Parachat Aharei Mot 7 Mai 2016 כ"ט ניסן תשע"ו |
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Après la mort, on devient saint
Rabbi David Hanania Pinto
Il est intéressant de relever que les sections d’A’haré Mot et de Kedochim sont juxtaposées. On en a même fait un proverbe : « Après la mort, on devient saint. » En d’autres termes, une fois que l’homme meurt, il devient saint, en cela que son âme se sépare de son enveloppe corporelle et qu’il n’est donc plus assujetti aux pulsions physiques. En effet, tant que l’homme vit sur terre, l’esprit et la matière se disputent en lui les reines du pouvoir. Cette lutte des penchants étant constante, il n’est jamais à l’abri du péché, ne sachant qui va finalement l’emporter. C’est pourquoi nos Sages, de mémoire bénie, ont affirmé : « Ne crois pas en toi jusqu’au jour de ta mort. » (Avot 2:4)
La Guémara rapporte (‘Haguiga 15b) que de grands justes, comme Elicha ben Abouya, finirent par se détourner du droit chemin, allant parfois même jusqu’à s’intéresser à des ouvrages hérétiques. Nos Sages proposent (ibid. ; Tossaphistes sur ‘Haguiga 15a) plusieurs explications à une telle dégénérescence. En tout état de cause, c’est la preuve que tant qu’un homme est en vie, le risque de trébucher est omniprésent ; aussi s’il désire préserver sa sainteté et son niveau spirituel, il devra se maîtriser jour après jour, heure après heure.
Tel est donc le sens du dicton populaire « après la mort, on devient saint » : lorsque l’âme de l’homme se détache de son corps, elle ne lui laisse plus l’opportunité de fauter, outre le fait que le monde à venir est celui de la récompense, et non de l’action (Erouvin 22a). Par conséquent, l’homme ne peut atteindre la perfection qu’après sa mort. A cet égard, nos Maîtres affirment (Bamidbar Rabba 14:21) que l’homme n’a la possibilité d’atteindre le cinquantième degré de sainteté et de pureté que de manière posthume, car de son vivant, il ne peut parvenir qu’au quarante-neuvième de ces degrés (Roch Hachana 21b), à cause de la persistance des forces physiques qui l’habitent.
Je me souviens, à cet égard, que la première fois que je me suis rendu au Venezuela, un homme d’un certain âge qui portait une barbe et des tsitsit s’est présenté à moi et m’a avoué qu’il sentait que sa foi s’était affaiblie. Pour dire vrai, j’étais plutôt surpris d’entendre une révélation de ce type de la part d’une personne qui semblait avoir atteint un haut niveau de crainte du Ciel. J’en déduisis que nul n’a le droit de se reposer sur ses lauriers, car le degré auquel on s’est hissé n’est pas une garantie ; il faut au contraire constamment veiller à ne pas perdre ses acquis en foi, crainte et sagesse.
Je demandai ensuite à cet homme à quoi il imputait le refroidissement de sa foi, et il me répondit qu’il s’était dernièrement relâché dans l’observance des mitsvot, ce qui avait sans doute affecté sa foi. Illustrons ce phénomène par l’exemple d’une machine : aussi sophistiquée soit-elle, si on cesse de l’utiliser, elle risque de se détériorer et de se rouiller. De même, celui qui se met à négliger les mitsvot endommagera ainsi ses valeurs intérieures et verra sa foi s’amoindrir. Cet homme ajouta que son relâchement dans l’observance des mitsvot était dû au déménagement qu’il avait entrepris vers un village rural verdoyant, duquel il avait une magnifique vue sur des sources d’eau ; le plaisir physique qu’il retirait de ce cadre attrayant avait diminué son intérêt pour les jouissances spirituelles, au point de finalement altérer sa foi en Dieu.
Pour en revenir au titre de notre section, A’haré Mot, notons que la valeur numérique de ses dernières lettres, quatre cent dix, équivaut à celle du terme kadoch (saint). Ceci confirme, sur le mode allusif, qu’après sa mort, un homme atteint la plénitude et devient saint. Si nous réfléchissons un instant à ce qui a conduit l’homme à cette plénitude, nous réaliserons que sont les quelques secondes durant lesquelles il a opté pour le bien, alors qu’il était tenté par l’autre alternative. Nombreux sont ceux qui m’ont rapporté que, plus d’une fois, ils avaient été confrontés à une lutte intérieure et avaient hésité entre un certain acte juste, que leur conscience les appelait à faire, et un autre acte, qui n’était certes pas correct, mais duquel ils retireraient beaucoup de plaisir – serait-il fugitif. Cette lutte, difficile et parfois très douloureuse, assaille l’homme qui est constamment partagé entre ces deux volontés antithétiques. Or, celui qui, en cet instant critique, se maîtrise et décide de négliger le plaisir momentané bénéficiera d’une jouissance éternelle – lot réservé aux personnes fidèles à la volonté divine – et acquerra « son monde [futur] en une seule heure » (Avoda Zara 17a).
