Parachat Vayigache 19 Decembre 2015 7 Tévet 5776 |
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Les acquisitions de la Torah sont la véritable bravoure
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Quand Paro vous appellera et vous dira : quelles sont vos occupations ? Vous lui direz : vos serviteurs sont des bergers, depuis notre jeunesse jusqu’à maintenant, nous et nos pères, pour que vous vous installiez dans le pays de Goshen, car tous les bergers sont une abomination pour les Egyptiens. » (Béréchit 46, 33-34)
Yossef s’adresse à ses frères et leur dit que maintenant, une fois qu’ils sont en Egypte, Paro va certainement les convoquer pour les voir et apprécier leurs qualités, car il connaît parfaitement celles de Yossef, c’est pourquoi il l’a fait roi d’Egypte. Et à cause de son désir d’assurer la sécurité de son royaume, il voudra voir les autres frères de Yossef, pour apprécier s’ils ont la même vigueur que lui, et quand il constatera qu’ils sont extrêmement vigoureux, il voudra certainement les employer lui-même pour assurer les bases de son royaume.
Yossef n’attend pas l’invitation de Paro, mais il choisit de lui présenter ses frères de sa propre initiative. Sachant qu’il ne laisserait pas passer l’occasion de les convoquer, il a pris les devants, ainsi qu’il est dit (47, 1) : « Yossef vint annoncer à Paro : mon père et mes frères ainsi que leur menu et leur gros bétail et tout ce qu’ils possèdent sont venus du pays de Canaan, et ils se trouvent au pays de Goshen. » Il a également donné des instructions à ses frères en leur indiquant comment se conduire et quoi dire devant Paro, parce qu’il savait que celui-ci voudrait les garder pour lui-même. Il leur a donc prescrit que lorsqu’on leur demanderait quelles sont leurs occupations, ils répondent qu’ils sont des bergers, en évitant à tout prix d’évoquer le fait qu’ils sont forts et sages, de vrais guerriers.
Plus loin, sur le verset « Il prit une partie de ses frères, cinq hommes, et les présenta à Paro », Rachi explique: «Une partie de ses frères – les moins robustes, ceux qui n’avaient pas l’air forts, car si Paro les avait trouvés robustes, il en aurait fait des guerriers. Ce sont : Réouven, Chimon, Lévi, Issakhar et Binyamin. »
L’explication en est que Yossef a amené à Paro ceux qui paraissaient les plus faibles de ses frères, afin qu’il ne se rende pas compte de leur grande vigueur et ne cherche pas à se les attacher comme guerriers, car dans cette situation, que deviendrait la Torah ? Ya'akov avait déjà envoyé devant lui Yéhouda pour « préparer le terrain », c’est-à-dire ouvrir des batei midrach en terre de Goshen afin de répandre la Torah, et si les frères étaient mobilisés pour les guerres de Paro, qui se soucierait du combat de la Torah ?
Il est vrai que Yossef a été nommé gouverneur de l’Egypte, mais il a mérité une protection particulière parce qu’il n’avait pas oublié la maison de son père même au milieu de la dépravation de l’Egypte, et du Ciel on a fait qu’il soit nommé roi de l’Egypte, afin que sa royauté entraîne la venue de Ya'akov et des frères, puis la servitude en Egypte et la délivrance, jusqu’au but désiré, qui était le don de la Torah.
En ce qui concerne la royauté de Yossef sur les Egyptiens, c’était une solution exceptionnelle valable pour une seule personne, et certainement pas une bonne voie pour la communauté. Le rôle des frères était d’installer des batei midrachot et de répandre la Torah de leur père Ya'akov, une Torah qui devait protéger les bnei Israël en exil et leur faire mériter d’être délivrés. Ainsi, lorsque Mordekhaï est allé s’occuper des affaires du royaume pour le bien de la communauté d’Israël, certains membres du Sanhédrin se sont détachés de lui.
