Parachat Balak 23 Juillet 2016 י"ז תמוז תשע"ו |
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La réalisation inéluctable du plan divin
Rabbi David Hanania Pinto
« Il envoya des messagers à Bilam, fils de Beor, à Pethor qui est sur le Fleuve, dans le pays de ses concitoyens, pour le mander, en ces termes : “Un peuple est sorti d’Egypte ; déjà il couvre la face du pays, et il est campé vis-à-vis de moi (…)” » (Bamidbar 22:5)
A la lecture de ce verset, on se heurte d’emblée à une question : pourquoi donc Bilam trouva-t-il nécessaire de préciser que le peuple juif « est sorti d’Egypte », alors qu’il s’agissait là d’un fait connu de tous ? En effet, cette libération miraculeuse avait été précédée des dix plaies, par le biais desquelles le Nom divin avait été glorifié dans le monde entier. Puis, lorsque l’Eternel avait fendu la mer des Joncs en deux pour le bénéfice de Ses enfants, ce fut, une fois de plus, pour tous les peuples, la manifestation claire de Sa toute-puissance, de Sa Providence et de Son intervention sur terre, manifestation qui leur inspira Sa crainte. Aussi pourquoi Bilam mentionna-t-il dans ses propos un événement déjà connu ?
De même, son affirmation : « déjà il couvre la face du pays » ne manque de nous étonner, alors que les Hébreux ne représentaient qu’un petit peuple, dont seul un cinquième avait mérité d’être libéré d’Egypte !
L’ouvrage Chéma Israël rapporte les propos de Rabbi Moché de Duner, qui explique le sens latent des paroles de Balak. Il dit : « Un peuple est sorti d’Egypte », autrement dit, de la source de l’impureté, du pays le plus immoral de l’époque – surnommé la « nudité de la terre », tant il était corrompu. Or, en dépit de son long séjour en ce lieu, « déjà il couvre la face du pays », c’est-à-dire qu’il s’est couvert les yeux pour les préserver des visions interdites et échapper à l’emprise des forces impures.
Or, Balak savait que la Présence divine se retire d’un endroit immoral, ce qui, subséquemment, laisse le champ libre au Destructeur pour réaliser ses mauvais desseins. Aussi tenta-t-il, dans un premier temps, de faire fauter les enfants d’Israël par des visions interdites. Cependant, il n’y parvint pas, tant ces derniers avaient pris l’habitude, tout au long de leur esclavage en Egypte, de préserver leurs yeux de tels spectacles. D’ailleurs, c’est le mérite de cette maîtrise de soi qui leur valut la délivrance, laquelle, sur le plan spirituel, se traduisit par le détachement des quarante-neuf degrés d’impureté et une acquisition des degrés équivalents de pureté.
Rabbi Chelomo de Radomsk écrit (Tiférèt Chelomo Balak), à cet égard, que la sainteté d’un homme dépend essentiellement de son souci de préserver ses yeux des visions indécentes ; plus il veille à ceci, plus il est à même de se sanctifier et de s’élever dans les degrés de la Torah et de la crainte. Tel est le sens de l’avertissement de la Torah : « vous ne vous égarerez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité » (Bamidbar 15:39). Autrement dit, les yeux et le cœur sont les médiateurs du péché (Bamidbar Rabba 10:2), en cela qu’ils introduisent en l’homme des mauvaises pensées aussi graves que l’adultère.
Les commentateurs affirment (Pessikta Zoutrati Chémot 6:6) qu’en Egypte, nos ancêtres restèrent fidèles à la tradition dans trois domaines essentiels : les noms, les habitudes vestimentaires et la langue. Or, leur attachement à ces trois points d’ancrage, témoigne leur volonté de préserver leur pureté : ils donnaient à leurs enfants des noms provenant d’une source sainte, s’habillaient de manière pudique et ne souillaient pas leur bouche par des vulgarités.
Balak était conscient que c’était cette lutte contre l’impureté environnante qui leur avait donné droit à la libération d’Egypte, et qui, de manière générale, leur tenait lieu de mérite et les prémunissait contre tout danger ou malheur. C’est pourquoi, face à la difficulté de s’attaquer à un peuple si fermement attaché à ses racines, source de sa force redoutable, il se tourna vers Bilam plutôt que de tenter de le faire par ses propres moyens. Néanmoins, il commença par le prévenir de ce pouvoir spirituel de son adversaire, afin de lui signifier qu’il faudrait avoir recours à de judicieux stratagèmes pour qu’il faute et que la Présence divine le quitte.
