Parachat Lekh Lekha 20 Octobre 2018 י"א חשון תשע"ט |
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« Que tous tes actes soient désintéressés »
Rabbi David Hanania Pinto
« Ce fut lorsqu’Avram fut arrivé en Egypte, les Egyptiens remarquèrent que cette femme était extrêmement belle ; puis les officiers de Paro la virent et la vantèrent à Paro ; et cette femme fut enlevée pour le palais de Paro. » (Béréchit 12, 14-15)
Lorsque nous arrivons à ces sections hebdomadaires dans lesquelles la Torah décrit le mode de vie de nos saints patriarches, en y méditant, nous avons la possibilité de connaître le comportement agréé par le Très-Haut que tout Juif, quelle que soit la génération où il se trouve, doit s’efforcer d’adopter. La réussite de l’homme réside dans sa volonté sincère de définir clairement sa mission personnelle dans ce monde. Comme nous le constatons, il n’est pas de réalité terrestre qui n’ait un but précis. La mission du Juif est de s’élever dans son service divin, à l’instar d’un bébé qui ne cesse de grandir de jour en jour jusqu’à devenir indépendant.
Dès lors, nous comprenons pourquoi, dans le livre de Béréchit, la vie des patriarches nous est longuement dépeinte, contrairement aux mitsvot qui s’y trouvent mentionnées brièvement. Ce choix vient nous signifier notre devoir de nous inspirer de la conduite de nos ancêtres afin d’être en mesure d’observer les mitsvot. Car, « s’il n’y a pas de Torah, il n’y a pas de dérekh érets et, s’il n’y a pas de dérekh érets, il n’y a pas de Torah » (Avot 3, 17) ; la Torah ne se maintient qu’en un réceptacle digne de l’accueillir. Elle est comparée à l’eau qui a besoin d’un récipient pour la contenir, celui-ci prenant forme en l’homme par le biais des vertus et du dérekh érets.
A première lecture, les versets mentionnés en préambule soulèvent une difficulté. Notre patriarche Avraham n’hésita pas un instant à combattre les héros les plus vaillants du pays ; il n’avait peur de personne. Nimrod se prenait pour un dieu et était redouté par le monde entier. Même les bêtes sauvages se sauvaient à son approche, parce qu’il portait les vêtements d’Adam, ornés de peintures d’animaux (Pirkei de Rabbi Eliezer 24). Cependant, Avraham n’eut pas peur de lui et, lorsqu’il entendit qu’il avait pris en captivité son neveu Loth, il alla combattre les quatre rois, accompagné uniquement de son serviteur Eliezer. Il est écrit : « Ceci arriva au temps d’Amrafel, roi de Sennaar (…) Ils prirent aussi, avec ses biens, Loth (…) Avram, ayant appris que son parent était prisonnier, arma ses fidèles (…) » (Béréchit 14, 1-14). Rachi explique que le roi Amrafel était Nimrod qui s’était uni avec trois autres rois pour mener des guerres. Par conséquent, Avraham, qui a eu l’audace de combattre à lui seul le redoutable Nimrod, n’était-il pas également en mesure de lancer la guerre à Paro, roi d’Egypte, afin de reprendre sa femme ? De même, lorsqu’Avimélec enleva Sarah, Avraham se contenta de prier, mais ne chercha pas à le combattre pour libérer son épouse. Comment comprendre ces attitudes paradoxales ?
Nous pouvons expliquer cette énigme de la façon suivante. Avraham a dit de lui : « Je suis poussière et cendre » (Béréchit 18, 27). Autrement dit, il annulait sa personnalité au point de se considérer comme la poussière de la terre. Pour cette raison, en ce qui concernait ses besoins personnels et ceux de sa famille, s’agissait-il de sa propre femme, il ne les prenait pas en considération et se contentait d’implorer l’Eternel. Lorsqu’on lui causait du tort, Avraham priait, mais ne combattait pas son ennemi, s’en sentant incapable. Par contre, lorsque l’enjeu était une profanation du Nom divin dans le monde, ce qui était le cas du temps de Nimrod qui, comme son nom l’indique, suscita la rébellion du monde contre le Saint béni soit-Il, Avraham surmontait sa nature première. C’est pourquoi, lorsque son neveu Loth fut pris en captivité par Nimrod, Avraham eut l’audace de le combattre, ainsi que ses redoutables rois alliés, lui seul, accompagné uniquement de son serviteur Eliezer, combat duquel il sortit vainqueur.