Cela suscite un immense étonnement : comment Yossef a-t-il pensé pouvoir ruser avec Paro en lui envoyant les plus faibles de ses frères ? Paro connaissait bien la grande vigueur des frères de Yossef, dont la force était connue du monde entier, puisque Chimon et Lévi étaient partis en guerre contre les habitants de Shekhem qui avaient déshonoré leur sœur Dina, et que leur colère s’était abattue sur tous les peuples du pays. De même, le livre « Agadot Israël » rapporte que partout où allaient les frères, ils vainquaient les habitants haut la main. En descendant en Egypte, ils l’avaient presque détruite pour sauver leur frère Binyamin (Tan’houma Vayigach 5). Il faut donc expliquer comment Yossef a pensé ruser avec Paro en lui envoyant des frères qui avaient l’air faibles, et en leur ordonnant de prétendre qu’ils n’étaient pas des guerriers mais des bergers.
On peut le faire en disant que le but de la venue des frères en Egypte, qui leur était étrangère, était de préparer la délivrance et le don de la Torah, le remède de l’exil, la sainte Torah qui a le pouvoir de faire oublier au cœur les malheurs et les souffrances. C’est ce qu’a dit le roi David : « Sans Ta Torah, mes délices, j’aurais été perdu dans ma misère » (Téhilim 119, 92). Cela signifie que sans la Torah qui était devenue pour moi des délices, depuis longtemps j’aurais été perdu à cause de la douleur de ma misère. On trouve quelque chose du même genre dans de nombreuses histoires sur des grands d’Israël qui ont souffert dans leur corps et dans leur âme : lorsqu’ils voulaient oublier leurs douleurs, ils s’empressaient de se plonger dans l’étude de la Torah, et c’était un remède à leurs peines.
Ya'akov voulait adoucir l’immense difficulté qui se cachait dans l’exil d’Egypte, c’est pourquoi il a envoyé Yéhouda au devant pour « préparer le terrain » (pour l’étude de la Torah), et il a aussi envoyé ses autres fils établir un beit hamidrach à Goshen afin de répandre la voix de la Torah. C’est la raison pour laquelle la terre de Goshen porte ce nom : ils se sont mesurés (hitgochachou) avec la Torah, et on peut voir la force immense de la Torah chez la tribu de Lévi, qui parce qu’elle était plongée dans l’étude n’a pas subi l’esclavage (Chemot Rabba ch. 5, 16), contrairement aux autres tribus, qui ne s’étaient pas investies totalement dans la Torah, c’est pourquoi on leur a imposé des travaux forcés.
Yossef a dit à ses frères que le message principal qu’ils devaient transmettre à Paro était : nous sommes des bergers (anchei mikné), c’est-à-dire occupés à l’acquisition (kinyan) de la Torah. Certes, nous sommes des hommes forts, mais ce n’est pas l’essentiel de nos emplois : c’est la Torah qui est en tête de nos préoccupations. Ils ont accentué cette idée en disant à Paro : « Tes serviteurs sont des bergers (anchei mikné) », ce qui signifie : non seulement nous sommes occupés à l’acquisition (kinyan) de la Torah, mais c’est également ce que nous faisions auparavant, avant de venir au monde. Lorsque notre âme se trouvait sous le Trône de gloire, nous étudiions la Torah directement de D., et nous ne sommes descendus en ce monde qu’afin de continuer à l’étudier et à l’acquérir, car sans efforts pour étudier, le monde ne peut subsister.
Du fait que Yossef a envoyé chez Paro ses frères les plus faibles, il a montré qu’ils n’étaient pas concernés par la force physique mais que la Torah était l’essentiel, la preuve en étant qu’ils n’avaient pas un aspect musclé. En réalité, la véritable bravoure consiste à soumettre le mauvais penchant et à le dominer, ainsi qu’il est dit (Pirkei Avot 4, 1) : « Qui est fort ? Celui qui vainc son yetser. »
SUR LA PENTE ASCENDANTE
L’holocauste des juifs d’Europe
Une année, j’ai visité le camp de la mort d’Auschwitz.
