La Paracha de la semaine en format PDF

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paracha de la semaine

Chabbat Pessah

23 Avril 2016

ט"ו ניסן תשע"ו

 

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Qui est véritablement libre ?

Rabbi David Hanania Pinto

Le séder représente le moment phare de Pessa’h. En cette nuit sainte, nous sommes soumis à un grand nombre de mitsvot spécifiques – d’après le décompte du Gaon de Vilna, 64, que ce soit d’ordre toraïque ou d’institution rabbinique. Nuit riche en mitsvot s’il en est.

Or, cela ne va-t-il pas à l’encontre du sentiment de liberté que, selon nos Sages, nous sommes censés ressentir en cette nuit dont c’est le thème central ? La mitsva de s’accouder, la riche décoration de la table, ainsi que nombre d’autres instaurations nous renvoient sans équivoque à ce leitmotiv. Mais comment nous sentir libres de toute dépendance ou contrainte quand nous ployons sous une telle abondance de mitsvot – plus qu’à aucun autre moment de l’année ? Alors, esclaves ou hommes libres ?

Nous allons devoir, pour répondre, redéfinir la notion de liberté. Celui qui, dégagé de toute responsabilité, fait ce que son cœur lui dicte à tout instant, bien qu’en apparence libre, est en fait l’esclave de son mauvais penchant, du monde et de ses envies. Tout ce que son penchant lui dicte, il l’exécute, presque incapable de lui opposer un seul refus. A l’inverse, celui qui accomplit les mitsvot, bien que paraissant asservi et dépendant, jouit d’une véritable liberté vis-à-vis des entraves de ce monde, de la matérialité.

Or, on notera que vis-à-vis de cette dernière, l’homme s’enflamme et se laisse vite entraîner, au premier regard. Mais l’enthousiasme est éphémère, et ses désirs s’estompent tout aussi rapidement. Par exemple, celui qui voit un aliment qui lui fait très envie aura le plus grand mal à contenir son appétit dévorant. Pourtant, après en avoir consommé, il n’éprouvera plus aucune attirance pour cet aliment, qui le dégoûtera presque.

Dans le domaine spirituel, par contre, l’homme n’a, au départ, pas tellement envie d’agir, mais une fois la mitsva accomplie, il éprouve une jouissance et une satisfaction spirituelle qui l’accompagne plusieurs jours. Ainsi, si nous demandons à un homme de rester éveillé toute la nuit pour étudier la Torah, il pensera au départ qu’il n’en a pas envie ; il est déjà fatigué. Pourtant, après l’effort et l’investissement de toute une nuit, à Chavouot ou Hochana Rabba, son cœur est plein de joie, de satisfaction. L’illustration la plus flagrante de ce principe est l’ambiance qui règne à la sortie de Yom Kippour : il n’est pas un Juif qui ne ressente le plaisir extraordinaire et suprême de cette élévation au-dessus des entraves de la matière. Ainsi, bien qu’on ait jeûné et qu’on se soit astreint aux cinq privations du jour, apparemment source de souffrance, l’esprit, l’âme s’emplit de satisfaction : on touche à la vraie liberté, celle de l’homme qui gouverne ses instincts et pulsions. La jouissance qui entoure l’homme au moment où il accomplit une mitsva, telle que nous l’avons décrite, l’amène à d’autres mitsvot, qui, à leur tour, génèrent une autre joie, et ainsi de suite. L’inverse est malheureusement tout aussi vrai.

Ainsi, le soir du séder, où  nous évoquons la sortie d’Egypte, afin de ressentir que nous aussi y étions esclaves et en avons été libérés, toutes les mitsvot que nous pratiquons sont de nature à ancrer dans notre cœur la racine de la foi en D.ieu. Ces mitsvot nous apportent donc un bénéfice immense, incommensurable, en permettant de renforcer notre foi en l’existence du Créateur.