D’ailleurs, comme le souligne le texte, Avraham refusa de tirer tout bénéfice matériel de cette guerre. En effet, le roi de Sodome lui dit : « Donne-moi les personnes, et les biens, garde-les pour toi » (Béréchit 14, 21), proposition à laquelle Avraham répondit en jurant : « Fût-ce un fil, fût-ce la courroie d’une sandale, je ne prendrai rien de ce qui est à toi. » (Ibid. 14, 23) Autrement dit, Avraham ne voulait en aucun cas tirer profit de cette guerre, s’agirait-il du plus petit bénéfice, car il ne l’avait entreprise que pour le Nom de D.ieu. Mais, lorsqu’il s’agissait de ses affaires personnelles, il plaçait sa foi en l’Eternel et Le suivait là où Il le guidait. Même lorsque D.ieu dit à Avraham : « Va pour toi (…) vers le pays que Je t’indiquerai » (ibid. 12, 1) et que, dès l’instant où il arriva à cet endroit, il dut faire face à une famine, il continua néanmoins à avoir confiance en Lui, sans exprimer la moindre contrariété. En toute logique, un autre homme se serait plaint d’avoir été dirigé vers un pays où régnait la famine. Quant à Avraham, il se tut et resta fidèle aux instructions du Tout-Puissant : « Va, descends en Egypte. » Car il mettait tout son être à Son service, allant jusqu’à oublier ses besoins personnels.
Nous pouvons en retirer un enseignement important : plutôt que de nous concentrer sur notre propre personne et nos besoins personnels, nous devons uniquement prendre en considération l’honneur de l’Eternel.
Il y a quelque temps, un Juif du Venezuela, où de terribles tempêtes de pluies viennent occasionnellement ravager le pays causant d’importants dégâts humains, m’a raconté qu’il fut miraculeusement sauvé de ces tempêtes à deux reprises. Une fois, celles-ci se mirent à souffler alors qu’il se trouvait dans sa voiture. La poignée du véhicule s’était cassée et il avait déjà perdu tout espoir de survie. Mais soudain, comme par magie, une main vint lui ouvrir la porte de l’automobile et il réussit à en sortir vivant. A une deuxième occasion, cet homme était à nouveau dans sa voiture quand une tempête s’annonça : les montagnes et les rochers furent ravagés. Par miracle, il fut précipité avec sa voiture dans un trou se trouvant sur la route qui lui servit d’abri pendant la tempête.
J’ai demandé à ce Juif s’il mettait les phylactères et il m’a rétorqué qu’il le faisait autrefois, mais avait arrêté. Je lui ai répondu : « Par deux fois, tu as été miraculeusement sauvé. N’y vois-tu pas un signe du Ciel que tu dois te renforcer ? Tu as déjà réparé ta voiture, mais qu’en est-il de ton propre amendement ? » Voici un homme qui ne pense qu’à ses besoins personnels et ne tient pas compte de la volonté divine ; lorsqu’on le sauve, il s’en réjouit, mais ne pense pas à remercier le Créateur en contrepartie. Telle est bien la leçon que nos saints patriarches nous ont transmise : il nous incombe de renforcer notre dévouement pour l’honneur divin ; quant à nos besoins personnels, nous ne devons pas en faire l’essentiel, mais placer notre confiance en D.ieu qui y pourvoira.
LE SOUVENIR DU JUSTE EST BÉNÉDICTION
Rabbi 'Haïm Pinto Ha Katan (Le petit) • 1855-1937
Cette semaine, tombe la Hilloula d’un des géants de notre peuple, descendant de la noble lignée des Pinto qui vécut au Maroc, le Tsaddik, célèbre pour ses miracles, Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan, puisse son mérite nous protéger. Le juste soutint la communauté aussi bien spirituellement que matériellement et rapprocha le cœur de ses frères juifs de leur Père céleste, tant de son vivant que de manière posthume.
La semaine où nous lisons dans la Torah l’histoire de notre patriarche Avraham, pilier du ‘hessed, nous nous concentrerons sur cette vertu, également détenue par le juste Rabbi ‘Haïm. Précisons qu’elle n’est qu’une des nombreuses facettes de sa rayonnante personnalité qui éclaira tous ses contemporains.
