Parachat Toldot 14 Novembre 2015 2 Kislèv 5776 |
|
« Donne la vérité à Ya'akov » à propos des bénédictions
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Rivka entendit lorsque Yitz’hak parlait à Essav son fils, et Essav partit dans les champs pour chasser du gibier et le rapporter. Rivka dit à Ya'akov son fils : j’ai entendu que ton père parlait à Essav pour lui dire » (Béréchit 27, 5-7).
Il faut expliquer le passage sur les bénédictions. Apparemment, il est difficile à comprendre. Même si Rivka n’avait pas envoyé Ya'akov à la place d’Essav, celui-ci n’aurait pas reçu les bénédictions, parce qu’il a apporté à son père le chien qu’il avait préparé, n’ayant pas trouvé de gibier casher (voir Targoum Yonathan 27, 5). Il a agi sottement, puisqu’il était clair que ce n’était pas ce que son père voulait et que cela ne pouvait pas lui faire plaisir. S’il lui avait dit qu’il n’avait rien trouvé, son père lui aurait tout de même donné sa bénédiction à cause du mal qu’il s’était donné et pour éviter de prendre quelque chose de taref ou de volé. Mais quand Essav est entré avec la nourriture, Yitz’hak a vu le Guéhénom devant lui (Béréchit Rabba 67, 2), et naturellement il ne l’a pas béni du tout.
Il faut donc se demander la chose suivante : Rivka savait tout cela, alors pourquoi a-t-elle trouvé nécessaire que Ya'akov arrive rapidement et donne des mets délicieux à son père, puisque de toutes façons Essav n’aurait pas reçu les bénédictions ? On peut supposer qu’alors, Yitz’hak aurait appelé Ya'akov pour le bénir à la place d’Essav.
Voici comment on peut l’expliquer. Rivka, dans sa grandeur et sa sagesse, voulait séparer Ya'akov et Essav, et même créer une haine entre eux. Dans le même ordre d’idées, Hachem a dit à Avraham « Ecoute-la », lorsque Sarah a voulu renvoyer Yichmaël pour préserver Yitz’hak de sa mauvaise influence. De même, Yitz’hak a obéi à la demande de Rivka de bénir Ya'akov pour qu’il aille prendre femme, car elle faisait partie des saintes Matriarches et c’était elle la maîtresse de maison qui voyait loin et comprenait qu’un tsaddik comme Ya'akov ne pouvait pas vivre avec un homme qui était prêt à amener à son père des nourritures interdites. C’est pourquoi délibérément et dans un but profond, elle a envoyé Ya'akov à la place d’Essav, pour créer une haine éternelle entre eux. Comme on le sait, elle y a réussi, et les Sages ont dit (Yalkout Chimoni Bemidbar 722) : « C’est une halakha qu’Essav hait Ya'akov. » Il faut comprendre : Comment cette halakha a-t-elle été décrétée ? Il semble qu’il ait été décrété par Rivka qu’Essav haïsse Ya'akov à cause des bénédictions.
Il y a autre chose à examiner. Combien il était difficile pour Ya'akov, dont toute la nature était son attachement à la vérité, d’aller préparer des plats pour son père et de participer à une scène de ruse et de mensonge ! Mais Rivka a insisté et lui a dit : « Que ta malédiction soit sur moi », si tu ne vas pas recevoir les bénédictions, c’est moi qui te maudirai (voir Ba’alei HaTossefot). Ainsi, Ya'akov se trouvait dans une impasse. D’après cette explication, s’il y allait et que son père découvre qu’il était Ya'akov, il le maudirait, et s’il n’y allait pas, sa mère le maudirait.
Cela reste tout de même très surprenant. Pourquoi Rivka s’est-elle montrée si dure envers Ya'akov, en lui faisant quitter son étude, et sans laisser les choses continuer ainsi ? Qu’Essav arrive avec son plat taref, et il ne recevra pas la bénédiction ! Apparemment, elle aurait dû s’efforcer de trouver un autre moyen de créer une séparation et une haine entre eux.
