Parachat Vayichla'h 28 Novembre 2015 16 Kislèv 5776 |
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La Torah apporte au monde abondance et bénédiction
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Ya'akov envoya des anges devant lui vers son frère Essav au pays de Séïr, dans la campagne d’Edom » (Béréchit 32, 4).
Les Sages discutent pour savoir (Béréchit Rabba 75, 4) s’il s’agit véritablement d’anges, ou de messagers (désignés en hébreu par le même mot). Quoi qu’il en soit, il a envoyé annoncer à Essav : « J’ai vécu (garti) avec Lavan en observant les 613 (tariag) mitsvot. » Que veut-il lui insinuer par là ? Apparemment, il l’informe que c’est comme cela qu’il souhaite vivre, et qu’il ne s’est pas joint même à Lavan et n’a pas appris de lui, mais s’est séparé de lui en restant sans cesse attaché aux 613 mitsvot. Il voulait lui dire que c’était cela sa voie, et que même pour un frère il ne renoncerait pas à l’observance des mitsvot.
« Im Lavan garti » (j’ai vécu avec Lavan) : les dernières lettres forment le mot « mea » (cent), pour nous enseigner que Ya'akov a veillé à prononcer cent bénédictions par jour. Une autre allusion contenue dans ces mots est qu’avec le mot lui-même, la valeur numérique est de cent un, pour nous enseigner qu’il revoyait son étude cent une fois, c’est pourquoi il ne l’a pas oubliée. Ya'akov annonce à Essav qu’il arrive avec sa famille au pays de Canaan, c’est pourquoi Essav doit décider soit de vivre en juif et de se repentir, soir de se séparer complètement de lui, ce qui nous montre qu’il faut se méfier et s’éloigner de quelqu’un de mauvais.
C’est là une très grande leçon. Ya'akov a voulu faire des actions qui soient un signe pour ses descendants, il a voulu montrer comment il faut se comporter et comment conserver le feu du peuple d’Israël pour qu’il ne s’éteigne pas, pour que même dans les moments difficiles et les crises, on sache qu’il ne faut pas se laisser aller à se dire « soyons comme tous les autres peuples, maison d’Israël, mais au contraire, il faut opérer une séparation et dresser une barrière entre nous et les goyim, pour que le feu du peuple d’Israël continue à brûler.
J’ai vu citer une chose extraordinaire au nom du Rav Shakh zatsal : Les gens s’imaginent qu’ils rendent service en étudiant la sainte Torah, mais ils ne comprennent pas que cette étude est un honneur pour eux. Il a dit que lorsqu’on examine tous les endroits où les juifs sont arrivés au cours des siècles, on constate qu’ils les ont fait prospérer, et que par le mérite de la sainte Torah, ces endroits se sont développés et sont devenus des puissances. On peut par exemple citer l’Amérique, qui est devenue un empire quand les juifs s’y sont installés, et aujourd’hui en Russie aussi il y a des yéchivot, des collels et des mikvés, et même en Alaska et en Chine la voix de la Torah se fait entendre.
De même, il y a trente ans, tout ce qu’il y avait à Lyon était une école juive de soixante élèves, deux bouchers et un mikvé, et presque pas de riches. Aujourd’hui, le judaïsme y est florissant, il y a des dizaines de bouchers, dix mikvés, des écoles, des yéchivot, des collels, et un grand éveil spirituel. Il y a aussi de la richesse et une réussite économique, tout cela par le mérite de la sainte Torah qui amène la bénédiction et l’abondance à tout son entourage.
