Parachat Bechala'h 11 Février 2017 ט"ו שבט תשע"ז |
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La mission de l’homme dans ce monde
Rabbi David Hanania Pinto
« Moché fit partir Israël de la plage des Joncs, ils débouchèrent dans le désert de Chour, et ils marchèrent trois jours sans trouver d’eau. » (Chémot 15:22)
Rachi explique : « Il les a fait partir contre leur gré. Car les Egyptiens avaient paré leurs chevaux d’ornements d’or, d’argent et de pierres précieuses, et les Israélites étaient occupés à les sortir de la mer. Le butin de la mer a été plus grand que celui de l’Egypte. »
Mais pourquoi le butin de la mer n’a-t-il pas été reçu sous forme d’emprunt, comme cela a été le cas en Egypte, et inversement, pourquoi le butin de ce pays devait-il être emprunté plutôt que reçu sous forme de don ? Plus essentiellement, pour quelle raison était-il nécessaire que les enfants d’Israël descendent en Egypte et y soient asservis ?
Avec l’aide de Dieu, tentons de répondre à ces questions.
De nombreuses personnes s’interrogent, au cours de leur vie, sur leur raison d’être dans ce monde. Les scientifiques pensent que l’homme vient au monde dans le but de profiter au maximum de son existence, au même titre que la bête. Or, il suffit de réfléchir un peu pour comprendre l’absurdité de cette théorie. En effet, si c’était pour vivre puis mourir comme une bête, aurait-il réellement valu la peine que l’homme vienne au monde ?
Les renégats, quant à eux, affirment que l’homme descend de l’animal, et c’est pourquoi ils pratiquent couramment l’incinération. Du début à la fin, leur vie est dénuée de sens. Nombreuses sont les nations du monde qui vivent selon cette conception, et pour qui le profit et la domination constituent les seuls objectifs. De même qu’une bête doit lutter pour survivre et est constamment occupée, soit à déchiqueter une autre bête pour la dévorer, soit à se défendre d’un animal venu l’agresser, de même, les nations sont toujours préoccupées par des guerres de domination, et essaient de se conquérir les unes les autres. Un coup, c’est l’une qui prend le dessus, et un coup, c’est l’autre, exactement comme les animaux.
Dans l’Egypte antique, on vivait aussi selon ce mode de vie, au point que les Egyptiens en étaient arrivés à adorer les bêtes, pensant qu’elles leur étaient supérieures. C’est pourquoi, l’Eternel a fait descendre Ses enfants en Egypte, afin qu’ils constatent le comportement piètre et bestial des Egyptiens, en tirent leçon et comprennent que ce n’est pas la voie à suivre. De cette façon, ils réalisèrent en effet que, bien loin de se limiter à vivre comme une bête, leur mission dans ce monde consistait à servir l’Eternel et à mériter la vie éternelle du monde à venir.
A présent, nous pouvons comprendre pourquoi le Saint béni soit-Il a donné aux enfants d’Israël le butin d’Egypte sous forme d’emprunt : afin qu’ils prennent conscience que l’argent provient uniquement de Lui et qu’il n’y a aucun intérêt à chercher à amasser le plus de biens possible. En effet, tout dépend de la volonté de l’Eternel : s’Il décide de leur donner, ils recevront même sans avoir travaillé, et s’Il en décide autrement, ils ne recevront pas, même s’ils travaillent. Ainsi, les enfants d’Israël ne se leurreront pas en pensant : « C’est ma propre force, c’est le pouvoir de mon bras, qui m’a valu cette richesse. » (Dévarim 8:17) Ils comprendront, au contraire, que leur mission dans ce monde est de se préparer au monde à venir. C’est pourquoi le butin d’Egypte leur a été donné comme un emprunt, car s’ils l’avaient reçu en cadeau, ils auraient cru qu’il s’agissait d’un salaire pour leur travail.
Quant au butin de la mer des Joncs, il a été donné comme un cadeau, car, cette fois, le Créateur désirait transmettre un autre enseignement important à Son peuple, avant de lui donner la Torah : l’homme est propriétaire et maître de son argent, et non l’inverse. Autrement dit, il ne doit pas se laisser asservir par sa richesse, en passant sa vie à la poursuivre et à s’inquiéter vainement à son sujet. Mais il lui incombe de centrer tous ses soucis sur la Torah et les mitsvot et de s’y soumettre pleinement. La preuve étant, que les enfants d’Israël reçurent gratuitement d’innombrables richesses – le butin de la mer.
