Parachat Pikoudei 12 Mars 2016 ב אדר ב' תשע"ו |
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L'homme est lui-même un Sanctuaire
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Telle est la distribution du Sanctuaire, Sanctuaire du témoignage, comme il fut établi par l’ordre de Moché; tâche confiée aux Lévites, sous la direction d’Itamar, fils d’Aaron le cohen. » (38, 21)
Dans la parachat Pekoudei on trouve tout ce qui concerne le Sanctuaire. Tous les ustensiles qu’il y avait dans le Sanctuaire sont évoqués. Ce sont la menora, la table, les autels etc., ainsi que tout ce qui était nécessaire pour le Sanctuaire. Ces ustensiles étaient là non seulement pour les besoins du Sanctuaire, mais aussi comme une allusion à l’homme d’avoir à servir Hachem avec dévouement, être Son serviteur en pensée et par l’étude de la Torah. Le Sanctuaire s’appelle « la Tente d’assignation » (ohel moed), et la Torah ne se maintient que chez celui qui donne sa vie pour elle « dans la tente » (Berakhot 63b). C’est pourquoi le Sanctuaire porte ce nom, pour insinuer à l’homme d’avoir à se donner entièrement dans la tente de la Torah.
Cela explique pourquoi le Saint, béni soit-Il a donné la Torah aux bnei Israël dans le désert, où Il les a ensuite laissés pendant longtemps. Apparemment, Il aurait pu la leur donner en Erets Israël, ou alors à proximité de leur entrée dans le pays, et dans ce cas pourquoi la leur a-t-Il donnée avant, lorsqu’ils se trouvaient dans le désert ?
L’explication en est que les bnei Israël ont voyagé et campé selon les ordres de Hachem pendant toutes les années qu’ils ont passées dans le désert, et Hachem n’avait certainement pas l’intention de les faire souffrir, mais Il voulait leur enseigner que la Torah ne subsiste que chez celui qui se dévoue entièrement à elle, c’est pourquoi Il leur a donné la Torah, et ensuite ils ont voyagé et campé dans le désert en suivant Ses ordres pendant quarante ans.
Nous pouvons tirer une leçon du dévouement qu’on manifeste pour les besoins de ses affaires : on peut voyager pendant de nombreuses heures dans des pays lointains pour son commerce ; de même, il faut se donner du mal et travailler dur pour mériter la Torah. Pour son travail, on peut se lever tôt le matin et travailler de nombreuses heures, mais quand on en arrive à l’étude de la Torah, on est tout de suite fatigué, ce qui prouve qu’on aime l’argent plus que la Torah. C’est pourquoi nous devons vérifier en nous-mêmes si nous nous donnons autant de mal pour l’étude de la Torah que pour gagner de l’argent.
Le roi David a dit : « Mon âme aspire et désire ardemment les parvis de Hachem » (Téhilim 84, 3). Que signifie « aspire et désire ardemment » ? On peut expliquer que c’est une allusion, car le mot « nikhsefa » (aspire) évoque le mot « kessef » (argent). Le roi David dit que l’argent est désiré ardemment, mais que tout son amour va uniquement à la Torah et non à l’argent.
Un jour quelqu’un est venu me trouver pour me demander comment il pourrait savoir s’il aimait Hachem. Je lui ai demandé ce qu’il ferait si son fils se mettait à pleurer au milieu de la nuit, cet homme m’a répondu : je me lèverais immédiatement pour voir ce qu’il veut, s’il a faim je lui donnerais à manger, etc. Je lui ai encore demandé : et si au bout de quelques minutes il pleure à nouveau ? Il a repris : je me lèverais de nouveau pour voir ce qu’il lui faut. Je lui ai dit : dans ce cas, vous avez un point de comparaison. Vous aimez votre enfant et vous êtes prêt à vous lever pour lui de nombreuses fois au milieu de la nuit. Est-ce que vous feriez cela aussi pour étudier la Torah ? C’est cela le point de comparaison. Quelqu’un qui est prêt à se dévouer de cette façon pour l’étude de la Torah, c’est un signe qu’il aime vraiment D. et Sa Torah.
