Parachat Chémot 21 Janvier 2017 כ"ג טבת תשע"ז |
|
La vertu de la prière
Rabbi David Hanania Pinto
« Il arriva, dans ce long intervalle, que le roi d’Egypte mourut. Les enfants d’Israël gémirent du sein de l’esclavage, et se lamentèrent ; leur plainte monta vers D.ieu du sein de l’esclavage. Le Seigneur entendit leurs soupirs, et Il se ressouvint de Son alliance avec Avraham, avec Its’hak, avec Yaakov. » (Chémot 2:23-24)
Le peuple juif, souffrant de la dureté de l’esclavage égyptien, implora le Saint béni soit-Il. La Torah rapporte qu’Il écouta leur plainte, c’est-à-dire, leur prière. D’autre part, le verset rappelle également l’alliance que l’Eternel avait conclue avec les saints patriarches, leur promettant qu’Il délivrerait plus tard leurs descendants d’Egypte.
L’asservissement des enfants d’Israël en Egypte était un décret prononcé par Dieu ; or, Il avait simultanément promis aux patriarches qu’après une période d’esclavage de quatre cents ans, ils seraient libérés, « d’une main haute, d’un bras étendu, et avec de grandes richesses ».
Je me suis posé la question suivante : le verset semble sous-entendre que sans le mérite de leurs prières, les enfants d’Israël n’auraient pas été délivrés ; pourtant, la sortie d’Egypte faisait partie de l’alliance conclue entre le Tout-Puissant et les patriarches ! En effet, Il leur avait promis que la délivrance suivrait l’asservissement, en d’autres termes qu’elle aurait lieu dans tous les cas, et ne dépendait d’aucun facteur extérieur – tel que la prière. Dès lors, pourquoi le verset souligne-t-il le fait que le Créateur écouta la prière de Ses enfants, grâce à laquelle, semblerait-il, ils méritèrent d’être libérés d’Egypte ? Comment comprendre cette contradiction ?
Proposons l’explication suivante. La véritable finalité de la délivrance était le lien qu’elle allait créer entre le peuple juif et le Maître du monde. En l’absence de ce lien, la délivrance aurait perdu tout son sens. Comme nous le savons, la prière relie l’homme à son Créateur. Aussi, ce sont les supplications que les enfants d’Israël adressèrent au Saint béni soit-Il qui leur donnèrent le mérite d’être délivrés et de se sentir proches de leur Libérateur. C’est leur prière qui donna tout son sens à leur libération, car sans elle, ils n’auraient pas été aptes à recevoir la Torah. Par conséquent, s’il est vrai qu’ils auraient été libérés de l’esclavage même sans leurs prières, en vertu de l’alliance divine conclue avec les patriarches, la délivrance n’aurait pourtant pas eu la même dimension que celle qu’elle acquit par le pouvoir de leurs prières. En effet, celles-ci donnèrent à la délivrance un caractère idéal, absolu, du fait que les enfants d’Israël ressentirent leur dépendance totale vis-à-vis de l’Eternel, duquel tout provient. C’est pourquoi, la Torah a jugé nécessaire de nous mentionner la prière que les enfants d’Israël adressèrent au Tout-Puissant avant leur délivrance.
La Guémara (Berakhot, 10a) rapporte l’histoire du roi ‘Hizkiyahou, auquel le prophète Yéchaya était venu annoncer qu’il allait mourir et serait également privé de la vie du monde à venir, du fait qu’il ne s’était jamais marié, ayant ainsi manqué à l’observance d’une mitsva de la Torah. Lorsque ‘Hizkiyahou entendit cela, il se mit à pleurer et demanda à Yéchaya de lui donner sa fille pour épouse. Yéchaya lui répondit que c’était trop tard, puisque le décret était scellé. Refusant d’accepter cette réponse, le roi ‘Hizkiyahou demanda à Yéchaya de terminer sa prophétie et de partir. ‘Hizkiyahou monta sur son lit – comme nous le savons, la mort commence à s’emparer de l’homme par les pieds – puis, après qu’il eut perdu toute sensibilité au niveau de ses pieds, il se mit à implorer l’Eternel du plus profond de son cœur. Le suppliant de lui accorder une dernière chance pour rectifier son comportement et se marier. Dieu agréa sa prière et lui ajouta quinze années de vie, lors desquelles il pourrait s’amender et se marier. Car la prière de ’Hizkiyahou provenait des profondeurs de son cœur, et émanait d’une réelle prise de conscience que « même lorsqu’un homme a une épée tranchante au-dessus de sa tête, il ne doit pas désespérer de la Miséricorde ».
