Parachat Vayikra - Zakhor 19 Mars 2016 ט אדר ב' תשע"ו |
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L’essence du sacrifice
Rabbi David Hanania Pinto
« L’Eternel appela Moché et lui parla, de la Tente d’assignation, en ces termes : Parle aux enfants d’Israël et dis leur : Si quelqu’un d’entre vous veut présenter au Seigneur une offrande de bétail, c’est dans le gros ou le menu bétail que vous pourrez choisir votre offrande. » (Vayikra 1:1-2)
Il est écrit : « Si quelqu’un d’entre vous veut présenter une offrande », et les commentateurs (Ramban sur Vayikra 1:9) d’expliquer que le mot korban – offrande – a toujours le sens de hakrava – sacrifice de soi. En d’autres termes, ce verset nous enseigne que le fait d’apporter des sacrifices éduque l’homme à se dévouer et se sacrifier pour son Créateur. C’est la raison pour laquelle nous avons la coutume, lorsque nous initions les enfants à la Torah, de débuter par les sections traitant des sacrifices (Tan’houma Tsav 14), afin de les éduquer, dès leur plus jeune âge, à la vertu du dévouement.
Si l’on réveille un enfant en train de dormir profondément pour le faire participer à une excursion fascinante ou en lui promettant une sucrerie alléchante, il est certain qu’il sera prêt, sans la moindre hésitation, à renoncer à son sommeil afin d’obtenir ces récompenses. Cet exemple illustre la tendance innée, ancrée dans le cœur des enfants, à se dévouer pour ce qui leur est cher. Aussi, nos Sages, de mémoire bénie, nous ont-ils recommandé d’utiliser cette vertu pour des causes sacrées – comme le raffermissement de notre lien avec l’Eternel – en enseignant à l’enfant le sujet des sacrifices, de sorte à l’habituer au plus tôt à se dévouer pour son Créateur.
Or, plus un enfant est jeune, plus il est aisé de modeler sa personnalité. Ceci est comparable à une tendre pousse qu’on peut aisément faire pousser dans un sens ou dans l’autre à l’aide d’un tuteur, intervention qui n’est plus possible une fois qu’elle s’est transformée en un tronc solide, dont les racines, fermement implantées dans la terre, ont déjà déterminé le sens de la pousse. C’est pourquoi, nos Maîtres nous ont enjoint, dans leur vaste sagesse, de profiter de la période de l’enfance pour enseigner le sujet des sacrifices aux plus jeunes afin d’ancrer en eux le concept du dévouement, qui ne représente pas moins que la pierre angulaire du Judaïsme.
Personnellement, je me souviens que lorsque nous étions de jeunes enfants, nous attendions impatiemment la période des seli’hot, afin de pouvoir nous lever de bonne heure le matin pour nous joindre à la prière des adultes, à la synagogue. De même, nous considérions Hochana Rabba comme une grande fête, parce que nous y ressentions une joie mêlée de fierté de veiller durant toute cette nuit pour étudier « comme les grands » à la synagogue. Cet exemple confirme une fois de plus le principe évoqué précédemment, à savoir que les enfants possèdent une tendance innée à se dévouer pour ce qui leur est cher, au point qu’ils sont prêts à renoncer au sommeil pour atteindre le but désiré. D’où l’intérêt majeur d’introduire leur étude de la Torah par les sections relatives aux sacrifices, de sorte à orienter cette faculté naturelle de dévouement vers un but divin.
Il y a lieu de s’interroger sur la raison des sacrifices que le Saint béni soit-Il demanda au peuple juif de Lui apporter. Le Rambam explique que, étant donné que les enfants d’Israël avaient subi durant de nombreuses années le joug de l’esclavage égyptien, l’influence de l’idolâtrie du bétail, pratiquée par ce peuple, subsistait encore en eux, et ce, en dépit de leur volonté sincère de suivre l’Eternel et d’accepter Sa Torah. C’est pourquoi l’Eternel ordonna à Ses enfants de prendre un agneau, animal adoré par les Egyptiens, de l’attacher pendant quatre jours au pied de leur lit, puis de l’abattre, le griller et le consommer par groupes, de sorte qu’en accomplissant cet acte de sacrifice, ils puissent simultanément déraciner d’eux toute empreinte du culte égyptien.