Le Saint, béni soit-Il a voulu que les bnei Israël construisent un Sanctuaire, qui est la tente d’assignation dans le désert, et Il n’a pas attendu qu’ils entrent en Erets Israël pour construire le Temple. Apparemment, pourquoi n’a-t-Il pas voulu attendre un peu jusqu’à l’entrée des bnei Israël en Erets Israël ? Alors ils auraient construit le Temple dès le début en terre sainte ! D’autant plus qu’il y a beaucoup de mitsvot qui dépendent du pays, donc apparemment il aurait mieux valu attendre l’entrée dans le pays pour avoir l’obligation de toutes les mitsvot, et alors construire le Temple.
On peut l’expliquer de la façon suivante. Le Sanctuaire s’appelle la « tente d’assignation », et Hachem a voulu que l’homme soit comme une tente d’assignation. Que signifie « tente d’assignation » (ohel moed) ? Le mot « moed » a deux significations. D’une part, cela désigne une fête, et d’autre part cela fait partie de l’expression « moed lekhol ‘haï » (destination de tout être vivant), c’est-à-dire que cela rappelle la mort de chacun. Je me souviens qu’au Maroc, il était écrit à l’entrée du cimetière « moed lekhol ‘haï », et j’ai pensé expliquer de cette façon que la véritable fête est la mort, parce que tant qu’on est en vie on peut fauter, comme le disent les Sages (Pirkei Avot 2, 4) : « Ne crois pas en toi-même jusqu’au jour de ta mort. » Lorsque quelqu’un est mort, il ne peut plus fauter, et si au cours de sa vie il a accompli la Torah et les mitsvot, le jour de la mort est pour lui une fête. Par conséquent la tente d’assignation rappelle à chacun que s’il désire que la fin de sa vie soit un « moed », une fête, il doit accomplir la Torah et les mitsvot pendant sa vie et se donner entièrement dans la tente de la Torah. Alors lorsqu’il mourra, il méritera que ce soit une fête. C’est pourquoi Hachem a voulu que les bnei Israël aient le Sanctuaire, qui est un « ohel moed », une tente d’assignation, dès leur séjour dans le désert, pour leur rappeler qu’on doit se dévouer totalement dans la tente de la Torah, et ainsi le jour de la mort sera une fête.
Un jour, alors que j’étais à Paris, un couple est venu me trouver pour me dire qu’ils désiraient divorcer. Malheureusement, de nos jours cela arrive souvent même dans le milieu des bnei Torah. J’ai demandé à la femme pourquoi elle voulait divorcer. Elle m’a dit que c’était parce que son mari voulait faire entrer dans la maison des choses qui ne convenaient pas selon l’opinion de la Torah. J’ai demandé à son mari quoi par exemple, et il n’a pas voulu me le dire. La femme insistait que c’était son mari qui allait contre ce que sa mère à elle lui avait enseigné et contre la volonté de la Torah. Donc, à cause de nos nombreuses fautes, il y a des gens qui ne veulent pas vivre en accord avec les décisions de la Torah, parce qu’ils ont l’amour des vanités de ce monde plus que celui de la Torah, et ils proclament à l’extérieur qu’ils aiment Hachem.
Nous avons commencé par la tente d’assignation, et nous allons continuer à expliquer que c’est une allusion à l’homme, car s’il veut que la Torah subsiste en lui, il doit s’exiler vers un lieu de Torah et faire de lui-même une tente, que l’on monte et qu’on démonte à chaque fois pour s’exiler avec elle d’un endroit à l’autre. Il est interdit à l’homme de se fixer en un seul endroit et dans une seule opinion sans se donner du mal pour la Torah.
SUR LA PENTE ASCENDANTE
Une petite action – un immense dommage
Des histoires sur la Providence divine qui existent dans le monde entier obligent l’homme à reconnaître que le monde est guidé à chaque instant par un dirigeant.
