Tetsaveh - Chabbat Zakhor 24 Février 2018 ט' אדר תשע"ח |
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L’abnégation de l’homme pour la foi et l’attachement à la Torah
Rabbi David Hanania Pinto
« Et toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de prendre pour toi une huile pure d’olives pilées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence. » (Chémot 27, 20)
Tout au long de la section de Tetsavé, le nom de notre maître Moché n’a pas été mentionné. Les célèbres paroles que nos Sages ont exprimées à ce sujet sont rapportées par le saint Zohar (Pin’has 246, 1) en ces termes : la raison de cette omission est que, suite au péché du veau d’or, Moché a voulu défendre les enfants d’Israël auprès de l’Éternel en déclarant : « Et maintenant, si Tu pardonnais leur faute… ! Sinon, efface-moi de Ton livre que Tu as écrit » (Chémot 32, 32). C’est pourquoi le nom de Moché n’apparaît pas tout au moins dans une section de la Torah, celle de Tetsavé.
Cependant, nous pouvons nous poser la question suivante. En demandant : « efface-moi de Ton livre », Moché avait l’intention de sauver les enfants d’Israël de l’anéantissement, donc en quoi a-t-il fauté ? Au contraire, il aurait été logique qu’il en soit récompensé ! Ceci peut être comparé à un roi qui s’est mis en colère contre son fils au point de vouloir le tuer ; si un valet se présentait au roi pour dire du bien de son fils dans le but de lui sauver la vie, il recevrait certainement de sa part une grande récompense. En effet, en exprimant sa volonté de sauver le prince, le valet témoignerait son amour pour la famille royale, ce qui le rendrait digne d’une récompense, et certainement pas d’une punition.
Ici aussi, Moché Rabbénou a demandé à l’Éternel de laisser les enfants d’Israël en vie. Or, ces derniers sont les fils du Roi suprême et détiennent également la dimension de la Torah, à laquelle ils correspondent en nombre. Par conséquent, comment expliquer que le nom de Moché ait été omis de la section de Tetsavé du fait qu’il a été prêt à se sacrifier pour invoquer la Miséricorde en faveur du peuple juif, en implorant le Tout-Puissant d’effacer son nom de la Torah s’Il ne pardonnait pas à Son peuple ?
Il nous faut trouver une autre raison pour laquelle la Torah a omis de mentionner le nom de Moché dans la section de Tetsavé. Afin de déceler cette raison, appuyons-nous sur un principe de base dans le domaine de la foi en D.ieu en particulier, et dans celui du service divin et de l’étude de la Torah en général : l’homme doit totalement renoncer à son ego, c’est-à-dire annuler tout intérêt personnel – argent, honneur, etc. – et ne prendre en considération que la Torah et les mitsvot pour amplifier la gloire de l’Éternel. Malheureusement, nous trébuchons tous quotidiennement dans ce domaine, à cause des intérêts personnels qui obstruent notre foi et nous empêchent de percevoir la Providence divine. Si nous parvenions à un niveau d’abnégation totale en ignorant tous nos intérêts, nous serions à même de voir et de croire.
Le roi Salomon nous enseigne : « Mieux vaut aller dans une maison de deuil que dans une maison où l’on festoie. » (Kohélet 7, 2) Quel avantage y a-t-il à se rendre dans une maison de deuil plutôt que dans une maison où l’on festoie, c’est-à-dire où l’on célèbre une séoudat mitsva, comme Sim’hat Torah, une circoncision, ou autre ? En fait, la réelle élévation passe justement par ce qui est dépourvu d’intérêts personnels. Lorsqu’on participe à une réjouissance, on est généralement motivé par toutes sortes d’intérêts : on espère que la personne qui célèbre cet évènement viendra à son tour partager notre fête, on se réjouit de manger un bon repas, ou encore on espère y rencontrer des amis. Par contre, quand on fait une visite à un endeuillé, on n’espère évidemment pas qu’il nous rende en retour une telle visite, mais notre unique intention est de le réconforter et de partager sa peine. Tel est le sens de l’enseignement précédent. J’ai d’ailleurs eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de remarquer que dans les maisons en deuil, les gens sont souvent plus réceptifs aux reproches, y compris concernant des lois de nos Maîtres, et nombre d’entre eux vont même jusqu’à se repentir. Ceci s’explique par le fait qu’en ces lieux, aucun intérêt personnel n’entre en jeu, ce qui nous permet de percevoir clairement la leçon que nous enseigne la personne défunte, à savoir que tout le monde finit, un jour ou l’autre, par mourir. Cette pensée suscite notre repentir et ouvre notre cœur aux paroles de Torah et de réprimande.