Désormais, nous comprenons pourquoi le Créateur a ordonné à Ses enfants de Lui apporter des sacrifices de menu et gros bétail : Il désirait ainsi leur signifier que ces animaux, adorés en Egypte, ne détenaient pas le moindre caractère divin et demeuraient totalement incapables de secourir l’homme. Lorsqu’un malheur frappait les Egyptiens, ils avaient l’habitude de se tourner vers leurs bêtes pour les supplier de leur venir en aide, et le spectacle répété de ces scènes sur des centaines d’années influença les enfants d’Israël. D’où l’ordre divin qui leur fut donné de sacrifier ces animaux afin qu’ils réalisent, de manière pertinente et incontestable, que les divinités égyptiennes ne détiennent aucun pouvoir et que seul l’Eternel est en mesure de tirer l’homme de toute situation difficile.
Il existe de nombreuses personnes qui ont foi dans deux réalités incompatibles en parallèle, et c’est la raison pour laquelle le Maître du monde a ordonné aux enfants d’Israël de sacrifier l’animal adoré par les Egyptiens, afin qu’ils retirent de leur cœur tout relent d’attrait pour ce culte. La foi qu’ils Lui avaient témoignée, en acceptant de plein cœur de Le suivre, ne suffisait effectivement pas au Saint béni soit-Il, qui craignait encore que ne subsiste en eux une empreinte de ce culte, qu’il était cette fois impératif de déraciner de manière radicale.
Nous retrouvons une idée analogue dans le commentaire du Ramban (Vayikra 1:9), qui explique que lorsqu’un homme commet un péché devant le Seigneur, alors qu’il sait pertinemment que cet acte est interdit, il prouve ainsi que son être est affligé d’une mauvaise racine, qu’il se doit d’arracher. Illustrons ceci par l’exemple suivant : lorsque les maux de dents d’un homme sont dus à l’infection d’une racine, l’unique façon de le soulager et de soigner la dent atteinte est de la dévitaliser. En effet, si on ne touchait pas à cette racine, ses maux ne pourraient cesser, et même s’il lui arrivait de ressentir un soulagement provisoire, bien vite, ses douleurs l’accableraient de plus belle, tandis que l’état de sa dent ne ferait qu’empirer de jour en jour. De même, quand un homme a subi de mauvaises influences qui ont laissé en lui une empreinte, il lui appartient, en tout premier lieu, de les déraciner afin d’être sûr de ne pas récidiver dans ce domaine-là.
Eclaircissons davantage cette notion à l’aide d’exemples. Si un individu avait l’habitude de trébucher dans les visions interdites et qu’il désire dorénavant se renforcer dans ce domaine, il doit alors éviter de se rendre dans des lieux de débauche et ôter de sa demeure tous les appareils l’encourageant. Car s’il n’agit pas ainsi et continue, au contraire, à évoluer dans une atmosphère de dévergondage et à s’exposer à des visions immorales, comment pourra-t-il donc préserver ses yeux et ne pas fauter ? C’est ce que soutient le Rambam, lorsqu’il affirme que le fait même d’apporter un sacrifice détenait le pouvoir de déraciner radicalement la source du péché, en l’occurrence l’ascendant des cultes égyptiens.
Alors que dans les générations passées, le mauvais penchant prenait la forme d’une attirance vers l’idolâtrie, de nos jours, il tente de faire trébucher l’homme par la concupiscence et la corruption, travers malheureusement devenus largement dominants. Or, de même qu’à l’époque de la sortie d’Egypte, le Saint béni soit-Il avait enjoint à Son peuple de purifier son cœur de toute trace d’idolâtrie, de même, nous incombe-t-il aujourd’hui d’arracher, de manière radicale, la racine alimentant notre propension à l’immoralité et tout ce qui y a trait.
LA VOIE TRACÉE
Quand il baissait les bras, Amalek l’emportait
Une nuit, avant d’aller me coucher, je voulus jeter un coup d’œil au journal quotidien pour me tenir informé des nouvelles à l’ordre du jour. A cette période, la situation en Israël était très difficile, le monde était secoué par différentes guerres et l’économie mondiale était au plus bas.
Je cherchai à différents endroits de la maison ce journal, sans parvenir à mettre la main dessus. Finalement, je pris un livre de kodech et me mis à étudier un passage avant de dormir.