Le Roch Yéchiva de Slobodka en Israël m’a fait part d’une histoire extraordinaire de ce genre, qui m’a considérablement renforcé dans la confiance en D. et en Sa providence individuelle sur le monde.
Un juif talmid ‘hakham de Bnei Brak avait passé toute sa vie à étudier la Torah. Sa femme, pour l’aider dans son étude, dirigeait seule tout ce qui concernait la vie quotidienne, ainsi que tous les problèmes financiers et techniques en rapport avec la bonne marche du foyer.
Un jour, elle devait encaisser à la banque un chèque très important, mais elle n’avait pas la possibilité de le faire seule. N’ayant pas le choix, elle a demandé à son mari de venir à la banque pour y encaisser ce chèque à sa place.
Le mari dévoué fit ce qu’elle lui demandait. Quand arriva son tour et qu’il se trouva devant l’employé de la banque, celui-ci le regarda, puis lui demanda son nom, et en fin de compte s’enquit si son pays d’origine était l’Angleterre.
L’homme, qui était un avrekh talmid ‘hakham, fut très surpris de ce que l’employé de la banque connaisse son pays d’origine. Sa surprise s’accrut lorsqu’il lui demanda de plus si dans sa jeunesse il avait étudié dans telle yéchiva.
Lorsqu’il répondit affirmativement, l’employé lui demanda s’il se souvenait de lui de l’époque où ils étaient à la yéchiva.
La vérité est que le juif ne reconnaissait pas l’employé et ne se souvenait pas du tout de lui de l’époque de la yéchiva, et quand il répondit négativement, l’employé se mit à se confesser :
« A chaque Yom Kippour, quand je demande à D. de pardonner à tous ceux qui ont fauté contre moi, j’ajoute que je pardonne à tous, sauf à toi !
Il y a une trentaine d’années, quand j’étais jeune, mes parents m’avaient envoyé étudier en Angleterre dans la même yéchiva que toi.
La première fois où je suis entré au réfectoire, peu de temps après mon arrivée, j’ai cherché une chaise libre à côté d’une des tables, et j’en ai aperçu une à la table où tu étais assis. Mais quand je me suis approché pour m’asseoir, tu m’as dit que d’autres garçons étaient déjà installés à cette table, et que j’aille chercher un endroit libre ailleurs.
Je n’ai pas trouvé d’autre endroit, et cela étant, j’ai quitté la yéchiva une heure seulement après y être arrivé ! Et depuis, je n’y suis plus retourné et je ne me suis plus jamais assis devant une page de Guemara.
Aujourd’hui, tout se résume pour moi à un travail d’employé de banque, alors que toi tu as mérité de grandir et de devenir un talmid ‘hakham. C’est la raison pour laquelle je ne t’ai pas pardonné depuis trente ans. »
Puis il se tut.
Lorsque le juif de Bnei Brak entendit cela, il éclata en sanglots et demanda pardon à l’employé de cet acte terrible qu’il avait commis dans sa jeunesse, et les deux se mirent à pleurer sur le passé, jusqu’à ce qu’en fin de compte l’employé lui pardonne.
Le Roch Yéchiva de Slobodka ajouta que lorsqu’il avait entendu cette histoire terrible, il avait vérifié qui était l’avrekh, et s’était rendu chez lui pour s’assurer auprès de lui que l’histoire était authentique.
Quand il avait entendu qu’elle l’était effectivement, il avait encouragé l’avrekh en lui disant que c’était justement le mérite de la Torah qu’il avait étudiée qui avait provoqué qu’il doive interrompre son étude pour aller à la banque, car c’est une chose qui ne lui était pas du tout habituelle, ceci pour qu’il rencontre l’employé et mérite son pardon total.
En cette occasion, l’avrekh ajouta encore à l’histoire de la providence en disant que lorsqu’il était rentré chez lui et avait tout raconté à sa femme, elle avait eu du mal à le croire, et elle était allée elle-même vérifier à la banque auprès de cet employé.