Pour l’expliquer, on peut dire que la Torah nous ordonne de ne rien manger de taref. Certes, le Rambam explique (dans Chemonè Prakim ch. 6, la source étant le Yalkout Chimoni Vayikra 726) qu’on ne doit pas dire du porc que ce n’est pas bon, mais plutôt que c’est bon mais que la Torah nous l’a interdit. De même, il y a des circonstances dans lesquelles on sent des odeurs agréables des aliments interdits des non-juifs, et naturellement on reçoit une récompense pour s’abstenir fût-ce de les humer pour s’écarter de l’interdiction des aliments interdits.
Rivka a vu par prophétie qu’Essav se préparait à apporter des aliments volés et taref, et elle savait que son saint mari voulait des plats délicieux, car il s’était affamé afin que sa bénédiction soit de tout cœur. Il se réjouirait donc quand il lui apporterait à manger. Elle, dans sa grande sagesse, voulait éviter une situation dans laquelle le tsaddik humerait les plats taref d’Essav en état de faim. Il fallait que celui qui était un holocauste parfait n’en profite pas un seul instant, même par l’odeur, avant de se rappeler qu’ils étaient interdits et qu’alors il perçoive en eux l’odeur du Guéhénom.
On comprend parfaitement maintenant la raison pour laquelle elle a ordonné à Ya'akov d’aller chez son père, même alors qu’il était plongé dans l’étude, afin que son père ne se nourrisse que d’aliments saints, et ne respire que l’odeur du Gan Eden de Ya'akov. Ensuite, quand Essav viendrait avec son plat taref, il serait déjà rassasié du plat de Ya'akov, et alors peu lui importerait l’odeur des aliments. En fait, Ya'akov est resté dans la vérité de la Torah, car le but de son action était d’empêcher un juif de tirer du plaisir d’un aliment interdit.
Rivka elle-même n’a pas préparé un plat à son mari, car la volonté d’Yitz’hak était de le recevoir de son fils, pour qu’il le bénisse avec encore plus de joie. J’ai pensé que certainement, dans les plats préparés par Ya'akov pour son père Yitz’hak, il y avait un ingrédient véritable et délicieux qui est la Torah, ainsi il aurait plus de plaisir de manger les plats de son fils Ya'akov.
Il faut encore comprendre que de toutes façons, il était possible qu’Essav reçoive les bénédictions, car Yitz’hak avait le choix de le bénir ou non, et il est possible qu’il l’aurait béni malgré son impiété, parce qu’il pouvait se repentir. On comprend donc que Ya'akov ait craint la malédiction de son père. Rivka a dit là-dessus « Ta malédiction est sur moi, mon fils », et elle lui a promis de prendre sur elle le poids de la malédiction.
Enfin, avant que Ya'akov parte pour ‘Haran, bien qu’Yitz’hak ait su que Ya'akov l’avait trompé et avait pris les bénédictions, il l’a béni encore une fois, pour que les bénédictions reçues par ses ancêtres s’appliquent aussi à lui, ainsi qu’il est dit (Béréchit 28, 5) : « Yitz’hak envoya Ya'akov », et c’est précisé dans la Torah, pour couper court à toute mise en question, qu’on ne dise pas que c’était Rivka qui avait envoyé Ya'akov contre la volonté d’Yitz’hak. En effet, il ressort clairement du verset qu’Yitz’hak avait accepté intérieurement que Ya'akov prenne les bénédictions et qu’il doive partir, car il l’a béni avant son départ. Et il lui a conseillé de prendre une femme juste, comme Sarah et comme Rivka.
Ya'akov a porté les vêtements d’Essav pour avoir l’air velu comme lui, mais il a pourtant conservé sa voix ordinaire. De cette façon, il a insinué à Yitz’hak qu’il y a en Israël des justes et des impies, et que même parmi ses fils il y avait des impies, ainsi qu’il est écrit « la voix est la voix de Ya'akov et les mains sont celles d’Essav » (Ibid. 27, 22). Les Sages ont expliqué dans la Guemara (Sanhédrin 37a) ce qu’Yitz’hak avait senti : « il respira l’odeur de ses vêtements », il ne faut pas lire « begadav » (vêtements) mais « bogdav » (traîtres), car les vêtements d’Essav que portaient Ya'akov symbolisaient les traîtres du peuple d’Israël, qui eux aussi reviennent vers D.