Cependant, nous pouvons nous poser la question suivante. Le prophète Yéchaya savait que « tant que la bougie est allumée, il est possible de réparer », autrement dit, que le roi ‘Hizkiyahou avait la possibilité de prier l’Eternel, de Le supplier d’annuler Son décret de mort. En effet, comme nous l’avons dit, même dans les moments les plus difficiles, il nous est interdit de désespérer de la Miséricorde divine. Dès lors, comment expliquer que le prophète ait prétendu devant le roi qu’il était trop tard et qu’il demeurait impossible de s’amender ? De même, on se serait tout au moins attendu à ce que, constatant les regrets profonds de ‘Hizkiyahou, Yéchaya prie lui-même en sa faveur, et, en tout cas, qu’il ne lui fasse pas dès le départ perdre tout espoir.
En réalité, la prière qu’un homme adresse à Dieu pour lui-même n’est pas comparable à celle qu’un autre prononce en sa faveur. Le prophète Yéchaya était conscient qu’à l’heure où un décret de mort avait été prononcé contre le roi ‘Hizkiyahou, seule la prière de ce dernier aurait le pouvoir de le modifier, du fait qu’elle proviendrait des profondeurs de son cœur, et serait prononcée avec une force et une ferveur exceptionnellement intenses. Il savait que la prière de ‘Hizkiyahou détenait un potentiel beaucoup plus important que la sienne, car la prière d’un homme pour lui-même est celle qui a le plus d’effet (Béréchit Rabba 53:14). C’est pourquoi, le prophète s’abstint de prier en faveur du roi, afin que ce dernier ne compte pas sur sa prière et que, plongé dans la détresse, il supplie lui-même l’Eternel et parvienne ainsi à annuler le mauvais décret prononcé à son encontre.
Je me souviens que mon vénéré père, de mémoire bénie, avait toujours l’habitude de prier et d’invoquer la Miséricorde divine en faveur du peuple juif, de la terre d’Israël et pour la délivrance finale. Je suis convaincu que s’il arrivait qu’un homme ne fût pas suffisamment méritant pour que sa prière fût exaucée, celle de mon père lui tenait certainement lieu de mérite personnel et lui donnait droit au salut divin. Lorsqu’un homme se rend chez un juste, il est en droit d’espérer le salut, d’une part grâce au mérite du juste, de l’autre, parce qu’il a été prêt à s’effacer devant ce dernier, en se présentant à lui.
LA VOIE TRACEE
Des diamants à compter
Je fis un passage à Los Angeles vingt-quatre heures après un gros tremblement de terre. Un des Juifs de la communauté locale me raconta qu’une femme avait été blessée la veille au soir lors du séisme et se trouvait dans le coma. Il me proposa de l’accompagner pour lui rendre visite.
J’acceptai sa proposition. Quand nous arrivâmes à l’hôpital, il s’avéra que la femme s’était réveillée et avait ouvert les yeux. Je lui demandai si elle se rappelait de ce qui lui était arrivé.
« Je venais de recevoir un colis contenant des diamants envoyés depuis la Belgique et j’étais en train de les compter et de les classer selon leur calibre, et soudain, je me suis retrouvée à l’hôpital !
– Vous n’avez pas senti la terre trembler ? lui demandai-je.
– Non, je n’ai rien senti, me répondit-elle. J’étais totalement absorbée par ma tâche de comptage et de tri, qui exigeait une grande concentration. »
En entendant ces mots, il m’est venu à l’esprit que quand nous prions, nous devons être semblables à cette personne qui comptait des diamants : être totalement plongés dans la prière et ne penser qu’aux mots que nous émettons, telles des gemmes ayant le pouvoir d’atteindre le trône du Créateur, qui se tient face à nous et entend toutes nos demandes.
