Parachat Lekh Lekha 12 Novembre 2016 י"א חשון תשע"ז |
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Les actes des patriarches : des leçons pour leurs descendants
Rabbi David Hanania Pinto
« Loth se dirigea vers l’Est ; et ils se séparèrent l’un de l’autre. » (Béréchit 13:11)
Dans ces sections, la Torah relate en détail la vie et le comportement de nos saints patriarches dans le but de nous donner matière à réflexion et de nous indiquer quelle est la conduite agréée par l’Eternel, que tout Juif se doit d’adopter. L’aspiration profonde d’un homme à connaître clairement sa mission dans ce monde constitue la clé de sa réussite. Tout ce qui a été créé dans ce monde possède un but déterminé. La mission du Juif consiste à s’élever dans son service divin, à l’image d’un nouveau-né qui grandit chaque jour, pour finalement devenir indépendant.
Nous pouvons, à présent, comprendre pourquoi le livre de Béréchit nous rapporte le récit de la vie des patriarches, plutôt que d’énumérer les mitsvot elles-mêmes : afin de nous enseigner, sur le mode allusif, que notre devoir consiste à tirer leçon des actes de nos patriarches, dans le but de pouvoir ensuite observer les mitsvot convenablement. Il est écrit : « S’il n’y a pas de Torah, il n’y a pas de savoir-vivre, et s’il n’y a pas de savoir-vivre, il n’y a pas de Torah. » (Avot 3:17) Nous en déduisons que la Torah ne peut se maintenir que si l’homme qui la reçoit en est digne. La Torah est comparée à l’eau, qui a besoin d’un récipient qui la contienne et dont elle prend la forme ; de même, l’homme doit faire de lui un réceptacle digne de recevoir la Torah, en perfectionnant au préalable ses traits de caractère et en respectant les règles de savoir-vivre.
L’histoire de la séparation de Loth et d’Avraham nous transmet un message très profond dans le domaine de notre service divin. D’un certain point de vue, Loth était juste et croyant. La Torah rapporte qu’il n’a pas dévoilé aux Egyptiens que Sarah était la femme d’Avraham, alors qu’il aurait pu, par ce biais, faire fortune. De même, lorsque Loth a laissé ses bergers faire paître son bétail dans des champs étrangers, il avait une bonne raison : il pensait être le seul héritier d’Avraham qui, à ce moment-là, n’avait pas encore d’enfants ; dans ce cas, tous les biens de son oncle lui appartiendraient un jour, y compris ces champs-là.
Il est évident qu’Avraham n’a jamais dit explicitement à Loth qu’il hériterait de lui, car il savait qu’il aurait le mérite d’avoir une descendance, confiant en la promesse divine : « Je te ferai devenir une grande nation. » (Béréchit 12:2)
En outre, l’ordre qui lui a été donné : « Va pour toi , expression dont la valeur numérique est cent, était une allusion au fait qu’il aurait un enfant à l’âge de cent ans. Avraham a uniquement révélé aux personnes qui l’accompagnaient que l’Eternel lui avait ordonné de se rendre vers cette terre-là, comme il est dit : « vers le pays que Je t’indiquerai ». Or, Loth, qui était intelligent, a mené ses propres déductions et a fait le raisonnement suivant : « Si D.ieu a ordonné à Avraham de quitter ‘Haran pour rejoindre un autre pays, c’est la preuve qu’Il désire lui donner cette terre ; Avraham n’ayant pas d’enfants, je serai donc son seul héritier. » Par conséquent, lorsque Loth a permis à ses bergers de faire paître son bétail dans des champs étrangers, il n’avait pas l’intention de voler, mais comptait sur le fait que, le moment venu, ces champs lui appartiendraient de toute façon.
La suite de l’histoire met également en relief le comportement pieux de Loth : il s’est montré prêt à mettre en danger sa propre vie et celle de ses filles, lorsqu’il a reçu les anges dans sa maison. Même notre patriarche Avraham n’a jamais eu l’occasion de pratiquer l’hospitalité dans de telles conditions. Nos Sages, de mémoire bénie, ajoutent (Yalkout Chimoni 82) que Loth a servi aux anges de la matsa, car ils sont venus au moment de Pessa’h ; aussi, Loth qui respectait Pessa’h, avait-il certainement éliminé de sa demeure tout aliment fermenté et observé les autres mitsvot liées à cette fête, telles qu’il les avait apprises auprès d’Avraham.
