pièces pour le féliciter d’avoir eu le courage de reconnaître la vérité. Quant à celui qui mentait, il le punissait grandement. Par ce comportement, cet homme a ancré en ses fils la mida de la vérité, ainsi que la crainte du mensonge et une aversion pour lui. »
Et le Chla concluait : « Ce père a acheté la vérité avec de l’argent, pour réaliser le conseil du plus sage de tous les hommes, qui a dit (Michlei 23) : ‘‘Achète la vérité’’, au point que son fils, cet homme très pieux, avait fait du souci de la vérité une nouvelle nature. Que chaque père intelligent veille à éduquer ses enfants à suivre le chemin de la vérité et les éloigne à tout prix du mensonge. »
On ne regarde pas ce que l’autre possède
Sur la rue Allenby, au cœur de Tel-Aviv, il y avait deux magasins mitoyens, raconte le Rav Zilberstein. L’un vendait des bijoux d’or et d’argent étincelants et chers, et l’autre des livres de kodech. Le premier magasin était constamment plein de clients respectables qui entraient acheter des bijoux au hasard, tandis que le second, dont le propriétaire était un juif pieux et craignant D., restait désert. De temps en temps, quelqu’un entrait acheter un livre, puis le calme revenait dans la boutique.
Au bout de quelques années, quand je me suis intéressé au sort de la famille du libraire, j’ai pu constater que D. les avait aidés, et que tout le monde les jalousait. La fille, que le père avait éduquée dans les voies de la morale, a mérité d’épouser un grand sage, l’un des plus importants enseignants en Torah de notre époque, et de fonder un foyer de Torah exemplaire.
Une fois, alors que je passais dans cet endroit, j’ai vu la fille du libraire se tenir près de la bijouterie et observer ce qui s’y passait. L’ayant remarqué, son père s’est approché d’elle et lui a calmement demandé de quitter la vitrine du voisin et de rentrer dans leur librairie. « Ma fille, lui a dit ce vendeur empreint de crainte divine, sache qu’il est interdit de regarder ce que l’autre possède. Chacun doit se réjouir de ce dont D. l’a gratifié. »
GARDE TA LANGUE
Connu pour commettre une faute
Si quelqu’un est réputé pour commettre un acte dont tout Israël connaît l’interdiction, et pour ne prêter aucune attention à l’interdit en question, on peut le critiquer en sa présence ou non, et il faut même juger sévèrement le reste de ses actes.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Le gaon Rabbi David Raphaël Banon a raconté que du temps de Rabbi ‘Haïm Pinto le petit vivait au Maroc l’un des grands rabbanim du pays, le gaon Rabbi Pin’has Abitsror. Ce Rav a une fois eu un litige avec un poissonnier non-juif, qui au cours de l’affaire, l’a humilié, lui, ainsi que les étudiants en Torah.
Alors Rabbi Pin’has a regardé le poissonnier en lui disant : « Peu importe que vous m’ayez humilié, mais je ne peux vous pardonner le fait d’avoir méprisé notre Torah. » Et au moment où le Rav s’est retourné, l’homme est tombé à terre, sans vie.
Cette histoire a engendré une grande sanctification du Nom divin à Essaouira, car tous ont pu constater la grande sainteté de Rabbi Pin’has. Tout le monde le considérait jusqu’à présent comme un homme simple, car il vivait modestement, mais ensuite son niveau élevé s’est fait connaître.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Le bon conseil de Moché
« Vous vous tenez aujourd’hui tous » (Devarim 29, 9)
Nos Sages ont enseigné dans le midrach : « De même que le jour et la nuit alternent, de même à vos jours sombres succèderont des jours de lumière, comme il est dit ‘‘Hachem sera pour toi une lumière permanente’’. Quand cela ? Quand vous formerez tous une seule assemblée, comme il est dit ‘‘vous êtes tous vivants aujourd’hui’’. En effet, si quelqu’un prend un bloc de bambous, peut-être réussira-t-il à les briser d’un seul coup. Mais s’il les prend un par un, même un enfant peut les casser. De même, les bnei Israël ne seront sauvés que s’ils forment tous un groupe uni, comme il est dit ‘‘En ces jours et en ce temps-là, dit Hachem, les fils d’Israël unis aux fils de Juda reviendront.’’ »
Le Midrach cherche ici à expliquer le mot « tous » employé dans ce verset : c’est uniquement quand vous êtes unis que vous vous tenez debout et bien vivants. Et alors, même si les malédictions vous frappent, la lumière de la rédemption vous éclairera.