Quiconque étudie doit savoir que lorsqu’il le fait avec assiduité et par amour, sans jalousie ni autres défauts, non seulement il mérite bénédiction et réussite, mais en plus il influence tout son entourage. Si les gens savaient ce que la Torah provoque, et pas seulement pour eux-mêmes, ils comprendraient que c’est là le véritable honneur, qu’il n’y a d’honneur que la Torah. Je voudrais bien que quelqu’un prenne mon nom et s’occupe de tout ce dont je dois m’occuper continuellement, afin de pouvoir rester tranquillement à étudier la sainte Torah, et avec une foi totale je serais prêt même à renoncer au mérite d’être le petit-fils du tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto, l’essentiel étant de pouvoir rester à étudier tout le temps au beit hamidrach. Mais que puis-je faire si mes maîtres m’ont enseigné que c’est ma responsabilité ! Chacun a son propre tikoun à effectuer, c’est la raison pour laquelle il a été envoyé en ce monde. Quoi qu’il en soit, il faut savoir et comprendre le mérite et le devoir que comporte l’étude de la Torah, comme l’a dit l’amora Rav Yossef : « Sans ce jour-là [du don de la Torah], combien de Yossefs il y a de par le monde ! » (Pessa’him 68b). Cela signifie que sans la Torah, il aurait pu être l’un de tous les Yossefs de la rue, mais la sainte Torah l’a transformé en un autre homme, en Rav Yossef, et c’est cela sa force. Quand on comprend quelque chose de la Torah on doit en éprouver une grande joie. C’est ce que Ya'akov nous a conseillé : il faut se détacher même de l’oncle et du grand-père, de tous ceux qui risquent de nous déranger dans notre observance de la Torah. C’est cela le message que Ya'akov a envoyé à Essav : il avait étudié la Torah, jusqu’à cent une fois, et avait observé les 613 mitsvot et les cent bénédictions. Lorsque Essav a entendu cela, il a pris avec lui quatre cents hommes, parce qu’il savait qu’il allait devoir mener un combat de toutes ses forces.
La Torah raconte que lorsque Essav a rencontré Ya'akov, il l’a embrassé, ainsi qu’il est écrit « il l’embrassa ». Les Sages sont divisés sur le sens de ce baiser : a-t-il voulu le mordre, auquel cas ses dents se sont cassées, ou a-t-il été effectivement ému et l’a-t-il embrassé avec un véritable amour ? Quand Essav a tenté de se réconcilier avec Ya'akov, il a voulu partir devant lui, et là aussi, Ya'akov lui a dit : « Je cheminerai lentement » (Béréchit 33, 14). Il n’a pas voulu se trouver avec lui ni vivre avec lui. Il est écrit « Ya'akov partit vers Soukot » (Ibid. 17), il a pris un autre chemin et n’est pas allé s’installer avec Essav à Séïr. Il s’est totalement séparé de lui pour ne pas être influencé par lui.
Il y a une allusion dans les paroles de Ya'akov « Je cheminerai lentement » : nous devons étudier la Torah lentement et y revenir de nombreuses fois, c’est cela qui doit occuper la tête. Il voulait par là mettre Essav à l’épreuve : « Je cheminerai lentement », je ne vais pas faire une mitsva puis continuer vers autre chose qui n’a pas de rapport, mais c’est de cela que je vais m’occuper tout le temps. Cela, Essav ne le voulait pas et il est parti de son côté vers Séïr, mot qui évoque l’impiété. Il a persisté à ne s’attacher qu’à son impiété.
Eloigne-toi d’un mauvais voisin
Nous disons dans la prière « Protège-nous d’un mauvais voisin et d’un mauvais ami », ou dans Pirkei Avot (ch. 1 michna 7) : « Eloigne-toi d’un mauvais voisin et ne te lie pas avec un impie. » Ya'akov avait conclu une alliance avec Lavan et aussi avec Essav afin de s’éloigner des impies. Il convient d’y veiller très attentivement à notre époque, où les gens font techouva alors que leur famille n’a pas encore suivi. Ils vont les uns chez les autres et ont des relations amicales, or en général les gens qui n’observent pas la Torah et les mitsvot ont des objets impurs à la maison, cela peut avoir une mauvaise influence, sans compter que tout leur mode de vie et leur façon de parler sont néfastes. Nous devons apprendre de Ya'akov à nous séparer pacifiquement, comme il l’a fait avec Essav, avec ruse et sagesse. Il faut beaucoup mettre en garde sur ce point, s’écarter des impies, même si c’est un grand-père ou un oncle, comme l’a fait Ya'akov, qui nous a tracé la voie à suivre.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
Une sincérité totale
Une année, je me trouvais à un certain endroit où il y avait à ma disposition une chambre privée pour mes besoins personnels. Alors que je me trouvais dans cette chambre, j’ai entendu de l’autre côté de la porte fermée les voix de deux personnes qui parlaient de moi, et qui disaient entre autres beaucoup de choses déplaisantes.