Loth est donc présenté comme un juste, qui était prêt à faire des sacrifices dans le but d’accomplir les mitsvot, en particulier en ce qui concerne la consommation de la matsa à Pessa’h, sur laquelle le saint Ari, zal, affirme que « tout celui qui observe Pessa’h conformément à la loi, ne trébuchera pas dans le péché ». Si c’est ainsi, comment comprendre le choix de Loth de s’installer parmi les habitants de Sodome et Gomorrhe, célèbres pour leur impiété et leur propension au vol ?
Il semble que si Loth a choisi de se diriger vers Sodome, ville de mécréants et de bandits, c’est parce qu’il s’y trouverait dans son élément, comme le dit le proverbe : « Qui se ressemble, s’assemble. » En réalité, le défaut profond de Sodome, à savoir le vol, était également ancré en Loth. En effet, même d’après son raisonnement selon lequel il serait l’héritier d’Avraham, Loth a utilisé ces champs en s’appropriant prématurément un héritage futur. Ceci peut être comparé au cas de deux personnes qui s’apprêtent à jouer au Monopoly. Imaginons que celui qui connaît bien le jeu – et ses risques – prétende qu’il gagnera de toute façon, son adversaire ignorant les règles du jeu ; il s’octroierait alors les propriétés de son prochain avant même le début de la partie. Telle fut justement l’erreur de Loth.
En conclusion, une réflexion sur les comportements de nos patriarches nous permet de mieux comprendre les ordres de la Torah et les limites de ses interdictions. Par exemple, en ce qui concerne la prohibition du vol, nous apprenons de cette section que le vol est à proscrire même dans le cas où l’homme n’en profite pas directement. C’est pourquoi, il était nécessaire que la Torah commence par le récit de l’histoire de nos patriarches, qui représente une introduction à la façon dont nous devons considérer les mitsvot du Très-Haut ; cette réflexion agrandira ensuite l’amour de l’Eternel dans notre cœur.
La mémoire du Juste
Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan
Cette semaine est marquée par la hilloula ( Mercredi 15 Hechvane – 16 Novembre) de l’un des géants de notre peuple, descendant de la prestigieuse lignée Pinto, le juste, célèbre pour les nombreux miracles qu’il suscita, Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan. Durant tout son vivant, il donna du mérite au grand nombre, tant d’un point de vue matériel que spirituel, rapprochant ses frères juifs de leur Père céleste, tâche qu’il continue encore à remplir depuis les sphères supérieures.
En cette semaine où nous lisons dans la Torah une paracha où il est question de notre patriarche Avraham, qui représente le pilier de la bienfaisance, nous allons nous concentrer sur cette qualité également propre à Rabbi ‘Haïm Pinto, bien qu’elle ne représente qu’un aspect de sa brillante personnalité qui éclaira l’ensemble de ses contemporains, à travers sa conduite et sa piété remarquables.
A l’instar du Très-Haut, Rabbi ‘Haïm – puisse son mérite nous protéger – « rend[ait] de réels bienfaits à son peuple Israël » ». C’est en investissant toutes ses forces qu’il se souciait de la subsistance de l’ensemble des pauvres de sa ville. Son emploi du temps quotidien était fixe. Après la prière du matin, il se rendait à l’ancien cimetière pour se recueillir sur la tombe de son grand-père, le juste et kabbaliste Rabbi ‘Haïm Pinto Hagadol – puisse son mérite nous protéger. Il citait toujours son nom lorsqu’il bénissait les gens. Il leur souhaitait ainsi : « Que le mérite de mon saint et vénéré ancêtre vous protège ! »
Puis, il se dirigeait vers le nouveau cimetière, où repose son père, le juste et saint Rabbi Yéhouda (Hadan) – puisse son mérite nous protéger. De là, il rejoignait la ville, en direction des magasins, où il s’approvisionnait de vivres pour les distribuer à ses concitoyens dans le besoin.