A la banque, le directeur lui avait dit : « Ce monsieur ne travaille pas régulièrement chez nous, mais dans une succursale de Tel-Aviv. Comme il nous manquait quelqu’un le jour où votre mari est arrivé à la banque, nous avons demandé à la direction centrale de nous envoyer un employé pour prendre sa place. Celui dont vous parlez est arrivé pour ne travailler chez nous à Bnei Brak qu’un seul jour. »
Ce témoignage du directeur met encore plus en valeur l’action de la providence.
C’est justement à l’heure où l’avrekh est arrivé à la banque, endroit où il ne mettait jamais les pieds, de façon tout à fait exceptionnelle, que justement ce jour-là Hachem a fait qu’un employé soit absent à cette succursale de Bnei Brak, et que de toutes les centaines d’employés de cette banque dans le pays, ce soit justement celui-là qui soit envoyé sur place, pour que les deux puissent se rencontrer et se réconcilier et qu’on en arrive à un pardon total. C’est la main de la providence qui se montre de façon tout à fait évidente.
GARDE TA LANGUE
Celui qui s’attache à un groupe d’oisifs qui disent du lachon hara, écoutent ou racontent du lachon hara, transgresse la mitsva positive de « tu t’attacheras à Lui », ce qui est un ordre d’avoir à s’attacher aux talmidei ‘hakhamim, et non aux habitués du lachon hara.
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
« Telle est la distribution du Sanctuaire, Sanctuaire du témoignage, comme il fut établi par l’ordre de Moché; tâche confiée aux Lévites, sous la direction d’Itamar, fils d’Aaron le cohen. » (38, 21)
Les Sages ont dit (Tan’houma Pekoudei 7) que quand on a compté les offrandes, on a trouvé qu’il manquait un petit peu de tout ce qui avait été offert, et les bnei Israël ont immédiatement suspecté Moché d’avoir volé, jusqu’à ce qu’ils comptent de nouveau sous les instructions de Moché et s’aperçoivent qu’ils s’étaient trompés la première fois, parce qu’ils n’avaient pas compté les crochets.
Or c’est difficile à comprendre. Comment les bnei Israël ont-ils pu soupçonner Moché, qui les a fait sortir d’Egypte, leur a fait descendre du Ciel la manne et les cailles, les a conduits dans le désert et a été l’envoyé de Hachem pour leur donner la Torah, d’avoir porté la main sur l’argent des offrandes, surtout que Moché était riche, ainsi qu’il est écrit (Chemot 34, 1) : « Taille pour toi », pour toi, pour que tu t’enrichisses [des débris de la taille des Tables] (voir Chemot Rabba 46, 2). D’ailleurs, au moment du pillage de l’Egypte, Moché n’a rien pris et a laissé l’argent pour aller s’occuper des ossements de Yossef (Sota 13a). Alors comment était-il possible de le soupçonner ?
Il semble que ce soit le résultat d’une intervention du Satan, qui a essayé de toutes ses forces de faire échouer la pureté de la construction du Sanctuaire, parce qu’il avait très peur qu’on érige le Sanctuaire, où tout pécheur pourrait apporter un sacrifice en expiation, et où, à Yom Kippour, il serait pardonné à tout le peuple d’Israël.
Alors, la « kelipa » y perdrait beaucoup, c’est pourquoi le Satan a fait rentrer un esprit d’impureté qui s’est étendu au monde depuis la faute du Veau d’Or, et bien que Hachem ait pardonné cette faute à Israël, la trace en restait. Le Satan a fait rentrer cet esprit d’impureté dans le cœur des bnei Israël au moment de la construction du Sanctuaire, à tel point qu’ils ont soupçonné Moché. Il pensait que peut-être de cette façon ils allaient le contester, alors au lieu que la Chekhina descende sur le Sanctuaire, le Saint béni soit-Il punirait les bnei Israël. Il a fallu que Hachem rappelle à Moché de compter les crochets, alors les bnei Israël ont compris combien la faute du Veau d’Or les avait affectés, au point que maintenant ils avaient osé soupçonner le tsadik.