Cependant, celui qui n’annule pas son ego et qui ne perçoit pas, dans tous les évènements de ce monde, la Providence divine, ne parviendra jamais à tirer leçon d’aucune réalité, devant laquelle il demeurera simplement aveugle.
Notre maître Rabbi Guerchon Liebmann, de mémoire bénie, racontait souvent l’histoire suivante, au sujet de Rabbi Israël Salanter, que son mérite nous protège. Un soir, à une heure très tardive, ce dernier vit un cordonnier qui était encore à l’œuvre, à la lumière d’une bougie. Il lui demanda pourquoi il travaillait encore alors qu’il était si tard, ce à quoi le cordonnier répondit : « Tant que la lampe brûle, il est encore possible de réparer. » Cette phrase toucha profondément le cœur de Rav Israël qui, de retour à son auberge, la répéta immédiatement à son hôte, en ajoutant que, de même, nous avons l’opportunité de nous amender tant que notre âme habite notre corps.
L’enseignement du roi Salomon s’inscrit également dans cette optique, puisqu’il affirme que nous avons même à apprendre du comportement d’une fourmi : « Va trouver la fourmi, paresseux, observe ses façons d’agir et deviens sage. » (Michlé 6, 6) En effet, alors que la durée de vie de cet insecte est très limitée, il passe pourtant tout son temps à amasser d’énormes quantités de provisions, et nos Sages, de mémoire bénie, expliquent (Dévarim Rabba 5, 2) qu’il agit ainsi dans l’espoir que l’Éternel, en qui il a foi, ait pitié de lui et prolonge son existence – auquel cas il aurait effectivement besoin de telles réserves. Le comportement de la fourmi tout comme la réflexion du cordonnier nous enseignent l’immense richesse enfouie dans les objets et créatures qui nous entourent, desquels nous pouvons retirer une grande sagesse, si seulement nous les considérons, avec abnégation, d’un regard purifié de tout intérêt personnel. En effet, il est possible de tirer leçon de toute la Création.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Deux rendez-vous en un
Étant constamment très pris par mes obligations publiques, je ne quitte les murs de la Yéchiva que pour diffuser la Torah et accroître les mérites de la communauté, et il m’est très difficile de m’y résoudre lorsqu’il s’agit d’impératifs personnels, comme des visites médicales. En général, en l’occurrence, j’ai plutôt l’habitude d’en repousser l’échéance à plusieurs reprises, jusqu’à ce que l’urgence m’oblige à consulter.
À une époque, mon médecin me mit en garde : mon taux de sucre sanguin était instable et il me recommanda donc de prendre conseil auprès d’un diabétologue. Je compris que cette fois-ci, je n’avais pas le choix : je ne pouvais pas prendre cela à la légère. Rendez-vous fut donc pris pour un vendredi après-midi.
Une semaine avant cette date, je remarquai que ma vue avait faibli. J’en conclus qu’il me fallait consulter un ophtalmologue, car, du fait de mes innombrables activités, ma dernière visite remontait à six ans plus tôt. Depuis lors, ma vue avait dû changer.
Lorsqu’arriva le vendredi, en me rendant à mon rendez-vous, quelle ne fut pas ma surprise d’y découvrir que le spécialiste chez lequel mon généraliste m’avait envoyé n’était autre qu’un oculiste, et non un diabétologue. Après vérification, il s’avéra que cela était dû à une erreur de mon docteur. Erreur providentielle, puisqu’elle me permit de faire vérifier ma vue. Le spécialiste me prescrivit de nouveaux verres, avec une correction plus importante que les précédents. À l’issue de cette visite, je me rendis chez le diabétologue, dont la clinique jouxtait celle-ci, qui me reçut également.