Tous les efforts entrepris pour atteindre cet objectif en valent donc la peine, en cette « nuit de gardes (chimourim) pour l’Eternel », « nuit de gardes pour toutes leurs générations ». En cette nuit se réveille dans le cœur de l’homme ce qui lui a été gardé en réserve (chamour), et il ressent concrètement le sentiment d’une véritable liberté en regard de l’asservissement au mauvais penchant, liberté assortie d’une soumission à l’Eternel et d’une conscience de Sa grandeur. Tout sentiment égoïste est aboli et son amour pour D.ieu en est dès lors accru.

Pour cette raison, nos Sages ont noté que « quiconque est prolixe dans le récit de la sortie d’Egypte est digne de louanges (méchouba’h) ». Une telle personne améliore (machbia’h, de même racine), renforce sa foi. En effet, en racontant les miracles opérés par le Tout-Puissant en faveur des enfants d’Israël, mitsva centrale de cette soirée, sa émouna ne fait que croître. Ainsi, chacun s’attardera sur les détails de la sortie d’Egypte, en parallèle aux autres mitsvot spécifiques du séder, soirée qui nous donnera ainsi un sentiment de liberté incomparable.

LA VOIE TRACÉE

La tsédaka sauve de la mort

L’histoire suivante a fait grand bruit à l’époque où elle s’est déroulée, causant un grand kiddouch Hachem.

Deux frères extrêmement aisés m’avaient promis de me transmettre la somme de 9000 dollars pour l’opération « Kim’ha déPiss’ha », permettant à d’innombrables familles nécessiteuses d’Israël de se fournir en denrées alimentaires de base pour Pessa’h.

Mais les jours passaient, Pessa’h approchait, et de ce don conséquent, nulle trace. Il semblait que nos deux amis avaient oublié leur promesse. Afin de leur éviter de rater cette occasion de participer à une grande mitsva, je dépêchai un émissaire chargé de la leur rappeler avec tact.

Celui-ci fut au départ tenté de rejeter ma demande, étant donné qu’il n’était nullement habitué à ce genre de mission. Depuis toujours, si quelqu’un veut faire un don à nos institutions, il s’en soucie de lui-même sans avoir besoin de rappels. En outre, il n’est pas agréable de devoir « réclamer » les dons de mécènes. Cependant, voyant que la fête de Pessa’h approchait et que nous manquions cruellement de moyens pour réaliser l’opération Kim’ha déPiss’ha, il se résolut à accomplir cette mission délicate.

Mon envoyé fut accueilli à bras ouvert par les deux frères, qui se proposèrent aussitôt de lui remettre un don double, pour arriver à un total de 18 000 dollars, multiple de ‘Haï (la vie).

Le lendemain matin, je reçus l’appel inattendu de l’épouse d’un des deux donateurs, visiblement bouleversée. Elle me raconta que l’avion de son mari et de son beau-frère avait eu une grave défaillance au décollage et s’était aussitôt écrasé. Les deux pilotes qui se trouvaient à bord étaient morts, mais par miracle, les deux frères, qui avaient seulement perdu connaissance, étaient indemnes.

Dès que je pus communiquer avec les deux frères, je leur fis remarquer, non sans émotion, qu’à partir du miracle dont ils avaient bénéficié, on pouvait voir de façon tangible l’accomplissement du principe « La charité sauve de la mort » !

Dans Sa miséricorde infinie, le Saint béni soit-Il fit en sorte que leur double don pour l’opération Kim’ha déPissh’a – d’une valeur renvoyant à celle de la vie – nous soit transmis la veille de l’accident, afin que le mérite de la tsédaka pèse en leur faveur pour les sauver d’une mort certaine.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « En cet instant (…) » (Yéhochoua 5:6)

Lien avec la paracha et la fête de Pessa’h : dans la haftara, il est question du sacrifice pascal apporté par les enfants d’Israël en arrivant à Guilgal, mitsva qui est également évoquée dans la paracha.