A LA SOURCE
« La table avec toutes ses pièces et le pain de proposition » (39, 36).
Apparemment c’est difficile à comprendre : le travail pour le Sanctuaire s’est terminé à ‘Hanouka, alors que le Sanctuaire n’a été érigé que trois mois plus tard à peu près, à Roch ‘Hodech Nissan, si bien que le pain de proposition s’était certainement abîmé entre temps.
Le Netsiv de Volojine zatsal a expliqué qu’étant donné que la cuisson des pains de proposition était un art très particulier, comme on le sait, Betsalel avait dû pour le moment ne faire qu’une représentation du pain de proposition, mais sur la table il n’y avait que le pain qui avait été cuit en Nissan.
A la lumière de cette explication, on comprend l’enseignement de la Guemara (Chabbat) selon lequel dans la construction du Temple il n’y avait pas de travail impliquant la cuisson au four mais seulement la cuisson à l’eau, dans la préparation des ingrédients de l’encens. Ce qui étonne, puisqu’il y avait la cuisson au four des pains de proposition ! Mais contrairement aux autres travaux, qui étaient utilisés véritablement pour la fabrication du Sanctuaire et de ses ustensiles, ce travail-là n’était intervenu que pour faire une représentation, le pain qui était destiné à être placé sur la table n’ayant été cuit qu’en Nissan.
« Il en posa les socles, en planta les solives et en fixa les traverses » (40, 18).
Le livre « Marbitsei Torah MeOlam Ha’Hassidout » rapporte une idée merveilleuse au nom de Rabbi Moché Midner zatsal.
Dans tous les ustensiles du Sanctuaire et l’œuvre des mains de Moché, nous trouvons que la Torah rapporte l’acte même, « il posa ». Ce n’est que pour les Tables de la loi qu’on trouve une double expression. Il est d’abord dit « Vayika’h » (il prit), et ensuite « vayiten » (ici « il posa », mais qui peut aussi signifier « il donna »).
Il y a à une grande allusion pour nous : en ce qui concerne les paroles de Torah [qui ont leur source dans les Tables de la loi], on doit « prendre », et une fois qu’on a pris pour soi-même la Torah, on doit la « donner » à d’autres. On doit recevoir puis transmettre, sans se contenter de prendre pour soi et de garder la Torah à l’intérieur de son cœur, mais il faut faire profiter les autres de sa sagesse.
« Car la nuée de Hachem était sur le Sanctuaire le jour et un feu y était la nuit » (40, 38).
Le gaon Rabbi Yéhouda Tsadka zatsal, Roch Yéchiva de Porat Yossef, explique dans son livre « Kol Yéhouda » que le talmid ‘hakham, qui représente un « Sanctuaire », doit adopter ces deux qualités qu’il y avait dans le Sanctuaire : la nuée et le feu.
La nuée – représente l’humilité. Le talmid ‘hakham doit toujours être réservé et humble, et couvert comme la nuée.
Le feu – représente le fait que parfois, le talmid ‘hakham doit être comme un feu, pour veiller à protéger la religion.
LA VIE DANS LA PARACHA
A partir de l’enseignement de Rabbeinou ‘Haïm ben Attar
« Les bnei Israël firent tout ce que Hachem avait ordonné à Moché » (39, 32).
Bien que ce soient seulement Betsalel et les Sages de cœur qui aient fait, le délégué de quelqu’un a le même statut que lui (Berakhot 34b), et c’est comme si tout le peuple d’Israël avait fait. Bien que nous ne trouvions pas que Betsalel ait fait autre chose que la parole de Hachem, sans que ce soient eux qui l’aient délégué, ils ont été d’accord pour que ce soit lui. De plus, ici le verset établit une généralisation dans l’accomplissement de la Torah, à savoir que tous les bnei Israël profiteraient les uns des autres. La Torah a été donnée pour être accomplie par la totalité des bnei Israël, et pour que chacun fasse selon ses possibilités et qu’ils profitent les uns des autres.