Au début de son parcours, le Saba de Novardok tenait un commerce afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Une fois, Rabbi Its’hak Blazer le rencontra et lui demanda pourquoi il n’était pas entièrement impliqué dans l’étude de la Torah et le service divin. Le Saba lui expliqua que s’il ne travaillait pas, il n’aurait pas de quoi vivre. Et Rabbi Blazer de répondre : « Mais comment auras-tu donc de quoi mourir ? » Autrement dit, qu’est-ce que tu emporteras avec toi dans le monde à venir, et à quoi bon se rendre esclave de l’argent, plutôt que de n’être l’esclave que de la Torah ?
C’est également la raison pour laquelle les enfants d’Israël devaient attacher l’agneau du sacrifice pascal au pied de leurs lits : afin de démontrer que ce sont les bêtes qui sont asservies à l’homme, et non l’inverse, comme c’était le cas des Egyptiens.
Il s’agit là d’un principe fondamental : si l’homme ne vit pas dans le but de réaliser sa réelle mission, celle de se préparer au monde à venir, il deviendra semblable à la bête, voire même inférieur à elle.
Au cours de l’année 5765, l’Asie connut une terrible catastrophe naturelle : un tsunami. Un tremblement de terre, survenu dans les fonds marins, provoqua un énorme raz-de-marée, qui engloutit de vastes étendues de terres, avec les maisons et les hommes qui s’y trouvaient. On a compté plus d’un quart de millions de victimes. Par contre, on a par ailleurs remarqué que tous les animaux, du plus petit au plus grand, ont échappé à cette catastrophe, grâce à leur intuition développée qui leur a signalé l’imminence du danger, et les a poussés à s’enfuir pour sauver leur vie. De plus, le léopard a couru aux côtés de la gazelle, sans penser à la déchiqueter, tant les bêtes étaient préoccupées à fuir le danger. Il est intéressant de noter que, peu de temps après cela, deux avions, qui venaient de décoller, faillirent entrer en collision ; cet accident fut évité de justesse, grâce à une opération de dernière minute, entreprise par l’un des pilotes. Des recherches ont ensuite révélé que le radar de l’un des avions s’était détérioré. Or, le radar est une invention humaine, ce qui met en relief la différence de fond existant entre le “radar” que Dieu a donné à la bête pour lui permettre de pressentir le danger, et celui inventé par l’homme, sujet à la détérioration.
LA VOIE TRACEE
La foi dans les Sages et celle dans le Créateur
A ‘Hol Hamoèd Pessa’h de l’année 5771, lors d’un passage en Terre Sainte, notre maître et Rav chelita fut invité à prononcer des paroles de Torah à Netivot au cours d’une soirée de chants organisée par la synagogue « Lev Eliahou », sous la direction de Rabbi Moché Pérets chelita. Au terme de son intervention, un certain Avraham Cohen – que l’Eternel le protège – s’approcha de Rabbi David pour lui faire part de cet incroyable récit qui avait débuté quinze ans plut tôt.
« Il y a une quinzaine d’année, nous avons eu le bonheur de mettre au monde un garçon. Cependant, dès l’instant de sa naissance, notre joie eut vite fait de s’assombrir. Le bébé naquit sans crier et resta muet et immobile. Les médecins en déduisirent aussitôt une défaillance dans les différents systèmes de son corps. Ils nous firent part de leurs sombres prévisions selon lesquelles il n’y avait aucune chance que l’enfant reste en vie – D. préserve. De leur point de vue, il vivrait tout au plus quelques heures…
« Nous, les parents, refusions de désespérer de la Miséricorde divine. Je décidai aussitôt de vous joindre, Rabbi David, pour vous demander une bénédiction. Lorsque vous avez entendu mon tragique récit, vous avez eu beaucoup de peine pour nous, qui avions attendu neuf mois pour que notre joie soit ternie par de telles prévisions. Après une courte réflexion, vous m’avez dit : “Ne vous inquiétez pas ! Je vous promets que, par le mérite de mon père, Rabbi Moché Aharon, le bébé va guérir et vivra.”Puis, pour raffermir ma foi, vous avez ajouté : “Le bébé va guérir, avec l’aide de D.ieu, et si vous me donnez l’honneur d’être le Sandak pour sa circoncision, j’accepterais volontiers.”