Puisse Hachem ramener tous les pécheurs de la communauté d’Israël en une techouva complète, car tout juif a une étincelle divine et ne sera pas perdu totalement.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Rabbi Yéhouda Pinto, surnommé Rabbi Hadan, fils du tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto le grand, s’est fait connaître par le mérite de sa grandeur en Torah et en kabbala, ainsi que par son empressement à accomplir les mitsvot. L’enseignement du Tanna « Sois courageux comme la panthère, léger comme l’aigle, rapide comme la gazelle et fort comme le lion pour accomplir la volonté de ton père qui est dans le Ciel » s’accomplissait en lui. Rabbi Hadan s’appliquait à étudier avec assiduité les ouvrages de kodech jour et nuit. Indépendamment du fait qu’il était un grand tsaddik et pouvait produire délivrances et miracles, nombreux étaient ceux qui venaient lui demander une bénédiction. Sa sagesse et sa vivacité d’esprit dans tous les domaines de la vie attiraient les hautes personnalités des villes et du pays. Des représentants étrangers et des ambassadeurs se rendaient chez lui et faisaient la queue devant la porte de son bureau afin de recevoir un conseil et un avis intelligent sur des sujets d’actualité. Rabbi Hadan usait de sa sagesse pour conseiller efficacement quiconque en avait besoin, tant dans le domaine spirituel que matériel. Il priait pour que chaque membre des bnei Israël soit traité avec miséricorde et connaisse le salut. Les qualités de bonté et de soutien à autrui qu’il avait héritées de son père l’emplissaient totalement. On raconte par exemple à son sujet qu’il partageait toute sa richesse entre les indigents. Il veillait scrupuleusement à ne pas aller se coucher s’il lui restait une pièce dans la poche : il s’empressait de la donner à un mendiant. Il se chargeait de procurer aux garçons en âge de fêter leur bar mitsva un talit, des tefilin, des vêtements et des produits alimentaires afin d’organiser une fête complète, sans manque et soucis superflus. Puis au moment de leur mariage, Rabbi Hadan s’occupait de l’importante mitsva de « hakhnassat kala », pour qu’elles se marient avec la dignité qui convient à une fille de roi.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
On n’emporte pas tout dans la mort
Il y avait en France un bon juif du nom de Monsieur Fitoussi, qui avait mérité de découvrir le judaïsme et de reconnaître son Créateur pendant les dix dernières années de sa vie, alors qu’il avait déjà quatre-vingts ans.
Malgré son âge avancé, Monsieur Fitoussi s’est attaché de toutes ses forces à la Torah et aux mitsvot, avec beaucoup de dévouement, et sans se permettre la moindre déviation dans tout ce qui avait trait aux mitsvot.
Par une froide journée d’hiver, alors que la ville était entièrement recouverte de neige et que le froid était mordant, j’ai vu Monsieur Fitoussi qui marchait en direction de la yéchiva.
Comme je m’étonnais de le voir dehors par un temps pareil, je l’ai abordé pour lui demander : « Monsieur Fitoussi, pourquoi prenez-vous la peine d’aller à la yéchiva par une journée tellement froide ? Pour vous, c’est considéré comme un cas de force majeure, à la fois à cause de votre grand âge et à cause de ce temps si pénible. Vous pourriez par malheur tomber sur la neige, et cela mettrait votre vie en danger.
Dans ce genre de situation, la halakha vous dispense d’une prière avec le public. »
Le cher Monsieur Fitoussi m’a regardé dans les yeux et m’a répondu, dans sa piété :
« J’ai gaspillé toute ma vie dans des sottises, maintenant j’essaie de compléter un petit peu tout ce qui m’a manqué, c’est pourquoi même par un jour d’hiver et de neige comme aujourd’hui, cela ne m’empêchera pas d’arriver au beit hamidrach pour prier et entendre un cours de Torah. »
Ayant dit, il a repris sa route avec une grande difficulté et beaucoup de dévouement.