Des milliers de Juifs eurent le mérite de toucher les saintes mains du Tsaddik, les uns en tant que donateurs, les autres en tant que bénéficiaires de sa tsédaka. De ses 248 membres et 365 tendons, il soutenait le pilier de la bienfaisance, l’un des trois sur lesquels le monde repose.
Il s’occupait d’assurer la subsistance des nécessiteux de sa ville. C’est pourquoi, il s’était fixé un emploi du temps immuable. Après la prière du matin, il se rendait à l’ancien cimetière, sur la tombe de son grand-père, le Tsaddik et kabbaliste Rabbi ‘Haïm Pinto Hagadol. Il mentionnait toujours son nom dans ses bénédictions, en employant cette formule : « Le mérite de mon ancêtre vous protègera. »
L’éclat du visage magnifique du Tsaddik s’est gravé dans le cœur des Juifs qui venaient en visite à Mogador. Rabbi ‘Haïm Pinto avait en effet l’habitude de s’asseoir aux portes de la ville et d’attendre les invités étrangers, afin de leur donner le mérite de participer à la mitsva de tsédaka.
Certains “cherchaient” Rabbi ‘Haïm ou passaient volontairement près de lui pour qu’il les prie de faire un don. Ils étaient convaincus qu’en acceptant, ce mérite leur tiendrait lieu de ségoula pour la réussite et que ce jour serait béni dans tous les domaines. Car, les Juifs du Maroc savaient que si Rabbi ‘Haïm les bénissait pour leur don, ils passeraient une excellente journée et, dans la même semaine, verraient miracles et prodiges.
Une véritable joie
Durant la période des fêtes et plus particulièrement avant Pessa’h, au moment où les dépenses en nourriture étaient plus importantes, Rabbi ‘Haïm n’hésitait pas à insister auprès des riches afin qu’ils soutiennent financièrement les pauvres de la ville. Il allait de maison en maison et demandait à chacun d’ouvrir son cœur et sa bourse, afin de réjouir les familles nécessiteuses, les veuves et les orphelins en leur permettant de vivre les fêtes dignement.
Chaque donateur avait le privilège de recevoir une bénédiction du Tsaddik, prononcée par sa sainte bouche et émanant du plus profond de son cœur pur.
La plus grande ordure de ce monde, l’argent
Rabbi ‘Haïm avait l’habitude de rassembler tout l’argent qu’il collectait dans un foulard, réservé spécialement à cette mitsva de tsédaka. A la sortie des étoiles, avant qu’il ne s’installe et étudie la Torah, Rabbi ‘Haïm lavait dans de l’eau ce morceau de tissu.
Quand ses élèves lui demandèrent la raison d’un tel comportement, il leur en confia le secret : « En le lavant, je débarrasse le foulard des “écorces d’impureté” transmises par le monde environnant, la plus grande d’entre elles étant l’argent. C’est pourquoi, lorsque je termine de donner de la tsédaka, je le nettoie. »
Parmi les Juifs du Maroc, il était connu que Rabbi ‘Haïm Pinto se livrait à cette opération quotidiennement.
Sur le même sujet, on raconte qu’une nuit, Rabbi ‘Haïm ne parvint pas à s’endormir. Il sortit de son lit, alla voir son épouse et lui demanda : « Ma femme, m’aurais-tu peut-être pris de l’argent ?
- Oui, lui répondit la pieuse Rabbanite, j’ai pris de l’argent destiné aux pauvres afin d’acheter le nécessaire pour Chabbat. »
Rabbi ‘Haïm lui expliqua, d’un langage sans équivoque, qu’il ne pouvait approuver un tel geste. Il réfléchit et lui dit : « En touchant à cet argent que je destine aux pauvres, tu as fait entrer dans la maison une odeur nauséabonde. C’est pourquoi je ne parviens pas à dormir. »
Il lui reprit immédiatement cet argent et le dissimula à l’intention des indigents.
Au-delà de toute espérance
Le grand pouvoir des justes s’exprime notamment par l’influence qu’ils continuent à avoir après leur départ de ce monde. Ainsi, de nombreux événements prodigieux sont à créditer à la piété du Tsaddik Rabbi ‘Haïm, comme l’atteste l’éloquent témoignage de Rav David Loyb.