« A ce moment, vos paroles semblaient tout à fait irréelles, comme celles d’un rêve lointain. Comment le Rav pouvait-il promettre que le nouveau-né se rétablirait et même parler de sa circoncision, alors qu’il reposait dans son berceau entre vie et mort ? C’était un moment très dur, mais j’avais décidé de raffermir ma confiance dans les Sages ; aussi crus-je d’une foi ferme que le mérite de votre père, le juste, jouerait en notre faveur.
« Les heures s’écoulèrent, puis les jours, et voilà qu’en dépit des prévisions pessimistes des docteurs, le bébé se développa normalement. Son corps se renforça au point qu’on pouvait envisager de le circoncire. Vous nous avez alors fait l’honneur d’être son Sandak.
« Mais quelques jours plus tard, la santé du bébé se détériora de nouveau, et les médecins renouvelèrent leurs sombres diagnostics. Cette fois, ils estimèrent qu’il vivrait tout au plus jusqu’à l’âge d’un an. Toutefois, la confiance dans les Sages que nous avions développée depuis sa naissance n’était pas prête à se laisser déraciner si facilement. Nous ne cessions alors de nous renforcer, nous répétant à nous-mêmes que le mérite du juste, Rabbi Moché Aharon, qui nous avait déjà secourus, nous secourrait encore sans nul doute à l’avenir, avec l’aide de D.ieu.
« Notre cher fils survécut une première année, suivie par une deuxième, une troisième, et ainsi de suite… Il s’en sortit et se développa de manière tout à fait incroyable.
« Aujourd’hui, notre “bébé” a atteint l’âge de quinze ans, et il est en parfaite santé ! conclut le père en présentant au Rav le jeune homme qui se tenait à ses côtés. Voilà notre cher fils, qui s’est rétabli et a grandi par le mérite du juste Rabbi Moché Aharon ! »
Notre maître fut profondément ému par cette incroyable histoire, qui représentait un grand kiddouch Hachem. « Je savais pertinemment, souligna-t-il, que je n’étais pour rien dans ce salut miraculeux, entièrement à créditer à la foi pure de cet homme dans un juste – mon père, dont toute l’existence tournait autour du service divin. Seul le pouvoir de cette foi était à l’origine de la prodigieuse survie de cet enfant. »
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Dvora chanta (…) » (Choftim 5).
Lien avec la paracha : la haftara décrit la chute de Sisra et le cantique entonné par la prophétesse Dvora à cette occasion, tandis que la paracha nous rapporte la défaite de Paro et de son armée ainsi que le cantique alors entonné par Moché et le peuple juif sur le rivage de la mer.
PAROLES DE TSADDIKIM
D.ieu donne, l’homme n’est qu’un émissaire
« Je vais faire pleuvoir pour vous une nourriture céleste ; le peuple ira en ramasser chaque jour sa provision, et Je l’éprouverai de la sorte. » (Chémot 16:4)
Rachi, citant la Mékhilta, commente : « “chaque jour sa provision” : ce qui est nécessaire pour la nourriture du jour, ils le cueilleront en son jour. Mais ils ne doivent pas ramasser aujourd’hui ce qui sera nécessaire demain. » Dans la Mékhilta, il est ajouté : « “chaque jour sa provision” : Celui qui a créé le jour a aussi créé la subsistance de ce jour, d’où Rabbi Elazar Hamodaï a établi : “Celui qui a de quoi manger pour un jour et se demande ce qu’il mangera le lendemain manque de foi en D.ieu.” ».
Rabbi Refaël David Auerbach zatsal raconte l’histoire suivante. Deux familles, dont les enfants s’étaient fiancés, se rendirent auprès du ‘Hazon Ich afin de recevoir sa bénédiction et ses conseils quant à la manière de partager les frais du mariage et de l’achat l’appartement des futurs conjoints.