Le lendemain, à mon lever, j’aperçus aussitôt le journal, posé bien en vue parmi mes affaires. Comment était-il possible qu’il m’ait échappé la veille au soir ?
Tout bien réfléchi, j’en conclus que le Créateur voulait que j’aille me coucher avec des pensées relevant de la sainteté, afin que celles-ci m’accompagnent ensuite le lendemain. C’est pourquoi Il avait dirigé les évènements de telle sorte que je ne m’imprègne pas, avant de dormir, de futilités.
Il m’est souvent arrivé, pendant plusieurs semaines d’affilée, de ne pas lire un seul journal – pas même les gros titres – et d’être complètement déconnecté de l’actualité. Quand je m’informais alors auprès d’un proche des derniers développements, sa réponse était souvent, invariablement : « Grâce à D.ieu, tout va bien. »
Cette réponse fréquente me mena à la conclusion que, lorsqu’on se consacre à la Torah et emploie efficacement son temps à l’étudier plutôt que de lire les journaux ou d’écouter la radio, on peut ressentir clairement que la Torah protège et sauve et que nos frères juifs ne souffrent pas de manifestations d’antisémitisme violentes. Au contraire, quand on se détourne de l’étude et qu’on cherche, en semaine comme le Chabbat, à se tenir au courant des grands évènements par les journaux, ils regorgent malheureusement de catastrophes et d’atrocités, qui détournent encore davantage de l’étude.
Même si le but est seulement de s’informer de ce qui touche nos frères juifs et de compatir à leurs problèmes, en lisant le journal, on subit forcément un dommage du fait de toutes les bêtises dont il regorge – médisances, colportages, mensonges, etc. –, outre la perte d’un temps précieux qui aurait pu être consacré à l’étude. En un véritable cercle vicieux, ce déficit en Torah entraîne à son tour mauvais décrets, accidents, instabilité politique et financière à l’échelle planétaire.
Lorsque Moché baissait les bras, Amalek l’emportait : quand la voix de la Torah ne résonne pas avec force, Amalek prend le dessus, a la main haute, le pouvoir d’amener des catastrophes sur notre peuple.
Voyage et élévation
« Dites-moi, Rav, pourquoi ai-je tellement de problèmes matériels et spirituels ? » me demanda un jour un homme se consacrant beaucoup à l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvot.
« Est-ce que vous prenez souvent l’avion ? lui demandai-je.
– Oui, me confirma-t-il, je suis souvent contraint de voyager pour différentes raisons.
– Est-ce que, lors du voyage, vous étudiez la Torah ?
– Non, je n’arrive pas à me concentrer sur l’étude pendant le vol.
– Dans ce cas, que faites-vous pendant ce temps ?
– Je réfléchis à mes affaires, au moyen de les élargir, de qui acheter et quoi acheter, etc.
– C’est drôle que pour vos affaires, vous arriviez à vous concentrer lors du vol, mais pas sur l’étude de la Torah ? Dans la Torah, il est écrit explicitement : “Et tu en parleras lorsque tu seras assis chez toi et lors que tu seras en chemin” (Devarim 6:7). En d’autres termes, même lorsque nous sommes en voyage, nous devons nous consacrer à l’étude de notre sainte Torah, et non pas seulement penser à la matérialité. C’est pour cette raison qu’Essav est venu s’attaquer à Yaakov justement alors qu’il était en chemin, car il est alors difficile de se concentrer sur l’étude. Or, quand l’étude de la Torah s’affaiblit, le pouvoir d’Essav contre Yaakov se renforce. Amalek aussi vint combattre les enfants d’Israël alors qu’ils étaient en route à leur sortie d’Egypte, comme il est dit : “comme il t’a surpris, chemin faisant” (Devarim 25:18). Il les a pris par surprise, alors qu’ils étaient moins en alerte, et a cherché à les faire trébucher, et c’est pourquoi il nous a été demandé de l’anéantir. Lorsqu’un Juif fait des efforts pour se concentrer sur la Torah même en voyage, la pouvoir de Yaakov, celui d’amener la bénédiction sur le monde, se renforce. Dans ce cas, le Satan n’a pas le pouvoir de nuire à l’homme, si bien que tous ses problèmes disparaissent. »
DE LA HAFTARA במה מפטירין
« Chemouel dit un jour (…) » (Chemouel I, chap. 15)
Le lien avec la paracha : au cours de ce Chabbat, qui est Chabbat Zakhor, nous lisons la haftara dans laquelle est évoquée – à l’époque du roi Chaoul – la nécessité d’éradiquer Amalek pour avoir attaqué notre peuple.
