Parachat Emor 5 Mai 2018 כ' אייר תשע"ח |
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Se consacrer à la Torah : la vraie vie
Rabbi David Hanania Pinto
« Parle aux Cohanim, fils d’Aharon, et dis-leur : nul ne doit se souiller par le cadavre d’un de ses concitoyens. » (Vayikra 21, 1)
La Guémara explique (Yévamot 114a) : « Parle (…) et dis-leur : Que les adultes prennent garde [également à ce que cette interdiction ne soit pas enfreinte] par leurs enfants ! » Ce commentaire demande explication : pourquoi n’est-ce que concernant l’interdiction de se rendre impur que la Torah a éprouvé le besoin de mettre en garde les parents concernant leurs enfants ? En quoi cette interdiction est-elle plus grave que les autres graves transgressions mentionnées par la Torah comme celles concernant l’observance du Chabbat, sanctionnée par la lapidation, ou la consommation de graisses interdites, sanctionnée par une peine de karèt ?
On peut expliquer cela en partant du fait qu’au début, l’homme a été créé sans souffle de vie, comme une sorte de moule formé de terre, après quoi D.ieu lui insuffla une âme dans ses narines (cf. Béréchit 2, 7) – et le Zohar d’expliquer qu’Il lui a insufflé une part de Lui-même, un souffle de vie, l’âme, faisant de lui une créature vivante.
Quelle est la nature de ce souffle ?
Il est évident que le Saint béni soit-Il lui a en quelque sorte insufflé les 248 mitsvot positives et les 365 mitsvot négatives, qui confèrent la vitalité à ses 248 membres et tendons. Les 613 mitsvot font pendant aux membres de l’homme, et lorsqu’il accomplit les mitsvot divines, ses membres et tendons acquièrent une vitalité propre. C’est dire que sans les mitsvot, l’homme est considéré comme mort.
Ainsi, il en ressort que quiconque accomplit la Torah d’Hachem et ses mitsvot est un homme vivant, car la lumière de la mitsva éclaire ses membres et leur confère vitalité, tandis que celui qui se détourne de la Torah est considéré comme mort, car il lui manque l’oxygène spirituel nécessaire à la vitalité de ses membres. C’est là la raison pour laquelle nos Sages disent (Brakhot 18b) que « les impies sont appelés morts même de leur vivant » : du fait qu’ils ne se consacrent pas à la Torah, la lumière qui en émane ne peut vivifier leurs membres. L’inverse est vrai, puisque « les Tsaddikim sont appelés vivants même après leur mort », sachant que même dans la tombe, leurs lèvres continuent à formuler des paroles de Torah en parallèle à l’étude de leurs enseignements réalisée par les vivants. La lumière de la Torah continue ainsi à éclairer et vivifier leurs membres même s’ils ne sont plus de ce monde.
Ce préambule nous permettra de comprendre pourquoi la Torah n’a abordé l’importance d’avertir les plus jeunes que concernant le sujet de l’impureté post-mortem. Car de même que les Cohanim sont d’une sainteté suprême et que la Torah leur impose de prendre de strictes distances avec cette impureté, chaque Juif a l’obligation de se sanctifier par la Torah et l’accomplissement des mitsvot, à l’instar d’un « Cohen ».
En outre, en se consacrant à la Torah, l’homme confère la vitalité à ses membres et tendons ; dès lors, il s’écarte en quelque sorte de l’impureté de la mort. Par contre, s’il n’adhère pas à la Torah et aux mitsvot, l’homme n’a pas de source de vitalité et est considéré comme mort déjà de son vivant et transgresse ainsi en quelque sorte l’interdit touchant cette impureté. Car même s’il vit, respire et se meut librement, son âme, de nature spirituelle, est morte, ses membres et tendons spirituels sont perdus, ce qui lui vaut d’être considéré comme mort et impur, en tant que tel.
C’est aussi la raison pour laquelle l’homme ne devient impur qu’après sa mort, car lorsqu’il vit, la Torah à laquelle il se consacre le sanctifie et le purifie, si bien que le pouvoir de l’impureté ne peut avoir d’emprise sur lui. Par contre, lorsqu’il meurt et quitte le joug des mitsvot, la lumière de la Torah n’a pas le pouvoir de vivifier ses membres, si bien que l’impureté peut aussitôt s’en prendre à lui. Toutefois, si, même de son vivant, il ne se consacre pas à la Torah et s’en détourne, il est, comme nous l’avons dit, déjà considéré comme mort, et la Torah impose à ceux qui l’entourent de s’éloigner de 4 amot, afin de ne pas subir de dommages spirituels du fait de cette impureté.