Le ‘Hazon Ich se tourna vers l’un des parents et lui dit : « Toi, tu vas t’engager à assumer les frais de l’appartement ! » Aussitôt après, il s’adressa ainsi à l’autre parent : « Et toi, tu couvriras les frais du mariage et ceux de l’ameublement. »
Une fois remis de ses émotions, le premier se risqua à demander au Sage : « Mais Rav, je n’ai pas du tout les moyens de couvrir des frais si importants… »
Et le ‘Hazon Ich de répondre : « Crois-tu réellement que c’est toi qui donnes ? C’est D.ieu qui donne, tandis que tu n’es que Son émissaire ! Alors pourquoi paniques-tu tant à l’idée que je t’ai nommé émissaire au sujet de l’appartement ? Si tu t’obstines à refuser cette mission et préfères que je t’en donne une moins importante, je peux échanger les rôles… »
Alors, pour la plus grande surprise de l’autre partie, le Sage s’adressa à lui : « Finalement, c’est toi qui seras chargé d’assumer les frais de l’appartement, et ton me’houtan prendra en charge ceux du mariage et de l’ameublement. »
Il répondit, avec malice : « Si déjà le Rav me nomme responsable de l’appartement, pourquoi ne me donnerait-il pas le mérite d’en faire encore davantage ? », ce à quoi le ‘Hazon Ich rétorqua : « Tu as raison, l’affaire est conclue : je te nomme émissaire pour couvrir l’ensemble des frais ! Aussi bien ceux de l’appartement que ceux du mariage et de l’ameublement. »
L’autre, qui avait jusque-là suivi toute la conversation en silence, se sentit quelque peu mal à l’aise. Gêné, il dit au Sage : « Rav, j’étais prêt à prendre en charge les frais du mariage et de l’ameublement… »
Mais le ‘Hazon Ich répondit : « Maintenant, c’est trop tard. Ton me’houtan a déjà gagné le mérite d’être nommé émissaire pour tout ! » Et c’est ce qui eut lieu : de manière tout à fait prodigieuse, ce dernier parvint effectivement à trouver tout l’argent nécessaire pour ces énormes dépenses.
CHEMIRAT HALACHONE
Prendre des mesures de précaution pour l’avenir
Il est un fait indéniable que celui qui écoute de la médisance, même s’il n’a pas l’intention d’y prêter crédit, encourage celui qui parle.
En effet, si celui-ci constate qu’il a bien voulu l’écouter une fois, il ne se gardera pas de répéter devant lui des propos semblables un autre jour. Par contre, s’il lui répond qu’il n’est pas intéressé à entendre des choses qu’il n’a pas vues lui-même, ou s’il lui témoigne son irritation en prenant une expression mécontente, l’autre se gardera à l’avenir de lui rapporter des propos médisants, conscient qu’il ne ferait que sortir perdant puisqu’on le considérerait comme un homme médisant.
DANS LA SALLE DU TRESOR
Rabbi David Hanania Pinto
Lien entre la recherche du conjoint, le gagne-pain et la séparation de la mer des Joncs
« Moché étendit la main sur la mer, et l’Eternel refoula la mer, toute la nuit, avec un vent d’Est puissant. Il la mit à sec, et les eaux furent divisées. » (Chémot 14:21)
Nos Sages, de mémoire bénie, affirment, d’une part, que la recherche du conjoint est aussi difficile que l’ouverture de la mer Rouge, et d’autre part, que le gagne-pain de l’homme est aussi difficile à obtenir que l’ouverture de la mer Rouge. Tentons de définir la difficulté commune à ces deux domaines, tous deux comparés à la séparation de la mer des Joncs. De même, nous devons déterminer la nature du rapport entre les difficultés liées à la subsistance et la recherche de l’âme sœur, et l’ouverture de la mer Rouge.
Lorsque les enfants d’Israël se tenaient devant la mer, les Egyptiens à leurs trousses, la pensée que le Saint béni soit-Il fendrait les flots en leur faveur et que le salut leur proviendrait de ce côté, ne leur a même pas effleuré l’esprit. Toutefois, ils étaient animés d’une conviction absolue que l’Eternel les sauverait des mains de l’ennemi – car s’Il n’en avait pas eu l’intention, pourquoi les aurait-Il libérés d’Egypte et accompli tant de prodiges ? Aussi, se sont-ils mis à L’implorer pour qu’Il leur vienne en aide. Mais, malgré leur foi, ils ignoraient totalement d’où viendrait le salut divin.