C’était l’un des camps de travail que les Allemands ont utilisé au moment de la Deuxième guerre mondiale pour exterminer le peuple juif, provoquant ainsi un holocauste des juifs d’Europe.
En voyant le spectacle de ce terrible camp, je suis presque devenu fou.
Les photos insoutenables qui ont été prises pendant ces années-là, où l’on voit le visage torturé des prisonniers squelettiques, les monceaux de chaussures et autres accessoires vestimentaires des juifs assassinés, qui témoignent publiquement des crimes commis par le peuple allemand pendant la Deuxième guerre mondiale, ainsi que tous les autres objets du camp qui sont un témoignage du terrible holocauste – qui pourrait voir tout cela en restant indifférent ?
A ce moment-là, il y avait sur place quelqu’un dont le rôle était d’expliquer aux visiteurs du camp ce qui s’était passé à cette époque terrible.
Je me suis adressé à lui pour lui demander : « Combien de juifs y avait-il dans le camp ? »
« Quand les fours crématoires ne fonctionnaient pas, il y avait parfois dans le camp plus de cent mille juifs dans les baraquements », m’a répondu le guide.
C’est pourquoi j’ai poursuivi :
« Et combien y avait-il de gardiens allemands ? »
Le guide a réfléchi, et a répondu qu’il n’y avait que quelques centaines de soldats allemands pour garder les milliers de prisonniers juifs.
Quand j’ai entendu sa réponse, j’avais du mal à comprendre :
« S’il y avait tellement de prisonniers juifs par rapport aux Allemands qui les gardaient, pourquoi n’ont-ils pas essayé de se révolter ? Avec l’avantage du nombre, ils auraient facilement pu vaincre leurs ennemis, en particulier étant donné qu’ils savaient qu’on les conduisait à la mort par étouffement et à être brûlés. Pourquoi n’ont-ils pas tenté de se révolter ? »
Le guide s’est tu et ne savait que répondre à ma question logique. C’est pourquoi je me suis écrié à haute voix :
« Il n’y a absolument rien à faire contre la volonté de D. »
Il n’y a aucune réponse logique à l’Holocauste intellectuellement parlant. Plus on pose de questions, moins on a de réponses. La terrible situation où en est arrivé le peuple juif pendant ces années de colère divine où Hachem a voilé Sa face nous est venue à cause de nos fautes et de nos péchés.
Et maintenant, à tant d’années de distance, quand on se tient sur le sol maudit où nos frères juifs ont été sacrifiés pour la sanctification du Nom de D., c’est uniquement pour que nous sachions qu’un juif n’a aucune possibilité de fuir la réalité de sa judéité. Celui qui est né juif – mourra juif. Et quand les juifs oublient leur origine et veulent ressembler aux autres peuples et vivre comme eux, le Saint, béni soit-Il est obligé de frapper avec un bâton de souffrances et de Se cacher d’eux, jusqu’à ce qu’ils reviennent à Lui sincèrement.
Mais bien que nous soyons dans un amer exil à cause de nos nombreux péchés, les bontés de Hachem sont nombreuses et considérables. Il continue à garder le peuple d’Israël à chaque génération et dans toutes les situations où il se trouve, jusqu’à l’arrivée de la délivrance totale, rapidement et de nos jours, Amen.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« La parole de Hachem m’a été adressée : Et toi, fils d’homme » (Yé’hezkel 37, 15).
Le rapport avec la paracha : La haphtara parle du royaume de Yéhouda et de Yossef, qui dans l’avenir seront réunis, ainsi qu’il est écrit : « Et toi, fils d’homme, prends pour toi une pièce de bois et écris dessus : pour Yéhouda et les bnei Israël ses amis, et prends une autre pièce de bois et écris dessus : pour Yossef (…) elles seront réunies dans ta main. » C’est un sujet de la paracha, lorsque Yéhouda lutte pour sauver son frère Binyamin, et qu’en fin de compte toutes les tribus s’unissent avec Yossef, gouverneur de tout le pays d’Egypte.