C’est également pourquoi la Halakha impose à l’homme, lorsqu’il se lève le matin, de laver ses mains et de les purifier, le sommeil représentant un soixantième de la mort – en effet, lorsqu’il dort, il n’étudie pas et il n’y a donc pas de courant de vitalité vers ses membres, comme s’il était mort.
En conclusion, l’homme doit s’efforcer scrupuleusement de faire vivre son âme par la lumière de la Torah et des mitsvot, telle une nuée régénératrice pour l’esprit comme pour le corps.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Quant aux Cohanim – Léviim, descendants de Tsadok (…) » (Yé’hezkel 44).
Dans la haftara sont évoquées les lois concernant la sainteté des Cohanim selon les instructions de Yé’hezkel Hanavi, ce qui nous renvoie à la paracha où sont évoquées les différentes lois découlant de l’exigence de sainteté particulière vis-à-vis des Cohanim.
CHEMIRAT HALACHONE
La gravité de la délation
Celui qui dénonce un Juif à des non-juifs se rend coupable d’une faute d’une gravité extrême, entrant ainsi dans la catégorie des délateurs (malchinim), à laquelle s’applique la même règle (din) qu’au renégat (apikoros) et qu’à celui qui renie la Torah et la résurrection des morts. On dit à leur propos que si l’enfer a une fin, leurs tourments n’en ont pas.
Le ‘Hafets ‘Haïm nous met donc en garde : tout Juif doit y prendre extrêmement garde, et celui qui transgresse cet interdit et dénonce un coreligionnaire à des non-juifs est considéré comme ayant maudit, blasphémé et porté atteinte à la Torah de Moché Rabbénou.
GUIDES PAR LA ÉMOUNA
Un chidoukh peut en cacher un autre
Pendant un certain nombre d’années, je reçus à plusieurs reprises un jeune homme qui ne parvenait pas à trouver la compagne qui lui convenait. Il ne cessait de prier, mais toute proposition de chidoukh qui lui était faite tombait systématiquement à l’eau.
Un jour, il me supplia de le bénir pour qu’il rencontre son mazal très rapidement, ce que je fis bien sûr. En outre, après m’être un peu mieux renseigné sur ce qu’il recherchait, je lui proposai un chidoukh avec une jeune fille de Toronto.
Afin d’accélérer le processus, je me chargeai d’aplanir toutes les difficultés d’ordre technique, afin de permettre que les rencontres puissent démarrer au plus vite, d’autant plus que les deux familles s’étaient déjà rencontrées et que tout semblait bien s’annoncer.
À son arrivée à Toronto, le jeune homme fut hébergé chez un Juif de la communauté locale qui, ignorant tout de l’affaire en cours, se hâta de lui proposer… un chidoukh. Le jeune homme refusa au départ d’étudier cette proposition, mais D.ieu en avait décidé autrement, et il rencontra finalement la jeune fille qu’on venait de lui proposer. Elle lui plut beaucoup et il décida de se fiancer avec elle.
Je reçus alors un appel du jeune homme, heureux de m’annoncer la bonne nouvelle : il avait bien trouvé son mazal à Toronto. Je ressentis au départ un pincement de contrariété en apprenant que ma propre idée ne s’était pas concrétisée. Mais je me repris, comprenant que le Metteur en scène suprême avait arrangé les choses à Sa manière, de telle sorte qu’à cause de ma proposition, ce jeune homme se rende à Toronto, pour y rencontrer celle qui lui était vraiment destinée.
Quelque temps après, de passage à Toronto, j’appris que la famille de la jeune fille que j’avais initialement proposée avait été très déçue, et que celle-ci était toujours célibataire.
Leur peine m’alla droit au cœur, et c’est pourquoi j’implorai le Créateur de faire un miracle par le mérite de mon saint grand-père, et que, d’ici mon départ, deux jours plus tard, elle ait rencontré son zivoug.
Grâce à D.ieu, le même jour, le père de cette jeune fille m’appela pour m’annoncer avec joie qu’ils venaient de recevoir une proposition de chidoukh très intéressante, et qu’elle devait rencontrer le jeune homme le jour même.
Quelques jours plus tard, alors que j’étais déjà rentré en France, je reçus un coup de fil m’informant de l’heureuse issue des rencontres : les fiançailles avaient déjà eu lieu, et le mariage avait été fixé à trois mois plus tard.
Ce couple forma par la suite une famille remarquable, bénie de nombreux enfants.