Quelques années plus tard, monsieur Fitoussi a quitté ce monde.
Après sa mort, la famille s’est réunie autour du cercueil, et je suis arrivé pour me joindre à leur deuil et les renforcer dans leur foi. Cela me faisait mal de voir cette famille si éloignée de tout ce qui concerne la foi, c’est pourquoi j’ai décidé de faire quelque chose qui les réveillerait et ranimerait en eux une étincelle juive, et que ce soit pour l’élévation de l’âme du défunt.
Au centre de la pièce où étaient assis les membres de la famille, le défunt reposait dans son cercueil. Je me suis mis à tourner autour du cercueil en le regardant comme si je cherchais quelque chose. J’ai tourné plusieurs fois autour du cercueil, et alors on m’a demandé ce que je cherchais.
« Je me demande ce qu’il y a dans le cercueil », leur ai-je dit.
Ils se sont étonnés de mes propos et ont dit : « Le Rav ne sait-il pas ce qu’il y a dans un cercueil ? Il n’y a qu’un corps enveloppé de son linceul. »
J’ai fait semblant de m’étonner et je leur ai demandé : « Est-ce qu’il n’y a pas de tiroirs dans un cercueil ? »
On m’a de nouveau regardé avec beaucoup de surprise et on a répondu : « Bien sûr que non. »
Alors j’ai encore demandé : « Où est-ce que le mort, quand il arrive à la tombe, met un peu d’argent ou l’album de photos de la famille ? Est-ce qu’il ne peut pas prendre avec lui un souvenir dans la tombe ? Est-ce qu’il monte dans le monde de vérité dénué de tout ? Est-ce que cela vous semble logique que quelqu’un vienne au monde pour le quitter dans un dénuement total au bout de cent vingt ans ? »
Ceux qui étaient dans la pièce étaient stupéfaits de mes questions pénétrantes, et de saisissement, personne n’ouvrait la bouche.
Cela étant, j’ai continué à parler :
« Nous savons tous que le mort ne prend rien avec lui dans le monde d’en-haut, ni argent, ni or ni album de photos en souvenir. Parce que le monde à venir est un monde spirituel, il n’y a pas de place pour des choses matérielles. La Torah et les mitsvot pour lesquelles l’homme s’est donné du mal pendant sa vie sont les seules choses qui l’accompagnent dans le monde d’en-haut, et ce sont elles qui seront pour lui un mérite dans les cieux.»
GARDE TA LANGUE
Même si ce n’est pas négatif
Il est interdit d’accepter ni de croire du lachon hara, même dans une chose qui ne comporte rien de négatif, par exemple de croire qu’Untel n’est pas très intelligent, ou que ses ancêtres étaient des pécheurs, ou choses de ce genre, parce que tout lachon hara qu’il est interdit de dire, il est également interdit de l’entendre et de le croire.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Ceux qui étudient la Torah sont sa gloire et la gloire de la ville
« Les enfants ayant grandi, Essav devint un habile chasseur, un homme des champs, tandis que Ya’akov, homme droit, était installé dans les tentes. » (Béréchit 25, 27)
Ya’akov et Essav étaient deux frères, or Essav est appelé « homme des champs », alors que Ya'akov est appelé « installé dans les tentes », et comme on le sait, en général on plante sa tente dans un champ à l’aide de piquets ou autres pour qu’elle soit solide, et que même les vents les plus forts ne la déracinent pas. Les piquets doivent être en fonction de la taille de la tente, car si la tente est plus grande il va falloir des piquets plus grands et plus forts pour bien la faire tenir et que rien ne risque de la faire tomber.
Il est écrit que Ya'akov était « installé dans les tentes » alors qu’Essav était « un homme des champs », ce qui nous insinue que pour que Ya'akov ne subisse pas l’influence des travaux des champs qui représentent la matérialité en ce monde-ci, il a dû planter une tente solide avec des piquets épais, et c’est la tente de la Torah. Dans cette tente-là, il s’est consacré entièrement à la Torah pour ne pas subir l’influence d’Essav, qui était un homme des champs.