Comme je ne voulais pas leur faire honte, je suis resté dans ma chambre sans en sortir et je n’ai pas non plus ouvert la porte. Peut-être pour qu’ils arrêtent de dire du lachon hara, j’ai pensé les pousser à comprendre qu’une autre personne se trouvait dans les parages. Quand ils se rendraient compte qu’il y avait quelqu’un d’autre dans la pièce intérieure et qu’ils n’étaient pas seuls sur place, il est possible qu’il leur viendrait à l’idée qu’on pouvait les entendre, et alors ils cesseraient certainement de parler des autres. J’ai donc fait bouger quelques objets pour faire un peu de bruit.
Quelques minutes plus tard, l’une de ces personnes est entrée dans ma chambre. J’ai ainsi pu en sortir sans surprise, et sans qu’ils aient honte de ce qu’ils avaient dit sur moi. En sortant, j’ai salué la deuxième personne et je lui ai demandé comment elle allait. Cet homme m’a répondu amicalement et m’a montré un visage souriant, bien que quelques minutes plus tôt je l’aie entendu dire du mal de moi.
Je lui ai demandé : « Est-ce que vous m’aimez ? »
« Naturellement », m’a-t-il répondu.
« Dans ce cas, écoutez les dernières paroles que vous avez dites sur moi. » Ensuite, je lui ai fait la leçon sur l’amour de la vérité qui lui manquait, car comment était-il possible de dire qu’il m’aimait tout en disant du mal de moi ?
On apprend l’amour de la vérité de Ya'akov, qui faisait très attention à ne pas faire sortir de sa bouche un mot qui n’était pas exact. Quand il a appelé son frère Essav « Seigneur », c’était sincère, il l’a appelé ainsi à la fois devant lui et en son absence. De même, ses fils, qui détestaient Yossef, n’avaient pas une conduite trompeuse avec lui, en souriant en sa présence tout en voulant le tuer derrière son dos, mais il est écrit qu’ils ne pouvaient pas lui parler paisiblement, que ce soit devant lui ou non.
De même, tout juif doit apprendre l’amour de la vérité dans lequel nos saints Patriarches ont excellé. Chacun a le devoir de veiller à ce que sa bouche et son cœur soient toujours en accord, à ne pas dire une chose par la bouche alors que le cœur en pense une autre, car ainsi on se ment à soi-même et aux autres.
Deux questions et une seule vérité
Un jour, je participais à un dîner qui avait lieu en faveur d’une institution de Torah sans rapport avec nos propres institutions.
D. merci, malgré la difficulté de la situation économique mondiale, les organisateurs ont réussi à agir en sa faveur et ont reçu du public des sommes très respectables.
Au cours de ce dîner, le gaon Rabbi Aharon Leib Steinman chelita est venu.
Comme j’ai été élevé depuis mon plus jeune âge dans le respect des grands de la Torah et des talmidei ‘hakhamim, je l’ai abordé pour lui embrasser la main. Quelqu’un qui se tenait près de nous m’a vu lui embrasser la main ; ensuite il s’est approché de moi pour me poser deux questions :
« Expliquez-moi, kevod harav, pourquoi vous embrassez la main de maran chelita ? Et comment est-il possible qu’alors que vos institutions se trouvent en difficulté financière, vous aidiez d’autres institutions à ramasser de l’argent ? »
Je lui ai donné une seule réponse pour les deux questions :
« Là où existe la vérité, il faut s’attacher à elle. C’est pourquoi quand je rencontre un grand talmid ‘hakham, je lui embrasse la main, parce que c’est l’éducation qu’on donnait au Maroc pour s’attacher à la vérité.
C’estaussi la raison de ma participation à un appel de fonds pour une institution de Torah qui ne fait pas partie de celles qui sont sous ma responsabilité, à cause de la vérité qu’elle renferme. La Torah est la vérité la plus originelle et la plus éternelle, et comme cette institution fait beaucoup pour la Torah et le service de D., j’ai ressenti le besoin de participer et de me joindre à ce lieu et à la vérité qu’il renferme.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Rabbi Hadan Pinto avait coutume de préparer des matsot chemourot à l’approche de Pessa’h, le jour précédant la veille de la fête. Il s’occupait personnellement de leur cuisson et ne comptait sur personne d’autre pour le faire. Plus encore, il apportait ses propres ustensiles à l’atelier pour les pétrir, car la cacherout des matsot était pour lui une priorité.