Dans le même ordre d’idées, on peut citer ce qui est rapporté dans le Midrach Tan’houma (Choftim 18) : « Rabbi Eliezer Hakapar a dit à Rabbi : la paix a une si grande force que lorsque les bnei Israël forment un groupe uni (‘haboura), même s’ils pratiquent l’idolâtrie, l’attribut de justice ne les touche pas, comme il est dit ‘‘Ephraïm est collé (‘havour) aux idoles, qu’on le laisse !’’ »
La même idée apparaît dans le saint Zohar (I, 200b) : « Quand tous les membres du peuple sont en paix et que personne ne cherche la discorde, Hachem les protège et la rigueur n’a pas de prise sur eux. Même s’ils sont tous idolâtres, puisque la paix règne entre eux, ils ne sont pas gouvernés par la rigueur. Nous apprenons cela du verset ‘‘Ephraïm est collé (‘havour) aux idoles, qu’on le laisse !’’ : Si les bnei Israël, appelés du nom d’Ephraïm, sont liés (‘hibour) et unis, alors même s’ils servent des idoles, qu’on ne les punisse pas. »
De même, Rachi explique (Béréchit 11, 9, titre « Et de là Hachem les dispersa ») : « Quel a été le plus grave péché, celui de la génération du déluge ou celui de la génération de la tour de Babel ? Les premiers n’avaient pas récusé le principe de l’existence de D., les seconds l’ont récusé en entrant en guerre contre Lui. Et pourtant les premiers ont été anéantis, alors que les seconds ne l’ont pas été ! C’est parce que la génération du déluge pratiquait le vol et se livrait à des violences, d’où sa destruction, alors que celle de la tour pratiquait l’amour et la fraternité. » Selon tout ce que nous venons de dire, il y a lieu de souligner qu’en plus d’apaiser les bnei Israël en leur disant que même si les punitions annoncées s’abattent sur eux, D. ne les anéantira pas et les éclairera de la lumière de la rédemption, Moché leur a également donné un conseil pour échapper à la réprimande : qu’ils soient toujours conformes au « tous », dans l’unité. De la sorte, Hachem les protègera et ils ne seront pas accablés de reproches.
A LA SOURCE
« Afin d’entrer dans l’alliance de Hachem, ton D. » (29, 11)
Après avoir commencé au pluriel avec la phrase « Vous vous tenez aujourd’hui », Moché choisit l’emploi du singulier : « afin d’entrer dans l’alliance de Hachem, ton D. » Le livre « Yossef Leka’h » en donne la raison au nom du Maharit : chaque individu doit être garant des six cent mille hommes d’Israël, comme il a déjà été expliqué dans la parachat Ki Tavo.
Ainsi Moché, s’adressant à tous les présents, le fait au pluriel, puis rappelle au singulier, à chaque homme d’Israël, sa responsabilité personnelle envers la collectivité.
« Les choses cachées appartiennent à Hachem notre D. » (29, 28)
Le livre « Guevourat Ya’akov » explique, sur le mode de l’allusion, que la Torah cachée doit être étudiée en secret (behester) et discrètement. C’est pourquoi elle est appelée « Torah cachée (hanistar) ». Quant à la Torah dévoilée, au contraire, elle doit être étudiée en public en multipliant les disciples afin que tous connaissent les lois et respectent les mitsvot.
C’est ce que dit le verset : « Les choses cachées appartiennent à Hachem » – la Torah cachée est précisément pour Hachem notre D., à étudier dans le secret et la discrétion. En revanche, « les choses révélées sont à nous et à nos enfants » – et doivent être étudiées par tous et publiquement, afin de savoir comment agir.
« Tandis que tu reviendras au bien et seras docile à la voix de Hachem » (30, 5)
Puisqu’il a déjà été dit précédemment « que tu retournes à Hachem, ton D. », cela signifie qu’à présent ils ont déjà fait techouva. Pourquoi alors le verset répète-t-il « tu reviendras au bien » ?
Rabbi Chelomo de Radomsk donne l’explication suivante dans le livre « Tiféret Chelomo » : avant de se repentir, on n’a pas encore conscience de la gravité de sa faute, puisqu’on est loin de D. et enfoncé dans son erreur. C’est seulement après s’être repenti et rapproché de Hachem qu’on commence à réaliser l’importance du dommage causé par sa mauvaise conduite. Alors il ne se suffit plus de la première techouva et on se repent à nouveau.
Et ainsi de suite. Plus on se repent et se rapproche de D., mieux on comprend qu’on doit à présent effectuer un repentir complet devant Lui.
