Parachat Vayéhi 26 Decembre 2015 14 Tévet 5776 |
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Le mérite des Patriarches
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Ya'akov termina de donner des ordres à ses fils, il ramena ses pieds vers le lit, expira et rejoignit ses pères. » (Béréchit 49, 33)
Nous trouvons chez les commentateurs que Ya'akov n’est pas mort, mais a rejoint ses pères dans le monde à venir, et comme l’écrit Rachi, « Il n’est pas dit de lui qu’il est mort, et les Sages ont dit (Ta’anit 5b) « Ya'akov n’est pas mort ». » Cela signifie qu’il a quitté ce monde-ci de son vivant, et il est passé dans le monde où la vie est encore plus forte, comme quelqu’un qui change d’une citoyenneté à l’autre.
A la lumière de ce qui a été dit, il y a de quoi s’étonner : pourquoi les habitants du monde pleurent-ils et prennent-ils le deuil pour la mort d’un défunt ? Ils devraient au contraire se réjouir qu’il soit passé d’un monde éphémère au monde de l’éternité ! On peut répondre qu’on prend le deuil parce qu’on ne sait pas si le défunt avait suffisamment de mérites pour être accepté au Gan Eden. Du fait que le public pleure la mort de quelqu’un, ces pleurs sont pour l’élévation de son âme, et ils ont le pouvoir de plaider sa cause lorsqu’il se tient devant le tribunal céleste.
Les Patriarches, dont la vie est décrite dans le livre de Béréchit, ont manifesté des qualités de caractère d’une grande noblesse, qui sont comme un guide pour tous leurs descendants et les générations qui les ont suivis. Avraham est caractérisé par la générosité, comme le disent les Sages (Cho’her Tov 110) : la tente d’Avraham avait quatre entrées aux quatre points cardinaux, pour que tout passant puisse en trouver facilement le chemin. La Torah décrit aussi longuement comment il s’est donné du mal pour les trois anges alors qu’il était affaibli par la circoncision, et cette mitsva lui était si chère qu’on apprend de lui une grande nouveauté : l’hospitalité est plus importante que d’accueillir la Chekhina (Chabbat 127a), car Avraham a laissé la Chekhina pour aller accueillir ses invités.
Quant à Yitz’hak, nous apprenons de lui l’amour de Hachem. Il était prêt à sacrifier sa vie et à se laisser lier sur l’autel pourvu que cela représente l’accomplissement de Sa volonté. C’est une leçon pour nous les petits : on doit sacrifier ses désirs devant la volonté de D. Et si Yitz’hak était prêt à donner sa vie par ordre de D., à plus forte raison devons-nous annuler notre volonté devant la Sienne, en des choses simples qui touchent à la vie quotidienne.
De Ya'akov, qui représente la Torah, nous apprenons combien de travail et de dévouement il faut manifester envers la Torah, qui est toute notre vitalité et la source de l’existence de tout homme pieux. Aucune excuse ne tient pour justifier une négligence dans l’étude de la Torah, parce que sans cette étude la vie d’un juif n’est pas digne de s’appeler une vie. Donc nous avons le devoir de nous attacher à la conduite de Ya'akov, qui s’est donné totalement dans la tente de la Torah en toutes circonstances, même si l’on a l’impression qu’à cause de la difficulté de la situation, on peut se permettre des facilités et se relâcher dans l’étude. Heureux celui qui vient ici avec son étude en main ! (Pessa’him 50a).
Trois fois par jour, nous évoquons les trois Patriarches, comme il est dit dans la première des dix-huit bénédictions : « D. d’Avraham, D. d’Yitz’hak et D. de Ya'akov », et ceci parce que le fait de les évoquer dans la prière nous engage à nous éveiller et à réfléchir à leurs belles qualités et à leur façon de vivre, qui était imprégnée d’amour pour D. et de dévouement envers Lui. Du fait que nous évoquons les Patriarches, nous demandons que leur mérite nous protège et intercède pour nous devant D.
Je me suis demandé pourquoi on évoque les Patriarches justement dans la prière du Chemonè Esré, et surtout pourquoi on cite leur nom après les mots « Hachem, ouvre mes lèvres ». Une fois qu’on a dit cela, au lieu de louer et de glorifier le Nom de Hachem, on commence à évoquer le mérite des Patriarches. C’est comme si quelqu’un qui vient chez le roi, après lui avoir demandé la permission de parler en son honneur, se mettait immédiatement à dire « c’est Toi Qui es le D. de mes ancêtres » au lieu de tenir parole et de le louer et glorifier personnellement. Or en quoi est-ce une louange qu’il soit le D. de ses ancêtres ?