LA VOIE TRACÉE
Ce n’est pas à toi qu’il incombe de terminer le travail
Un homme me confia qu’il occupait un poste clé dans une grande société américaine qui emploie des milliers de personnes et a un actif de plusieurs dizaines de milliards. Mais cette société se trouvait en fait dans une mauvaise passe, et c’est pourquoi il avait tenté de concevoir un « plan génial » afin d’éviter qu’elle s’effondre.
Il me détailla son plan, me demandant si je pensais qu’il avait de bonnes chances de réussir.
Pour avouer la vérité, au départ, je ne parvins pas à saisir les innombrables détails du projet compliqué qu’il m’exposait, mais le peu que je réussis à comprendre me permit de réaliser le génie de l’homme qui se tenait devant moi. Ce n’était apparemment pas un hasard s’il était parvenu à un tel poste…
Une fois qu’il eut terminé, je me hasardai à lui demander : « Et que se passera-t-il si votre brillant plan ne réussit pas comme vous l’espérez ?
– Rabbi David, ça fait un mois que je le mets au point, il réussira.
– Avec l’aide de D.ieu, votre plan marchera. Mais tentons tout de même d’imaginer la situation inverse, si malheureusement il ne marchait pas et que la société s’effondrait, insistai-je. Que se passerait-il ? »
Mon interlocuteur réfléchit quelques instants puis me répondit : « Même si mon plan ne réussissait pas à cause des gros problèmes de la société ou de la malchance qui la poursuit ces derniers temps, de mon côté, j’aurais tout de même la satisfaction personnelle d’avoir mis au point une solution viable à ses problèmes, et je ne me sentirais pas remis en question par son insuccès, ne dépendant pas de moi, mais de la société. »
J’ai trouvé cette conclusion remarquable : en effet, nous aussi devons servir le Créateur et tenter de trouver des solutions justes et intelligentes aux épreuves que nous rencontrons. Après quoi, même si ces solutions s’avèrent inopérantes ou inefficaces, nous aurons la conscience d’avoir fait notre part et pourrons nous présenter devant la Cour céleste, après cent vingt ans, la conscience tranquille. Comme le disent nos Sages : « Ce n’est pas à toi qu’il incombe de terminer le travail. » (Avot 2:16)
Le Juif doit servir D.ieu de son mieux, accomplir son devoir, tout en laissant les conséquences et la réussite entre les mains du Très-Haut. Car sans Son aide, rien ne pourrait se réaliser.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Les survivants de Yaakov seront au milieu de la foule des peuples comme la rosée que D.ieu envoie (…) » (Mikha 5:6 et suivants)
Lien avec la paracha : Dans la haftara sont évoquées les bontés de D.ieu envers Son peuple, notamment celle d’avoir inspiré à Bilam de bénir Israël, évènement que retrace la paracha, où on voit comment la tentative de deux impies tels que Balak, roi de Moav, et Bilam, prophète des nations, de maudire le peuple juif, se solda par un échec.
AU PARFUM DES MINHAGUIM
La coutume est de chanter à la table du Chabbat des piyoutim et des zémirot.
Ce minhag découle du midrach sur le verset (Chir Hachirim 8:14) « Fuis, mon bien-aimé (…) ». Lorsque les enfants d’Israël mangent et boivent, bénissent, louent et encensent le Saint béni soit-Il, Il écoute leur voix et est satisfait.
En outre, comme le disent nos Sages, « quand trois hommes partageant le même repas prononcent des paroles de Torah, c’est comme s’ils mangeaient à la table de D.ieu ». Or, du fait que nombre de nos frères n’étaient pas versés en Torah, la récitation des zémirot à été instaurée à la place.
CHEMIRAT HALACHONE
Ecouter en silence
Celui qui a l’habitude de se taire échappe à plusieurs fautes, dont la flatterie, la moquerie, la médisance, le mensonge, les invectives. Car lorsqu’un homme l’insulte et l’invective, s’il répond, ce sera encore pire.