« Je les constituerai en nation unie dans le pays, sur les montagnes d’Israël ; un seul roi sera le roi d'eux tous: ils ne formeront plus une nation double et ils ne seront plus, plus jamais, fractionnés en deux royaumes. Ils ne se souilleront plus par leurs idoles abjectes, par leurs turpitudes, par tous leurs forfaits » (Yé’hezkel 37, 22-23).
Nous voyons de là les résultats de la scission à l’intérieur du peuple d’Israël entre les tribus et entre les individus. Le Saint, béni soit-Il a promis que dès que les tribus d’Israël seraient réunies sous un seul drapeau et unies, alors elles ne se souilleraient plus par des idoles et il n’y aurait plus de délinquants.
Cela signifie donc que toutes les fautes et tous les péchés viennent de la séparation et de la désunion. A cause de cela et à cause de leurs actes, les juifs ont écarté d’eux la Chekhina. Et lorsqu’il y aura l’union en bas, il y aura aussi l’union en haut. La Torah et Israël sont uns, tous proviennent de la lumière de Hachem, et la sainteté unit toutes les parcelles et les étincelles de sainteté dispersée. Lorsqu’il y a sainteté, il y a union, et quand il y a séparation et scission, c’est un signe qu’il n’y a pas de sainteté, et qu’il existe un danger d’aggravation des idoles et des abominations.
Quand il y a séparation en bas entre le bien et le bien, il y a une union en haut entre les accusateurs, qui disent du mal d’Israël. Et lorsqu’il y a union entre les bons en bas, alors le Saint, béni soit-Il sépare les accusateurs en haut et ils s’affaiblissent.
(« Kol Tsofaïkh »)
« Les peuples sauront que Moi, Hachem, Je sanctifie Israël, car Mon Sanctuaire est parmi eux à jamais. » (Yé’hezkel 37, 28)
Il faut expliquer le verset d’après ce que dit le Alcheikh sur le verset « Ils me feront un Sanctuaire et Je résiderai en eux » : il n’est pas dit « en lui » mais « en eux », à l’intérieur de chacun des bnei Israël. On apprend de là que Hachem réside en chaque juif et le sanctifie ainsi, et c’est ce que dit notre verset, « les peuples sauront que Moi, Hachem, Je sanctifie Israël », Il sanctifie le peuple d’Israël. La preuve en est que « Mon Sanctuaire est parmi eux à jamais », de même qu’il est écrit dans la Torah « Je résiderai en eux », et non « en lui ». C’est la preuve que Hachem réside en chacun des bnei Israël.
(« Torat HaParacha »)
GARDE TA LANGUE
Comme deux témoins
Même si le locuteur est quelqu’un en qui l’auditeur a autant de confiance qu’en deux témoins, il est interdit de le croire. C’est seulement s’il parle de quelqu’un qui transgresse des interdictions connues de tout le monde qu’il est permis de dire sur lui du lachon hara, et si on a autant de confiance dans le locuteur que dans deux témoins, on a le droit de le croire.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
La force de la vérité face au mensonge
« Yossef acquit toute la terre d’Egypte pour Paro, parce que les Egyptiens avaient vendu chacun leur terre car la faim était forte pour eux, et le pays appartint à Paro. Il fit passer le peuple d’une ville à l’autre, d’une extrémité à l’autre des frontières de l’Egypte. » (Béréchit 47, 20-22)
A l’époque de la famine en Egypte, Yossef a donné de la réserve de blé aux Egyptiens en contrepartie de tout ce qu’ils possédaient, argent, or, troupeaux, jusqu’à ce qu’il ne leur reste plus rien et qu’ils restent dépouillés de tout. Apparemment, cela aurait dû éveiller la colère du peuple au point qu’il se révolte. Comment se fait-il qu’il se soit tu et n’ait pas dit un seul mot ?