PAROLES DE TSADDIKIM
Ne faire aucune différence
« Il n’approchera d’aucun corps mort ; pour son père même et pour sa mère, il ne se souillera point. » (Vayikra 21, 11)
La raison de cet interdit est, d’après nombre de commentateurs, le fait qu’il ne faut pas faire montre de plus d’amour et de proximité pour l’un de ses proches que pour tout autre Juif, et le Cohen Gadol, de par sa fonction prééminente, se devait de montrer l’exemple.
On raconte à cet égard que le saint Rabbi Elimélekh de Lizensk zatsal s’était fixé un principe strict et absolu concernant l’amour d’autrui : que chaque Juif au monde lui soit aussi cher que sa propre chair, et de ne pas ressentir la plus petite différence entre ses enfants et l’un de ses frères juifs. Cette mission difficile représentait son objectif et il était prêt à se mettre en quatre pour y parvenir.
De retour d’une longue série de pérégrinations – sorte d’« exil » que s’imposait le Maître –, il dirigeait ses pas vers sa ville d’origine où il allait enfin retrouver sa famille dont il n’avait pas eu la moindre nouvelle depuis très longtemps. Mais voilà qu’à son arrivée à l’entrée de la ville, une carriole, tirée par de rapides coursiers, passa devant lui à vive allure. Et, sans le vouloir, des bribes de la conversation animée menée par deux membres de la communauté qui se trouvaient à bord de l’attelage parvinrent à ses oreilles :
« Elazar est un si bon garçon… C’est une mitsva d’entreprendre tous les efforts pour sauver sa vie… Il ne faut pas économiser les dépenses… Si seulement le Professeur voulait bien venir le voir… »
Rabbi Elimélekh se figea instantanément, son cœur se mit à battre violemment dans sa poitrine, tandis qu’une sueur froide trempait tout son corps : Elazar n’était autre que son fils bien-aimé ! Qui sait ce qui lui était arrivé ? Pourquoi fallait-il lui sauver la vie ? Qu’Hachem ait pitié !...
La carriole disparut rapidement de son champ de vision, ne lui laissant pas la possibilité d’en apprendre davantage. Rabbi Elimélekh redressa son baluchon sur son dos et se hâta donc vers sa demeure, le cœur battant à tout rompre. Sur son chemin, il rencontra un certain nombre d’autres coreligionnaires, eux aussi occupés à discuter de l’état critique dans lequel se trouvait Elazar. En se rapprochant d’eux, il comprit alors qu’il s’agissait d’un autre Elazar, le fils de Ye’hezkel, le responsable des bains publics. La terrible angoisse qui étreignait jusque-là son cœur s’apaisa légèrement.
Aussitôt, Rabbi Elimélekh se prit la tête entre les mains et se sermonna amèrement : « Oh ! Meilekh, Meilekh ! Pourquoi t’es-tu exilé jusque-là ? À quoi cela t’a-t-il mené ? Quelle valeur ont tes efforts et tes privations si tu ressens encore une différence entre ton Elazar et celui de Ye’hezkel ?! »
Sans se laisser le plaisir d’entrer chez lui saluer les siens, Rabbi Elimélekh fit aussitôt demi-tour, pour une nouvelle période de galout volontaire…
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Responsabilité et sentiments
« Quant au Cohen supérieur à ses frères, sur la tête duquel aura coulé l’huile d’onction, et qu’on aura investi du droit de revêtir les insignes, il ne doit point découvrir sa tête ni déchirer ses vêtements ; il n’approchera d’aucun corps mort ; pour son père même et pour sa mère, il ne se souillera point ; et il ne quittera pas le sanctuaire, pour ne pas profaner le sanctuaire de son D.ieu. » (Vayikra 21, 10-12)
On peut se demander comment la Torah peut exiger un tel sacrifice de la part du Cohen Gadol – ne pas s’endeuiller pour ses proches et ne pas se rendre impur même pour ses propres parents ! Quand la douleur brise tous les barrages intérieurs, comment peut-on lui demander de ne pas pleurer, d’étouffer ses sentiments ?
En fait, la Torah nous apprend par là qu’un homme qui sert Hachem doit toujours se trouver dans la joie. Si la tristesse le perturbe, c’est aussi son Service de D.ieu qui en sera affaibli, car on ne peut Le servir dans la douleur. C’est la raison pour laquelle il lui est ordonné de ne pas se désoler ni de prendre part à l’enterrement de ses parents.
Il ne doit pas sortir du sanctuaire, ajoute la Torah. Étant donné la sainteté dont il est porteur, il symbolise pour tout le peuple juif la nécessité de ne pas éprouver de peine pour tout ce qui a trait à la matière. Le commun des mortels peut certes se désoler de la perte de ses parents, mais il faut néanmoins réaliser que si ce n’est pas le cas du Cohen Gadol, que cela pourrait déranger dans son sacerdoce, nous ne devons pas éprouver de peine à notre niveau pour des motifs financiers ou physiques, ou parce que nous n’avons pas pu jouir de plaisirs matériels.