Il semble que la plus grande louange envers D. soit que nous évoquions devant Lui la grandeur de Ses enfants, qui sont nos ancêtres, Avraham, Yitz’hak et Ya'akov. Il y a dans le fait de parler des Patriarches comme une promesse à Hachem que nous voulons imiter nos ancêtres et marcher dans leurs voies. Lorsqu’Il entend cela, cela Le remplit immédiatement de satisfaction, parce que c’est pour Lui la plus grande des louanges, c’est une façon de dire « Proclamez la puissance de D., Sa majesté s’étend sur Israël » (Téhilim 68, 35). Si l’on évoque les Patriarches sans avoir l’intention de les imiter et de suivre leur comportement, c’est comme si quelqu’un rencontrait son ami et le saluait tout en lui donnant une gifle. C’est seulement quand on a vraiment l’intention de faire ce qui sort de sa bouche que les paroles représentent une louange pour Hachem. En effet, comme nous l’avons dit, le Saint, béni soit-Il Se glorifie des saints Patriarches, et Se réjouit de ce que nous cherchions à les imiter, à tirer des leçons de leur vie et à leur ressembler, car les actes des pères sont un signe pour les descendants.
Lorsqu’on termine la lecture du livre de Béréchit et l’histoire des saints Patriarches, au passe au livre de Chemot qui traite de l’esclavage d’Egypte, de la délivrance et du don de la Torah. Par cet ordre, D. nous enseigne qu’un bon comportement est un préalable nécessaire à la Torah, et que pour être digne de la recevoir et d’accomplir les mitsvot, il faut commencer par apprendre de la conduite des Patriarches. Seul celui qui adopte leur façon de vivre peut être apte à recevoir la Torah.
En preuve de cela, on peut voir que lorsqu’on cherche à rapprocher un juif de l’observance de la Torah et des mitsvot, on lui montre avant tout le plaisir et la beauté qu’il y a dans les mitsvot, le respect entre les habitants de la maison, le souci du prochain, le repos du Chabbat, etc. Une fois que son cœur s’est ouvert grâce à l’émerveillement, on commence à lui parler des aspects du judaïsme qui sont un engagement, parce que la Torah ne peut s’appliquer que lorsque l’homme travaille à s’améliorer pour la recevoir. Quelqu’un qui ne travaille pas à se façonner lui-même en instrument apte à recevoir la Torah, la Torah ne peut pas s’appliquer à lui, et il l’oublie rapidement. C’est comme quelqu’un qui tient en main tous les désirs et tous les plaisirs du monde, tout en disant kaddish pendant un an sur la tombe d’un défunt, tout en sachant qu’à la fin de l’année, quand le devoir de dire kaddish sera terminé, il retournera à ses mauvaises occupations, parce qu’il n’a pas travaillé sur son caractère et ne s’est pas préparé à recevoir la Torah, si bien qu’elle ne peut pas trouver une place permanente chez lui.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
Miséricordieux, pudiques et généreux
Une année, j’ai eu l’occasion de rencontrer un converti. Quand je lui ai demandé pourquoi il avait décidé de se convertir, il me l’a raconté :
« Il y a quelques années, j’ai passé une période difficile. J’avais perdu tout mon argent et je suis resté démuni de tout. Dans mon grand désespoir, je déambulais dans la rue Saint-Paul à Paris. J’avais faim et soif et je n’avais pas de quoi manger et boire. Je n’avais pas non plus d’argent pour acheter un ticket de métro, il ne me restait plus d’autre choix que d’essayer de demander aux passants de me donner un peu d’argent ou de nourriture, et c’est ce que j’ai fait.
Mais tous ceux à qui je m’adressais pour demander de l’aide secouaient la tête et passaient leur chemin sans faire attention à moi.