Nous devons émettre nos prières avec pondération et concentration, comme si nous comptions des pièces d’or, des diamants ou des pierres précieuses, lentement et avec patience. Nous aurons alors le mérite que nos prières soient acceptées favorablement par notre Père céleste.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Paroles de Yirmiyahou, fils de ‘Hilkiyahou (…) » (Yirmiyahou 1 et 2).
Haftara chez les Achkénazes : « Aux temps futurs, Yaakov étendra ses racines (…) » (Yéchaya 27).
Lien avec la paracha : la haftara nous rapporte que Yirmiyahou refusa au départ la mission de l’Eternel du fait qu’il était jeune et estimait ne pas savoir bien parler, tandis que la paracha nous fait part du refus de Moché d’assumer la mission divine sous prétexte de ne pas être un bon orateur.
PAROLES DE TSADDIKIM
« Les sages-femmes (…) laissèrent vivre les garçons » (Chémot 1:17)
Il existe plusieurs degrés de bienfaisance envers son prochain.
Certains la pratiquent dans l’intention de recevoir quelque chose en retour. D’autres parce qu’ils se sentent mal à l’aise de refuser un appel à l’aide.
Il y a pourtant un niveau supérieur : celui de secourir autrui, poussé par une réelle compassion face à la détresse dans laquelle il est plongé.
Le résultat final est certes le même, en l’occurrence un bienfait à l’égard de son alter ego. Cependant, il existe un degré bien plus sublime de bienfaisance – lorsque celle-ci n’est pas le résultat de calculs personnels ni même d’un sentiment de miséricorde, mais n’est motivée que par le désir de se plier à la volonté divine. Telle était justement l’attitude des sages-femmes, Chifra et Poua.
C’est ce qu’atteste la Torah à travers le verset : « Mais les sages-femmes craignaient D.ieu » – seule leur crainte du Ciel les a incitées à désobéir aux ordres de Paro.
Quand il était en crise, un adolescent de quatorze ans, qui souffrait de problèmes mentaux, se rendait auprès de Rav Chakh, de mémoire bénie, afin qu’il lui donne du ‘hizouk.
Un jour où il arriva à la demeure du juste, celui-ci se sentait très faible. Néanmoins, il fit l’effort de le recevoir avec une chaleur exceptionnelle, et prit le temps de discuter avec lui durant une longue heure afin de l’encourager.
Lorsqu’il fut sorti, l’un des élèves du grand maître lui exprima son étonnement : était-il réellement obligé de déployer tant d’efforts pour ce garçon ? Même s’il n’avait pas été un Roch Yechiva devant assumer la préparation de cours et ayant la charge de la communauté sur les épaules, en tant qu’homme âgé lui incombait-il vraiment de faire tant de sacrifices pour un garçon de quatorze ans ?
Et Rav Chakh de répondre : « Comme tu le sais, ce jeune souffre de sérieux problèmes. Il est déjà venu me voir il y a un mois, et il y a quinze jours. Et il reviendra aussi dans quinze jours et dans un mois. Je suis en mesure de le calmer et de l’encourager. Mais je ne vois pas de moyen de le guérir. Pour cela, il faudrait un miracle… Et comment en susciter ? Quand l’Eternel constate qu’un Juif fait plus qu’il n’en est normalement capable, Il défie Lui aussi les lois naturelles. »
CHEMIRAT HALACHONE
Vérifier l’authenticité des propos entendus
Si on ne retire aucun intérêt d’entendre de la médisance, mais que cela nous permet de faire du bien à autrui, ce sera également permis.
Par exemple, écouter quelque chose pour en vérifier ensuite l’authenticité et réprimander la personne en question sur ce point. Car il est possible que le fauteur se repente alors ou restitue un objet volé à son propriétaire.
(‘Hafets ‘Haïm)
DANS LA SALLE DU TRESOR
Rabbi David Hanania Pinto
La Torah ou les Noms divins
« Il répondit : “Qui t’a placé comme notable, prince et juge sur nous ? As-tu l’intention de me tuer, comme tu as tué l’Egyptien ?” Moché prit peur et se dit : “Certes, l’incident est connu !” » (Chémot 2, 14)
Ce verset rapporte les propos que Datan et Aviram ont adressés à Moché (cf. Nedarim, 64b), après que ce dernier leur a reproché de s’être frappés l’un l’autre ; ils lui demandèrent s’il avait l’intention de les tuer de la même façon qu’il avait tué l’Egyptien.