On voit de là qu’en Egypte régnait une crainte profonde de Yossef, car si quelqu’un avait osé s’introduire dans ses entrepôts et voler du blé, il pourrissait immédiatement dans leurs mains. Il ne restait frais qu’en possession de Yossef. Ce fait avait la force de retenir chez le peuple toute tentative de rébellion.
En contrepartie du blé, Yossef a acheté tout ce qui lui tombait sous la main, à l’exception des terres des prêtres que ceux-ci avaient reçues de Paro. Paro était également celui qui les nourrissait pendant la famine. Or d’après ce que nous avons dit, cela éveille un grand étonnement. Yossef avait sur l’Egypte une autorité incontestée, alors comment a-t-il laissé des prêtres idolâtres sur leurs terres sans leur vendre du blé contre les terres qu’ils occupaient ? C’était une occasion rare d’éliminer l’idolâtrie de l’Egypte, alors pourquoi a-t-il laissé ces prêtres sous l’autorité de Paro ?
On peut dire qu’il savait que s’il obligeait les prêtres à vendre leurs terres contre leur volonté, ils le feraient de mauvais gré, et à une époque d’abondance ils reconstruiraient ces villes d’impureté. Yossef cherche une solution utile à long terme, c’est pourquoi il laisse les prêtres dans leurs villes, revêtus de leurs vêtements de prêtrise. Il savait que dans une telle situation, les Egyptiens regarderaient leurs prêtres par rapport aux saints d’Israël, qui est un royaume de prêtres et un peuple saint, ils feraient la comparaison et s’apercevraient nécessairement que leurs prêtres n’avaient aucun pouvoir et étaient impuissants à les sauver en temps de famine. Alors, tout le monde reconnaîtrait la royauté de Hachem dans le monde et la terre serait remplie de la connaissance de D.
Il m’est arrivé une fois de rencontrer quelqu’un de haut placé dans le gouvernement. Tout le monde s’inclinait devant lui et attendait tout ce qui sortirait de sa bouche. Cet homme n’a pas osé croiser le regard avec moi, sous prétexte qu’il avait peur. Quand je lui ai demandé ce que cela signifiait, il m’a répondu qu’étant donné sa situation, il avait le pouvoir de discerner la différence entre la vérité et le mensonge, et il savait que la vérité se trouvait chez moi, c’est pourquoi il craignait de me regarder.
De même, une fois le fils de mon saint grand-père Rabbi ‘Haïm Pinto, que son mérite nous protège, a donné un coup à un non-juif qui était le fils du gouverneur de la ville. Celui-ci est venu très en colère trouver mon grand-père, mais dès qu’il a vu la majesté de sa face, il est retourné sur ses pas sans dire un mot. Nous voyons donc quelle est la force de la vérité par rapport au mensonge, au point que même un homme simple peut la distinguer et en tirer les conclusions.
A LA SOURCE
« Ne vous agitez pas en chemin » (45, 24).
D’après l’explication de Rachi, « ne vous engagez pas dans des discussions halakhiques », les commentateurs se sont demandé pourquoi Ya'akov ne le leur avait pas ordonné quand il avait envoyé ses fils en Egypte.
Ils l’ont expliqué d’après ce qui est enseigné dans le traité Kidouchin (30a), à savoir qu’on doit toujours diviser ses années en 3 : un tiers pour l’Ecriture, un tiers pour la Michna et un tiers pour le Talmud. La Guemara objecte qu’on ne sait pas combien d’années on va vivre, et répond que cela signifie qu’il faut diviser ses journées en trois.