Jusqu’à ce que tout à coup, j’ai vu un juif qui passait par là. Au début, je me suis dit « c’est inutile de demander une aumône à un juif, il ne me donnera certainement rien. » Mais à la réflexion, je me suis dit : « Qu’est-ce que j’ai à perdre à lui demander de l’aide ? Je vais tenter ma chance. »
J’ai couru après le juif et je l’ai appelé : « Monsieur, je n’ai rien à manger, aidez-moi, je vous en prie ! »
En entendant mon appel, le juif s’est retourné, m’a regardé, et a dit :
« Oh, je viens justement de m’acheter un sandwich, vous n’avez qu’à le manger vous-même avec appétit. »
Quand j’ai vu que le juif tenait compte de ma misère avec respect, je lui ai dit que je préférais lui emprunter une somme d’argent que je pourrais lui rendre un jour ou l’autre. Il m’a écouté et m’a demandé de combien d’argent j’avais besoin, et sans attendre il m’a mis dans la main à la fois le sandwich et l’argent que je lui avais demandé !
En gage pour l’emprunt, je lui ai proposé mes papiers, mais à ma grande surprise il a refusé de les prendre, et a dit qu’il me croyait et que quand je pourrais, je lui rendrais la somme qu’il m’avait prêtée.
Le converti raconte : « Cette conduite spéciale du juif m’a beaucoup impressionné. J’ai été ému de voir qu’il y a un peuple dans le monde qui respecte les gens d’un autre peuple et se montre généreux avec eux parce qu’ils sont créés à l’image de D. Quand j’ai vu cela, il est entré en moi un désir puissant de faire partie de ce peuple spécial, le peuple d’Israël.
Ainsi, j’en suis petit à petit arrivé à me convertir et à me joindre au peuple juif dont il est dit qu’il est miséricordieux, pudique et généreux. Les juifs se montrent bons non seulement avec ceux de leur peuple, mais aussi avec les non-juifs. Ces nobles qualités ont leur source chez le père de ce peuple, Avraham, qui se montrait bon même envers les idolâtres, et ainsi il les rapprochait du Créateur du monde, jusqu’à ce qu’ils se convertissent. »
Voilà ce qu’il m’a raconté.
Quand j’ai entendu cette histoire de la bouche de l’intéressé lui-même, j’ai pensé que cet acte charitable du juif envers un non-juif qu’il ne connaissait absolument pas était sans aucun doute dû au fait qu’il faisait partie du peuple d’Israël, dont il est dit (Yébamot 79b) qu’il a reçu la bénédiction de ces trois qualités, la miséricorde, la pudeur et la générosité.
Cette merveilleuse histoire a fait aimer le peuple juif au goy, c’est pourquoi il a choisi de faire partie de ce peuple généreux.
LA HAPHTARA DE LA SEMAINE
« Les jours de David approchant de leur fin » (I Melakhim, 2, 1).
Le rapport avec la paracha : la haphtara raconte la mort du roi David et son testament à son fils Chelomo, ce qui rappelle la paracha qui parle de la mort de Ya'akov et de son testament à son fils Yossef.
« Tu as aussi dans ton entourage Chimi fils de Guéra de la tribu de Binyamin de Ba’hourim. Il m’a maudit cruellement le jour où je suis allé à Ma’hanaïm. Il est descendu à moi vers le Jourdain et je lui ai juré par Hachem que je ne le tuerais pas par l’épée. » (I Melakhim 2, 8)
Voici comment l’expliquait Rabbi Naphtali Amsterdam :
De son vivant, David craignait que s’il punissait Chimi, il s’y mêlerait peut-être un soupçon de vengeance, c’est pourquoi il s’est retenu et ne s’est pas permis de lui faire le moindre mal.
Mais au moment de sa mort, alors qu’il était certain d’être pur de tout désir de vengeance, alors seulement il a trouvé bon d’ordonner à son fils Chelomo de le traiter en fonction des exigences de la Torah, en tant que rebelle contre la royauté de David, l’oint de Hachem.
(« Yalkout ‘Hamichaï »)
« Rabbi Yéhouda a dit au nom de Rav : pourquoi Chaoul a-t-il été puni ? Parce qu’il avait renoncé au respect qui lui était dû, ainsi qu’il est écrit (I Chemouël 10) : « Des hommes pervers ont dit : quel bien celui-là peut-il nous faire ? Ils le méprisèrent et ne lui offrirent pas de cadeaux, et il n’y prêta pas attention. » Et il est écrit (Ibid. 11) : « Na’hach l’Ammonite était venu assiéger Yavech Gilad. » (Yoma 22a)
C’est étonnant, David lui-même a renoncé au respect qui lui était dû en tant que roi, en ne punissant pas Chimi qui l’avait maudit ; non seulement cela, mais cela lui est compté comme un grand mérite.