Comme à son habitude, il avait convenu cette année-là aussi avec le propriétaire du lieu, Monsieur Ben Ohata, qu’il viendrait préparer ses matsot le jour précédant la veille de la fête. Le jour prévu, Rabbi Hadan est arrivé muni de tout ce qu’il fallait, la farine, l’eau, le rouleau à pâte et tous les autres ustensiles, pour constater que le four était déjà occupé par une autre personne qui y cuisait ses matsot.
Le Rav en a été très contrarié car il s’était mis d’accord avec le boulanger et celui-ci n’avait pas tenu parole ! Il était d’autant plus fâché qu’il lui fallait beaucoup de temps pour cuire des matsot pour toute sa famille, qui était grande, mais aussi pour les pauvres, qui étaient particulièrement importants à ses yeux…. Or le lendemain était déjà la veille de Pessa’h ! Le Rav s’est approché du boulanger et s’est plaint à lui. Mais celui-ci lui a répondu : « Il y a beaucoup d’activité aujourd’hui. Peut-être pouvez-vous revenir un autre jour pour la cuisson… »
Sur ce, Rabbi Hadan a quitté la boulangerie. Il n’était pas encore très loin qu’un grand feu a éclaté au sein du local. Le four, les ustensiles et les matsot : tout était devenu la proie des flammes !
Devant la scène, Monsieur Ben Ohata a couru vers le Rav lui demander pardon. Il lui a promis que désormais, il respecterait toujours sa parole. Le feu s’est immédiatement éteint, ne laissant derrière lui aucune trace d’un incendie. Même les matsot qui étaient alors dans le four n’ont pas été brûlées… [Sefer Chenot ‘Haïm].
Un jour Rabbi David ‘Hanania Pinto a ajouté : « A chaque fois que nous passons près de ce four, nous nous souvenons du miracle qui s’y est produit. »
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Où rencontre-t-on D. pendant la journée ?
Le gaon et tsaddik Rabbi Ya'akov Galinsky zatsal a imposé cette tâche particulière à un groupe d’élèves qui se rassemblait tous les samedis soirs chez lui dans la discrétion la plus totale, pour un travail sur la purification des midot dont le but était de rencontrer le Saint, béni soit-Il.
Toutes les semaines, Rabbi Ya'akov Galinsky donnait une ou plusieurs tâches au groupe secret, et la semaine suivante il vérifiait comment cette tâche avait été accomplie. Alors, comme on l’a dit, l’une des tâches était de vérifier où l’on rencontrait D. pendant la journée.
Rabbi Ya'akov croyait que chacun doit distinguer Hachem pendant sa vie. Il doit noter pour lui-même les fois où il a vu son Père du ciel veiller sur lui. Une tâche tellement simple, apparemment, que lorsqu’on l’accomplit effectivement, on découvre combien on était aveugle.
La deuxième tâche dépendait étroitement de la première. Avez-vous vu D. ? Avez-vous vu qu’Il est avec vous ? Maintenant dites-lui merci. On dit merci au conducteur de l’autobus à la fin du voyage ? Alors qu’en est-il du Maître du monde, il ne mérite pas un merci ?
Et de plus, Lui avez-vous dit merci ? L’avez-vous remercié plusieurs fois par jour ? Maintenant ne vous arrêtez pas, continuez à demander, pour qu’Il donne encore !
Léa a enfanté Yéhouda, et a dit « Maintenant, je remercierai D.. Qu’est-il écrit immédiatement après ? « Elle cessa d’enfanter. » Quel rapport y a-t-il entre les deux ? Pourquoi a-t-elle ensuite eu besoin des mandragores ?
Nous apprenons de là qu’on ne dit pas au Créateur du monde : Je me débrouille déjà tout seul. Demandez encore : Maître du monde, aide-moi encore, même dans d’autres choses !
Le regard de Rabbi Ya'akov Galinsky sur la vie était un regard moral, et il a beaucoup fait pour léguer à ses élèves la notion du service de l’homme par l’amélioration des midot. Chacun a un paquet de midot qu’il doit améliorer. L’un ressent le besoin profond de travailler sur la colère qui est en lui, l’autre est justement très calme mais il ressent le besoin de travailler sur la paresse qui se love dans son cœur. Chacun a ses qualités et ses défauts.