Lorsqu’il était jeune homme, ce dernier eut le mérite de vivre à Mogador, à l’époque où Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan vivait dans la maison de Rabbi ‘Haïm Pinto Hagadol. Il priait dans la même synagogue et jouissait de son rayonnement. Il eut même le privilège d’être de temps en temps désigné pour le servir.
Il dit et répète souvent avec émotion : « Dommage que je n’aie personne pour mettre à l’écrit les nombreux miracles qui me sont arrivés par le mérite du Tsaddik ! Car je suis encore en vie et je regrette que les autres ne puissent pas en avoir connaissance et réaliser l’ampleur du pouvoir d’un Tsaddik, même après son décès. En outre, les paroles de nos Sages sont connues : “Celui qui raconte les histoires des Tsaddikim, c’est comme s’il approfondissait les secrets du Char Céleste.” »
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Le mystère des tableaux
L’histoire suivante se déroula au mois de Kislev, en 1990, à Lyon.
Le Rav Its’hak Matslia’h zal, un Juif âgé craignant D.ieu et très proche de la famille Pinto, fut atteint, que D.ieu préserve, d’un cancer, sous une forme si grave que tout son corps fut paralysé. Rongés par l’angoisse, les membres de sa famille me demandèrent de le visiter à l’hôpital, ce que je fis.
Là, je l’encourageai et renforçai sa foi, lui demandant également de s’efforcer de manger quelque chose, ce qui lui était très difficile. Toutefois, Rav Its’hak, désireux de me faire plaisir, avala une bouchée. Malheureusement, quelques jours plus tard, son mal empira et eut raison de son faible corps.
À l’approche de Chabbat, son cercueil fut transporté de l’hôpital à son domicile et les membres de sa famille se chargèrent des différentes formalités pour transférer le corps en Israël, où il devait être enterré.
Les fils de Rav Its’hak insistèrent pour que je sois à leurs côtés au moment du transfert, mais du fait que j’avais ce dimanche-là un vol pour le Maroc, à l’occasion du mariage de la fille de M. Marciano, mon hôte de toujours, je leur demandai de ne pas attendre mon retour le mardi et de faire transférer sans délai le corps du défunt. Je leur promis néanmoins de les rejoindre en Israël dès mon retour du Maroc et de faire un hesped du défunt pendant les chiva.
Le lundi soir, lorsque je revins du Maroc en France, j’appris que, le temps ayant été si agité le dimanche et le lundi, les avions en partance de France étaient restés bloqués à l’aéroport, si bien qu’ils n’avaient pas encore pu emporter la dépouille mortelle de leur père en Terre Sainte. En entendant cela, je m’empressai de me rendre au domicile du défunt où ses fils me rapportèrent un fait extraordinaire.
Dans la demeure de Rav Its’hak Matslia’h zal, on peut observer, sur un mur, un grand portrait du Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto zatsal et, face à lui, une petite photo du doyen de la famille, Rav Its’hak.
Le lundi matin, lorsque l’un des fils du défunt se réveilla, une vision ahurissante s’offrait à ses yeux : le portrait du Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto zatsal s’était soudain mis à changer de forme et de place et s’était superposé à la photo de leur père !
En voyant cela, il fut pris de peur et appela aussitôt son frère. « Est-ce que tu vois ce que je vois ? » l’interrogea-t-il. Son frère remarqua aussitôt le changement et lui demanda comment cela avait pu arriver. Les deux frères en vinrent à se dire qu’ils déliraient sous l’effet de la peine. Cependant, lorsque les autres frères eurent pénétré dans la pièce, ils ne manquèrent pas de s’étonner eux aussi de ce changement bizarre. Mais leur stupeur ne connut plus de bornes lorsque, sans aucune intervention humaine, l’image du Tsaddik regagna sa place initiale !
Quand ce récit, pour le moins étrange, parvint à mes oreilles, j’appelai un de leurs proches qui se trouvait sur les lieux au moment des faits. Je le connaissais bien et savais qu’il n’était pas porté à prêter foi à ce genre de phénomènes. Je lui demandai confirmation du récit des frères.