Rabbeinou Yossef ‘Haïm de Bagdad l’explique ainsi : le cas de Chimi ben Guera est différent, c’était un homme grand en Torah et haut placé dans le Sanhédrin, c’est pourquoi à cause de l’honneur de la Torah, il convenait de lui pardonner.
En revanche, ces hommes pervers qui ont méprisé le roi Chaoul étaient des gens simples, et à eux il ne convenait pas que le roi pardonne.
Ceci nous permet d’interpréter ce que dit David dans Téhilim (25, 11) : « Pardonne ma faute, car il est grand. » David demande à D. de lui pardonner la faute d’avoir renoncé au respect dû à sa royauté et de n’avoir rien répondu à Chimi, de ne pas l’avoir mis en jugement, « car il est grand », il est un grand homme en Israël et grand dans le Sanhédrin, et il convient de lui pardonner et de laisser passer…
(« Ben Yéhoyada »)
GARDE TA LANGUE
Impossible de juger favorablement
Celui qui entend du lachon hara, et il y a des « choses bien connues » qui montrent que c’est vrai, il lui est permis de croire et d’accepter ce qu’il entend. Mais seulement si ce n’est pas quelque chose qui concerne une absence de qualités. Il faut qu’il s’agisse d’un acte vraiment mauvais que cet homme a commis, et qu’il soit impossible de le juger favorablement.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Menaché et Ephraïm font partie des tribus
« Et maintenant, tes deux fils qui te sont nés en terre d’Egypte avant que je vienne te rejoindre en Egypte sont à moi, Ephraïm et Menaché seront pour moi comme Réouven et Chimon. » (Béréchit 48, 5)
Yossef a mérité que ses fils, Menaché et Ephraïm, fassent partie des tribus. Il faut comprendre comment il a mérité cela, alors que les enfants des autres frères n’ont pas eu cette chance. Dans le partage du pays, Ephraïm et Menaché ont également eu une part comme les autres tribus, ils ont reçu des drapeaux et une pierre dans les Ourim et Toumim. Ils ont fait partie des douze chefs de tribus qui ont offert un sacrifice à Hachem le jour de l’inauguration de l’autel. D’où ont-ils eu le mérite d’être traités à égalité avec les tribus ?
On peut expliquer que nous devons apprendre de la force de caractère d’Ephraïm et Menaché, qui avaient grandi en Egypte, un pays rempli d’idolâtrie, tout en conservant leur identité juive et en s’attachant à la Torah, alors que les enfants des autres tribus ont grandi en Canaan à l’ombre de Ya'akov, qui a épanché sur eux sa Torah et sa spiritualité. C’est pourquoi Menaché et Ephraïm, qui étudiaient la Torah et connaissaient parfaitement la langue sainte, ont mérité de faire partie des tribus, car ce n’est pas du tout évident de grandir et de devenir un juif droit et pur alors que l’entourage dans lequel on se trouve est rempli d’idolâtrie et d’indécence.
Ya'akov savait qu’Erets Israël devait être partagée en douze parts, mais la tribu de Lévi n’avait pas de part, car Hachem était son héritage, c’est pourquoi il restait une part en plus. Et lorsque Ya'akov étudiait la Torah avec les fils de Yossef dans la langue sainte, il s’est aperçu qu’ils avaient conservé leur identité juive et continuaient à suivre sa voie. Il les a introduits parmi les tribus en signe d’appréciation, et Menaché et Ephraïm ont hérité à la place de la tribu de Lévi et de leur père Yossef.
Yossef n’est pas du tout évoqué dans le compte des tribus, mais ses fils le sont à sa place. Yossef ne s’en est pas fâché, parce qu’il est naturel que le père ne soit pas jaloux de la réussite de ses enfants. Au contraire, il s’en est énormément réjoui. Et je me suis dit qu’il est possible que comme Yossef n’est pas nommé parmi les tribus, il a mérité en contrepartie de faire partie des sept ouchpizin qui constituent le Char de la Chekhina.