L’homme, disait Rabbi Ya'akov, a été créé avec diverses épreuves, mais la racine de tout est la foi. Celui qui a une vraie foi ne peut pas être perverti. Comment peut-on s’enorgueillir si l’on croit que D. donne tout ? Est-ce qu’il est seulement possible d’être jaloux de quelqu’un ? La foi lutte contre tous les défauts.
Le regard juste est le regard moral : un juif doit apprendre à améliorer son caractère pendant toute sa vie, apprendre à porter un regard juste sur la vie. Celui qui porte un regard juste et droit sur la vie, c’est lui qui sera heureux.
Comme à son habitude, il avait une histoire vraie qui accentuait le message :
Tout avait commencé dans une petite ville, Kirianik.
Dans cette petite ville, les gens avaient commencé à lire des journaux laïques. Ils prétendaient que c’était un cas d’urgence et qu’à un moment de révolution économique et politique, on devait se tenir au courant.
Qu’ont fait mes parents ? Bien qu’ils n’aient pas eu d’argent, ils se sont abonnés à un journal orthodoxe, « Tagblatt ». Vers le soir, les femmes se rassemblaient chez nous et ma mère leur lisait les nouvelles.
Un jour, ma mère se trouvait à la cuisine, elle épluchait des pommes de terre et le distributeur a jeté le journal. En première page, on annonçait la fin de la construction du Titanic et les préparatifs pour son premier et unique voyage, puisque comme on le sait il a ensuite fait naufrage. Sa photo s’étalait sur toute la largeur de la première page.
Tout à coup, une voisine est arrivée, elle a vu le journal plié et est entrée à la cuisine en criant : « Un bateau s’est renversé, il y avait sûrement des passagers, et tu restes ici à éplucher des pommes de terre ? »
Ma mère ne comprenait pas ce qui se passait. On a couru vers le journal, et alors on s’est aperçu que comme le journal était plié, cela avait provoqué une erreur. Quand on l’a ouvert et qu’on l’a mis droit, on a vu que tout allait bien. On avait simplement regardé la photo à l’envers.
Combien de fois dans la vie regardons-nous l’image à l’endroit ? Nous la voyons plutôt à l’envers !
Quand les tours jumelles s’écroulent, quand un autobus se renverse, quand un tsunami frappe le Japon, est-ce que quelqu’un s’arrête d’éplucher ses pommes de terre ? Si la voisine se mettait à crier et à voir sur la page un bateau qui sombre, les deux se mettraient à se lamenter !
Et nous, où en sommes-nous ?
Comme nous l’avons dit, tout est question d’un regard juste. Comment acquiert-on un regard exact et droit sur la vie ? Par l’étude du moussar, l’amélioration des midot, et par-dessus tout le renforcement de la foi dans le Créateur du monde.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« ‘Hazon Ovadia » (Ovadia 1)
Le rapport avec la paracha : la haphtara parle de la haine constante d’Essav pour Ya'akov, telle qu’elle est longuement décrite dans notre paracha, lorsque Essav vient avec quatre cents hommes pour faire du mal à Ya'akov.
« A cause de ta cruauté envers ton frère Ya'akov, tu seras couvert de honte et retranché à jamais » (Ovadia 1, 10).
Cela ressemble à deux frères dont l’un était un homme droit et l’autre un vaurien sans foi ni loi. Ce dernier avait l’habitude de tourmenter son frère et de lui rendre la vie amère.
Un jour, le fils dévoyé est allé trouver son père, cruellement blessé et saignant abondamment, pour se plaindre de son frère qui l’avait frappé et blessé dans tout le corps.
Quand le père a entendu cela, il s’est fâché contre son fils et dans sa colère lui a asséné de nombreux coups.