Peut-être y a-t-il une allusion à cela dans le verset (Vayikra 19, 18) « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », ce qui signifie que parce qu’il est comme toi-même, s’il est heureux cela te profitera, et grâce à lui tu complètes ce qui te manque. Il n’est donc pas quelqu’un d’autre mais toi-même, comme faisant partie de toi.
Cela représente pour nous une satisfaction, car Hachem a donné 613 mitsvot, et il est impossible que quelqu’un puisse les accomplir toutes. Ainsi il y a des cohanim, des léviïm, de simples juifs, des femmes ; les cohanim ont des mitsvot positives que n’ont pas les autres bnei Israël, et inversement ; il en va de même des léviïm et de même des femmes, donc l’individu n’a aucune possibilité d’accomplir le perfectionnement de ses 248 membres et 365 nerfs. Mais la Torah doit être accomplie par l’union de tous, et c’est ce qui est dit dans le verset « Les bnei Israël firent tout ce que Hachem avait ordonné à Moché. » Il attribue à chacun les actes de tous, et bien qu’ils aient seulement apporté les offrandes qui ont permis de faire le travail, il est attribué à tout le monde de l’avoir fait.
Cet enseignement est juxtaposé au passage sur les vêtements du grand prêtre, fabriqués par quelques individus seulement, pour indiquer qu’il est attribué à tous les bnei Israël de les avoir faits, sans aucune différence. Ainsi, chacun a apporté les treize sortes d’offrandes, et a fait tout le travail dont il a été question.
LES CHEMINS DE LA FOI
Etudes sur la droiture dans les midot
Au « Talmud Torah » de Kelem, le Saba de Kelem, le gaon Rabbi Sim’ha Zissel zatsal, a développé l’attention au respect de l’autre dans les actes. Il accordait une attention toute particulière à l’aide à apporter à autrui. Il a prouvé qu’il était impossible de ressentir la peine de l’autre et de partager ses difficultés à moins de se représenter ce qui se passait en lui comme si cela nous arrivait à nous-mêmes, et ce qu’on aurait demandé dans ce cas-là à l’autre de faire pour nous, ou tout au moins de participer, c’est cela qu’on doit faire pour l’autre.
Ce comportement a accompagné les disciples pendant de nombreuses années, comme il ressort des lignes suivantes :
Son gendre le gaon Rabbi Tsvi Broïda zatsal a souffert pendant des années de violents maux de tête, et un jour il a confié à l’un de ses proches que n’importe quel coup frappé résonnait comme un coup de marteau dans sa tête, mais il lui a demandé de ne le révéler à personne. Même lorsqu’il se trouvait avec des enfants qui jouaient, et qu’il sentait que le bruit le faisait souffrir, il ne permettait pas qu’on les fasse taire, disant : ce n’est pas de leur faute si j’ai mal à la tête.
On apprenait à Kelem qu’un bienfait consistait à libérer dans son cœur une place pour l’autre, ce qui représente la perfection de l’aide apportée au prochain. Sur le tsaddik Rabbi Yitz’hak Katz zatsal, on raconte que tous les jours pendant un certain temps il allait demander des nouvelles d’une connaissance qui était malade. Aujourd’hui, quand un ami ne paraît pas pendant plusieurs jours au beit hamidrach ou à son lieu de travail, on lui dit ensuite « je voulais te téléphoner pour prendre de tes nouvelles… »
L’un des disciples de Kelem était le gaon Rabbi Eliahou Dov Leizerovitch zatsal, qui dans sa vieillesse a habité Tel-Aviv. Pendant la guerre, il soupirait la nuit avant d’aller se coucher : comment pourrait-il dormir tranquillement dans un lit chaud et propre alors que les soldats se trouvaient dans l’obscurité, la peur et le danger…
Pendant la guerre de Kippour, le gaon et tsaddik Rabbi ‘Haïm Walkin chelita a raconté que le gaon Rabbi ‘Haïm Schmuelewitz zatsal était entré dans le hall de la yéchiva de Mir pour demander : « Garçons, vous dormez la nuit ? Vous dormez bien la nuit ? Vous savez combien de mères ne dorment pas la nuit parce que leur fils se trouve au front, comment pouvez-vous dormir tranquillement ? Où est votre participation à la peine de l’autre ? Où est votre souci de ses malheurs ? »