Ya'akov donne à Menaché et Ephraïm la bénédiction qu’ils seront comme Réouven et Chimon. Pourquoi parmi toutes les tribus Ya'akov a-t-il choisi comme exemple Réouven et Chimon ? On peut expliquer que Réouven est l’aîné, et que Ya'akov voulait dire que de même que la primauté de sa force était tellement importante pour lui, les enfants de Yossef l’étaient tout autant. Et Chimon évoque l’ouïe, ce qui signifie une demande que Hachem entende ma prière et exauce mon désir qu’Ephraïm et Menaché soient comme les autres tribus, aussi importants qu’elles.
Ya'akov a voulu transmettre ce message à ses enfants : ils devaient accepter Menaché et Ephraïm parmi eux d’égal à égal, et les aimer et les respecter comme des frères, chair de leur chair.
A LA SOURCE
« Ce sont mes fils que D. m’a donnés dans ce pays (bazé). » (48, 9)
Le mot « bazé » (dans ce pays) est formé des mêmes lettres que « zahav » (l’or).
C’est une allusion à ce qu’enseigne le « Léket Chemouël » dans la partie qui traite des Patriarches, à savoir que Ya'akov avait écrit sur une plaque d’or pour Osnat la fille de Dina : « Quiconque s’attache à toi s’attache à la descendance de Ya'akov » (« Ma’assé ‘Hochev »).
« Il se prosterna devant lui jusqu’à terre » (48, 12).
Est-ce que les lois du respect envers les parents obligeaient Yossef à se prosterner jusqu’à terre ?
Dans « Ha’amek Davar », le Natsiv explique que Yossef s’est prosterné devant son père comme quelqu’un qui le remercie et qui lui est reconnaissant.
Maran le gaon Rav Aharon Leib Steinmann chelita explique dans son livre « Ayélet HaCha’har » que toute action de la part du fils qui cause de la satisfaction au père relève de la mitsva de respecter son père. Et Yossef, qui voulait honorer son père, s’est prosterné jusqu’à terre.
« Zevouloun occupera le littoral des mers (yamim) » (49, 13).
Le livre « Darach Yéhouda » apporte une merveilleuse précision au nom de Rabbi Yéhouda Moualam zatsal sur le mot « yamim », qui est écrit ici au pluriel.
Parce qu’il y a deux mers (yamim) : la mer matérielle où voguent les navires pour faire du commerce, et la mer spirituelle, qui est la mer du Talmud.
Zevouloun avait une association avec son frère Issakhar, qui étudiait la Torah, pendant qu’il le soutenait financièrement. Or on sait que celui qui soutient ceux qui étudient la Torah ont une part dans leur étude, car « à l’ombre de la sagesse à l’ombre de l’argent ».
Dans l’avenir, quand le riche arrivera dans le monde à venir, on lui dira : prends le salaire de tel et tel traité. Il répondra : je n’ai jamais étudié ce traité ! On lui dira : en récompense du soutien que tu as donné à un talmid ‘hakham qui a étudié ce traité, toi aussi tu as la même récompense que lui pour l’étude de ce traité.
C’est donc ce que signifie le verset « Zevouloun occupera le littoral des mers », il y a deux mers (le mot « yamim » est formé de deux fois le mot « yam »), la mer sur laquelle on vogue pour faire du commerce, et la mer spirituelle, la mer du Talmud, du fait qu’il soutient Issakhar et mérite ainsi le monde à venir.
« Donc soyez sans crainte, j’aurai soin de vous et de vos enfants, et il les consola et parla à leur cœur. » (50, 21)
Que viennent faire là ces promesses de Yossef à ses frères ?
Rabbi Chelomo Bloch zatsal l’explique d’après une histoire connue sur Rabbi Israël Salanter. Un juif voyageait avec lui en train sans le reconnaître, et il s’est conduit envers lui de façon méprisante. Lorsqu’ils sont arrivés à destination, cet homme a découvert que c’était le saint d’Israël, et il l’a supplié de le pardonner.
Rabbi Israël non seulement l’a pardonné immédiatement, mais il s’est aussi intéressé à lui, lui a demandé pourquoi il venait dans cette ville, et s’est efforcé de l’aider de tout son pouvoir, pour faire sortir de son cœur toute crainte de ne pas avoir été pardonné.
De même Yossef, lorsque ses frères l’ont supplié de les pardonner de l’avoir vendu, a voulu ôter tout doute de leur cœur et leur prouver qu’il les pardonnait de tout cœur, c’est pourquoi il leur a promis immédiatement que désormais et à jamais il veillerait sur eux, et il a continué à les consoler et à leur parler au cœur.