Voici le parti que prend le Sage : « J’entends de mauvaises paroles mais je me tais. » Et d’expliquer la raison de ce choix : « Si je réponds à celui qui m’attaque et m’invective, je crains d’entendre des insultes pires que les premières. »
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Abandon de la Torah, effondrement des remparts
Comment expliquer que les enfants d’Israël, qui avaient paisiblement attendu le retour de Moché durant quarante jours, furent soudain à bout de patience au point qu’ils décidèrent de construire le veau d’or, péché dont nous subissons encore, jusqu’à aujourd’hui, les tragiques conséquences ? D’ailleurs, une des raisons pour lesquelles nous jeûnons le 17 Tamouz est que ce fut le jour où nos ancêtres prirent cette malheureuse initiative. Ce jeûne a donc pour but d’effacer toute empreinte et d’obtenir l’expiation de ce péché qui, à travers toutes les générations, fait peser une lourde accusation sur le peuple juif.
Comme nous le savons, ce jour fut aussi marqué par une autre tragédie, la première brèche dans les murailles de Jérusalem, événement qui n’est lui-même qu’une conséquence du péché du veau d’or et vient confirmer que le 17 Tamouz est bien prédestiné à la punition. La Torah, de par le pouvoir protecteur qu’elle exerce sur l’homme, est comparée à une muraille. Mais, dès lors que les enfants d’Israël la délaissèrent, ils perdirent cette protection et devinrent la cible du Destructeur, auquel ils préparèrent, à leur insu, le terrain. Désormais, la route n’était plus longue jusqu’à la destruction du Temple… Le terme ’homa, muraille, peut également être rapproché du terme ’héma, colère, où nous lisons en filigrane l’irritation de Dieu face à un peuple qui s’était montré infidèle à la Torah et ne lui avait laissé d’autre choix que de détruire Sa résidence.
Ainsi donc, le péché du veau d’or correspond à l’amorce de la punition, qui se manifesta tout d’abord par la destruction du Temple, puis, tout au long de la chaîne des générations, par un lot de poignantes souffrances. Tout comme il serait aberrant qu’un Juif, religieux depuis son plus jeune âge, décide d’entrer dans une église pour s’y agenouiller, il nous est malaisé de comprendre comment nos ancêtres ont pu en venir à construire cette idole.
Répondons simultanément à ces deux questions. Il arrive parfois qu’un homme désire tester la limite de ses forces et sa résistance personnelle, et ce, bien souvent au péril de sa vie. Ainsi, combien d’individus ont-ils trouvé la mort après avoir voulu faire une telle expérience, du fait qu’ils ont trop tiré sur la corde ! Ces dangereuses ambitions se retrouvent principalement dans le domaine sportif, où d’aucuns se lancent le défi de dépasser les records établis. C’est la compétition, que ce soit dans la plongée, le saut à l’élastique, le saut en chute libre, ou en traversant des précipices sur une corde raide. Si l’on réfléchit, il s’agit en fait là d’un défi à la mort. Comment peut-on oser se conduire ainsi et se placer dans un tel danger ?
De fait, chacun est habité par une voix intérieure qui lui souffle secrètement : « A toi, cela n’arrivera pas ». Lorsqu’il donne crédit à cette voix, l’homme est enclin à prendre des risques, se disant, par exemple : « Si nombreux sont ceux qui ne sont certes pas parvenus à gravir le mont Everest, je réussirai cette ascension grâce à mes talents et mon instinct de survie. »
De même, après avoir attendu Moché durant quarante jours, nos ancêtres voulurent tester leur capacité de mener une existence en l’absence de dirigeant spirituel leur indiquant la voie à suivre. Mais, du fait qu’ils rompirent tout lien mental avec leur maître Moché et la sainte Torah, ils en vinrent à construire un veau d’or, pour pallier le manque ainsi suscité.
Il en résulte que l’homme doit être conscient de ses forces et de ses faiblesses, et éviter de se tester dans un domaine où il risque de succomber. Ceci étant difficile à évaluer, il se doit de s’éloigner de l’épreuve de manière générale. C’est pourquoi, dans la prière du matin, nous supplions Dieu en ces termes : « Ne nous mets pas à l’épreuve ». Car, s’il est vrai qu’Il n’envoie jamais à l’homme un test qui dépasse ses potentialités, il nous est interdit de nous placer dans une situation d’épreuve.