Après coup, en réfléchissant de nouveau au déroulement de cette journée, je réalisai que, dans Sa Miséricorde infinie, le Créateur m’avait permis d’être reçu par les deux spécialistes le même jour, afin de m’éviter de devoir aller à deux rendez-vous à des moments différents.
Cet épisode renforça ma foi en D.ieu, Qui connaît l’âme de Ses créatures et désire, dans Sa miséricorde infinie, les combler de Ses bienfaits, bienfaits qui ne nous sont parfois visibles qu’après coup, lorsque l’on réalise comment la Main divine nous a guidés au mieux.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Chmouel dit (…) » (Chmouel I, chap. 15)
En ce Chabbat Zakhor, nous lisons la haftara qui évoque l’importance d’effacer le nom d’Amalek, qui partit en guerre contre Israël à l’époque de Chaoul Hamélekh.
CHEMIRAT HALACHONE
Du lachone hara sur un mineur
Parfois, l’interdit de lachone hara s’applique même pour un mineur. C’est par exemple le cas si l’on raconte du lachone hara d’un orphelin élevé dans une famille d’accueil, que cela pourrait pousser à le rejeter. Si le but de la médisance est d’éviter le tort causé par l’enfant et de le ramener dans la bonne voie, c’est permis. Mais il faut toutefois s’assurer auparavant que ce que l’on va raconter est vrai, et non pas s’empresser de croire n’importe quel racontar. Il convient également de prévoir les conséquences qu’aurait une éventuelle intervention de notre part, qui pourrait être à l’origine d’injustices.
PAROLES DE TSADDIKIM
Le silence de Yaakov
« Ton père est malade. » (Béréchit 48, 1)
« Signalons, à l’éloge de Yossef, qu’en dépit de son respect pour son père, il ne se présentait pas chez lui à toute heure. Si bien que si ses frères ne l’avaient pas informé de l’état de santé de son père, il n’en aurait rien su. Cela nous démontre la grandeur de Yossef qui évitait de s’isoler avec son père de peur que celui-ci n’en vienne à déplorer le rôle joué par ses frères dans sa vente et ne les maudisse. “Je sais que tout ce que mon père prononce, dans sa tsidkout, a force de décret, raisonna-t-il. Lorsqu’il a dit à Lavan : ‘Quant à celui que tu trouverais en possession de tes dieux, qu’il cesse de vivre !’ (Béréchit 31, 32), ma mère en est décédée, et moi je pousserais mon père à maudire mes frères ! En outre, s’il les maudissait, je serais en quelque sorte cause de la destruction du monde entier, qui n’a été créé que pour les tribus !” Voilà donc la raison pour laquelle Yossef évitait de se rendre fréquemment chez son père. » (Psikta Rabbati 3, 10)
L’esprit humain n’est pas à même d’appréhender une grandeur telle que celle de Yossef Hatsaddik. « D’après notre conception des choses, analyse le Gaon Rabbi Leib Friedman zatsal, auteur du Tsidkat Hatsadik, après avoir été séparé de son père bien-aimé pendant vingt-deux ans et l’avoir enfin retrouvé, comment comprendre qu’il ait ensuite évité pendant dix-sept ans de se retrouver en tête-à-tête avec lui, ne serait-ce qu’une seule fois ? C’est qu’il savait que s’il se trouvait seul avec Yaakov, celui-ci ne manquerait pas de l’interroger sur les circonstances de sa disparition et de son arrivée en Égypte. Or, Yossef ne voulait pas être amené à médire de ses frères. Notons par ailleurs que, de son côté, Yaakov ne l’a jamais fait appeler ni interrogé là-dessus. Ce n’est qu’en sentant sa mort imminente qu’il pria Yossef de venir à son chevet. »
Rabbi Chlomo Harachvi zatsal, directeur spirituel de la Yéchiva de Grodna, soulignait d’autre part la grandeur de Yaakov Avinou qui, après avoir perdu de vue son fils pendant vingt-deux ans, le retrouve à la tête de l’Égypte. Il avait certainement plein de questions en tête : que s’était-il passé ? La curiosité d’un homme est naturellement très forte, à plus forte raison concernant son fils bien-aimé, devenu dirigeant de la plus grosse puissance de l’époque. Il devait avoir soif de détails. Et pourtant, Yaakov Avinou ne pose pas de questions ; loin de se tourner vers le passé, il choisit d’envisager seulement l’avenir. Ce qui a été fait ne peut de toute façon être changé. C’est là le comportement des Avot, notre Torah, dont nous devons nous inspirer.