Rachi commente ce verset de la façon suivante : « "Est-ce pour me tuer que tu parles ?" [traduction littérale] : nous apprenons de là que Moché avait tué l’Egyptien en prononçant le Nom ineffable. » Cette explication soulève toutefois une difficulté : si Datan et Aviram avaient effectivement vu Moché tuer l’Egyptien par la seule prononciation du Nom ineffable, comment expliquer qu’ils aient osé s’insurger contre lui avec une telle effronterie ? Comment n’ont-ils pas été impressionnés par la grandeur de Moché ?
En réalité, ce n’est pas uniquement le Nom ineffable, utilisé ici par Moché pour tuer l’Egyptien, qui a la dimension des Noms divins, mais tel est le cas de chacun des mots de la Torah (introduction du Ramban sur la Torah). Ceci souligne l’importance considérable de notre devoir d’étudier la Torah ainsi que chacune de ses lettres, car, étant essentiellement constituée des Noms de l’Eternel, elle possède une valeur prépondérante. Par exemple, lorsque nous étudions le passage de la Michna traitant du cas de « deux personnes qui tiennent le même talith », nous traitons certes de la situation où deux individus se disputent la propriété de ce talith, mais, plus encore, les Noms de l’Eternel se trouvent en fait dissimulés dans ce passage de la Torah orale.
Une fois, un Juif me demanda si je savais méditer sur le Nom ineffable, et je lui répondis par l’affirmative. Cet homme, ébahi, refusa d’y croire. Je lui expliquai alors qu’à chaque fois que nous prononçons une bénédiction en disant : « Béni sois-Tu, Eternel notre Dieu, Roi du monde », cela revient en réalité au Nom ineffable. Il est important de savoir que la kabbale pratique ne se limite pas uniquement à combiner les attributs divins en ayant des pensées très profondes liées à la Torah ésotérique, mais qu’elle englobe aussi toute mitsva que l’on accomplit, toute parole de Torah que l’on s’efforce de comprendre, chacun selon son niveau, toute prière prononcée avec ferveur, et, enfin, toute proclamation de l’unicité de Dieu – « Ecoute, Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est Un ». Tous ces actes ont la même force spirituelle que la kabbale pratique, et reviennent, eux aussi, à méditer sur le Nom ineffable.
J’aimerais vous rapporter ici une histoire formidable. Le médecin que je consulte, en France, est l’un des plus importants du pays. Il s’agit d’un Juif qui s’est réellement repenti et qui a pris sur lui d’étudier la Torah à des moments fixes, avec assiduité ; pendant ces heures-là, il refuse catégoriquement de s’occuper de médecine. Un jour, il arriva que son collègue, lui aussi Juif, tombe gravement malade. On avait découvert, à un stade déjà bien avancé, qu’il souffrait de la terrible maladie, et il en était alors atteint très sérieusement, au point que tout espoir de survie semblait perdu. Mon médecin vint lui rendre visite et lui affirma que même si, d’après les lois de la nature, il était condamné, peut-être l’Eternel l’avait-Il frappé de cette maladie afin qu’il se renforce dans la Torah. Dans ce cas, un tel engagement lui sauverait peut-être la vie. Son collègue écouta attentivement ce conseil, l’accepta, et se mit à étudier régulièrement la Torah, tout en se renforçant dans l’accomplissement des mitsvot. Incroyable mais vrai ! Après quelques mois, le médecin était complètement guéri : toute trace de la maladie avait disparu. Cette guérison était de l’ordre du miracle, et les médecins affirmèrent alors n’avoir jamais vu un malade, atteint à ce degré, se rétablir.
Seule la Torah peut être à l’origine d’un tel miracle. Car la Torah est elle-même une forme de kabbale pratique et possède le pouvoir d’entraîner des miracles de cette ampleur. Il est écrit : « Il fera la volonté de ceux qui Le craignent », autrement dit, la volonté des érudits, qui, sans même qu’ils aient besoin de faire appel à la kabbale pratique, ont le mérite que l’Eternel accomplisse leur volonté.