Le juste chargeait son chamach de se rendre au domicile d’une certaine femme veuve ou d’une famille qui comptait parmi les nécessiteux de la communauté. Il donnait l’instruction d’envoyer aux uns de la viande et des pâtisseries, aux autres des fruits et des légumes… C’est ainsi que le chamach distribuait, sur l’ordre du juste, toute la nourriture rassemblée pour les pauvres, qu’il sauvait de la faim.
Rabbi Nissim Abitsror raconte qu’il a eu l’insigne honneur d’être plusieurs fois désigné par Rabbi ‘Haïm pour l’accompagner lorsqu’il ramassait de l’argent auprès des Juifs de la ville, afin de le donner en tsédaka. Pas tout le monde ne jouissait d’un tel privilège, qu’il a, quant à lui, eu la chance de connaître.
Tous les vendredis, Rabbi ‘Haïm faisait une collecte de denrées alimentaires, tandis que ce jour-là, il ne ramassait pas d’argent. Car il était conscient que les pauvres n’auraient pas suffisamment de temps pour aller s’acheter à manger pour Chabbat. C’est pourquoi, alors que les autres jours de la semaine il ramassait de l’argent, ce jour-là, il ne demandait que de la nourriture, qu’il pourrait donner aux pauvres en l’honneur de Chabbat.
Certains « cherchaient » Rabbi ‘Haïm ou passaient volontairement près de lui afin qu’il leur demande une somme d’argent pour la tsédaka. Il était connu, chez les Juifs marocains, que Rabbi ‘Haïm bénissait ses donateurs, que ce jour-là serait bon pour eux et qu’ils connaîtraient la même semaine des miracles et de grands saluts.
Chaque soir, on pouvait observer Rabbi ‘Haïm nettoyer ses poches. Lorsqu’on le questionnait à ce sujet, il répondait : « Toute la journée, mes poches étaient pleines d’argent, alors je dois les laver pour leur ôter la saleté de celui-ci. Car l’argent salit, comme toute chose répugnante. »
Il est incroyable de constater à quel point les justes haïssent l’argent. Bien qu’ils fassent attention de ne pas le perdre, ils ne s’y lient pas, mais y voient uniquement un moyen de subsistance et une manière de pratiquer des mitsvot. Puis, ils s’empressent de s’en débarrasser, si bien qu’ils rejoignent leur lit sans que la cupidité les y accompagne.
Puisse le mérite du juste nous protéger, ainsi que tout le peuple juif, et attirer sur nous miséricorde et salut, Amen !
La voie Tracée
Esclave de l’argent
Un Juif new-yorkais de ma connaissance mourut devant son ordinateur. Il s’avéra, après enquête, que sa mort subite était survenue lorsqu’il avait appris le crash boursier, perdant en un instant tous ses biens. Son cœur n’avait pas supporté le choc et il avait eu une attaque fatale.
Cet homme était apparemment esclave de son argent, et c’est pourquoi celui-ci causa sa mort. Ainsi, bien que l’on ait l’habitude de considérer un homme d’affaires comme le maître de celles-ci, c’est en vérité l’inverse qui est vrai : il est leur esclave tout au long de son existence.
La véritable richesse
Au Brésil, je connais un Juif qui a perdu en deux mois 500 millions de dollars à la bourse. Pour lui, la roue avait tourné.
« Chaque jour, je remercie D.ieu de vous connaître, me confia-t-il cependant. Car depuis que je vous connais, je me suis considérablement rapproché du Judaïsme, et c’est ce qui me permet de tenir bon malgré tout. »
Cela me fit plaisir d’entendre ce témoignage de foi ainsi que d’avoir été le messager qui l’avait rapproché de son Père céleste. Je lui donnai en outre un certain nombre de conseils pour que ses affaires reprennent, mais il ne les suivit pas et accusa perte sur perte, si bien qu’il ne lui resta plus que d’infimes pourcentages de sa fortune colossale.