LA VOIE TRACÉE
Un renforcement dans la diffusion de la Torah
Souvent, il m’arrive de ressentir que le poids du public dépendant de moi est très lourd, voire accablant, plus particulièrement lorsque je suis constamment en déplacement de pays en pays pour soutenir les institutions de Torah. Au cours de tous ces voyages par terre et par mer, je ressens une grande nostalgie pour la Guémara. J’ai alors très envie de rejeter ce fardeau si pesant, et, à l’instar de David Hamélekh, de ne demander « qu’une chose de l’Eternel… siéger dans la maison de l’Eternel, tous les jours de ma vie » (Téhilim 27:4).
Lorsque ce sentiment l’emporte, j’ai l’habitude d’aller chez les grands Rabbanim pour leur demander conseil : dois-je rejoindre les bancs de la salle d’étude pour me plonger tranquillement dans celle-ci, ou continuer à soutenir les institutions de Torah, au prix d’innombrables efforts ?
La première fois que j’ai consulté un grand Rav sur cette question remonte à une vingtaine d’années. Je m’étais alors adressé au Rav Moché Soloveitchik zatsal, de Zurich. Par la suite, j’ai demandé l’avis du grand de sa génération, le Rav Shakh zatsal, et de bien d’autres autorités rabbiniques, et ce, jusqu’à aujourd’hui.
Voici, en substance, la réponse que j’ai toujours reçue : « Chaque homme a un rôle et un but dans ce monde. Or, du fait que vous avez été choisi par le Créateur pour rapprocher le public de la Torah, vous ne pouvez en aucun cas abandonner cette mission et cesser de vous soucier de la pérennité des institutions, alors que la Torah de tant de personnes dépend de vous. Car sans le soutien financier que vous vous démenez pour trouver, l’étude de toutes ces personnes ne pourrait pas continuer à retentir. »
Les grands Rabbanim m’ont donc conseillé de ne pas renoncer à ce grand mérite, qui, après 120 ans, devrait se dresser en ma faveur, dans le Monde de Vérité.
Ils ont souligné combien, à travers ces missions, je soutiens le monde de l’étude et répands le Nom de D.ieu et Sa Torah dans toute la planète. Quant au temps perdu lors de ces voyages à travers le monde, ils m’ont montré qu’on pouvait le mettre à contribution en étudiant tout au long de ceux-ci.
CHEMIRAT HALACHONE
Nulle place pour la jalousie
La paix est une grande vertu découlant de la chemirat halachone. Comme on le sait, en préservant sa langue, l’homme se défait de la jalousie d’autrui. Tout le monde aura tendance à l’aimer et à lui confier ses secrets, sans jamais parler de lui. Comme le souligne le Ari zal, cela obéit au principe de réciprocité.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : «La parole de l’Eternel me fut adressée en ces termes : Ô toi, fils de l’homme (…)» (Ye’hezkel chap. 22)
Lien avec la paracha : dans la haftara, le prophète Ye’hezkel (Ezéchiel) s’indigne des fautes du peuple juif à son époque, ce qui nous renvoie à un thème central de notre paracha, où on avertit Israël de ne pas commettre d’abominations à l’instar des goyim.
AU PARFUM DES MINHAGUIM
La coutume de manger du poisson lors des repas de Chabbat
Lors de la Création du monde, trois jours consécutifs ont mérité que soit prononcée à leur occasion une berakha : le cinquième jour, concernant les poissons, le sixième, concernant l’homme, et le septième, concernant le Chabbat. C’est pour jouir de cette triple berakha que l’on consomme du poisson.