C’est une leçon pour toutes les générations : si on veut être protégé des vanités de ce monde, qui s’appelle un « champ », on doit planter sa tente et la renforcer avec de nombreux piquets, autant qu’il en faudra.
Donc grâce à cette tente plantée par Ya'akov dans le champ, où il s’isolait et se séparait de ce monde-ci, il a pu s’élever et se consacrer entièrement à la Torah. C’est pourquoi par le mérite de la Torah qu’il avait étudiée, il a pu avoir une influence à l’intérieur de la tente et propager l’esprit de la Torah dans tout son entourage, et il a transformé le champ en « champ béni par Hachem », comme l’a dit Yitz’hak quand il a béni Ya'akov. C’est ce que dit le verset : « II s'approcha et l'embrassa. Yitz’hak aspira l'odeur de ses vêtements; il le bénit et dit: « Voyez! le parfum de mon fils est comme le parfum d'une terre bénie par Hachem ! » » (Béréchit 27, 27).
Par conséquent, quand Ya'akov a quitté Beershéva, les habitants ont senti que le tsaddik était parti et que la bénédiction qu’ils recevaient parce qu’il se trouvait sur les lieux avait disparu. Les Sages ont dit que lorsqu’un tsaddik quitte la ville, cela fait une impression, c’est son éclat, sa gloire et son prestige qui s’en vont (Ruth Rabba 2, 12). Comme Ya'akov, par la puissance de son isolement dans la tente et de son étude de la Torah, était l’éclat, la gloire et le prestige du lieu, et que grâce à lui il y avait une bénédiction, quand il est parti, tout le monde a ressenti son absence, tout cela parce qu’il avait planté sa tente pour étudier la Torah dans le champ tout en se séparant du champ, qui est la matérialité de ce monde. De cette façon, il avait mérité d’être l’éclat, la gloire et le prestige du lieu. Il avait transformé le champ où il avait planté sa tente en un champ de pommiers.
A LA SOURCE
« Fille de Béthuel l’Araméen de Padam Aram » (25, 20).
Rachi cite les Sages qui expliquent que c’est un éloge pour Rivka d’avoir été la fille d’un impie et la sœur d’un impie sans pour autant apprendre de leur conduite.
Par conséquent, un tsaddik fils d’impie a plus de valeur qu’un tsaddik fils de tsaddik.
Il faut donc s’étonner de l’explication des Sages sur le verset suivant : « Hachem exauça sa prière » – sa prière à lui et non sa prière à elle, car la prière d’un tsaddik fils de tsaddik n’est pas semblable à celle d’un tsaddik fils d’impie. Apparemment, nous voyons donc qu’un tsaddik fils de tsaddik a un niveau supérieur.
Voici l’enseignement cité au nom du gaon Rabbi Gavriel Yossef Lévy chelita : en ce qui concerne la personne elle-même, le tsaddik fils d’impie est effectivement supérieur, parce qu’il n’a pas appris de la conduite de ses ancêtres, mais pour ce qui est de la prière, il est préférable d’être un tsaddik fils de tsaddik, à cause du mérite des ancêtres qui s’ajoute à sa prière.
« Ya'akov dit : jure-le moi aujourd’hui, il jura, et il vendit son droit d’aînesse à Ya'akov » (25, 33).
Pourquoi Ya'akov a-t-il demandé à Essav de faire un serment sur la vente du droit d’aînesse ?
Le livre « Divrei Mordekhaï » l’explique d’après ce que dit le Rambam (Hilkhot Mekhira 22, 1) : bien qu’on ne puisse pas faire acquérir quelque chose qui n’existe pas encore, si on s’est exprimé par un serment, alors on est obligé de le vendre, à cause du serment.
D’après cela, on comprend pourquoi Ya'akov a demandé à Essav de le jurer.