ENTRE LES LIGNES
Maître de la langue
« Mais l’Eternel mit Sa parole dans la bouche de Bilam, et lui dit : Retourne vers Balak, et tu parleras de la sorte… » (Bamidbar 23:5)
Rabbi Elazar ben Pedat demande, au nom de Rabbi ‘Hanania : pourquoi Bilam conçut-il l’idée de maudire Israël ? » Car il pensait que ce serait par son intermédiaire qu’Israël sortirait d’Egypte et recevrait la Torah. Lorsqu’il vit que ce fut par le biais de Moché que les enfants d’Israël sortirent d’Egypte et reçurent la Torah, il prépara aussitôt des listes de malédictions à prononcer à leur encontre.
C’est à son propos que Chelomo disait (Michlé 16:1) : « L’homme est maître des résolutions de son cœur ; mais c’est l’Eternel qui prononce sur elles. » Les « résolutions de son cœur » font allusion aux listes de malédictions qu’il avait préparées, mais le Saint béni soit-Il lui ferma la bouche et les transforma en bénédictions, comme il est dit : « Mais l’Eternel mit Sa parole dans la bouche de Bilam ».
Rabbi Yonathan ajoute : « Il lui planta un clou en fer dans sa gorge. S’il manifestait la volonté de bénir, Il le laissait ; s’il voulait maudire, Il l’en empêchait par ce biais. »
(Pitron Torah)
De solides racines
« Oui, je le vois de la cime des rochers, et du haut des collines, je le découvre. » (Bamidbar 23:9)
Cela pour nous faire connaître la haine de cet impie, qui se lit entre les lignes de ses berakhot.
A qui peut-on le comparer ? A un homme qui veut couper un arbre. Celui qui n’est pas expert coupe d’abord les branches, une à une, s’épuisant à la tâche. Celui qui est intelligent, par contre, découvre les racines et le coupe à la base.
Or, voici le raisonnement que fit cet impie : « Pourquoi maudire chaque tribu séparément ? Je vais m’en prendre directement à la racine ! » Il alla les trouver, et constata qu’elles étaient dures.
C’est la raison pour laquelle il évoque « la cime des rochers », méroch tsourim, termes qui font allusion aux patriarches, tandis que les collines renvoient aux matriarches.
(Midrach Tan’houma)
Les mitsvot liées à la terre
« Qui peut compter la poussière de Yaakov, nombrer la multitude d’Israël ? » (Bamidbar 23:10)
Voyez combien de mitsvot Israël fait avec la terre.
Rabbi Méir disait : Il ne s’écoule pas un jour sans que le plus humble Juif ne fasse de mitsvot.
Sache que c’est ce qu’a dit Rabbi Yéhouda ben Rabbi Chalom : même le plus simple des plus simples ne met pas une tranche [de nourriture] en bouche avant d’avoir réalisé des mitsvot.
Comment ? Il sort labourer, il accomplit la mitsva de ne pas labourer avec un taureau et un âne attelés ensemble. Il va semer, il accomplit la mitsva de ne pas semer de kilaïm (espèces hétérogènes). Lorsque le temps de la moisson arrive, il accomplit les mitsvot de léket, chikh’ha et péa (laisser des gerbes aux pauvres), et celle de ne pas museler le taureau lorsqu’il bat le blé. Puis il fait des tas de blé et doit effectuer les différents prélèvements sur la récole (terouma, maasser richon et chéni). Enfin, le prélèvement de la ‘halla au moment de la cuisson.
On en est à 10 mitsvot.
Mais ce n’est pas tout, puisqu’au moment où il s’apprête à manger, il tend ses deux mains pour les laver. Pour quelle raison ? En fait, il les présente à D.ieu pour qu’elles intercèdent en sa faveur. C’est en quelque sorte une manière de Lui dire : « Mon Maître, voici mes dix doigts. Ils ne profitent du produit de leur labeur qu’après avoir accompli 10 mitsvot liées à la terre. C’est la raison pour laquelle Bilam évoque la « poussière de Yaakov », comme pour dire : « qui pourrait maudire des hommes qui accomplissent tant de mitsvot avec la terre ? »
(Yalkout Chimoni)
ZOOM SUR UNE DATE
Le quatrième jeûne : le 17 Tamouz
Cette année, ce jour tombe Chabbat, et c’est pourquoi le jeûne est repoussé au dimanche 18 Tamouz. Dans les communautés séfarades et orientales, on a l’habitude d’annoncer le jeûne Chabbat.