CHEMIRAT HALACHONE

Un billet d’entrée au gan éden

Le fait de garder sa langue à chaque instant donne droit à une place privilégiée au gan éden, comme l’écrit le Gaon Rav Elyahou zal, au nom du Midrach : pour chaque instant où l’homme met un frein à sa langue, il mérite la lumière originelle, mise de côté pour les Justes au moment de la Création – nulle créature, même céleste, ne peut en évaluer l’ampleur.

Il échappe ainsi au guéhinam, comme il est écrit dans le Midrach Tan’houma : « Le Saint béni soit-Il dit : Si vous souhaitez échapper au guéhinam, écartez-vous du lachone hara, et vous serez méritants dans ce monde et dans le suivant ! »

AU PARFUM DES MINHAGUIM

Pourquoi appelons-nous la « fête des matsot » – telle que la Torah la mentionne – Pessa’h ?

C’est en quelque sorte une manière de faire l’éloge du Saint béni soit-Il, tandis qu’Il fait le nôtre, dans l’esprit du verset « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi ».

En effet, en appelant Pessa’h « fête des matsot » (‘hag hamatsot), le Saint béni soit-Il chante en filigrane les louanges de notre peuple, sorti d’Egypte précipitamment à Sa demande, et donc réduit à consommer ensuite le pain qui n’avait pas eu le temps de gonfler – les matsot. De notre côté, nous appelons plutôt cette fête Pessa’h, en éloge au Tout-Puissant qui sauta (passa’h) par-dessus les maisons des enfants d’Israël lorsqu’Il frappa l’Egypte.