« J’en atteste sur vous, en ce jour, le ciel et la terre : J’ai placé devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction ; choisis la vie ! » (30, 19)
Le tsaddik de Jérusalem, Rabbi Arié Lévine, s’interroge :
« Qui ne préfèrerait pas la vie à la mort ? Y a-t-il quelqu’un qui ne choisit pas la vie ? Alors pourquoi n’est-il pas écrit « choisis la vie » (ouba’harta ‘haïm), mais littéralement « choisis dans la vie » (ouba’harta ba’haïm) ? »
Il explique : « La Torah nous ordonne de préférer le bon au mauvais, le beau au médiocre. En effet, il y a vie et vie. Il existe de nombreuses choses que nous pensons provenir du bon penchant, mais en réalité, toute leur nature et leur origine est le mauvais penchant, qui vient séduire l’homme sous l’apparence du bon penchant.
C’est la raison pour laquelle la Torah nous met en garde en disant ‘‘choisis dans la vie’’ : dans la vie, il faut choisir le bon. Savoir qui est réellement le bon penchant, quels sont ses conseils, et les suivre.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Or, quand te seront (vehaya) survenus tous ces événements » (Devarim 30, 1)
Il faut comprendre pourquoi le texte a ajouté « tous ces événements » et ne s’est pas contenté de dire « quand te seront survenues la bénédiction et la malédiction que J’offre à ton choix ».
On peut peut-être expliquer cela selon ce qui est dit dans le traité Berakhot (54a) : « Il faut faire une bénédiction sur le mal de la même façon qu’on fait une bénédiction sur le bien. » La Guemara précise (ibid. 60b) qu’il s’agit d’accepter le mauvais avec joie tout comme on se réjouit pour le bon.
En réalité, le terme « vehaya » (quand seront) dénote la joie (Béréchit Rabba 42, 4). « Quand te seront survenus tous ces événements », accepte-les avec joie, « la bénédiction et la malédiction » de manière égale. Si le verset avait dit « quand te seront survenues la bénédiction et la malédiction que J’offre à ton choix », il aurait pu être interprété de la manière suivante : « quand te sera – terme de joie – survenue la bénédiction », alors que le mot « malédiction » aurait été associé à la suite du verset « que J’offre à ton choix ». Ainsi, on n’aurait pas compris que le terme « vehaya » (te seront) concernait également la malédiction.
SUJETS D’ACTUALITE
Juste avant le jugement
Au sujet de la conduite à adopter avec autrui lors des Jours Redoutables, le gaon Rabbi David Povarsky a dit à la yechivat Poniewitz : « Toute action est signée de la main de son auteur. » Sachons que c’est l’homme lui-même qui écrit les livres de la vie et de la mort ouverts à Roch Hachana. Ainsi, lors de notre préparation au Jour du Jugement, il nous faut faire en sorte d’être inscrits dans le livre de la vie.
Rabbi David poursuit en racontant : « Je me souviens il y a des années que la synagogue était pleine à Roch Hachana, et quand quelqu’un s’asseyait, un autre devait se lever, car il n’y avait pas assez de place pour que deux personnes s’asseyent en même temps. Il y avait une certaine personne qui restait tout le temps debout pour qu’un autre puisse être assis : il s’était ainsi inscrit dans le livre de la vie à Roch Hachana, tandis que l’autre restait assis sans prêter attention à ce qui se passait. Puis pendant l’année, je me suis intéressé à celui qui était resté debout pour voir comment il avait l’habitude d’agir, et j’ai constaté que là où il allait, il s’efforçait de se comporter comme il l’avait fait à Roch Hachana. Il s’inscrivait donc constamment dans le livre de la vie… »
Comment poursuivre sans citer ici un extrait du cours de Rabbi Chalom Schwadron ?
Mon maître m’a fait une fois avant les seli’hot une remarque perspicace :
« ‘‘Tu entends les prières : toute créature se présente devant Toi.’’ Généralement, quand on se lève pour les seli’hot, on se réveille de force, juste avant l’aube, alors qu’il fait encore nuit. Il aurait donc mieux valu que le corps reste à la maison et que l’âme aille aux seli’hot. Mais puisque l’homme est lié au corps, il laisse l’âme dans le lit, il est encore en train de rêver à l’entrée de la synagogue, car il n’y a emmené que la chair : ‘‘toute créature (‘kol bassar’, littéralement ‘toute chair’) se présente devant Toi’’. Et Hachem, Qui est bon et miséricordieux, ‘‘entend les prières’’ même si c’est ‘‘toute chair qui se présente’’…
« Mais comme nous l’avons dit, il ne s’agit pas de gens insignifiants. Ainsi, même celui qui n’amène aux seli’hot que son corps est convaincu qu’à Roch Hachana, il viendra également avec l’âme, lors de ce jour où la voix proclame : ‘‘Le grand chofar du jugement retentit, les anges mêmes en frémissent’’, ‘‘alors je me réveillerai’’ est-il persuadé.