Quand ses amis ont vu cela, ils s’en sont étonnés et lui ont demandé : « Cela ne te suffit pas que tu n’aies pas puni le fils qui l’avait frappé, il faut encore que tu ajoutes aux coups qu’il a reçus à cause de ta colère contre le fils blessé ? »
Le père a répondu : « Si on est arrivé à une situation telle que le fils innocent et humble, celui qui n’avait jamais levé la main contre qui que ce soit, a donné à son frère de tels coups, je comprends que le frère vaurien l’a tellement irrité et lui a empoisonné la vie de telle façon qu’il a perdu patience, c’est pourquoi il l’a frappé. C’est la raison pour laquelle moi aussi je l’ai frappé à cause de ses actes méprisables ! »
Cela signifie que le prophète dit à Essav : le fait que Ya'akov, un homme droit, ait été obligé d’aller contre sa nature et de se battre, « à cause de ta cruauté envers ton frère Ya'akov, tu seras couvert de honte », c’est la honte du fait que tu l’as tellement fait souffrir qu’il a perdu la tête et est allé contre sa noble nature, c’est pourquoi ta punition sera « tu seras retranché à jamais ».
GARDE TA LANGUE
Ne pas causer de tort et ne pas faire honte
Bien qu’il soit permis de craindre que le lachon hara soit la vérité, il est interdit de le croire, ni de faire une action quelconque, ou causer du tort ou de la honte à cause de ce lachon hara. Il est aussi interdit de détester la personne, mais il est seulement permis de craindre et de se méfier.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Les questions des enfants
« C’est pourquoi les bnei Israël ne mangent pas le nerf sciatique qui se trouve sur la hanche, car il avait frappé Ya'akov à la hanche sur le nerf sciatique » (Béréchit 32, 33).
L’ange tutélaire d’Essav a frappé Ya'akov à la hanche, et les Sages expliquent (Zohar I 171a) que c’est une allusion au fait que l’ange a voulu frapper ceux qui soutiennent les sages, afin que le monde de la Torah ne puisse pas se tenir sur ses pieds. On peut expliquer sur le mode de l’allusion que ceux qui soutiennent les sages sont les disciples, qui renforcent les maîtres qui leur enseignent la Torah.
Pourquoi est-ce si important ?
Du fait que le disciple pose une question à son maître, il le pousse ainsi à revoir encore une fois le sujet étudié, et cette nouvelle étude qui vient en résultat de la question du disciple pousse le Rav à s’élever et à grandir.
Il est souvent arrivé que mon fils me pose diverses questions sur la paracha, à partir desquelles je construit le fil conducteur de tout un cours. La question éveille le besoin de rechercher une réponse satisfaisante pour celui qui l’a posée, et quand quelqu’un ouvre les sefarim, il est rapidement entraîné dans l’étude de la sainte Torah, si bien que sa Torah est attribuée au mérite de celui qui lui a posé la question.
Il semble aussi que comme on le sait, « s’il n’y a pas de chevreaux il n’y a pas de boucs », c’est pourquoi Essav voulait empêcher les petits d’étudier la Torah, afin qu’ils ne deviennent pas des talmidei ‘hakhamim en grandissant, car le monde tient sur le souffle des petits enfants qui étudient. Du fait qu’on les en empêchera, le monde n’aura aucune possibilité d’existence, c’est pourquoi l’ange tutélaire d’Essav voulait le frapper dans ce qui soutient les sages, à savoir les élèves qui éveillent leurs maîtres par leurs questions. Comme ces questions rendent plus puissante la force de la Torah, l’ange a voulu éviter cela en frappant les petits qui sont ceux qui soutiennent les sages. Ces enfants s’appellent « la cuisse » (yerekh) parce qu’ils sont encore petits et fragiles (rakim).
L’ange d’Essav a frappé un nerf, ce qui est un petit organe. C’est une allusion aux petits enfants, petits parce qu’ils sont en bas âge, mais malgré cela, l’élève a la possibilité d’aiguiser la pensée de son maître et de l’élever dans la Torah par ses questions.
Mon maître Rabbi ‘Haïm Chemouël Lopian zatsal avait l’habitude de préparer ses cours avec son élève le gaon Rabbi Nissim Rebibo zatsal, qui était alors jeune, parce qu’une étude en commun avec son élève donnait une étude fructueuse. De même, mon maître le tsaddik Rabbi Zéev Kaufmann chelita avait aussi l’habitude de préparer son cours hebdomadaire avec mon ami le gaon Rabbi Nissim Rebibo zatsal.