S’il en est ainsi, pourquoi ne sommes-nous pas impressionnés et influencés par les Noms de l’Eternel, lorsque nous étudions la Torah et observons les mitsvot ? Il semble que ceci soit dû au fait que nous sommes, en même temps, encore attachés aux vanités de ce monde, et, tant qu’on ne s’en affranchit pas, nos oreilles, comme nos autres sens, sont obstrués. Tel était également le cas de Datan et Aviram : en dépit du fait qu’ils aient assisté au miracle de la mort de l’Egyptien, suite à la seule prononciation par Moché du Nom ineffable, ils ne s’en sont pas laissés impressionnés, parce qu’ils étaient des hommes pécheurs et médisants. Or, quiconque demeure attaché aux vanités de ce monde, et, a fortiori, celui qui commet des transgressions, perdent toute possibilité de se laisser impressionner par les prodiges de l’Eternel et de croire en Lui et en Moché Son serviteur.
A MEDITER
Rabbi Betsalel Stern zatsal, auteur de Betsel Ha’hokhma, citant son père Rabbi Avraham Stern zatsal, auteur de Mélitsé Ech, rapporte une anecdote illustrant l’importance de répondre Amen et Amen yéhé chemé rabba, ainsi que la récompense attribuée à celui qui veille à ce devoir, ou, dans le cas contraire, la punition lui étant infligée.
Un Chabbat, dans notre communauté de Neizil, Rabbi Avraham Stern donna un cours aux fidèles sur l’importance de répondre Amen et Amen yéhé chemé rabba. Il cita l’enseignement de Rabbi Moché Cordovéro selon lequel le mot séva (vieillesse) correspond aux initiales de chetika yafa béchaat hatéfila (il est bon de se taire durant la prière) ; autrement dit, celui qui garde le silence pendant la téfila et ne parle que pour répondre Amen et Amen yéhé chemé rabba méritera une bonne vieillesse. Le Rav ajouta que de ce principe, il est possible de déduire l’inverse, qu’il préférait ne pas exprimer de manière explicite.
Or, le lendemain matin, toute la communauté fut en émoi lorsque l’un des fidèles raconta aux autres ce qui lui était arrivé la nuit passée.
Il avait rêvé qu’il comparaissait devant le tribunal céleste, qui venait de le déclarer coupable et passible de mort. Il s’était alors mis à le supplier, arguant qu’il n’avait pas encore atteint la vieillesse – pourquoi donc méritait-il une mort prématurée ? Il lui fut répondu que ce verdict avait été prononcé en raison des discussions futiles qu’il avait menées à la synagogue et de sa négligence à répondre Amen et Amen yéhé chemé rabba.
Notre homme tenta de se défendre en arguant qu’il en ignorait l’importance. L’un des procureurs lui rétorqua aussitôt : « Comment oses-tu affirmer cela, alors que Chabbat dernier, le Rav de ta communauté a évoqué ce sujet, et a expliqué au nom de Rabbi Moché Cordovéro que celui qui garde le silence lors de la prière et veille à répondre Amen et Amen yéhé chemé rabba jouira d’une bonne vieillesse ? Il a même ajouté qu’on pouvait en déduire le principe inverse. Dès lors, comment peux-tu prétendre en ignorer l’importance ? »
Convaincu, je promis au tribunal céleste de sensibiliser les membres de ma communauté à l’importance de ce sujet en publiant ce qui aurait dû m’arriver à cause de ma négligence dans ce domaine. Je fus alors acquitté.
Les membres de la famille de Rav Betsalel Stern ont affirmé connaître cet individu, qui eut effectivement le mérite, sur ses vieux jours, de s’installer en Terre Sainte et d’y vivre longtemps.