La coutume dans la famille de l’Admour de Belz zatsal était que tous ses fils se rassemblent une fois par semaine auprès de leur père pour discuter d’étude avec lui ; ils lui présentaient alors leurs derniers ‘hidouchim.
Son fils Rabbi Aharon zatsal participait aussi à ces rassemblements, mais étonnamment, il y gardait toujours le silence, ne se mêlait pas aux discussions et ne proposait pas d’interprétations personnelles. N’avait-il rien à dire ou à ajouter ?
Bien des années plus tard, alors qu’ils étaient tous réunis, il créa soudain la surprise en présentant un dvar Torah et en intervenant dans la discussion. Que s’était-il passé ? lui demanda son père étonné. Rabbi Aharon révéla alors que lors de leurs réunions hebdomadaires, la mère de ses demi-frères était habituellement présente dans la maison, et il était certain qu’elle éprouverait un plaisir parfait en entendant seulement ses fils parler. Ce jour-là, comme elle n’était pas dans la ville, il s’était permis de prendre la parole.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La Torah n’est pas dans le ciel
« Et toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de prendre pour toi une huile pure d’olives pilées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence. » (Chémot 27, 20)
Sur le mode allégorique, le terme chémen peut être rapproché du terme michna, signifiant alors que le peuple juif doit « prendre » la Michna afin de l’étudier. En outre, de même qu’il lui incombe d’étudier la Michna, il doit également étudier tous les trésors de la Torah. Or, lorsque les enfants d’Israël étudient la Michna, qui est une partie de la Torah, toutes leurs âmes s’unissent les unes aux autres. En effet, le mot nechama, lui aussi assimilable au mot chémen du verset, peut également être rapproché du mot michna. Quant au terme tetsavé, il fait allusion au terme tsavta (compagnie), connotant alors l’idée selon laquelle, lorsque le peuple juif étudie la Torah de manière solidaire, il crée un lien entre toutes les âmes qui le constituent et permet ainsi au Saint béni soit-Il de faire résider Sa présence en son sein.
De plus, il est intéressant de remarquer que si l’on décompose le mot zayit (olive), on obtient d’une part les lettres zayin-youd et d’autre part la lettre tav. Ces premières lettres ont la même valeur numérique que le mot tov (bien), qui se réfère toujours à la Torah. Quant à la lettre tav, de valeur numérique quatre cent, elle correspond aux quatre cents puissances impures se trouvant dans le monde, qui perdent leur pouvoir et leur influence lorsque nous nous regroupons (tsavta) pour étudier la Michna et la Torah. Cette étude possède en effet le pouvoir de lier les âmes du peuple juif, tout en « pilant » les forces de l’impureté.
Le roi David affirme dans les Téhilim (68, 19) : « Tu es remonté dans les hauteurs, après avoir fait des prises ; tu as reçu des dons parmi les hommes ». Le saint Ari zal explique que ce verset se réfère à notre maître Moché, qui a capturé l’âme de Rabbi Chimon bar Yo’haï lorsqu’il est monté au ciel, comme le terme chévi (prises), composé des initiales de ce dernier, y fait allusion. Toutefois, pourquoi était-il nécessaire que Moché capture l’âme de Rabbi Chimon bar Yo’haï et qu’il la fasse descendre sur terre ? Car Rabbi Chimon symbolise la Torah ésotérique ; aussi, dès que son âme est descendue sur terre, tous les secrets de la Torah y sont également descendus, et celle-ci a, en quelque sorte, quitté le ciel. Tel est le sens du verset : « elle n’est pas dans le ciel » (Dévarim 30, 12). Autrement dit, tout celui qui désire étudier la Torah en a la possibilité, du fait qu’elle « se trouve à tous les coins de rue ».