Autre raison : le poisson n’a pas de paupières et a toujours les yeux ouverts, en allusion au fait que, dans Sa grande miséricorde, les « yeux » du Créateur sont toujours ouverts vers ceux qui Le craignent pour les protéger.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Manœuvres du mauvais penchant – aveuglement de l’homme
« L’Eternel dit à Moché : Signifie à Aharon, ton frère, qu’il ne peut entrer à toute heure dans le sanctuaire, dans l’enceinte du voile, devant le propitiatoire qui est sur l’arche, s’il ne veut encourir la mort ; car Je Me manifeste, dans un nuage, au-dessus du propitiatoire. » (Vayikra 16:2)
Dans le livre de Mélakhim, on peut lire l’histoire de Naaman, général en chef de l’armée d’Aram, qui souffrait de la lèpre. Sa servante juive lui conseilla alors de consulter le prophète Elicha. Naaman s’exécuta, et le prophète lui indiqua qu’il devrait se tremper dans le Jourdain à sept reprises pour guérir entièrement. Au départ, Naaman fut sceptique, et même courroucé, mais après un certain temps, sa colère retomba et il accepta de se soumettre au conseil d’Elicha. Bien lui en prit, puisqu’il guérit entièrement. Il voulut alors témoigner sa gratitude au prophète sous forme de cadeau – comme il le dit : « Ah ! Certes, je reconnais qu’il n’y a pas de dieu sur toute la terre, si ce n’est en Israël ! Et maintenant, de grâce, accepte un présent de ton serviteur » (Mélakhim II 5:15) –, mais essuya un refus poli du prophète.
Or, voilà qu’après que le goy eut pris congé de lui, le serviteur du prophète, Gué’hazi, eut une initiative malheureuse : il décida de courir après l’équipage de Naaman et de s’approprier ainsi les cadeaux qui avaient été proposés à son maître. Il présenta ainsi sa demande : « C’est mon maître qui m’envoie pour te dire : A l’instant arrivent chez moi deux jeunes prophètes de la montagne d’Efraïm ; donne pour eux, je te prie, un kikkar d’argent et deux vêtements de rechange. » (verset 22) Certain que Gué’hazi avait été mandaté par son maître, Naaman se fit une joie de payer sa dette de reconnaissance. Mais quand Elicha eut vent des ruses de son serviteur, il le maudit : « La lèpre de Naaman s’attachera à toi et à ta descendance à jamais » (verset 27). Et lorsque Gué’hazi se retira, il était couvert de lèpre comme la neige (ibid.).
A la lecture de tous ces développements, on peut se demander comment Gué’hazi, pourtant homme avisé, put avoir des agissements si égoïstes à l’encontre de la volonté de son maître. Ne craignait-il pas que ses manigances infâmes finissent par être mises en plein jour ?
La réponse est qu’il s’agit en fait des manœuvres du mauvais penchant, qui aveugle même les plus sages et parvient, par des voies tortueuses, à amener l’homme à agir en dépit de toute logique. Parfois, il se laisse attirer dans ses filets sans s’en apercevoir. Et dans le cas qui nous occupe, Gué’hazi était complètement aveuglé ; il ne réfléchissait plus aux conséquences de ses actes.
C’est en fait la spécialité du mauvais penchant : il brouille la vue de l’homme de sorte qu’il perd toute clairvoyance quant aux conséquences prévisibles de ses actes. D’un autre côté, il lui fait miroiter le plaisir immédiat qu’il va en tirer. Ainsi, l’homme se concentre sur l’instantané en oubliant l’avenir.
A la lumière de ces explications, c’est sans doute la raison pour laquelle le Saint béni soit-Il a demandé à Moché de transmettre à Aharon l’ordre de ne pas entrer dans le sanctuaire quand bon lui semblerait. Une telle attitude de la part d’Aharon était pourtant hautement improbable, voire invraisemblable. Mais cet ordre vient souligner le pouvoir immense du mauvais penchant, dont les ruses et les tactiques pour attirer le juste dans ses filets sont illimitées. Or, comme le soulignent nos Maîtres, plus un homme est grand, plus son mauvais penchant l’est aussi, en proportion. C’est pourquoi les Tsaddikim rencontrent, dans leur service divin, des épreuves et des difficultés indescriptibles. Si nous avons parfois l’impression qu’ils ne connaissent pas de défis intérieurs et n’ont pas de travail sur eux à fournir, nous nous trompons lourdement. Au contraire, leur niveau élevé implique une lutte encore plus acharnée, lutte de tous les instants contre le mauvais penchant, qui ne perçoit pas d’un bon œil cette élévation exceptionnelle dans le Service du Créateur.
ENTRE LES LIGNES
La cause de la mort
« L’Eternel parla à Moché, après la mort des deux fils d’Aharon, qui, s’étant avancés devant l’Eternel, avaient péri. » (Vayikra 16:1)
La mort des fils d’Aharon et leur faute sont évoquées à quatre reprises. Et ce, afin de souligner que c’était là leur seule et unique faute.