Sa foi en D.ieu resta toutefois aussi ferme et il alla jusqu’à déclarer : « J’ai perdu des valeurs matérielles – ma maison, mon argent, etc. –, mais j’y ai gagné des valeurs spirituelles, puisque j’ai cessé de manger non-cachère, mes enfants sont scolarisés dans des institutions juives, et ma femme se couvre la tête. Et ce, parce que j’ai découvert le Judaïsme. »
Ce Juif a eu le mérite de surmonter les épreuves de sa vie honorablement, sans se laisser décourager par la chute financière, et ce, grâce à sa foi inébranlable en D.ieu, qui l’a soutenu à chaque fois. C’est là la véritable richesse que l’on gardera dans le Monde futur.
Haftarah
Haftara de la semaine :
« Pourquoi dis-tu, ô Yaakov (…) » (Yechaya 40 ; 27)
Lien avec la paracha : la haftara évoque la guerre menée par Avraham contre les quatre rois, comme il est dit : « Qui l’a suscité de l’Orient, celui qui appelle le droit à suivre ses pas ? Qui lui livre les nations ? », tandis que ce combat est décrit dans la paracha.
Garde ta langue
Imposer le silence à sa mauvaise langue
Lorsque les gens apprendront la mauvaise nature d’un homme médisant, tous l’haïront et prendront leurs distances vis-à-vis de lui, de peur de devenir sa nouvelle cible. Même dans les temps futurs, lorsque cet homme méritera de se relever lors de la résurrection des morts, il sera tel un muet, incapable d’ouvrir la bouche. Nos Maîtres disent que, dans le futur, le Saint béni soit-Il coupera la langue des médisants, comme il est dit : « L’Eternel supprimera toutes les langues mielleuses, les lèvres qui s’expriment avec arrogance. »
Qui donc peut estimer l’ampleur de la peine et de la honte éternelle de cet homme, dont la mauvaise nature sera publiquement mise à nue ? Tous sauront alors qu’avec sa mauvaise langue, il semait la haine entre les hommes, comme il est dit : « A la fin, tout est révélé ».
Paroles des Sages
Ressentir la détresse des prisonniers
« Avram, ayant appris que son parent était prisonnier, arma ses fidèles » (Béréchit 14:14)
Dans le Pélé Yoets, il est écrit : « La prépondérance de la mitsva de sauver une vie est connue, puisque toutes les mitsvot de la Torah peuvent être repoussées afin de secourir une personne en danger. A plus forte raison, lorsqu’il s’agit de sauver une vie, a-t-on l’obligation de donner tout son argent, et même de vendre des rouleaux de Torah, si nécessaire. Nos Sages ont affirmé à cet égard que “celui qui sauve la vie à un seul Juif, c’est comme s’il avait sauvé le monde entier”. Car le premier de nos patriarches a, à lui seul, eu pour descendants des myriades de Juifs. Quant à Adam, il a donné naissance à l’humanité entière. Aussi nous incombe-t-il de nous empresser de mettre tous nos moyens en œuvre pour parvenir à accomplir cette bonne action, et l’Eternel en fera ensuite comme bon Lui semblera. Et Il octroie une grande récompense à celui qui s’est efforcé d’agir dans ce sens, comme s’il était parvenu au résultat escompté. »
Le juste Rabbi Mena’hem Na’houm de Tchernobyl, de mémoire bénie, se sacrifiait pour parvenir à libérer les prisonniers juifs. Il arriva, une nuit, qu’il fut lui-même arrêté et emprisonné, alors qu’il se trouvait à Zitoumir. Le Rav de cette ville, Rabbi Zeèv Wolf, de mémoire bénie, demanda la permission de rester à ses côtés.