Un autre émule de Kelem était Rabbi Yérou’ham zatsal. Il a un jour évoqué la Guemara dans Berakhot qui enseigne que celui qui trouve dans son vêtement un mélange interdit doit l’enlever, même dans la rue. Apparemment, qu’est-ce que cela vient nous apprendre de nouveau, en quoi est-ce différent de toute autre interdiction qu’on ne doit pas transgresser ? C’est que sans ce décret, il aurait fallu rester avec ses vêtements à cause du respect de la personne, car « le respect des personnes est le point le plus élevé, et quand on lui porte atteinte, cela repousse la Torah. Mais les Sages se sont appuyés sur le décret de l’Ecriture. »
Dans l’un de ses cours, il raconte qu’il était arrivé une catastrophe à un juif villageois qui avait été frappé par la foudre chez lui et était mort. Chez le Saba de Kelem, on connaissait cet homme, et Rabbi Na’houm Velvele zatsal a dit que celui qui n’était pas bouleversé et désolé de cet accident aurait certainement pu aussi tuer le villageois de ses propres mains !
Dans un autre cours, il a raconté que quelqu’un lui avait demandé s’il saurait dire combien de fois il se retournait dans son lit la nuit avant de s’endormir. Rabbi Yérouh’am s’était étonné de cette question bizarre. L’homme lui avait raconté qu’il avait rendu visite à un malade et avait vu qu’il ne pouvait pas se retourner tout seul dans son lit.
Rabbi Yérou’ham a appris de là une grande leçon. Si quelqu’un veut imaginer la peine d’un malade qui ne peut pas se retourner dans son lit, qu’il réfléchisse à combien de fois il se retourne avant de s’endormir, et s’imagine qu’il est ce malade qui veut se retourner et ne le peut pas, alors il pourra partager son malheur. « Et cette qualité est à la base de toutes les mitsvot concernant les rapports des hommes entre eux. »
HOMMES DE FOI
Histoires des justes de la famille Pinto
Le tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto avait deux amis, des talmidei ‘hakhamim qui étaient très pieux. Les deux faisaient du commerce, et réussissaient dans leur travail.
Une certaine année, il y eut une grosse récolte d’amandes, et les deux commerçants en acquirent une grande quantité, pour les revendre ensuite à Londres. Mais malheureusement, ce jour-là ils reçurent une lettre de Londres où il était dit que les amandes n’étaient pas mangeables, et qu’ils étaient passibles de la prison. De plus, il était impossible de négocier avec les compagnies qui leur avaient acheté les amandes.
Le tsaddik écouta et leur dit : « Ne vous en faites pas. D’abord, écrivez-leur que les amandes n’étaient pas à interdire, elles étaient très bonnes pour le commerce, bonnes et saines pour le corps. » Puis il leur prescrivit : « Entre temps, conservez les amandes chez vous, jusqu’à ce que je vous dise quand il faudra les vendre. »
Au bout de trois mois se fit tout à coup une grande demande d’amandes. Le prix des amandes grimpa considérablement, jusqu’à un prix qu’on n’avait jamais connu jusque là. Alors, les deux juifs allèrent chez le tsaddik pour lui demander comment il fallait se conduire à présent. Il leur répondit : « Si le gain est très grand, vous pouvez vendre les amandes. »
« Rabbeinou, le bénéfice est actuellement absolument considérable », dirent-ils radieux. « Dans ce cas, leur enjoignit le tsaddik, écrivez de nouveau que les amandes sont excellentes et ne sont pas à interdire. » Ils se conformèrent aux paroles du Rav, reçurent pour leur marchandise une somme d’argent énorme et firent une petite fortune. C’est la force du tsaddik : ce qu’il dit s’accomplit pleinement, par le pouvoir de sa sainteté.
[Cheva’h ‘Haïm]