Or, le fait que tous les secrets de la Torah, y compris les plus ésotériques d’entre eux, consignés par Rabbi Chimon bar Yo’haï dans le Zohar, ont été descendus sur terre, nous oblige encore davantage à étudier la Torah et nous empêche de fuir cette responsabilité, qui est la nôtre, en prétendant qu’il nous serait impossible de la comprendre. En effet, comme nous l’avons expliqué, dès le moment où la Torah a été donnée au monde, elle a été mise à la portée de tout homme, et ce, en particulier après que notre maître Moché captura l’âme de Rabbi Chimon bar Yo’haï pour l’amener sur terre, ce qui a transporté les secrets de la Torah dans le monde et les a rendus perceptibles par tous.
À MÉDITER
Comme nous l’avons déjà expliqué, la manière d’arriver à la mitsva d’aimer ton prochain comme toi-même est de t’entraîner à penser que tu n’es pas seul au monde. De même qu’Il t’a créé, Il a créé tous les autres. De même que tu as des désirs et des besoins, tout le monde en a. Hachem accorde à chacun sa part, et personne ne peut te prendre la tienne. Du fait de son aspect matériel, l’homme a tendance à penser que le monde lui appartient. Aussi, en voyant ce que l’autre possède, il a l’impression qu’il le lui a pris et en conçoit rancœur et jalousie.
Lorsque la fille du Tsaddik Rabbi Mena’hem Mendel de Vizhnitz tomba gravement malade, il fallut se résoudre à aller dans la capitale consulter les meilleurs médecins. Son père, très inquiet, recevait tous les jours de ses nouvelles par un télégramme envoyé depuis le bureau de poste central de la métropole.
Or, voilà qu’un jour, le télégramme quotidien n’arriva pas à l’heure habituelle, et le Rabbi en conçut une vive inquiétude. Plongé dans ses pensées, il faisait les cent pas, incapable de trouver le repos.
Quelques heures plus tard, surprise : le message tant attendu arrivait, porteur d’excellentes nouvelles : sa fille était à présent hors de danger, et une amélioration notable était déjà perceptible…
Le visage du Rabbi rayonnait à présent de joie. Profitant de cette heureuse disposition, son fidèle assistant se permit de le questionner :
« Rabbi, comment se fait-il que le retard du télégramme vous ait tellement contrarié ? Si cela vous a mis dans un tel état d’inquiétude et que vous n’êtes pas parvenu à renforcer votre foi et votre confiance en Hachem au moment critique, comment pourrions-nous y parvenir, nous qui sommes si loin de votre niveau ?
– Si tu crois que j’étais angoissé par l’état de santé de ma fille, lui répondit le Maître, tu te trompes. J’étais préoccupé par un autre problème : cela fait des années que je fais des efforts pour acquérir un véritable amour du prochain. J’ai fourni d’innombrables efforts en ce sens, dans le but de m’améliorer et de parvenir à aimer chaque Juif, quel qu’il soit, exactement comme moi-même. Il me semblait dernièrement que j’étais arrivé à ce niveau, de ne pas ressentir de différence entre moi-même, ma propre chair, et tout autre Juif. Pourtant, aujourd’hui, j’ai malheureusement constaté que je me trompais. Je me suis aperçu, en effet, que mon inquiétude pour ma fille était bien plus forte que celle que je ressens lorsque l’un de mes ‘hassidim me transmet un kvitel pour que je prie en faveur de l’un de ses proches soudain tombé gravement malade… Cette prise de conscience est la véritable cause de la contrariété que tu pouvais lire sur mon visage ! »
Une anecdote qui se passe de commentaires…
DES HOMMES DE FOI
M. Pin’has Abittan raconta à notre Maître chelita une histoire, au nom de son père qui la tenait lui-même de son grand-père.
Ce dernier était vendeur de gâteaux. Mais la chance ne lui souriait pas. Désespéré, il se rendit chez Rabbi ‘Haïm Hakatan et lui demanda une bénédiction pour la réussite.
Rabbi ‘Haïm écouta puis lui demanda : « Est-ce que tu as un peu d’argent ?
– Oui, répondit-il.
– Dans ce cas, utilise-le pour acheter les ingrédients nécessaires à la fabrication de nouveaux gâteaux et vends-les », lui ordonna le Tsaddik.