DE LA PLUME DU RAV

Piyout pour la fête de Pessa’h

סימן: חיים בר שלמה פינטו חזק

דְּעוּ כִּי הַיּוֹם הַזֶּה, הוּא יוֹם זִכָּרוֹן, לְדוֹרוֹת עוֹלָם זִכְרוּהוּ

חֵן נָתַן הָאֵ-ל גַּם שֶׁאֶת וְיִתְרוֹן, לְיִשְׂרָאֵל כִּי קָדוֹשׁ הוּא

ה' בָּחַר אֵלָיו עֲדַת יְשׁוּרוּן, מִכָּל הָאֻמּוֹת כִּי טוֹב הוּא

יוֹם זֶה אוֹר גָּדוֹל בּוֹ, נִגְלָה כַּיָּדוּעַ לַחֲכָמִים

מְאֹד רָם הוּא וְנַעֲלָה, לִפְנֵי אֵ-ל רָם עַל רָמִים

בּוֹ יָצָאנוּ מִן הַגְּדוֹלָה, מִמִּצְרַיִם עִיר הַדָּמִים

רָעַת הַנָּחָשׁ נִמְשְׁכָה לָנוּ לְדוֹרוֹת, אַדִּיר אַדִּירִים שָׁתְלָהּ

שָׁמָּה הָרֶשַׁע גַּם חֹשֶׁךְ רַב וְשַׁחְרוּת, וְהוּא חֵלֶק הָרִשְׁעָה כֻלָּהּ

לָכֵן יַגִּיעוּ אֲבוֹתֵינוּ בִּזְהִירוּת, לְבֵרוּר קְדֻשָּׁה עַל תִּילָהּ

מַה טוֹב חֶלְקֵנוּ, הֵן לְשׁוֹנֵנוּ תָּרוֹן, אֱ-לֹהַי אַרוֹמְמֶנְהוּ

הִכָּה אוֹיְבֵינוּ אֵ-ל בְּעֶבְרָה וּבְחָרוֹן, מַכּוֹת עֲשָׂרָה כִּי רַב הוּא

פַּרְעֹה הַכּוֹפֵר נִסְפָּה גַּם בְּעִוָּרוֹן, וְאָמַר מִי יְדִינֵהוּ

יָ-הּ עָמַד בַּדִּין לְמָעְלָה, נֶגֶד שַׂר עַמִּים

נֶפֶשׁ מִיכָאֵל נִבְהָלָה, מֵהָשִׁיב וְעָמַד מַשְׁמִים

טָפַל שֶׁקֶר שַׂר בֶּן עוּלָהּ, נָפַל וָמֵת בִּשְׂפַת יָמִים

וְאָז שׁוֹרְרוּ בְּשִׁירוֹת וּזְמִירוֹת, עֲדַת יִשְׂרָאֵל עַם סְגֻלָּה

חָמֵץ נֶאֱסַר בְּחַג זֶה, עַד סוֹף הַדּוֹרוֹת, מַשֶּׁהוּ אָסוּר בַּאֲכִילָה

זָכְרֵנוּ בְּזִכְרוֹן טוֹב, עֶזְרָה בְצָרוֹת, כְּקֶדֶם וּכְבַתְּחִילָּה

קַדֵּשׁ שִׁמְךָ אֵ-ל וּבְנֵה עָרִים בְּצוּרוֹת, כָּל נְשָׁמָה תְּהַלֶּלְךָ סֶלָה

ENTRE LES LIGNES

Miracles et bonté

« A chaque génération, chacun a l’obligation de se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte. »

Il semblerait, note le Rav Baroukh Frankel Teomim zatsal, dans l’introduction de son ouvrage Touré Even, que l’homme doive observer les miracles que le Saint béni soit-Il opère en sa faveur chaque jour, tout en prenant conscience qu’il ne les aurait pas mérités et ne les doit qu’à Sa bonté infinie – de même qu’au moment de la sortie d’Egypte, les enfants d’Israël étaient dénués de toute mitsva.

Telle est l’explication de cette obligation individuelle de se considérer comme rescapé de l’enfer concentrationnaire égyptien : voir tous les miracles que D.ieu opère en notre faveur comme notre « sortie d’Egypte » personnelle.

Un réveil renouvelé chaque année

« A chaque génération, chacun a l’obligation de se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte. »

Les moments-clés fixés par la Torah, nous explique le Gaon Rabbi Zalman Rottenberg zatsal, Roch Yéchiva de Beth Méir, ne correspondent pas à de simples commémorations historiques, mais chaque année, au même moment, se renouvelle au cœur de la Création la charge spirituelle propre à cette période. C’est ainsi qu’en accomplissant les mitsvot spécifiques mentionnées pour cette période, nous avons le mérite de nous introduire de nouveau dans cette dimension.

« A chaque génération, chacun a l’obligation de se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte. » En d’autres termes, cela nous indique l’obligation que nous avons d’atteindre le même degré d’élévation qu’à cette époque, dont le potentiel réapparaît d’année en année.

La base de ce principe est posée par le Or Ha’haïm (sur Bamidbar 23:22), à propos du verset « les fait sortir d’Egypte », où la marque du passé n’apparaît pas clairement : « Il est dit motsiam et non hotsiam (les a fait sortir). Cela nous renvoie à ce précepte énoncé par nos Sages (Pessa’him 117b) : “A chaque génération l’homme a l’obligation de se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte.” Ainsi, les Sages qui connaissent l’intériorité de la Torah ont souligné que chaque année, le soir de Pessa’h, les forces de la sainteté se détachent des forces impures et viennent s’ajouter dans les enfants d’Israël. Ceci représente en soi la dimension de la sortie d’Egypte, d’où l’emploi de la tournure motsiam, car il n’est pas seulement question de la sortie d’Egypte originelle, mais de celle que nous vivons chaque année. »

L’ÉDUCATION

Dans cette parution à l’occasion de la fête de Pessa’h, nous allons naturellement nous pencher sur la signification particulière de la nuit du séder et de la fête de Pessa’h dans le cadre de l’éducation. Nous allons voir, dans ce cadre, comment tirer le meilleur profit de cette période pour renforcer l’unité de la structure familiale.