Un jour, une femme, dont la tête était couverte d’un foulard en soie, demanda avec étonnement à Rabbi Mena’hem Na’houm : « Est-ce donc là la récompense de la Torah ? »
Et le Rabbi de lui répondre calmement : « Oui, c’est bien là la récompense de la Torah. »
Lorsqu’elle eut pris congé d’eux, Rabbi Zeèv Wolf demanda à son compagnon : « Qui était donc cette femme, et qu’est-ce qu’elle vous a dit ? »
Rabbi Mena’hem Na’houm expliqua : « Cette femme pieuse était Sarah iménou, et elle m’a demandé pourquoi j’ai mérité d’être arrêté alors que je suis constamment impliqué dans la mitsva de rachat des captifs – était-ce là ma récompense ? »
« Je lui ai répondu que c’en était réellement une pour moi d’être assis derrière les barreaux, car cela me permettait de ressentir dans ma chair la douleur des prisonniers. Et dorénavant, je m’efforcerai encore bien davantage de libérer ces pauvres hommes, qui croupissent en prison. »
A méditer
Les Kabbalistes affirment que, dans les temps futurs, on demandera à chaque homme si, de son vivant, il est chaque jour arrivé au quota des choses saintes, auxquelles fait allusion le mot tsaddik : le Tsadé, équivalant à quatre-vingt-dix, renvoie à ce nombre d’Amen, le Daleth, équivalant à quatre, se réfère aux quatre kédouchot, le Youd, équivalant à dix, est parallèle aux dix Kaddichs et le Kouf, équivalant à cent, aux cent bénédictions. Car un homme n’est appelé tsaddik que dans la mesure où il s’est montré méticuleux dans ces domaines.
Dans le Zohar, la prière est appelée tsédaka, le Tsadé renvoyant aux 90 Amen, le Daleth aux 4 kédouchot, le Kouf aux 100 bénédictions, et le Hé aux 5 livres de la Torah. A ce sujet, il est dit : « la tsédaka grandit une nation » (Michlé 14:34). Et par ce mérite, le Saint béni soit-Il prend Ses créatures en pitié. Dans les Tikouné Zohar, il est également précisé que ceux qui disent 90 Amen chaque jour donnent un cadeau au Créateur dans Sa droite, qui correspond [à l’attribut de Miséricorde, donc] à la tsédaka.
De même, l’ouvrage Maavor Yavok souligne notre devoir quotidien de pratiquer de la tsédaka, et ceci par le biais des 90 Amen, des 4 kédouchot, des 100 bénédictions et des 5 livres de la Torah – certains disent des 5 Kaddichs.
Dans son commentaire sur les Tikouné Zohar, l’ouvrage Beèr La’haï Roï explique : « Le Zohar désigne les 90 Amen ainsi que les autres choses saintes par le mot tsédaka, parce que l’homme doit les accomplir, non pas afin d’en retirer une récompense, mais dans l’esprit de celui qui donne l’aumône aux pauvres, qui n’aspire qu’à satisfaire son Créateur. C’est cette conduite qui lui vaut d’être évoqué favorablement et de voir ses prières agréées par la droite de l’Eternel – la tsédaka. »
Comment parvenir à un total de 90 Amen quotidiens ?
Le Rama de Fano, de mémoire bénie, souligne que ce compte de 90 Amen ne comprend que ceux prononcés en réponse à une bénédiction, et non ceux prononcés lors du Kaddich.
Cette idée se trouve explicitée dans le Pirouch Haramaz al haZohar (parachat Vayélekh), où il est écrit que tout homme priant à la synagogue en vient automatiquement à répondre Amen aux bénédictions et aux Kaddichs qui y sont dits. Mais, concernant son devoir de répondre 90 Amen par jour, il doit s’efforcer d’écouter des bénédictions d’autres gens, conformément à l’habitude que nous avons et qui est celle des anciens habitants d’Israël. C’est pourquoi il est écrit : « un peuple juste, gardien de la loyauté (aménim) » (Yéchaya 26:2), et non « gardien des kedochot », car c’est justement pour s’acquitter du devoir de répondre Amen qu’il faut être « gardien », afin de parvenir à en récolter 90 par jour.
Comme l’écrit Rabénou Zalman, de mémoire bénie (cf. Choul’han Aroukh Harav, Ora’h ‘Haïm 10:9), il existe une très belle coutume, répandue dans de nombreuses communautés, qui permet aux fidèles d’arriver à un total de 90 Amen. L’un d’eux prononce à voix haute les bénédictions du matin, tandis que tous les autres y répondent Amen, puis c’est le tour d’un autre de les prononcer à voix haute, afin d’offrir aux fidèles une nouvelle opportunité de s’approcher du quota, et ainsi de suite.