CHEMIRAT HALACHONE נצור לשונך
Une honte immense pour l’âme
Sur le verset « Qui garde sa bouche et sa langue garde son âme de bien des tourments », il est écrit, dans le Zohar (Parachat Tazria) : Parce que si ses lèvres et sa langue prononcent de mauvaises paroles, celles-ci montent dans le Ciel et, à leur passage, tous proclament : « Ecartez-vous des mauvaises paroles d’Untel, et laissez la voie libre à la violence du serpent ! » A ce moment, l’âme du médisant le quitte et disparaît sans pouvoir parler, comme il est dit : « Je me suis renfermé dans un mutisme complet, j’ai gardé le silence, en l’absence du bonheur ». Il s’agit de l’âme, qui monte dans la honte et la peine, et à laquelle on ne donne pas la même place qu’avant, d’où la mise en garde : « Qui garde sa bouche et sa langue garde son âme de bien des tourments ».
AU PARFUM DES MINHAGUIM
La coutume est de se déguiser le jour de Pourim, et de masquer son visage de toutes sortes de manières.
Ce minhag trouve sa source dans le célèbre commentaire de nos Sages : « Esther, où apparaît-elle dans la Torah ? Dans le verset “Mais alors même, Je persisterai, Moi, à cacher [haster astir] Ma face”. »
Cette habitude vise également à éviter aux nécessiteux la gêne de demander la tsédaka ouvertement. Déguisés et méconnaissables, ils peuvent solliciter de l’aide sans honte.
En outre, dans le Pirké deRabbi Eliezer, il est rapporté qu’Elyahou Hanavi lui-même se déguisa… en ‘Harvona, pour dire à A’hachvéroch, au plus fort de sa colère contre Haman : « Ne voilà-t-il pas que la potence, préparée par Haman pour Mordékhaï (…) se dresse dans la maison de Haman, haute de cinquante coudées ! »
DE LA PLUME DU RAV
Piyout de Pourim
סימן: אני חיים, נועם נוגש עליך.
אֲסַפֵּר מַעֲשֵׂי יָ-הּ, רָם עֲלִילִיָּה. בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
נוֹתֵן לַיָּעֵף כֹּחַ, בַּאֲרָצוֹת צַר מִדּוֹח, אֵ-ל נֶאְדָּר בַּכֹּחַ, הָיָה הֹוֶה וְיִהְיֶה:
בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
יָעַץ הָמָן הָרָשָׁע, לְהַשְׁמִיד אֶת עַם נוֹשָׁע, אֵ-ל שִׁבֵּר מַטֵּה רָשָׁע, כּוֹסִי רְוָיָה:
בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
חָטְאוּ לוֹ אֲבוֹתֵינוּ, וְאֶל הַצֶּלֶם פָּנוּ, לְמַעְלָה גָּמְרוּ וְנִמְנוּ, לַעֲשׂוֹת כְּלָיָה:
בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
יָדַע שׁוֹכֵן מְעוֹנִים, כִּי הֵם עָשׂוּ לְפָנִים, וְנָשָׂא לָהֶם פָּנִים, וְנֶפֶשׁ הֶחֱיָה:
בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
יְמִינִי קָם בִּתְפִלָּה, עִם בֶּן עַמְרָם לְמַעְלָה, וַיִּפֶן צוּר נַעֲלָה, אֶל אֻמָּה עֲנִיָּה:
בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
מטה רשע אִישׁ הַדָּמִים, לפני בָנִים שְׁלֵמִים, נָפְלוּ מִמְּרוֹמִים, לְבוֹר תַּחְתִּיָּה:
בִּימֵי הַפּוּרִים נֵס הָיָה, אֲשֶׁר לֹא נִהְיָה.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Recevoir la Torah avec amour
Le récit des évènements ayant donné naissance à la fête de Pourim s’appelle la Méguilat Esther – litt. « rouleau d’Esther ».