La vie dans la paracha
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Israël vit les fils de Yossef et dit : qui sont ceux-là ? » (48, 8)
C’est difficile à comprendre : ils étudiaient la Torah avec lui depuis 17 ans, comment peut-il demander qui ils sont ?
Nos Sages ont dit (Tan’houma Vayé’hi 6) qu’il a vu en eux par prophétie que sortiraient d’eux des impies. C’est une interprétation midrachique, mais il faut aussi expliquer le sens direct du verset. Le verset nous révèle que la vue de Ya'akov avait baissé à cause de sa vieillesse et qu’il ne pouvait plus voir et reconnaître. Il voyait deux personnes qui se tenaient devant lui, en plus de Yossef avec qui il parlait et qu’il connaissait, parce qu’on lui avait dit « voici ton fils Yossef », comme il est écrit plus haut (verset 2), mais il n’a pas reconnu les enfants, c’est pourquoi il demande « qui sont ceux-là ? »
Il est encore possible que Ya'akov ait voulu éveiller l’amour d’un père pour son fils avant de les bénir, pour que la bénédiction soit remplie d’amour et d’affection, c’est pourquoi il a demandé qui ils étaient, pour entendre de la bouche de son fils « ce sont mes fils », et que cela éveille sa tendresse pour eux. C’est ce qu’évoque le verset « Plus j'en parle, plus je veux me souvenir de lui. Oh! oui, mes entrailles se sont émues en sa faveur, il faut que je le prenne en pitié. » (Yirmiyah 31, 19)
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
L’homme, formé par la main de D., est comme un merveilleux instrument. De nombreuses forces agissent en lui et le poussent à agir, à faire certaines choses. D’un autre côté, le Saint, béni soit-Il a implanté en lui une force de frein, c’est ce qui l’empêche d’agir en cas de besoin.
Prenons par exemple la voiture. Toute voiture possède des freins. Pourquoi ? Naturellement, pour arrêter et freiner la voiture quand c’est nécessaire. Le moteur active les roues et les pousse vers l’avant, au loin, mais ce sont les freins qui sont capables d’arrêter une voiture emballée.
Voici ce que nos Sages enseignent dans la Guemara (‘Houlin 89a) : « Rabbi Ilaa a dit : le monde ne subsiste que pour celui qui se contient pendant une querelle, ainsi qu’il est dit : Il suspend la terre sur « blima » [soit « dans le vide », soit ici : « sur le freinage »]. »
Le monde entier subsiste par le mérite de ceux qui savent quand se taire. Et quand est-ce le moment ? Pendant une querelle ! Au moment d’une querelle les gens se sont pas disposés à se taire, et le résultat est que la colère domine l’homme.
Le Rav Chemouël Pin’hassi chelita soulève la question qui s’impose : pourquoi les gens se mettent-ils en colère contre le prochain ?
La réponse terrible, mais véridique, est que c’est le manque de foi qui provoque la colère. Quand on s’adresse à un homme en colère et qu’on lui dit : N’êtes-vous pas un juif croyant ? Il sera bouleversé. Est-ce que parce que je me mets en colère contre quelqu’un qui m’a blessé, qui m’a vexé, qui m’a causé du tort, je ne suis plus considéré comme un juif croyant ? Quel rapport y a-t-il entre les deux ?
Celui qui se met en colère pense que c’est l’autre qui lui a fait du mal, alors qu’en réalité l’autre n’est qu’un envoyé de la providence divine, pour qu’il reçoive un dommage ou une vexation quelconque qu’il a mérité. Et quelle raison y a-t-il de se mettre en colère contre un envoyé ?
Par conséquent, celui qui se met en colère pense que certaines choses sont décidées par les hommes et non par la providence divine, et c’est de l’impiété.
Celui qui s’abstient d’ouvrir la bouche au moment d’une querelle vit et proclame le sentiment que la volonté de Hachem est ce qui gouverne le monde, c’est pourquoi sa réaction sera dans ces cas-là un silence total, car c’est là la volonté de Hachem.