La fête de Pessa’h, également connue comme « fête de l’éducation », souligne l’importance de la émouna, de la foi en D.ieu et en Moché, Son serviteur. Dès le moment où le jeune enfant commence à parler et, par là même, à recevoir les premières consignes de ses parents, il les conçoit comme des leaders, en qui il met toute sa confiance. La mitsva qui incombe aux parents, à ce moment, est de lui apprendre la base de la foi, avec le verset « Moché nous a ordonné la Torah, héritage de la communauté de Yaakov ».

Ainsi, les parents introduisent le troisième Associé de l’homme dans tout ce que vit l’enfant. Son père et sa mère comblent tous ses besoins – « grâce à D.ieu ». Ils soulignent également qu’on a confiance et qu’on se repose sur D.ieu. C’est Lui qui détermine la direction générale. C’est Lui qui nous protège de tout mal. Telles sont quelques-unes des notions-clés à ancrer dans la conscience de l’enfant.

Lorsque les parents ont foi dans de telles déclarations et les répètent à longueur de temps, ils mettent en place, au sein de leur foyer, un lien de confiance ainsi que la foi en D.ieu et dans sa Torah.

Depuis son plus jeune âge, l’enfant juif se perçoit comme un maillon dans un vaste ensemble familial, comprenant parents, oncles, grands-parents, etc. En grandissant, ce sentiment s’élargit, et il ressent un lien profond avec l’ensemble du peuple juif.

Telle est, en substance, la trame du récit de la sortie d’Egypte, que nous faisons le soir du séder. En cette nuit où nous sommes devenus un peuple, notre obligation est principalement d’associer les jeunes enfants à cette charge spirituelle qui unifie notre peuple. Dès son plus jeune âge, l’enfant juif doit percevoir le parcours de son existence comme un morceau du grand puzzle mis en place par le Tout-Puissant, comme une facette de Son projet pour Son peuple. Les mots « notre D.ieu et le D.ieu de nos pères » doivent être pleins de sens pour lui.

C’est la raison pour laquelle la Torah nous ordonne : « tu raconteras à ton fils : C’est pour cela que l’Eternel est intervenu en ma faveur au moment où je suis sorti d’Egypte » – « pour cela » étant prononcé au moment où la matsa et le maror sont posés devant l’homme, le soir du séder. En parallèle avec les moyens utilisés pour représenter concrètement la sortie d’Egypte à travers les mitsvot spécifiques du soir du séder et l’expérience du rassemblement familial, les parents transmettent à leurs enfants un message éducatif, leur faisant ressentir leur appartenance au peuple d’Israël, peuple de D.ieu.

Ce sentiment d’appartenance constitue un élément important dans l’éducation de l’enfant et construit son avenir. Si, à D.ieu ne plaise, la foi est brisée, cela risque de remettre en question tout son avenir et son univers spirituel.

Un enfant dont la foi naturelle en ses parents chancèle risque de perdre la émouna de manière plus générale, du fait que ses parents représentent pour lui la notion de fiabilité. S’il se sent blessé dans sa relation à ses parents, au point de remettre en cause sa confiance en eux, on se trouve face à un « état d’urgence » exigeant un traitement intensif d’amour et de dévouement sans compter, afin de rétablir la foi de l’enfant dans ses parents.

DES HOMMES DE FOI

La vertu d’hospitalité faisait partie intégrante de la vie de Rabbi ‘Haïm. Il invitait des gens du monde entier et les accueillait avec joie et générosité. Il ne refusait jamais d’héberger qui que ce soit sous prétexte d’un manque de place.

Un jour, un envoyé d’Erets Israël arriva chez lui. C’était un éminent érudit, dont la réputation avait traversé les frontières. Il s’appelait Rabbi Its’hak Shapira. Rabbi ‘Haïm sortit à sa rencontre et lui réserva un accueil des plus dignes, comme il sied à un invité de ce rang.

C’était la veille de Pessa’h. Naturellement, Rabbi Its’hak Shapira resta passer la fête chez son hôte. La nuit du séder, Rabbi Its’hak était attablé avec Rabbi ‘Haïm quand soudain, toute la famille remarqua que des larmes coulaient des yeux de leur invité, des flots de larmes accompagnés de sanglots étouffés.