Ya'akov, qui avait compris que l’ange l’avait blessé justement à la hanche, voulait annuler l’emprise des forces de l’impureté sur les petits, pour que la Torah ne soit pas atteinte, c’est pourquoi il a instauré la mitsva de ne pas manger le nerf sciatique, qui représente un tikoun et une segoula pour protéger la Torah des plus jeunes, qui renforce les rabbanim et fait subsister le monde.
A LA SOURCE
« Ya'akov resta seul et un homme lutta avec lui jusqu’à l’aube » (32, 25).
Sur l’explication de Rachi, selon laquelle il avait oublié de petites fioles et est retourné les chercher, on peut se demander de quelles fioles il est question.
Le livre « Peninim Yékarim » l’explique d’après ce que dit la Michna sur le traité Negaïm (12, 5) : « Sur l’ordre du cohen, on vide la maison (avant que le cohen vienne voir la plaie afin que tout ce qui se trouve dans la maison ne devienne pas impur, et ensuite le cohen vient observer la maison). Et même des fagots de bois, et même des fagots de joncs, selon Rabbi Yéhouda. »
« Rabbi Méïr dit : qu’est-ce qui devient impur ? Si l’on dit que ce sont les ustensiles en bois, les vêtements et les métaux, on les trempe dans un mikvé et ils sont purifiés ! Qu’est-ce que la Torah cherche à éviter ? Les ustensiles en argile, et les tout petits flacons. S’il en est ainsi, la Torah veille sur le petit argent, alors à plus forte raison sur des biens réels. S’il en est ainsi pour l’argent, à plus forte raison pour les êtres vivants, ses enfants. S’il en est ainsi pour un impie, à plus forte raison pour un tsaddik ! »
Dans ce cas, les Sages posent la question : comment Ya'akov est-il resté seul en mettant sa vie en danger, puisqu’il est interdit à un talmid ‘hakham de sortir seul la nuit, et que nous apprenons un raisonnement a fortiori des petites fioles sur lesquelles la Torah a veillé ?
La réponse est : « Il a oublié des petites fioles » – Ya'akov avait oublié le raisonnement a fortiori à partir des petites fioles sur lesquelles la Torah veillait, et qui concerne la vie du tsaddik.
« Ya'akov partit vers Soukot et construisit pour lui une maison et pour son troupeau il fit des cabanes (soukot), c’est pourquoi ce lieu s’appelle Soukot » (33, 17).
Les gens ont l’habitude d’appeler leur maison et le lieu où ils sont installés en fonction des hommes et non des bêtes. Alors pourquoi Ya'akov a-t-il appelé ce lieu Soukot à cause des cabanes qu’il avait faites pour ses troupeaux ?
Rabbeinou Yochiyahou Pinto, dans son livre « Kessef Mezoukak », explique que Ya'akov vient nous apprendre un grand principe dans le service de D., en ce qu’il a appelé ses bêtes, qui étaient sa fortune et ses biens, du nom de « Soukot ».
Ce principe est qu’on doit toujours se rappeler que sa vie et ses biens matériels sont transitoires, comme une souka que l’on construit seulement pour sept jours. On doit savoir que l’argent n’a aucune consistance réelle, comme le prouve la réalité que la fortune et la gloire passent en un instant. La seule chose qui reste à l’homme pour l’éternité, c’est l’étude de la Torah et les bonnes actions qui l’accompagnent à jamais.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Ils tuèrent tous les mâles, et tuèrent ‘Hamor et son fils Shekhem » (34, 25).
Il y a une difficulté : pourquoi ont-ils tué ceux qui n’avaient pas fauté ? De plus, pourquoi ne se sont-ils pas attaqués d’abord aux coupables ?
Les fils de Ya'akov n’avaient l’intention de tuer que le coupable, mais tous les habitants de la ville se sont opposés à eux pour les empêcher de tuer leur roi, ils les ont donc tués en état de légitime défense.
C’est pourquoi il est dit « ils tuèrent tous les mâles », et de cette façon ils sont arrivés à tuer aussi ‘Hamor et Shekhem, sans quoi ils n’auraient pas pu se venger de ceux qui méritaient la mort.
Une autre raison pour laquelle ils ont tué tous les habitants de la ville est qu’ils avaient aidé Shekhem à voler Dina, or les bnei Noa’h sont passibles de mort pour le vol, mais pas pour les relations interdites, car Dina n’était pas mariée.