DE LA TORAH D’ELIAHOU HANAVI
Heureux sont les Israélites qui, malgré leur dispersion dans toutes les contrées de la terre, et les peines que leur causent leurs tribulations du nord au sud, du sud au nord, de l’est à l’ouest et de l’ouest à l’est, reviennent cependant toujours au centre. Ce verset le dit bien : « Car voici, Je commanderai et Je ferai errer les Israélites parmi tous les peuples, comme on secoue dans un crible des grains, sans qu’aucun d’eux tombe à terre. » (Amos 9:9)
Si le verset avait dit : « et il tombera à terre quelque grain », mon cœur aurait raison alors de se briser et mon corps de trembler de crainte, car je dirais qu’un grain tombé à terre est appelé à disparaître. Mais comme il est dit : « sans qu’aucun d’eux tombe », je vois alors qu’Israël ne disparaîtra pas, comme ces grains que l’on agite dans le crible, en tous sens, et qui sont toujours portés vers le milieu. Je ferai trouver aux Israélites la rémission de leurs péchés partout où ils seront.
Nous voyons cela expliqué par le prophète Malakhie (3:6) : « Car Moi, D.ieu, Je n’ai point changé, et vous, fils de Yaakov, vous n’avez pas été consumés. » Voici ce que D.ieu a dit par ces paroles : « Jamais Je n’ai puni un peuple à plusieurs reprises. » Tel est le sens de « Je n’ai point changé ». Et que doit-on apprendre par « et vous, fils de Yaakov, vous n’avez pas été consumés » ? C’est qu’il y a, dans la Torah, soixante-douze plaies.
Or, Celui qui siège sur le trône de la justice, que Son grand Nom soit éternellement béni, avait vu qu’Il ne pouvait frapper Israël de ces soixante-douze plaies, car, exilés au milieu des différentes nations, ils eussent été l’objet de leur opprobre. C’est pourquoi Il n’en prit que quatre, qui sont désignées dans Vayikra.
Tout Juif qui serait donc atteint d’un de ces quatre genres de plaies, doit y voir la rémission de tous ses péchés. Grâce aux souffrances qu’il en endure, il aura part à la vie future, car cela est sa guérison.
DES HOMMES DE FOI
En prenant appui sur une décision halakhique de Rabbi Khalifa Malka, une partie des Juifs du Maroc avaient pour usage de manger des sauterelles. Rabbi Khalifa avait uniquement autorisé la consommation d’une catégorie d’entre elles portant certains signes qui, d’après la tradition, les rendaient cachère.
En revanche, le saint Rabbénou ‘Haïm Ben Attar, auteur du Or ha’Haïm, en avait interdit la consommation, comme il est écrit dans son commentaire sur la Torah (Parachat Chémini 11:21) : « Ainsi, celui qui craint D.ieu tremblera de peur de tendre la main vers ces insectes. Il réprimandera ceux qui le font – du moment où ces paroles furent entendues en Occident, et que beaucoup s’abstinrent d’en manger, D.ieu arrêta cette plaie. En fait, elle ne dura pas plus de douze ans. Car la Torah et les bonnes actions sont comme une protection face au malheur. »
Il est remarquable de noter qu’en dépit de la divergence d’opinions entre Rabbi Khalifa Malka et le saint Or ha’Haïm, ils se vouaient un grand respect mutuel. Rabbi Khalifa lui-même clamait l’importance du respect des talmidé ‘hakhamim. Il disait : « Bien qu’il puisse y avoir un désaccord dans la Halakha, il convient que chacun respecte le Tsaddik dont l’opinion est différente de la sienne, car tout homme possède un rang élevé du fait de ses connaissances en Torah. »
Rabbi Khalifa et son beau-frère Rabbi Chelomo Pinto reposèrent de nombreuses années dans le cimetière d’Agadir jusqu’à ce que le gouvernement du pays décidât de le vider et de transférer les tombes dans le nouveau cimetière, dans le but de construire une route reliant la ville au port. Ce jour-là, les Juifs d’Agadir organisèrent une journée de prières et de jeûne de la parole.
Mais lorsque ce travail fut entrepris, on ne trouva qu’un seul cercueil, tandis que le second avait mystérieusement disparu. Quelques années plus tard, on s’aperçut que Rabbi Khalifa Malka n’était pas enterré à Agadir, mais à Jérusalem, au mont des Oliviers, face à l’emplacement le plus saint du monde. Sur sa tombe, on peut lire : « Rabbi Khalifa Malka, le juste ».