Par conséquent, lorsque Ya'akov a envoyé ses fils, il pensait que Yossef était mort, et la promesse qui lui avait été donnée que ses fils ne mourraient pas de son vivant étant de ce fait annulée, il ne pouvait pas ordonner à ses fils de ne pas discuter de halakha, puisqu’ils devaient tous les jours étudier la halakha, ne sachant pas combien de temps ils allaient vivre.
Mais lorsque Yossef s’est fait connaître de ses frères, il était déjà clair que la promesse de Hachem que ses fils ne mourraient pas de son vivant était encore valide, c’est pourquoi c’est à ce moment-là qu’il leur a ordonné de ne pas discuter de halakha, car ils pourraient ensuite en discuter lorsqu’ils arriveraient dans un lieu habité. (« Pardess Yossef »)
« Je vais remonter pour en faire part à Paro » (46, 31)
Est-ce que l’Egypte est donc en haut d’une montagne pour dire « je vais remonter » ?
Les ba’alei HaTossefot ont expliqué que jusqu’alors, quand Yossef parlait à son père, il ne se comportait pas en roi, mais descendait de son char pour parler avec lui.
Et maintenant, ayant fini de se découvrir dans sa rencontre avec son père, il lui a demandé la permission de monter sur son char pour aller vers Paro. C’est pourquoi il est dit : « Je vais remonter pour en faire part à Paro. »
« Yossef dit au peuple : je vous ai achetés aujourd’hui avec vos terres pour Paro » (47, 23).
En vérité, pourquoi Yossef a-t-il trouvé bon d’asservir tout le peuple égyptien à Paro, au point qu’ils soient tous ses esclaves ?
Le livre « Masset Hamélekh » en donne une belle explication d’après ce que dit la Guemara (Sanhédrin 91a) : les Egyptiens ont accusé Israël de leur avoir pris leur argent lorsqu’ils sont sortis d’Egypte, et ils leur ont répondu qu’ils devaient d’abord payer tout le salaire des travaux forcés qu’on leur avait fait subir, c’est pourquoi il était juste que leur soit attribué l’argent des Egyptiens en paiement de leur travail. Apparemment c’est difficile : prendre l’argent des Egyptiens, il appartenait au peuple, alors que le salaire du travail qu’ils méritaient, c’était Paro qui devait le payer, donc ce n’est pas une réponse de faire payer au peuple égyptien les dettes de Paro.
C’était cela la sagesse de Yossef : il avait fait acquérir tout le peuple à Paro, et de cette façon l’argent qu’ils avaient pris au peuple égyptien était l’argent de Paro, car « ce que l’esclave a acquis, le maître l’a acquis », et les bnei Israël ont pris l’argent des Egyptiens en toute justice.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Je suis Yossef votre frère que vous avez vendu en Egypte » (45, 4).
La raison pour laquelle il a dit une deuxième fois « Je suis Yossef » est qu’il a vu qu’ils ne lui ont pas répondu, de peur de deux choses : l’une, c’est qu’ils avaient peur de lui et ne pouvaient pas lui répondre, comme un voleur pris sur le fait. Et la deuxième, c’est qu’ils ne croyaient pas que c’était Yossef.
C’est pourquoi à cause de la crainte qu’ils ressentaient – ne redoutez rien, car « je suis Yossef votre frère », ce qui signifie qu’il se conduisait avec eux comme un frère, comme si rien ne s’était jamais passé.
Il a ajouté « votre frère que vous avez vendu », pour dire que même au moment de la vente, la fraternité ne l’a pas quitté.
Et en ce qui concerne la preuve qu’il était Yossef, il leur a dit une chose qui serait pour eux un signe clair que c’est bien lui, par les mots « que vous avez vendu en Egypte », ce que personne ne savait, même un prophète, ce qui montrait avec certitude que c’était bien Yossef.