« Voyez combien est dure la mort des fils d’Aharon devant le Saint béni soit-Il ! souligna Rabbi Elazar Hamodaï. A chaque fois que leur disparition est évoquée, leur faute aussi. » Pourquoi ?
Afin de faire taire les mauvaises langues, qui auraient pu dire qu’ils fautaient en secret, et que c’est ce qui causa leur mort.
(Pessikta DéRav Cahana)
L’expiation par la Torah
« Parle à Aharon et à ses fils, ainsi qu’à tous les enfants d’Israël, et dis-leur : Voici la parole que l’Eternel m’a ordonné de dire (…) » (Vayikra 17:2)
D.ieu savait que le Beth Hamikdach viendrait à être détruit. Aussi posa-t-Il le principe suivant : tant que le Temple existe et que vous y apportez des offrandes, vos fautes sont expiées, mais en l’absence de Temple, comment les expierez-vous ? En vous consacrant aux paroles de Torah, comparées aux sacrifices et qui font expiation pour vous, ce à quoi fait allusion la tournure « Voici la parole (zé hadavar) ». Ce qui nous renvoie également aux indications du prophète : « Armez-vous de paroles (dévarim) » (Hochéa 14:3).
(Midrach Tan’houma)
L’ÉDUCATION
Dans la continuité du chapitre précédent, dans lequel nous avons évoqué l’immense pouvoir de la mère juive dans l’éducation de ses enfants et leur réussite, nous avons choisi de vous relater une histoire vraie, celle d’un jeune, qui, grâce à l’intelligence de sa mère, s’est épanoui dans la voie de la Torah.
Ce récit, ainsi que son message sous-jacent, ont été tirés de l’ouvrage Lééhov, du conseiller en éducation Rav Its’hak Rabbi chelita, que nous reproduisons ici avec son aimable autorisation :
« J’étais un enfant difficile, à tel point qu’un jour, ma mère me confia qu’elle avait déployé autant d’énergie pour m’élever qu’une mère aurait déployé pour dix enfants normaux.
« Sans être foncièrement mauvais, mais j’étais un enfant difficile. Tout au long de mon enfance, j’ai eu droit à des appréciations telles que “meneur”, “perturbateur”, “peut mieux faire”, “paresseux”, “mauvais élément”. Parfois, c’était : “Que va-t-on faire de lui ?” A douze ans, j’avais déjà été renvoyé de ma classe, et pourtant, j’étais loin d’être stupide. Au contraire, j’étais intelligent et avec ma langue affutée, je défendais les faibles, qui m’admiraient, tandis que les forts n’avaient qu’à bien se tenir. J’aimais aider autrui, et mes camarades m’appréciaient.
« En grandissant, j’ai intégré la Yéchiva. Mais, là aussi, en peu de temps, j’ai été renvoyé. Je m’approche à présent de la quarantaine et je peux affirmer, avec le recul des ans, que je n’étais ni paresseux, ni rebelle. Et pourtant, je ne réussissais pas dans le cadre classique.
« J’ai fini par recevoir une proposition de mariage avec, bien entendu, une jeune fille d’une famille décomposée, qui avait besoin d’un foyer chaleureux et n’eut d’autre choix que d’accepter le cas de la Yéchiva. Mes parents me pressaient de me marier, le principal à leurs yeux étant que j’ouvre une nouvelle page. J’ai une épouse extraordinaire de tous les points de vue, et je souhaite à tous d’être aussi heureux que moi. Je me suis marié avec la femme vertueuse conforme à l’idéal de la Torah, et elle m’a accepté comme je suis…
« Effectivement, j’ai démarré une nouvelle vie, avec des plages-horaires fixes pour l’étude, notamment celle du daf hayomi, et en m’efforçant de ne pas manquer une prière en minyan. Je me mis à travailler dans le commerce de différents articles. Je menais une vie paisible, à ma guise – personne pour me dire ce que je devais faire –, je gagnais bien ma vie ; ma femme travaillait elle aussi et nous avons eu, grâce à D.ieu, des enfants merveilleux.
« Mais j’arrive à présent à la partie la plus intéressante. Après tout ce que vous savez sur moi, vous serez sûrement surpris d’apprendre qu’aujourd’hui, j’exerce une tout autre profession : je suis machguia’h dans une Yéchiva !