« Mais que se passe-t-il ? Au moment où le chofar sonne, cet homme-là ressent soudain une petite faim… Il pense au kiddouch qui va suivre… A kippour, il reste placide et tapote le bouton de son manteau : c’est toujours ‘‘toute chair qui se présente devant Toi’’. Le manteau a fauté, le chapeau a fauté, le bouton a fauté, et c’est sur eux qu’il frappe en avouant ‘‘J’ai fauté’’.
« Ne riez pas, si nous voulons – et nous le voulons sans aucun doute – devenir meilleurs, rapportons un seul exemple, duquel nous pourrons apprendre au moins mille autres similaires. Le sage saura en tirer la leçon. Ecoutez.
« Ceci peut arriver le jour même de Roch Hachana, le matin, ou encore l’après-midi de Kippour. Que se passe-t-il ?
« Un homme, Monsieur Untel, a mangé le soir de Roch Hachana de la viande grasse, un bon vin, un repas abondant, comme il est dit ‘‘Allez, mangez des mets succulents, buvez des breuvages doux’’. Puis il est allé se coucher, s’est endormi profondément… et s’est levé tard.
« A son réveil, il s’exclame « Oh, je suis en retard ! » et se dépêche de se rendre à la synagogue où à la yéchiva où il prie, et où il a acheté une place sur laquelle figure son nom. Mais puisqu’il est arrivé en retard, un certain homme de Tel-Aviv ou de ‘Haïfa était déjà venu avant lui, avait vu la place vide et quelqu’un lui avait dit ‘‘Apparemment, celui qui a réservé ne viendra pas aujourd’hui’’, alors il s’y est installé.
« Mais Monsieur Untel est frappé de stupeur : « C’est mon pupitre ! » s’exclame-t-il avec colère.
« L’« invité » ne comprend pas grand-chose, et ne peut de toute façon pas lui répondre puisqu’il est en pleine prière. Sans compter que c’est peut-être même le responsable de la synagogue qui lui a indiqué que la place était libre et qu’il pouvait s’asseoir. Il ne comprend donc pas ce qu’on lui reproche.
« En bref, il ne saisit pas ce que le retardataire lui veut en criant ‘‘Allez-vous-en ! Partez d’ici !’’ tout en le transperçant de ses yeux irrités et en pointant du doigt l’étiquette qui est sur le banc : ‘‘Ne voyez-vous pas ? Mon nom figure sur le pupitre ! Ne voyez-vous pas que c’est le mien ? Le mien ! Qu’est-ce que vous ne comprenez pas ?’’
« ‘‘Le mien, le mien…’’ Que possédons-nous réellement dans ce monde ? Que reste-t-il à l’homme hormis les quatre coudées de sa tombe ? ‘‘Le mien, le mien.’’ C’est Roch Hachana aujourd’hui, vous oubliez ? »
Des exemples, a dit Rabbi Chalom, nous pourrions en donner beaucoup. Mais si nous n’étudions pas la Torah, les exemples ne servent à rien, car nous ne savons pas comment nous conduire. La Torah est le remède au mauvais penchant.
Quand on cède, on gagne !
Durant un cours lors d’un Samedi soir de la période des seli’hot en l’an 5738, le gaon Rabbi Aharon Leib Steinman, a dit : « D. souhaite que chacun arrive à Roch Hachana à la conscience qu’Il est le Roi, et à la volonté d’être Son serviteur. ‘‘Vous me ferez régner sur vous’’ signifie réfléchir selon la voie de la Torah, tant dans les rapports avec autrui que dans ceux avec Hachem. »
Si l’on réfléchit aux disputes qui animent les gens, aux raisons de ces querelles, et aux avantages que l’on en retire, on remarquera qu’à chaque fois qu’on cède, on sort gagnant, comme il est dit à Roch Hachana : on pardonne toutes les fautes de celui qui se montre indulgent. Ainsi, toutes les fautes peuvent être expiées grâce à la concession. Or qui peut imaginer ne pas avoir besoin de pardon ? Il n’existe pas de tsaddik sur terre qui n’ait pas fauté !
Mais au lieu d’être indulgents, nous nous arrêtons sur chaque chose et ne cédons pas…. Qu’y gagnons-nous ? Evaluons la perte occasionnée par l’accomplissement d’une mitsva en comparaison du gain qu’elle rapporte, ainsi que le gain rapporté par une faute en comparaison de la perte qu’elle occasionne : dans chaque cas, nous comprendrons que le compte n’est pas bon. Il faut accepter le joug divin dans tous les domaines, et ainsi nous gagnerons beaucoup. Même le fait d’éviter une dispute, de ne pas prononcer de paroles inutiles, de ne pas faire de médisance, de colportage, ou toute autre faute, constitue déjà un gain immense. Accomplir une mitsva représente également un gain illimité. C’est ainsi que nous ferons régner D. sur nous et mériterons une bonne année.