Le droit d’aînesse était « quelque chose qui n’existe pas encore », Essav risquait donc de prétendre que la vente n’était pas valide. Mais maintenant, avec l’ajout du serment, Ya'akov a coupé court à cet argument.
« Yitz’hak aimait Essav parce que le gibier était dans sa bouche » (25, 28).
Les commentateurs se sont efforcés de trouver la raison pour laquelle Yitz’hak aimait Essav. Si l’on dit qu’il croyait qu’il était un juste, qu’en est-il de Ya'akov ? Ne le considérait-il pas lui aussi comme un juste, tout au moins autant qu’Essav ?
Voici ce qu’on cite au nom du Rav Araham Youdalevitch dans son livre « Darach Av ».
Sur les mots « les garçons grandirent », Rachi écrit : « Tant qu’ils étaient petits, on ne remarquait pas leur conduite, et personne n’y faisait attention. » Si on avait prêté attention à leur conduite, on aurait tout de suite remarqué la différence abyssale entre Ya'akov et Essav.
Chez les parents, où l’on se trouve toute la journée et toute la nuit, il n’y a pas besoin de faire tellement attention, la différence se voit à l’œil nu…
Yitz’hak voyait que lorsqu’il parlait de Torah avec Essav, ses réponses étaient tout à fait ineptes. Il n’était pas « dans le coup ». Avec Ya'akov le tsaddik, on pouvait parler, mais Essav faisait honte à son père.
A l’inverse, quand on parlait avec Essav des choses de ce monde, comment on chasse les lions, les ruses pour piéger une girafe, là il donnait toute satisfaction, il savait ce qu’il disait, il manifestait un savoir et une habileté impressionnants…
C’est par conséquent ce qui était arrivé avec Essav : « Yitz’hak aimait Esasv », quand ? Lorsque « le gibier était dans sa bouche », quand on parlait des choses de la chasse, alors il profitait de lui. Mais quand on parlait d’étude – rien du tout.
C’est-à-dire que ce n’est pas qu’il aimait Essav parce qu’il lui mettait du gibier dans la bouche, mais quand il y avait du gibier dans sa bouche [à Essav], alors il parlait bien. Parce qu’Yitz’hak connaissait exactement la nature de son aîné.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Rivka écoutait lorsque Yitz’hak parlait avec son fils Essav » (27, 5).
Le verset nous informe que Rivka écoutait toujours lorsque Yitz’hak parlait avec Essav, même s’il ne parlait pas devant elle. C’est pourquoi il est écrit « Rivka écoutait » et non pas « Rivka écouta » ou « a écouté ».
Peut-être qu’Yitz’hak lui parlait tout bas, c’est pourquoi il a cru quand Ya'akov est entré que c’était à Essav qu’il parlait, car bien que la vue d’Yitz’hak ait baissé, il lui disait tout de même des choses secrètes. Il est possible que le verset fasse allusion à cela en disant « il appela Essav…et lui dit : mon fils, et il répondit : me voici », cela signifie qu’ils avaient une conversation très privée.
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Les Sages se sont efforcés de ne pas préciser la récompense des mitsvot ni la punition des fautes du Ciel, comme il est dit dans Pirkei Avot (2, 1) : « Prête attention à une mitsva facile autant qu’à une difficile, car tu ne connais pas la récompense des mitsvot. » Ceci pour qu’on veille à l’exécution de toutes les mitsvot, sans aucun lien avec leur récompense ou leur punition.
Il y a un sujet pour lequel les Sages ont fait exception et ont donné de nombreux exemples de punition du ciel. Il s’agit de faire de la peine au prochain et de lui dire des paroles blessantes. Il est dit dans la Guemara (Baba Metsia 58b) : « Tous ceux qui descendent au Guéhénom finissent par en remonter, sauf trois, qui descendent et ne remontent plus. Ce sont : Celui qui a des relations avec une femme mariée, celui qui fait honte au prochain en public et celui qui donne un surnom négatif au prochain. » De ces trois fautes si graves qu’à cause d’elles on ne sort plus du Guéhénom, deux concernent la peine causée à autrui.