Pourquoi ne pas lui avoir préféré un nom plus évocateur, tel que « l’histoire d’Esther », « le récit d’Esther », ou même, conformément à ce qui est écrit dans le texte lui-même (9:26) « Iguéret - la missive » ?
Rappelons, pour répondre, que le don de la Torah, célébré à Chavouot, fit appel à la contrainte, comme il est dit : « Il a renversé la montagne sur eux comme un baquet, en leur disant : Si vous acceptez la Torah, tant mieux, et sinon, ce lieu sera votre sépulture ! » (cf. Chabbat 88a)
Or, peut-on se demander, pourquoi le Créateur procéda-t-Il ainsi, par la contrainte, alors que les enfants d’Israël s’étaient écriés, pleins de bonne volonté : « Nous ferons puis nous comprendrons – naassé vénichma » ?
Pourquoi faire passer le don de la Torah par la contrainte, à l’image d’un homme qui dit à un autre qu’il va lui donner quelque chose et qui lui crie en même temps qu’il le lui donne au lieu de lui faire ce don de manière gracieuse ?
La réponse réside justement dans le fait qu’à Pourim, d’après nos Sages (ibid.), les enfants d’Israël, témoins du miracle de leur sauvetage face aux manigances de Haman, acceptèrent la Torah avec amour et joie.
Ainsi, D.ieu n’avait en quelque sorte pas d’autre alternative que d’agir ainsi, en leur faisant accepter la Torah sous la contrainte au moment de son don, afin qu’ils puissent par la suite renouveler cette acceptation avec joie à l’époque d’A’hachvéroch. Eût-ce déjà été le cas déjà au mont Sinaï, cela aurait compromis le miracle de Pourim et l’acceptation de la Torah avec joie qui le couronna.
Ainsi, l’acceptation de la Torah sous la contrainte lors de son don préparait le terrain pour le renouveau de celle-ci à Pourim, cette fois avec amour et joie. Cela va nous permettre de comprendre pourquoi la « missive de Pourim » est entrée dans la postérité sous le titre de Méguila – que l’on peut décomposer en la lettre mèm, de valeur numérique 40, d’un côté, et le terme guila (traduisant un sentiment de joie, d’allégresse), de l’autre. C’est dire que la Torah, donnée à l’issue de 40 jours (cf. Mena’hot 99b), fut de nouveau acceptée par les enfants d’Israël à Pourim, avec amour et joie. En effet, l’amour du Créateur se dévoila alors (verbe également de la même racine que guila) aux enfants d’Israël, qui en découvrirent la saveur unique.
ENTRE LES LIGNES
Le privilège de la parole
« Il appela Moché »
Citant le verset de Michlé (20:15) « Il existe de l’or, une quantité de perles fines ; mais la parure précieuse [entre toutes], ce sont des lèvres intelligentes », Rabbi Tan’houma note qu’un homme ayant de l’or, de l’argent et tous les plaisirs de ce monde à sa portée, mais auquel il manquerait la sagesse n’a rien.
Si tu as acquis la sagesse, que te manque-t-il ? S’il te manque la sagesse, qu’as-tu acquis ?
« Il existe de l’or… » – tous les enfants d’Israël apportèrent de l’or pour la construction du tabernacle.
« …une quantité de perles fines… » – cela fait allusion aux dons des princes.
« …mais la parure précieuse, ce sont des lèvres intelligentes » – cela évoque l’amertume de Moché lorsqu’il constata que tout le monde avait apporté une contribution au tabernacle, sauf lui.
Le Saint béni soit-Il lui déclara : « Par ta vie, ta parole M’est plus chère que tout, car la Mienne ne s’est adressée à personne à part toi, comme il est dit : « Il appela Moché ».
(Midrach Rabba)
Bénédiction et réussite
« Il appuiera sa main sur la tête de la victime, et elle sera agréée en sa faveur pour lui obtenir expiation. » (Vayikra 1:4)
Verset suivant : « On égorgera le taureau devant le Seigneur ».
On déduit de l’enchaînement des versets que les deux actions se suivent immédiatement.