Chacun a ses difficultés, qu’il faut accepter avec amour. Cette leçon, les enfants d’Israël peuvent l’apprendre du Cohen Gadol, à la cheville duquel ils n’arrivent pas. Car comment peut-on se désoler de pertes minimes lorsqu’on voit la grandeur d’un homme capable de dépasser sa douleur personnelle suite à la perte de ses plus proches parents – père, mère ou même épouse ?!
Pour en revenir à notre question initiale, cela nous permet de comprendre pourquoi les aînés sont chargés d’avertir les plus jeunes. Car si le Cohen supérieur à tous ses frères avait le pouvoir de surmonter ses sentiments naturels, de ne pas s’endeuiller pour ses proches et de rester dans la « Maison d’Hachem » pour accomplir Ses ordres tel un serviteur heureux de remplir son rôle, tel doit être le comportement adopté par tous. Tous n’ont certes pas reçu les mêmes devoirs de réserve, de répression des sentiments que le Cohen Gadol, mais il faut apprendre de lui à surmonter ses petits problèmes quotidiens sans tomber dans le découragement. Il est au contraire nécessaire de continuer à servir Hachem dans la joie en disant que tout ce qui arrive est pour le bien.
Puissions-nous mériter de parvenir à ce saint niveau, de servir Hachem de plein gré et avec joie !
À MÉDITER
Dans notre rubrique de la semaine dernière, nous avons analysé la décision remarquable du Rav Wozner zatsal de faire annuler le vol d’un père et de son fils vers la Terre sainte afin qu’un jeune ne rende pas ses yeux impurs par des visions inadéquates, qui représentent tant un interdit qu’un dommage.
Parfois, certains justifient leurs actes en arguant que de telles visions n’ont pas d’impact sur eux, mais comme le rapporte le Kountras Yé’hi Réouven, tous ceux qui le prétendent ne réalisent pas que cela a certainement une influence. Il s’agit en fait d’individus qui, très ancrés dans la sphère du matériel, ne peuvent ressentir la légère chute spirituelle que ces visions entraînent chez eux. Ils pensent que ne faisant pas de faute concrètement, ils sont irréprochables, mais ce n’est pas vrai ; ils sont loin d’être irréprochables, et leurs lumières spirituelles sont touchées, de même que l’image divine dont ils sont porteurs, qui s’estompe. En un mot, ils ne sont pas conscients du mal qu’ils se causent à eux-mêmes.
Tous ceux-là souffrent d’une chute dans le domaine spirituel, même si la dégénérescence n’est pas toujours immédiatement apparente. Parfois, elle survient après un certain temps, et lorsqu’ils en prennent conscience, ils éprouvent des regrets et désirent changer. Mais la lutte est alors bien plus difficile, car ils sont déjà habitués, prisonniers du désir ; l’impureté a déjà développé leur emprise sur eux, et il n’est pas si simple de lui échapper.
De plusieurs anecdotes de la Guémara, on peut déduire que la vision d’un objet impur cause du tort et influence même en dehors de tout lien avec une faute concrète. C’est pour ce genre de raison qu’on déconseille parfois de placer devant des bébés des images d’animaux impurs. Les gens pensent naïvement que cela développe l’enfant, mais en fait, cette vision lui cause du tort, car elle attire sur lui un courant d’impureté.
La Michna (Avot 2, 8) témoigne sur la mère de Rabbi Yéhochoua ben ‘Hanania qu’on pouvait dire à son sujet : « Heureuse celle qui l’a mis au monde ! » Pour quelle raison ? Parce qu’elle déposait son berceau au Beth Hamidrach afin qu’il entende des paroles de Torah.
Notons, à cet égard, qu’il convient de se soucier que les jeunes, dont l’âme est pure, aient le moins possible d’occasions d’être confrontés à des épreuves. De ce fait, lorsque l’on doit choisir une Yéchiva pour que son fils y étudie, il est important de prendre en compte la possibilité de sauvegarder son regard. S’il existe deux options et que l’une d’entre elles se trouve dans un endroit où il est plus facile de préserver ses yeux, il est préférable d’opter pour cette Yéchiva, et ce, même si l’autre est plus réputée.