Cinq malheurs eurent lieu le 17 Tamouz, comme l’énumèrent nos Sages : les premières tables de la Loi furent brisées, le sacrifice perpétuel fut aboli, la brèche fut pratiquée dans les enceintes de Jérusalem, Apostomos l’impie brûla un séfer Torah et une idole fut placée dans le Temple.
La destruction des tables de la Loi
Le 7 Sivan, après le don de la Torah, Moché monta de nouveau sur le mont Sinaï [qu’il était encore interdit au peuple d’approcher, comme cela leur avait été signifié avant le don de la Torah] afin d’apprendre directement de D.ieu les principes généraux et les moindres détails de la Torah, et de recevoir les tables d’Alliance.
Avant de monter au ciel, Moché avertit Israël : « A l’issue de quarante jours, au début de la sixième heure, je viendrai vous apporter la Torah. » Ils supposèrent que le jour où il était monté était inclus dans le compte. Mais, tel n’était pas le cas, car il ne s’agissait pas d’un jour complet, puisqu’il ne comprenait pas la nuit. Etant donné qu’il monta le 7 Sivan, le quarantième jour tombait donc le 17 Tamouz.
Le 16, le Satan introduisit une grande confusion dans le monde, de l’obscurité et de la brume, pour souligner que Moché était certainement décédé, la sixième heure étant passée sans qu’on le vît revenir.
« Où est Moché, votre Maître ? » demanda le Satan aux Hébreux. « Il est monté au ciel », lui répondirent-ils. « La sixième heure est passée ! » leur dit-il, mais ils n’y prêtèrent pas attention. « Il est mort ! » prétendit-il, mais ils l’ignorèrent. Il leur montra l’image de son cercueil. Cette fois, les enfants d’Israël paniquèrent et coururent vers Aharon dans la plus grande confusion, à la limite de la démence. « Fais-nous un D.ieu ! » le supplièrent-ils, désespérés.
Le lendemain, Moché descendit de la montagne. Au moment où le Saint béni soit-Il lui transmit les tables de la Loi, elles se portaient d’elles-mêmes. Lorsqu’il descendit, s’approcha du camp et vit le veau d’or, l’écriture quitta les tables, qui devinrent soudain lourdes dans les bras de Moché. Aussitôt, « le courroux de Moché s’alluma ; il jeta de ses mains les tables et les brisa au pied de la montagne » (Chémot 32:19).
A l’époque de la destruction du premier Temple, les murailles de la ville furent forcées le 9 Tamouz, mais pour éviter d’imposer à la communauté des devoirs trop difficiles à assumer, on ne fixe pas deux jeûnes l’un après l’autre. De ce fait, c’est la date du 17 Tamouz qui fut retenue, étant donné que la destruction du second Temple est plus grave pour nous.
L’abolition du sacrifice perpétuel
A l’époque du premier Temple, c’est un 9 Tamouz que les enceintes de Jérusalem furent forcées et que les ennemis pénétrèrent dans la ville, y perpétrant de nombreux forfaits, mais ils ne purent pénétrer dans le Temple, car les Cohanim s’y replièrent, poursuivant le Service divin jusqu’au 7 Av. Cependant, à partir du 13 Tamouz, ils commencèrent à manquer de moutons pour pouvoir continuer à offrir les sacrifices perpétuels quotidiens, bien qu’il y ait toujours eu dans la Azara des moutons sans défaut pour suffire aux sacrifices de quatre jours. Aussi, à partir du 13 Tamouz, ils soudoyèrent les troupes qui les encerclaient en leur glissant de l’or et de l’argent, tandis qu’en retour, les autres leur livrèrent des moutons. Ce manège dura jusqu’au 17 Tamouz.
La première brèche dans les murailles de Jérusalem
A l’époque de la destruction du second Temple, les troupes ennemies, avec Titus à leur tête, parvinrent à passer la muraille et pénétrèrent dans la ville le 17 Tamouz. Par contre, à l’époque de la destruction du premier Temple, qui eut lieu sous le règne de Tsidkiahou (Sédécias), il est écrit (Yirmyahou 52:6-7) : « Le quatrième mois, le neuvième jour du mois, la famine sévit dans la ville et les gens du peuple manquèrent de pain. Alors la ville fut ouverte par une brèche. Aussitôt tous les gens de guerre s’enfuirent en quittant la ville nuitamment (…). »
D’après le Yérouchalmi, cela eut en fait également lieu un 17 Tamouz, mais du fait des malheurs qui s’abattirent sur eux, ils se trompèrent dans leur compte, en pensant que c’était le 9 Tamouz.