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Dans cette rubrique, nous avons cité la semaine dernière les merveilleux propos de Maran le Rav Steinman chelita, sur le fait que lorsque les bnei Israël étaient en Egypte, ils étaient plongés dans les quarante-neuf portes de l’impureté. Ces portes de l’impureté ne sont autres que les mauvaises midot. En effet, le peuple d’Israël était plongé dans quarante-neuf portes de mauvaises midot, qu’ils avaient apprises des Egyptiens, lesquels n’étaient pas particulièrement justes et droits, mais des sorciers et autres choses néfastes.
Le Rav Steinman suggère que chacun d’entre nous doit se rendre compte à quel point il faut veiller aux rapports avec le prochain, ne pas le blesser dans son honneur, car ensuite on risquerait d’en venir à mettre sa vie en danger. C’est pourquoi chacun doit apprendre de là à veiller à respecter le prochain et à ne rien faire qui puisse le blesser dans ce domaine.
Comme illustration et suite de cette idée, ajoutons que le livre « Pardess Yossef » (Chemot 15, 2) cite ce que dit la Guemara dans le traité Chabbat (133b) : « « C’est mon D. et je L’embellirai » – embellis-toi devant Lui par les mitsvot, fais devant Lui une belle souka, aies un beau loulav et un beau chofar, des beaux tsitsit, un beau séfer Torah, et écris dedans en Son honneur avec une belle encre, une belle plume, une écriture artistique et un manteau d’une belle soie. Abba Chaoul dit : « Je L’embellirai » : cherche à Lui ressembler, de même qu’Il est miséricordieux et bon, sois toi aussi miséricordieux et bon. »
J’ai vu à ce propos que beaucoup de gens ne lésinent pas sur l’achat d’un bel etrog ou choses de ce genre, mais quand on en arrive à la mitsva de tsedaka, ils deviennent de pierre. C’est ce qu’Abba Chaoul vient ajouter : bien qu’il soit souhaitable d’avoir une belle souka, ce n’est pas le tout. L’essentiel est d’être miséricordieux comme lui, etc.
L’auteur touche à cette idée profonde en un point très réaliste et plein d’actualité :
Il est dit dans les Psaumes (22, 7) : « Je suis un ver et non un homme ». L’explication en est que parmi les ennemis du roi David, beaucoup étaient très pointilleux sur les mitsvot entre l’homme et D., et avant de mettre de la nourriture à la bouche, ils vérifiaient qu’elle ne contenait pas d’insectes. Mais en ce qui concerne les mitsvot envers le prochain, ils les négligeaient tant et plus, et ne cessaient de persécuter David et de lui rendre la vie amère. David les interpelle : « Moi aussi je suis un ver et non un homme », et vous faites attention aux vers, alors faites attention à moi aussi !
Ces mots du « Pardess Yossef » sont percutants. C’est du roi David qu’il s’agit, et même lui a trouvé bon de supplier et de demander qu’on lui accorde à tout le moins la même attention qu’à un ver, comme le dit le verset « Je suis un ver et non un homme. » Or il connaissait bien ses ennemis, il savait qu’ils étaient extrêmement pieux et faisaient très attention dans l’accomplissement des mitsvot, mais ils s’étaient trouvés une permission (et il est même possible qu’ils considéraient cela comme une mitsva) de persécuter David sans pitié. Et des profondeurs de son cœur s’est élevé un cri et une supplication qu’ils veillent à son honneur en particulier et aux mitsvot envers le prochain en général avec la même crainte, fût-elle la plus improbable, de manger des insectes.
Dans le livre « MeIch Le Réehou », l’auteur, le Rav Yitz’hak Schkop chelita, indique qu’apparemment, il y aurait lieu de penser que cette conduite désastreuse dans les mitsvot envers le prochain n’existe que dans des situations que nous connaissons longtemps à l’avance et auxquelles nous nous préparons chaque jour, et parce que nous avons le temps et la possibilité de nous justifier. En revanche, dans les choses spontanées, lorsqu’il nous est demandé une réaction immédiate, sans préparation ni réflexion préalable, il y a certainement encore une sensibilité chez tout homme pieux qui porte attention aux mitsvot, et naturellement, qui ne se met dans aucun doute d’infraction.