En particulier l’interdiction de blesser autrui fait partie des choses qu’on a tendance à négliger. Les interdictions les plus graves dans ce domaine sont commises tous les jours par beaucoup de gens, dont la plupart ne pensent pas du tout qu’ils font quoi que ce soit de répréhensible.
Dans notre paracha, nous rencontrons un exemple, quand Ya'akov est venu avant Essav et lui a pris les bénédictions, il lui a causé une grande peine. Ya'akov l’a fait sur l’ordre de sa mère, et en accord avec la prophétie qu’elle avait reçue. De plus, il avait l’intention d’obtenir les bénédictions pour aider la communauté d’Israël dans son service de D.. Quel prix Ya'akov a-t-il payé pour avoir fait de la peine à cet impie, malgré toutes les justifications qu’il avait ?
Le Midrach dit (Béréchit Rabba) : Ya'akov a provoqué un cri d’Essav, ainsi qu’il est dit : « Il poussa un grand cri amer » (Béréchit 27, 34). Quand est-ce qu’il a été vengé ? A Chouchan, ainsi qu’il est dit : « Il poussa un grand cri amer » (Esther 4, 1).
Toutes les justifications ne servent à rien. Bien qu’il soit question d’un mauvais comme Essav, bien que ç’ait été sur l’ordre de sa mère, et même d’après l’esprit saint de Rivka, et pour les besoins de l’existence du peuple d’Israël, malgré tout cela, la peine d’Essav a valu une peine épouvantable aux juifs et à Mordekhaï à Chouchan. Cela aussi c’était mesure pour mesure, un cri, et de plus à cause des descendants d’Essav.
Il y a plus : même la délivrance à venir dépend de la fin du châtiment de cette peine. C’est ce que dit le Zohar (Chemot 12, 2) : « Quand les larmes versées par Essav devant son père seront terminées, alors ils seront délivrés. » Le grand châtiment du peuple d’Israël se prolonge à cause de la peine causée à Essav par Ya'akov.
Diminuer un peu la peine d’un juif
Le livre « Lapid Ech » raconte qu’une fois, on discutait avec la direction de l’hôpital Laniado à Netanya en présence du fondateur, l’Admor de Klausenbourg Rabbi Yékoutiel Yéhouda Halberstam zatsal, de divers sujets de médecine, et entre autres des aiguilles utilisées pour les injections par l’hôpital. Il y avait deux possibilités, deux sortes d’aiguilles. Les deux étaient de bonne qualité, mais il y avait une différence de prix d’un chékel entier pour chaque aiguille.
La direction voulait naturellement éviter des frais supplémentaires (qui auraient atteint des millions de chekalim), et firent remarquer que dans d’autres institutions médicales, on utilisait également les aiguilles bon marché.
Mais ici l’Admor intervint et voulut savoir pourquoi la deuxième sorte d’aiguilles était plus chère.
L’un des médecins lui expliqua que les aiguilles chères étaient plus délicates et faisaient moins mal au malade. Le Rabbi ne laissa pas la discussion se poursuivre, il décida immédiatement qu’on achèterait la sorte la plus chère. Il n’eut pas le moindre instant de doute sur cette décision. Aucun prix, dit-il, n’était à ses yeux trop cher si cela permettait de diminuer la douleur d’un juif.
Parmi ceux qui étaient présents à cette occasion, quelqu’un évoqua les paroles de la Guemara (Soukot 22b) : « Combien les gens sont sots de se lever devant un séfer Torah mais de ne pas se lever devant un homme grand en Torah ! En effet, bien qu’il soit écrit dans la Torah « on lui donnera quarante coups », les Sages, par la force de leur Torah, ont réduit les quarante coups à trente-neuf. » Les commentateurs ont expliqué qu’« un homme grand en Torah » est quelqu’un qui est capable de donner un coup de moins à un juif ! Diminuer un peu la souffrance !
L’homme « grand en Torah » de notre génération s’est efforcé de diminuer fût-ce la souffrance d’une piqûre pour d’innombrables malades…