Dans notre langue sainte, le mot s’appelle « teva », qui signifie aussi « boite ». De même qu’une boite a quatre parois qui la ferment, mais aussi une ouverture en cas de besoin, de même le mot ne se prononce pas tellement vite, parce qu’il est entouré de parois, qui sont les lèvres et les dents. Lorsque l’homme décide que le moment est venu de parler, la porte s’ouvre et le mot est prononcé. Quand il vaut mieux se taire, le mot ressemble de nouveau à une « teva », qui désigne aussi l’arche de Noa’h. De même que celle-ci l’a protégé et préservé du déluge, celui qui adopte la conduite du silence est protégé par son silence. Les mots qui n’ont pas été prononcés, malgré le puissant désir de l’homme de les dire, ne fût-ce que pour répliquer aux insultes, deviennent comme autant de « tevot », d’arches qui le protègent et le gardent de toute maladie matérielle ou spirituelle.
Se taire, et aussi écouter
Parfois éclate dans un foyer juif un feu qui lui est étranger, une dissension à propos de choses sans importance, et toute dispute qui éclate ne se produit qu’à cause d’un manque de réflexion et d’attention aux arguments et aux besoins de l’autre.
Si les conjoints prenaient un court moment pour réfléchir et s’efforçaient de se demander comment améliorer l’atmosphère, on n’en arriverait pas là, et on serait conscient que ce feu n’a aucune réelle raison d’être.
Par exemple, il arrive souvent que l’un des conjoints a une critique à faire à l’autre à propos de quelque chose, mais peut-être que cette chose-là n’est pas tellement capitale pour celui qui se trouve critiqué, alors qu’elle l’est pour celui qui critique. Dans un cas comme cela, il suffit qu’il soit possible à celui qui critique d’exprimer son opposition sans qu’on cherche à l’en empêcher, et ainsi tout s’arrangera.
Le problème est que même les brèves paroles de critique qu’il voulait énoncer, on ne le laisse pas les sortir de la bouche calmement, mais on tente de l’en empêcher et de lui couper la parole.
Celui qui souhaite interrompre rapidement le moment de la critique, écrit le Rav Sim’ha Hacohen chelita dans son livre « Habayit HaYéhoudi », se rendra service en permettant au conjoint de dire tout ce qu’il a sur le cœur sans obstacle, même s’il n’est pas d’accord avec cette critique et estime qu’elle n’a absolument rien à voir avec la réalité, et même si elle l’irrite considérablement.
Quand il se crée à la maison une longue discussion agressive, le conjoint qui est intéressé à améliorer la situation écoutera patiemment les critiques qui lui sont faites, et attendra même un peu sans répondre immédiatement une fois que l’autre a fini ce qu’il avait à dire.
Il se peut que ce dernier ajoute encore quelques phrases à sa critique, puis s’arrête de nouveau, et dise ensuite : « J’ai l’impression d’avoir raison, n’est-ce pas ? J’espère que je ne t’ai pas blessé. » Cela veut dire que lorsqu’on permet à celui qui critique de formuler toutes ses doléances en l’écoutant attentivement, il se détache de sa colère et devient plus détendu. Le silence et l’écoute de l’autre incitent également le premier à écouter la réponse qu’on a à lui opposer.
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Le jour du mariage de son fils, Rabbi Ya’akov Odis a offert au marié un bracelet en or sur lequel était gravé le nom de ce dernier. Le marié s’en est grandement réjoui mais le jour même, il a égaré le bijou. Il est rentré chez lui, triste et malheureux que cela lui arrive le jour de son mariage, quelques heures seulement après avoir reçu le cadeau. Le fiancé n’a pas révélé à son père ce qui s’était produit, mais est allé déposer une plainte à la police.
En même temps, il a promis de donner une importante somme d’argent au bénéfice du tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto, s’il retrouvait son précieux bracelet. Et, miracle : le lendemain du mariage, le jeune époux est retourné à l’endroit où il avait perdu son cadeau la veille et il a trouvé le bracelet déposé à l’endroit précis où il l’avait laissé. Voyant cela, le propriétaire de l’endroit lui a confié :
« Je ne comprends pas. Ce lieu a déjà été nettoyé quatre fois entre hier et aujourd’hui. Nous avons tout jeté mais ‘nos yeux n’ont pas vu’ ce bracelet... »
Est-ce possible ?
Ce n’est que par le mérite du vœu qu’il avait fait en faveur du tsaddik.
(« Chenot ‘Haïm »)