« Eh oui, justement du fait que mon parcours avait été tellement chaotique, justement du fait que j’avais connu des difficultés, j’ai senti que je pouvais aider les autres. C’est dans cette optique que j’ai postulé à la Yéchiva. Le Roch Yéchiva ouvrit de grands yeux, mais sans me laisser impressionner, je lui résumai brièvement mon parcours, soulignant qu’il me semblait important qu’un machguia’h sache ce que traversent les ba’hourim en difficulté.
« Celui pour qui tout a toujours marché comme sur des roulettes ne sera jamais capable de déceler les abîmes de souffrance qu’un ba’hour peut atteindre. Les ayant connus personnellement, je me sens investi de la mission de les aider. Tel est l’état d’esprit avec lequel j’ai démarré, et jusqu’à ce jour, j’ai joui d’une grande aide de D.ieu et obtenu des résultats prometteurs.
« Je voudrais à présent vous révéler l’une des méthodes qui m’a le plus aidé dans mon enfance et ma jeunesse, méthode qui me permet aujourd’hui d’aider les autres. Je la soumets aux lecteurs, car elle peut se révéler d’une grande utilité, comme mon cas le prouve. Elle est efficace dans toutes les situations, même pour les enfants “sans problèmes”, et même quand tout va bien. Il s’agit des lettres et petits mots venant du cœur.
« Dans ma période la plus dure, lorsque, sous l’effet de la colère, personne ne pouvait m’adresser la parole, je trouvais chaque matin sous mon coussin un billet ou une lettre de maman. Parfois, il ne s’agissait que de quelques mots : “je t’aime” ou “bonne journée !”, assortis de pastilles au chocolat. Parfois, c’était une lettre d’une page, venant du fond du cœur, apparemment écrite en larmes.
« Même quand elle était en colère contre moi, ma mère écrivait : “Tu nous donneras beaucoup de na’hat”, “tu finiras par être fier de toi-même”. Parfois, elle glissait quelques compliments : “Je vois que tu as fait des efforts, même si le résultat n’a pas été comme on l’aurait espéré.” Parfois, elle m’écrivait quelques phrases qui recelaient un message très profond – des conseils pour la vie. J’y sentais combien de cœur et d’amour elle y avait mis. Je ne saurais décrire combien cela m’a encouragé. Elle écrivait toujours la vérité, avec des provisions pour la route. Parfois, elle me laissait une friandise, à laquelle elle accrochait un petit mot : « Pour t’adoucir des instants difficiles ».
« Je pouvais être certain que même si, a priori, la situation avait l’air désespérée et ma vie détruite, rien n’était perdu : j’étais aimé, j’étais important, je pouvais encore réussir. Même ma mère, qui, sous l’effet de la colère, ne pouvait me parler, pensait qu’un jour, je lui donnerais du na’hat. Rien n’était perdu, même si cela en avait pour l’instant l’air.
« J’ai fait perdurer cette méthode, en écrivant des mots à mes enfants, des choses que j’ai parfois du mal à dire, ou bien des mots qui font chaud au cœur, mais que je ne trouve pas l’occasion de dire devant toute la famille réunie. Tel un « pigeon voyageur », je place alors un mot sous le coussin, dans la trousse, entre les pages de l’agenda scolaire. Et ça marche… Qui mieux que moi peut en témoigner ?
« J’ai également recours à ce moyen à la Yéchiva. J’écris à l’élève que je veux toucher une lettre, dans laquelle je lui explique affectueusement pourquoi il est si important qu’il se lève à temps, pour lui et non pour moi, pour son existence personnelle. J’achète de grandes quantités de papier à lettres, et de pièces en chocolat pour adoucir la journée des ba’hourim. Et ça marche…
« J’écris, par exemple, à un ba’hour qui n’ouvre pas sa Guémara, que je le prie instamment de m’inviter au siyoum du premier traité qu’il aura terminé d’étudier, même si je sais que, pour toutes sortes de raisons, il traverse des difficultés – y compris sous l’influence du yetser hara, qui a momentanément pris le dessus. J’insiste, dans mon courrier, sur le fait que je ne suis pas prêt à renoncer à ce siyoum.
« J’écris des mots pour rapprocher, pour redonner espoir. Et sachez une chose : mes enfants lisent ces mots, de même que mes élèves, et je peux témoigner qu’aucun d’entre eux ne les a jamais jetés, et dans plusieurs cas, ces mots les ont sauvés. N’en suis-je pas moi-même l’exemple ? »