J’ai pensé que la recherche d’un conjoint et l’assurance d’un gagne-pain sont assimilables à l’ouverture de la mer Rouge, car dans ces deux domaines, l’homme ne sait pas d’où lui viendra le salut. En effet, il arrive qu’un homme investisse toute son énergie dans l’ouverture d’un certain commerce ou dans un autre domaine, pensant pouvoir en retirer une bonne subsistance, et que l’Eternel, qui en avait prévu autrement, lui envoie son gagne-pain d’une tout autre manière, à laquelle cet homme n’avait même pas pensé – à la façon dont le peuple juif n’a pas envisagé un instant que le salut lui proviendrait du côté de la mer.
De même, un homme qui recherche l’âme sœur pourrait penser que lui seul est maître de décider quelle épouse lui convient. Pourtant, c’est en réalité le Créateur, qui, grâce à Sa connaissance profonde de l’homme, sait quelle femme lui correspond le mieux et sera en mesure, par l’association que représente le mariage, de l’aider à fonder un foyer béni et à effectuer un travail sur soi. Aussi, même si, à première vue, il semble à un homme qu’une certaine femme ne corresponde pas à son propre caractère et qu’il leur serait difficile de vivre sous un même toit, il doit être confiant et se rappeler que les enfants d’Israël, eux aussi, ne pensaient pas un instant que le salut leur viendrait du côté de la mer. De la même façon, il se peut que le Saint béni soit-Il ait prévu qu’une certaine femme, et elle seule, soit son associée la plus adaptée, aussi difficile à concevoir que cela puisse paraître.
Cependant, un homme ne pourra atteindre son objectif que s’il croit fermement que le secours lui proviendra du Tout-Puissant. Par contre, s’il s’entête à penser que le salut doit lui parvenir d’une certaine façon donnée, c’est la preuve qu’il croit en lui-même plutôt qu’en Dieu, et il ne parviendra jamais à atteindre son objectif.
A MEDITER
Nous avons déjà cité plusieurs fois l’enseignement de nos Sages sur le verset « Ouvrez les portes pour que puisse entrer un peuple juste, gardien de la loyauté (émounim) » – ne lis pas émounim, mais aménim : qui veille à répondre Amen.
Le mot « peuple » a un sens pluriel, aussi l’auteur de Chomer Emounim pose-t-il la question suivante : le verset parle pourtant d’un individu qui répond Amen, donc pourquoi n’emploie-t-il pas plutôt le terme « homme » ?
Rabbi Chemouel Rozovsky zatsal répond en s’appuyant sur le passage de Guémara du traité Erouvin, qui évoque l’exceptionnel dévouement de Rabbi Préda. Ce maître fut prêt à répéter son enseignement à son élève quatre cents fois supplémentaires, ce qui lui valut à la fois une longue vie et l’assurance d’accéder au monde futur, avec tous ses contemporains.
Cela nous enseigne que celui qui effectue une mitsva de toutes ses forces en retire non seulement un mérite personnel, mais rend aussi les autres méritants. Tel est le sens du verset « l’homme loyal (émounot) est comblé de bénédictions » – l’Eternel envoie Ses bénédictions par le biais de Ses fidèles, c’est-à-dire de ceux qui se dévouent pleinement pour Sa cause, à l’instar de celui qui a conclu une alliance avec son ami. Par conséquent, « l’homme loyal » qui s’efforce de répondre Amen de toutes ses forces rend méritants tous ses contemporains, d’où l’emploi du mot « peuple » dans le verset cité plus haut : il exprime un pluriel, puisque la conduite de cet individu tient également lieu de mérite aux autres. Sa loyauté entraîne le Très-Haut à déverser sur le monde, par son biais, Son flot de bénédictions.
Les portes du jardin d’Eden s’ouvrent devant lui
Rèch Lakich affirme : « Quiconque répond Amen de toutes ses forces, on lui ouvre les portes du jardin d’Eden. »
Le Maharcha relève l’emploi du pluriel « les portes », et en déduit que celui qui répond Amen de toutes ses forces mérite non seulement que s’ouvre devant lui le portique donnant sur le jardin d’Eden, mais aussi toutes les nombreuses portes intérieures qu’il comporte.
« Pourquoi donc, s’interroge Rabbi Chemouel Rozovsky ? Le fait de répondre Amen représente-t-il un si grand effort pour donner droit à un tel salaire ? » Et de répondre : « L’essentiel n’est pas de répondre Amen, ce qui est néanmoins une très grande chose en soi, mais de s’y impliquer de toutes ses forces, autrement dit de faire l’effort de se renforcer dans ce domaine. C’est ce qui nous octroie une récompense si grande.