La ségoula des 90 Amen
Dans son livre Eleph Hamaguen, Rabbi Yits’hak Abou’hatséra, de mémoire bénie, nous transmet une merveilleuse ségoula pour que nos prières soient agréées par le Saint béni soit-Il comme l’était l’encens : répondre chaque jour 90 Amen. Il prend à l’appui le verset : « une coupe de dix sicles, en or, pleine (meléa) d’encens » (Bamidbar 7:11), notant que le mot meléa a pour valeur numérique 90, de même que le Tsadé de tsaddik, qui fait allusion aux 90 Amen quotidiens que nous devons prononcer. Il en déduit que les prières de celui qui remplit ce devoir sont aussi agréables au Saint béni soit-Il que l’encens.
Dans la Salle des trésors
Rabbi David Hanania Pinto
Une faille dans la foi : une mauvaise racine
« Il s’éleva des différends entre les pasteurs des troupeaux d’Avram et les pasteurs des troupeaux de Loth (…) Avram dit à Loth : «Qu’il n’y ait donc point de querelle entre moi et toi, entre mes pasteurs et les tiens ; car nous sommes frères. » (Béréchit 13:7-8)
Plutôt que de se mettre en colère contre Loth et de lui ordonner de quitter les lieux, le patriarche l’aborda aimablement en disant : « De grâce, sépare-toi de moi ». En outre, il lui laissa le choix d’aller s’installer ailleurs ou de rester sur place, tandis que lui-même se déplacerait, comme le souligne la suite du verset : « si tu vas à gauche, j’irai à droite ; si à droite, je prendrai à gauche ».
Avraham s’adressa donc à Loth avec humilité et douceur. Quant à ce dernier, s’il obtempéra certes à ses directives et ne s’y opposa pas, on ne trouve cependant pas qu’il éprouva de la peine de cette séparation, ni qu’il revendiqua une chance de se rattraper.
Mais tentons de comprendre la racine du conflit entre les bergers d’Avraham et ceux de Loth. Le sujet de ce différend était le vol : les premiers reprochèrent aux seconds de faire paître leur troupeau dans des champs étrangers, affirmant qu’ils transgressaient ainsi l’interdit du vol. Toutefois, ceux-ci le désapprouvèrent, s’appuyant sur la promesse divine selon laquelle toute la terre appartiendrait à Avraham, qui n’avait d’autre héritier que Loth.
En réalité, la foi de Loth était défaillante. En effet, celui qui a entière confiance dans le fait que l’Eternel pourvoira à sa subsistance n’a pas recours au vol. Ainsi, en dépit de la promesse que le Créateur lui avait faite de lui donner, ainsi qu’à sa descendance, le pays en héritage, Avraham ne s’est pas pour autant permis de voler. Il a, au contraire, attendu que cette promesse se réalise de manière concrète. A l’inverse, Loth, qui n’appartenait même pas à sa lignée puisqu’il n’était que son neveu, céda à son mauvais penchant et trouva des justifications à sa conduite en tant que prétendu héritier d’Avraham. Le désir de devenir son héritier l’aveugla, tout ceci étant la résultante d’un manque de foi.
Une autre différence de fond séparait Avraham de Loth. Les actes de ce dernier ne découlaient que de motivations personnelles. Même les mitsvot qu’il accomplissait étaient exécutées de manière machinale, sous l’influence de son oncle, le patriarche. C’est pourquoi, dès l’instant où se profila, pour lui, l’opportunité de se soustraire à cette tutelle et de sortir vers le grand monde pour recueillir des profits – « la plaine du Jourdain, tout entière arrosée » –, il ne perdit pas un instant et partit.
Lorsque j’étais jeune homme et étudiais à la Yéchiva en Angleterre, un de mes camarades s’était mal comporté. Le Roch Yéchiva avait prévenu l’ensemble des ba’hourim qui faisaient ce genre de bêtise que s’il les surprenait une nouvelle fois, il les renverrait aussitôt de l’établissement. C’est ainsi qu’il menaça cet étudiant-là en particulier. Prenant cet avertissement au sérieux, ce ba’hour prit les devants et quitta les lieux. Il prouva par sa conduite que telle était en réalité son aspiration – trouver un prétexte pour quitter la Yéchiva.