DES HOMMES DE FOI
Le beau-frère de notre Maître chelita, Rabbi Pin’has Amos chelita, lui relata une histoire montrant la grandeur de Rabbi ‘Haïm Pinto :
« Une fois, je me suis approché de mon père et lui ai demandé :
« “Papa, je vois que chaque fois que tu as un problème, tu allumes une bougie à la mémoire du Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto et pries pour que D.ieu t’aide par son mérite. Es-tu vraiment sûr que par ce mérite D.ieu t’aidera ? Pourquoi fais-tu cela ?”
« Mon père précisa qu’avant de me répondre, il voulait me raconter une merveilleuse histoire de laquelle je pourrais apprendre ce qu’est la grandeur des Tsaddikim :
« Mon père, commença-t-il, gagnait sa vie en cultivant des fruits. C’était là sa seule source de revenus.
« Une année, la sécheresse frappa durement le sud du Maroc. La plupart des fruits s’abîmèrent, et mon père perdit ainsi son gagne-pain. Il tournait dans Casablanca, désœuvré, sans un sou en poche. La maison était vide. Il n’avait pas le plus petit morceau de pain à amener à sa famille.
« Quand sa femme le pressa de trouver une source de subsistance et de la nourriture pour les enfants, qui risquaient de mourir de faim, il sortit de chez lui et se dirigea vers la plage. Elle se trouvait à plusieurs kilomètres du mellah, le quartier de résidence des Juifs. Là, face aux vagues agitées, il commença à réfléchir à son avenir, mais il n’entrevoyait aucune issue à la situation compliquée dans laquelle il se trouvait.
« Soudain, il aperçut au loin le Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto, qui s’approchait rapidement de lui, accompagné de son serviteur.
« Mon père se sentit mal à l’aise. D’un côté, il n’avait rien à donner en tsédaka à Rabbi ‘Haïm, et il savait que le Tsaddik en demandait toujours. Mais de l’autre, il se dit : “Rabbi ‘Haïm est doté, c’est sûr, de l’inspiration divine, aussi doit-il savoir que je n’ai pas d’argent et rien à manger. Peut-être va-t-il me donner quelque chose ?”
« Il pensa se lever et s’enfuir, mais Rabbi ‘Haïm devina ses intentions et lui cria de loin de l’attendre.
« Le Tsaddik arriva près de lui, haletant d’avoir couru (il convient de signaler qu’à ce moment-là, il était déjà âgé de plus de soixante-dix ans), et lui dit : “Je suis venu de loin pour te réconforter et te dire que tu n’as pas à t’inquiéter, le Tout-Puissant va t’aider.”
« Il ajouta : “Je t’annonce une bonne nouvelle : ton épouse attend un enfant. C’est le garçon qu’elle mettra au monde qui t’amènera une bonne subsistance. Quant au fait que tu n’as pas d’argent, voici une somme qui te permettra d’acheter de la nourriture pour tes enfants. D.ieu va t’aider à partir de ce jour à réussir ce que tu entreprendras.”
« Papa se réjouit des bonnes nouvelles qu’il avait reçues du Tsaddik et lui embrassa la main. Au départ, gêné, il refusa l’argent. Mais finalement, il le prit, acheta de quoi manger puis rentra chez lui. Il annonça à son épouse la nouvelle de sa grossesse. Quand son fils naquit, son destin s’améliora et il s’enrichit considérablement.
« À présent, conclut le père en terminant l’histoire, tu comprends certainement la raison de mon attachement au Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto. C’est pourquoi, à chaque moment de détresse, je prie D.ieu qu’Il exauce mes demandes par son mérite. »
EN PERSPECTIVE
À quoi reconnaît-on un Tsaddik ?
Dans la paracha de la semaine apparaît l’ordre donné aux Cohanim, de ne pas faire de calvitie à leur tête ni de raser le coin de leur barbe (cf. Vayikra 21, 5).
Le Maharal Diskin zatsal a écrit que, chez les non-juifs, la coutume des membres du clergé est d’adopter une allure qui les distingue du reste des hommes. Cette différence est censée matérialiser une supériorité qui ne reflète pas réellement leur intériorité, et il ne leur reste donc comme possibilité que de se démarquer des ignorants par leur apparence extérieure.
La Torah, par contre, a ordonné aux Cohanim d’être saints dans leur essence, si bien que par leurs actes et leur grandeur morale, ils s’élèvent clairement en sainteté au-dessus de tous ceux qui les voient – et non pas de se raser le crâne ou de pratiquer d’incision sur leur chair.
De même, à travers toutes les générations, les Tsaddikim et les hommes pieux se reconnaissent pas leurs actes et leur mode de vie. De leur être émane une sainteté telle qu’ils n’ont nul besoin de signes extérieurs pour témoigner de leur grandeur.