Le grand-père lui demanda : « Rabbi, les gâteaux qui se trouvent déjà dans mon magasin, je n’arrive pas à les vendre. Pourquoi devrais-je investir encore de l’argent pour en fabriquer d’autres ? »
Inflexible, Rabbi ‘Haïm lui répéta : « Écoute ce que je te dis et tu réussiras. »
Ce Juif, qui avait une grande confiance dans les Sages, suivit les instructions de Rabbi ‘Haïm à la lettre. Il acheta de la farine et confectionna de nouvelles pâtisseries. Effectivement, il parvint à vendre toute sa production et en tira un grand bénéfice.
Par comble de malchance, en rentrant chez lui, il égara son porte-monnaie avec tout son contenu et en fut très affecté.
C’est alors qu’il rencontra de nouveau Rabbi ‘Haïm. Comme si de rien n’était, celui-ci lui demanda : « Alors, comment les affaires ont-elles marché aujourd’hui ?
– Très bien, j’ai tout vendu et gagné beaucoup d’argent. Mais, malheureusement, j’ai perdu mon porte-monnaie avec toute ma recette. Il ne me reste plus rien », répondit-il le regard sombre.
Rabbi ‘Haïm le fixa d’un regard pénétrant et lui dit : « C’est vrai que tu as perdu tout ton argent et que tu es maintenant dénué de tout. Toutefois, un pauvre est considéré comme un mort ; de cette manière, peut-être que le décret qui plane sur toi est enfin vraiment annulé. »
En entendant ces paroles, l’homme se mit à pleurer, tout en demandant à Rabbi ‘Haïm : « Mais, que vais-je faire à présent ? Je n’ai plus un sou ! »
Rabbi ‘Haïm le regarda de nouveau et lui dit : « Va à tel endroit et tu y trouveras ton porte-monnaie avec tout ton argent, à la pièce près. »
« C’est impossible, s’étonna l’homme. Des centaines, voire des milliers de personnes passent par cet endroit. Comment se pourrait-il que personne ne l’ait déjà pris ? »
Rabbi ‘Haïm écouta ses doutes et lui ordonna de nouveau : « Fais exactement ce que je te dis. »
L’homme se hâta vers l’endroit en question et retrouva l’objet perdu précisément là où le Rav l’avait prévu.
Le soir, quand il revint chez le Tsaddik, celui-ci lui demanda : « Alors, tu l’as retrouvé ?
– Oui, répondit-il, juste à l’endroit indiqué par le Rav. Je n’en reviens toujours pas, comment est-ce possible ? Des milliers de personnes passent par là, comment se fait-il que personne ne l’ait ramassé ?
– Tout vient du Ciel et est l’œuvre de D.ieu, lui dit Rabbi ‘Haïm. Il se pourrait très bien qu’un inconnu l’ait trouvé mais qu’au moment où je t’ai béni, il l’ait perdu lui aussi et que les évènements se soient enchaînés de telle manière que ce soit toi qui le retrouves. »
Cette histoire nous enseigne que les prières du Tsaddik ne sont jamais vaines.
EN PERSPECTIVE
Pour quoi prier ?
« Or, je te promets une portion supérieure à celle de tes frères, portion conquise sur l’Émori, à l’aide de mon épée et de mon arc. » (Béréchit 48, 22)
A-t-il vraiment réalisé ces conquêtes avec les armes qu’il cite ? Il est pourtant écrit (Téhilim 44, 7) : « Car je ne mets pas ma confiance en mon arc ; ce n’est pas mon épée qui m’assure la victoire. » En fait, l’épée symbolise la téfila, tandis que l’arc représente la demande (bakacha). Quant à Rachi, il explique « mon épée et mon arc » dans le sens de « ma sagesse et ma prière ».
Mais qu’est-ce que vient faire ici la sagesse ?
D’après le Even Haézel, Rachi nous livre ici un enseignement fondamental, à savoir que l’homme a besoin d’une bonne dose de sagesse et d’une intelligence supérieure pour savoir pour quoi prier. Il arrive en effet qu’un homme implore le Tout-Puissant pour la réalisation d’un désir quelconque, qu’avec sa faible intelligence, il conçoit comme bénéfique, alors que l’inverse est vrai. Une sagesse particulière est donc nécessaire afin de déterminer pour quoi et comment prier. Parfois, il ne faut pas demander quelque chose en particulier, mais simplement qu’Hachem nous guide dans le bon et le droit chemin.