Rabbi ‘Haïm essaya de le calmer, mais il continua de plus belle.

« Je vous en prie, racontez-nous ce qui vous est arrivé et je vais essayer de vous aider », lui dit Rabbi ‘Haïm, « votre peine est la nôtre, car nous ne pouvons nous réjouir, assis à la table du séder, si parmi nous se trouve quelqu’un qui pleure. »

Rabbi Its’hak écouta mais ne dit mot. Il continuait à pleurer.

Rabbi ‘Haïm essaya de nouveau :

« Rabbi Its’hak ! Je m’engage à prendre en charge tous vos besoins. Si c’est cela qui vous fait de la peine, je vous donnerai tout ce qui vous manque. Mais pourquoi pleurez-vous pendant la nuit du séder ?

L’émissaire se calma un peu et commença à raconter son histoire :

« Je suis parti seul d’Erets Israël. Chaque année, je m’assois joyeusement avec ma famille à la table du séder. En voyant les matsot, le vin et la Haggada, je me suis souvenu d’eux. Je ne sais même pas comment ils vont, ni s’ils sont heureux. Sont-ils au contraire tristes à cause de mon absence ? Est-ce que tout va bien en Erets Israël ? »

Rabbi ‘Haïm partagea sa peine et lui dit :

« Ne vous inquiétez pas, la délivrance de D.ieu arrive en un clin d’œil. Suivez-moi dans ma chambre, je voudrais vous montrer quelque chose. »

Ils entrèrent tous les deux. Là, Rabbi ‘Haïm lui dit :

« Regardez, s’il vous plaît. »

L’envoyé scruta la pénombre et voici qu’il vit distinctement, devant lui, les visages des membres de sa famille, assis autour de la table, célébrant joyeusement la fête.

Quand il se remit de cette extraordinaire vision – il avait vu sa famille alors qu’il se trouvait à des milliers de kilomètres de là –, sa joie lui revint. Il quitta la pièce avec Rabbi ‘Haïm, après que celui-ci se fut assuré qu’il avait bien compris ce qui s’était passé :

« Lorsque vous retournerez, avec l’aide de D.ieu, en Erets Israël, questionnez votre famille sur ce qu’ils ont ressenti en votre absence. Vous vous rendrez compte que tout ce que vous avez vu dans la chambre – les vêtements, les plats – appartenait à la réalité, dans les moindres détails, et que ce n’était pas un rêve. »

Rabbi ‘Haïm formula encore une requête :

« Rappelez-vous bien, je vous prie, de tout ce que vous avez vu, y compris l’ordre dans lequel étaient attablés les membres de votre famille, comment la table était dressée et ce qui s’y trouvait. Lorsqu’ils vous auront tout raconté dans les menus détails, envoyez-moi une lettre dans laquelle tout sera consigné. »

A la fin de la fête, Rabbi Its’hak se sépara de son hôte en le remerciant pour cet agréable séjour, où il s’était senti comme un membre de la famille. Il partit du Maroc et arriva en Erets Israël. Passées les premières retrouvailles, il demanda à sa maisonnée comment ils avaient vécu la période de son absence et quel fut leur sentiment lors de la soirée du séder.

Ils lui racontèrent que les premiers temps, ils avaient cruellement ressenti son départ et souffert de se retrouver seuls. Mais, quand vint la nuit du séder, ils avaient soudain éprouvé un sentiment d’exaltation et avaient célébré la fête dans une immense joie.

En entendant ces paroles, le cœur de Rabbi Its’hak Shapira se remplit d’allégresse et d’émotion. Il s’empressa d’envoyer, comme promis, une lettre à Rabbi ‘Haïm Pinto et lui confirma que tout ce qu’il avait vu dans sa chambre n’était pas un rêve mais bien la réalité.

 

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