Rav Houna précise, au nom de Rav, qu’il y a, dans notre tradition, trois séries d’actions se suivant immédiatement : la berakha de la délivrance et la Amida, l’imposition des mains sur la bête et son abattage, ainsi que le lavage rituel des mains et la berakha.
Abayé ajoute que dans le sillage immédiat d’un érudit vient la bénédiction dans l’œuvre des mains de ceux qui le côtoient, comme le dit Lavan à Yaakov : « J’avais bien auguré ; l’Eternel m’a béni à cause de toi. »
Rabbi Yossi bar Bon affirme par ailleurs que si l’on enchaîne l’imposition des mains et l’abattage de l’objet de son sacrifice, on échappera aux pensées qui invalident le sacrifice. De même, celui qui enchaîne le lavage des mains et la bénédiction échappera aux accusations du Satan au cours de ce repas. Enfin, celui qui enchaîne la berakha sur la délivrance et la Amida échappera à ses accusations tout au long du jour.
(Yalkout Chimoni)
L’ÉDUCATION
Des petits ruisseaux aux grandes rivières
De même que ce jeune Anglais que nous avons évoqué la semaine dernière, chaque enfant ou jeune a besoin d’expressions d’amour constantes, notamment à travers des compliments.
Même un parent qui aime son enfant et trouve la manière juste de lui témoigner son amour peut se demander : « Jusqu’à quel point dois-je souligner et exprimer à mon enfant l’amour et l’estime que je lui porte ? Ne suffit-il pas de lui dire des mots d’estime et d’affection, une, deux ou trois fois ?
Cette question paraît justifiée : la mémoire de l’enfant est-elle donc si faible ? Si je lui ai déjà dit cela hier, il sait à présent que je l’aime et l’apprécie. Dois-je réellement le répéter sans cesse ?
La réponse à ces questions cruciales est positive. Oui, ces marques d’amour et d’estime du parent envers l’enfant doivent être exprimées ouvertement et concrètement, en multipliant les moments qu’on lui consacre pleinement, avec toute notre bonne volonté, notre attention, notre écoute et un visage avenant.
Mais pourquoi ?
Parce qu’un enfant n’a pas seulement besoin de savoir qu’on l’aime, mais de le ressentir en permanence, de vivre ce sentiment. Si la connaissance théorique ne nécessite pas de répétition constante, dans le domaine des sentiments, il en va différemment. Là, la fréquence a son importance, puisqu’elle leur donne toute leur puissance. Aussi, même si on a entouré son enfant d’amour et d’affection hier, il a encore besoin, aujourd’hui, de ressentir notre amour, ce lien émotionnel, d’éprouver des sentiments d’affection, de se réfugier dans cette sensation qu’il a sa place dans notre cœur.
Cela constitue la source d’énergie et de motivation nécessaire pour que l’enfant s’efforce d’accomplir la volonté de ses parents et maîtres.
Tout enfant en bas âge a besoin, en tant que tel, de la caresse et du baiser de sa mère. Or, arrêtons-nous un instant pour réfléchir : une mère dirait-elle à son fils : « Mon chéri, je t’ai déjà fait un câlin il y a deux jours » ou « je t’ai déjà embrassé hier » ?
De même, imaginez-vous un enfant qui demande à donner la main à son père et auquel celui-ci dirait : « Qu’est-ce qui te prend ? Je t’ai déjà donné la main il y a deux jours ! »
Autre exemple classique, tiré de la vie de couple, la question posée en toute naïveté : « Je lui ai déjà dit hier que je l’aime et l’admire, pourquoi faut-il que je le répète ? »
La réponse qui va suivre prouve clairement combien il est indispensable de donner de l’amour et de l’attention à ses proches – conjoint et enfants. C’est vrai que tu l’as déjà dit hier et il est possible que tu le répéteras demain, mais cela ne suffit pas à combler le besoin de l’enfant aujourd’hui. Ce sentiment est un besoin constant et quotidien de tout enfant, adolescent et même adulte, un besoin naturel, et nous devons toujours nous en souvenir.
Ceci est vrai tout au long de l’année, et en particulier durant les périodes où l’ambiance de la rue, délétère, dégénère encore davantage. Les jours précédant Pourim puis la fête elle-même, presque aussitôt suivis des congés de Pessa’h, correspondent à un relâchement du cadre dans lequel l’enfant évolue habituellement. Or, quand l’attention à la maison lui fait défaut, il risque de la rechercher et de la trouver ailleurs, en dehors de la maison. Les conséquences, comme nous les avons déjà décrites, peuvent être dramatiques et il n’est pas toujours possible de revenir en arrière.