Mais malheureusement, il n’en est pas ainsi, et le manque de considération pour l’honneur du prochain se constate dans des actes quotidiens et avec une bonne conscience totale, car « du moment qu’on a fait une faute et qu’on l’a répétée, elle devient comme permise » (Kidouchin 20a). Il arrive que quelqu’un piétine le respect dû au prochain parce qu’à son avis, c’est une mitsva qu’il fait, qui donne de la satisfaction à son Créateur. L’histoire suivante montre bien ce genre d’attitude :
C’est la veille du Chabbat. La synagogue se remplit complètement de fidèles, des hommes qui viennent de se débarrasser du joug des jours de semaine pour revêtir la sainteté du Chabbat. Les derniers fidèles entrent eux aussi dans la salle. Le chalia’h tsibour a déjà commencé à prier Kabbalat Chabbat, et tout à coup, on entend des cris : Mouktsé, moukté, mouktsé ! Ces cris et cette protestation vont en grandissant. Le public interrompt sa prière pour regarder vers l’endroit d’où partent les voix. C’est un juif qui crie à son voisin : mouktsé ! Celui-ci a quelque chose à la main, que le premier estime être mouktsé. Or Chabbat est déjà arrivé, et il proteste de toutes ses forces contre celui qui tient le mouktsé, jusqu’à ce que ce dernier quitte le hall de prière tout honteux et se dirige vers le vestiaire, afin de poser l’objet dans un coin sûr. C’est seulement après son départ de la synagogue qu’il y a un apaisement et que la prière de Chabbat peut continuer normalement.
Cela m’a plongé dans une grande perplexité. Je ne comprends pas ce qui est le plus grave : l’interdiction de mouktsé en ce moment crépusculaire, le soleil ne s’étant pas encore couché, un moment qui n’est peut-être pas encore tout à fait Chabbat, ou l’interdiction de faire honte à quelqu’un en public qui a été transgressée en toute certitude ? Qu’est-ce qui empêchait ce censeur de s’exprimer discrètement ? Qu’est-ce qu’il a pensé quand il a méprisé son prochain ? Pourquoi a-t-il oublié l’enseignement des Sages (Baba Metsia 59a) selon lequel « Quiconque fait honte à son prochain en public n’a pas de part au monde à venir » ?
Alors peut-être qu’en y réfléchissant, nous pourrons éviter la prochaine occasion de nous conduire ainsi, et mériter d’accomplir au mieux les mitsvot entre l’homme et son prochain, au moins autant que les mitsvot entre l’homme et D.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Cet homme de New York se trouvait au seuil de la cécité lorsqu’il est venu demander une bénédiction à notre maître chelita. Les médecins ne savaient comment l’aider, c’est pourquoi il était arrivé chez notre maître pour lui demander une bénédiction.
Quand on lui a demandé s’il mettait les tefilin, il a répondu par la négative, il ne les mettait pas.
Notre maître lui a demandé :
« A partir d’aujourd’hui, commencez à mettre les tefilin, et alors le mérite de Rabbi ‘Haïm Pinto vous protégera et vous guérira totalement. »
Plus tard, il a raconté qu’effectivement, depuis le jour où il avait commencé à mettre les tefilin, la vue avait commencé à lui revenir, et il s’était mis à voir de mieux en mieux, jusqu’à voir normalement.
Quand il est retourné chez les médecins pour des examens, ils n’arrivaient pas à comprendre comment cela avait pu arriver.
« Quel médecin vous a guéri, lui demandaient-ils, puisque normalement vous auriez dû rester aveugle ?
La réponse qu’il leur a donnée ne les a pas moins surpris :
Le mérite des tefilin que le Rav Pinto m’a ordonné de mettre, c’est cela qui m’a guéri. »