Dans ce cas, bien que cette erreur fût connue de D.ieu et de Yirmyahou, Il fit consigner au prophète la date que le peuple avait calculée, comme pour souligner dans quel abîme de confusion les avaient plongés leurs indicibles souffrances, qu’Il partageait pleinement.
L’autodafé d’Apostomos
La Michna évoque ce funeste évènement, mais les sources anciennes ne donnent pas beaucoup de détails. On peut seulement lire, dans le Yérouchalmi : « Où l’a-t-il brûlé ? Rav A’ha pense que c’est sur les gués de Lod, tandis que nos Sages enseignent que c’est sur les gués de Torlosa. »
Les A’haronim estiment que cet évènement remonte à la période du gouverneur romain Komnus, environ seize ans avant la grande rébellion contre Rome. Il s’agit d’une période particulièrement chaotique pour les habitants d’Israël, en proie aux persécutions des troupes du gouverneur, qui s’en prenaient à tout ce qui est saint. Des troubles majeurs eurent lieu, suivis d’une accalmie, évènements sur lesquels s’attarde Flavius-Josèphe :
« Après cette calamité [ces troubles causés par les Romains et qui se soldèrent par la mort de près de 10 000 hommes sur le mont du Temple], une nouvelle infamie eut lieu à cause d’un acte de brigandage, quand, sur la voie du roi à côté de Beth Horon, des maraudeurs s’en prirent à Stefanus, l’un des serviteurs de l’empereur. Après le pillage, Komnus envoya son armée dans les villages proches du lieu de la rapine et ordonna d’arrêter ses habitants et de les lui amener. Il leur reprochait de ne pas s’être lancés à la poursuite des maraudeurs pour les attraper. L’un des militaires s’empara au passage d’un séfer Torah dans l’un des villages, le déchira et le jeta au feu. Les Juifs, de toutes parts, frémirent comme si toute leur terre avait pris feu devant eux. A peine eurent-ils eu vent des faits que tous voulurent venger cet affront à ce qu’ils avaient de plus saint. Jaillissant comme des flèches de leur carquois, ils se ruèrent sur Césarée pour protester auprès de Komnus, afin qu’il venge l’honneur de l’Eternel et celui de la Torah, bafoués par cet homme. Il comprit alors que la tempête ne se calmerait pas tant qu’il n’aurait pas apaisé le courroux du peuple. C’est pourquoi il fut décrété de condamner à la potence le militaire, entre les rangées formées par ceux qui lui en voulaient, après quoi les Juifs regagnèrent leurs villes. »
D’après les estimations, ces évènements auraient eu lieu le 17 Tamouz, quelques années avant la destruction du second Temple, et le tristement célèbre Apostomos ne serait autre que Stefanus, ce genre de changement de nom étant extrêmement fréquent.
Une idole fut placée dans le Temple
D’après certains, c’est également le fait d’Apostomos, le même jour – un 17 Tamouz. D’autres pensent que cela fait allusion à l’idole érigée par le roi Ménaché dans le Temple, également un 17 Tamouz.
Jours de vérité et de paix
Aux Temps futurs, prophétisa Zékharia après la destruction du premier Temple, tous les jeûnes – Ticha Béav, le 17 Tamouz, le 10 Tévet et le jeûne de Guédalia – se transformeront en jours de joie.
« Ainsi parle l’Eternel-Tseva-ot : Le jeûne du quatrième mois et le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième mois seront changés pour la maison de Yéhouda en joie et en allégresse et en fêtes solennelles. Mais chérissez la vérité et la paix ! » (Zékharia 8:19)
Notons cependant que nos Sages évoquent une limitation quant à ceux qui pourront jouir de cette période. Tous n’auront pas le mérite d’arriver à la fin des temps et de voir la renaissance de Jérusalem. Quelle est donc la condition pour avoir le mérite d’arriver à cette période bénie ? Cela dépend de la manière dont on s’endeuille sur la destruction du Temple et dont on vit le douloureux exil de la Chékhina. Ainsi qu’ils l’ont dit (Taanit 30b) : « Celui qui s’endeuille sur Jérusalem aura le mérite de voir sa joie, contrairement à celui qui ne s’endeuille pas. »