En conséquence, le sage, celui qui est prévoyant, trouvera des voies constantes pour exprimer son amour et cherchera par ailleurs le moyen d’amplifier ce sentiment d’amour et d’appartenance à un foyer en ces périodes. Les parents prieront par ailleurs pour que le Créateur les inspire bien et leur donne l’intelligence nécessaire pour guider avec amour leurs enfants dans la bonne voie tout au long de leurs jeunes années.
DES HOMMES DE FOI
Quelques jours avant la disparition du Tsaddik, tôt le matin, toute la maisonnée fut réveillée par le bruit d’un choc brutal. Tous se levèrent précipitamment et trouvèrent Rabbi ‘Haïm, allongé sur le sol, enveloppé de son tallit et de ses téfillin. Il s’était effondré en pleine prière du matin.
Ils le relevèrent et l’allongèrent sur son lit. Alors le Tsaddik appela ses fils et leur dit : « Mon heure est venue et je voudrais vous bénir. »
Lors de ces instants bouleversants, Rabbi ‘Haïm se mit à bénir ses garçons, dont Rabbi Moché Aharon, même s’il se trouvait à Mogador, à des kilomètres de Casablanca. Quand vint le tour de Rabbi Raphaël, il pleura : « Je pleure sur la manière dont il va disparaître, en sacrifice pour le peuple d’Israël. »
Bien des années plus tard, le 12 Chevat 5740 (1980), un homme s’introduisit en pleine nuit dans la demeure de Rabbi Raphaël. Il s’approcha du lit dans lequel il dormait et le frappa violemment avec une barre de fer. Le Tsaddik mourut dans d’atroces souffrances.
Le Tsaddik Rabbi ‘Haïm passa trois jours, allongé sur son lit, entre la vie et la mort, avant de rendre l’âme, le 15 ‘Hechvan 5698 (1937), à l’âge de soixante-treize ans.
Son fils, le Tsaddik Rabbi Moché Aharon, qui était à ce moment-là en pleine période d’isolement volontaire dans sa maison de Mogador, se hâta d’aller à l’enterrement de son père à Casablanca. A la fin des chiva, il regagna son domicile.
Quand la nouvelle de la disparition du Tsaddik se répandit dans la ville, tous les lieux d’étude fermèrent leurs portes, et les étudiants, accompagnés de leur Rav, vinrent rendre un dernier hommage au disparu. De même, sans que personne ne l’ait ordonné, comme le Tsaddik était respecté par tous, même les non-juifs fermèrent leurs commerces et suivirent le cortège.
La tristesse était palpable dans les rues de la ville. Tous réalisaient l’ampleur de la perte qu’ils venaient de subir. Dans les synagogues, on retira le rideau de l’arche sainte, en signe de deuil. La ville fut plongée dans la désolation, comme à Ticha béAv, car le soleil s’était couché en plein jour.
Une foule impressionnante accompagna Rabbi ‘Haïm à sa dernière demeure, dans l’ancien cimetière de Casablanca. C’est là qu’il repose jusqu’à l’arrivée du Machia’h, bientôt et de nos jours. Amen !
Au moment de l’enterrement de Rabbi ‘Haïm, raconte-t-on, de fortes pluies accompagnées d’éclairs s’abattirent sur la ville. Du Ciel, on pleurait sa disparition. Nos Sages ont dit à ce sujet (Sanhédrin 47a) : « Si les pluies arrosent sa couche mortuaire, c’est un bon signe pour le défunt. »
Toutefois, lorsque le Gaon Rabbi Chimon Aboucassis prononça son oraison et pleura amèrement la disparition du grand sage qui protégeait et réparait les erreurs de toute la génération par ses prières et sa sagesse, il demanda que les pluies cessent afin de pouvoir procéder à son enterrement avec tous les honneurs.
La requête de Rabbi Chimon fut agréée et la pluie s’arrêta brusquement. Les Sages du Maroc de l’époque prononcèrent leur oraison et se lamentèrent sur l’immense perte subie par le peuple d’Israël.