Cela étant, quelles sont ces portes du jardin d’Eden qui s’ouvrent devant lui ? Le Zohar nous éclaire à ce sujet : lorsque meurt un homme ayant veillé de son vivant à répondre Amen, l’appel « ouvrez les portes ! » retentit, accueillant celui dont la méticulosité dans cette mitsva suscitait chaque jour l’ouverture des portes.
Mais de quelles portes s’agit-il ? Le Zohar explique que cela se réfère à celles de la prière. Lorsqu’une personne en détresse implore le Créateur, une voix s’écrie dans tous les mondes : « ouvrez les portes ». De même que les enfants d’Israël ont ouvert les portes des bénédictions en répondant Amen aux bérakhot qu’ils ont entendues, que les portes de la prière s’ouvrent en leur faveur et qu’ils soient exaucés !
EN PERSPECTIVE
Tou Bichvat et Chavouot
La paracha de Béchala’h est lue, chaque année, à la période de Tou Bichvat.
En ce jour, qui est le nouvel an des arbres, nous avons l’habitude de servir toutes sortes de fruits afin de louer Celui qui a créé les arbres.
Or, à Chavouot, où l’on est jugé sur les fruits, la coutume est de décorer son intérieur et la synagogue avec des plantes.
L’Admour de Satmar s’interroge à ce sujet : a priori, il aurait été plus logique d’inverser ces coutumes, en mangeant à Chavouot des fruits, sur lesquels on est jugé, et en décorant sa maison et la synagogue de plantes à Tou Bichvat, nouvel an pour celles-ci !
La réponse est aussi merveilleuse que la question est judicieuse :
Les arbres symbolisent les parents, alors que les fruits symbolisent les enfants.
A Tou Bichvat, les arbres, soit les parents, sont jugés ; même s’ils n’ont pas de mérites personnels, le fait qu’ils s’investissent dans l’éducation de leurs enfants, représentés par les fruits, leur tient lieu de mérite et leur donne droit à la bénédiction.
Mais, à Chavouot, ce sont les fruits qui sont jugés, c’est-à-dire les enfants ; de peur qu’ils n’aient pas suffisamment de mérites, on met en avant des plantes, les arbres symbolisant les parents sur le mérite desquels ils peuvent s’appuyer.
DES HOMMES DE FOI
Le Maroc vivait des moments difficiles. La moitié du deuxième mois d’Adar était déjà passée et pas une goutte de pluie n’était tombée pour humidifier la terre.
Les Juifs de Mogador se rendirent auprès de Rabbi ‘Haïm Pinto en le suppliant qu’il prie pour eux et les sauve de leur malheur. La sécheresse était grande. Avec amertume, ils lui demandèrent qu’il éveille la Miséricorde divine en leur faveur.
Rabbi ‘Haïm écouta attentivement et décréta :
« Demain, vous vous rassemblerez au Beth Haknesset, sans manger ni boire. Vous prierez longuement. Puis, vous sortirez et irez au cimetière. Là, vous attendrez la délivrance. »
Le lendemain, un jour de jeûne et de prières collectives fut proclamé dans la communauté. Tous se rassemblèrent au Beth Haknesset et prièrent. Lorsqu’ils terminèrent, ils se rendirent au cimetière avec Rabbi ‘Haïm à leur tête.
Le Tsaddik se tint près d’une tombe et demanda à son chamach :
« Crie tout fort : Adar II tu es excommunié, Adar II tu es excommunié, Adar II tu es excommunié ! »
Le chamach suivit l’ordre de son maître même si le sens lui en échappait. Alors qu’il attendait de voir la suite des événements, Rabbi ‘Haïm cria :
« Adar II nous te le permettons, Adar II nous te pardonnons, Adar II nous te libérons », comme on dit dans le processus d’annulation des vœux.
Rabbi ‘Haïm avait terminé de faire ce qu’on lui avait demandé. Il quitta le cimetière, suivi de toute l’assemblée.
Chacun se dirigeait vers son domicile quand, soudain, des trombes d’eau se mirent à tomber.
On raconte qu’avant même qu’ils n’arrivent chez eux, leurs vêtements furent trempés par la pluie abondante qui tomba en ce jour, grâce aux prières du Tsaddik.