Voici ce qu’il me répondit : « Rav Pinto, je suis un homme rationnel et ne suis pas de nature à croire facilement ce genre d’histoires. S’ils me l’avaient racontée, je n’y aurais accordé aucun crédit et les aurais pris pour des fous. Mais j’étais présent lorsque c’est arrivé et je l’ai vu de mes propres yeux ! Nous avons même assisté au déplacement du portrait du Tsaddik dans le sens inverse, lorsqu’il a regagné sa place initiale, face à la photo du défunt. »
Le phénomène surnaturel frappa de stupeur tous ceux qui en furent témoins et les membres de la famille voulurent en connaître le sens. C’est pourquoi je leur répondis : « Ce n’est autre qu’un signe du Ciel pour vous prouver et vous montrer que D.ieu est le Créateur, qu’Il a tout créé et qu’il est en Son pouvoir de déplacer des tableaux. Vous devez prendre cette manifestation surnaturelle au sérieux et faire téchouva, revenir à votre Père céleste !
« En outre, ajoutai-je, vous connaissez la foi remarquable que votre père a toujours cultivée pour les Sages ; il avait sans doute également un lien très particulier et une grande proximité avec Rabbi ‘Haïm Pinto zatsal et c’est pourquoi le Tsaddik serait venu l’accompagner dans le Monde de Vérité. »
Cette histoire se répandit très rapidement dans toute la ville et apprit à tous l’ampleur de la foi dans les Tsaddikim, ainsi qu’en leur pouvoir.
PAROLES DE TSADDIKIM
La vérité se dévoile en un instant
« Retourne chez ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. » (Béréchit 16, 9)
Rabbi Meir Shapira de Lublin zatsal ne manque de marquer son étonnement sur le dialogue qui s’est tenu entre Agar et l’ange. Celui-ci lui demanda devant qui elle avait pris la fuite et elle répondit « de devant Saraï, ma maîtresse ». Il reprit alors : « Retourne chez ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. » En quoi est-ce une réponse ? L’humiliation qu’elle subissait était-elle la raison de sa fuite ?
Rabbi Yossef Berger chelita, auteur du Pninim, explique ce dialogue de manière originale, à la lumière d’une anecdote racontée au sujet de l’auteur du Noda Biyouda zatsal, auquel fut soumis le délicat jugement rabbinique qui suit.
Un jour, deux hommes se présentèrent à lui, l’un vêtu d’habits princiers et l’autre de haillons. Ce dernier affirma que c’était en fait lui le riche et que l’autre s’était emparé de ses vêtements ; alors qu’il l’avait pris comme cocher pour le conduire à la ville voisine, il avait profité pour le dépouiller de sa tunique au milieu de la route et lui avait ordonné de revêtir la sienne. Il désirait ainsi prendre possession du cheval, de la charrette et de tous les biens qu’elle contenait, prétendant qu’ils lui appartenaient.
Le Sage réfléchit quelques instants puis, s’adressant aux deux hommes, leur dit soudain : « Revenez me voir demain matin et je trancherai. »
Lorsqu’ils furent partis, il ordonna à son bedeau de les faire attendre de longues heures dans la salle d’attente, lorsqu’ils se présenteraient le lendemain et, seulement ensuite, quand il le lui signifierait, il les ferait entrer auprès de lui.
Et ainsi fut fait. Le lendemain, les deux hommes firent leur apparition à l’heure convenue et le bedeau les pria de bien vouloir attendre qu’on les appelle. Une heure passa, puis deux, tandis que la tension montait de plus en plus… Enfin, lorsque leur patience était arrivée à bout, la porte s’ouvrit et le Rav dit : « Que le cocher entre ! »
Qui entra ? Bien-entendu, l’homme paré des vêtements de riche et qui n’était en fait autre que le cocher. Le Sage avait eu recours à ce stratagème, estimant qu’après de longs instants d’ennui, le cocher, pris par surprise, répondrait immédiatement à l’appel, révélant ainsi sa véritable identité.
Il est possible que l’ange qui parla à Agar agit de la même manière à son égard. En effet, Sarah et Agar étaient en désaccord sur ce point : d’après la première, Agar conservait son statut de servante bien qu’elle se fût mariée avec Avraham, alors qu’elle prétendait que ceci la dispensait désormais de tout travail. Avraham trancha comme Sarah, suite à quoi Agar prit la fuite. L’ange la surprit alors en la questionnant : « Agar, esclave de Saraï, d’où viens-tu et où veux-tu aller ? » Agar répondit alors, automatiquement : « Je fuis de devant Saraï, ma maîtresse. »
Elle se trahit ainsi, révélant, à son insu, quel était son rôle dans le foyer d’Avraham et de Saraï.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Pourquoi dis-tu, ô Yaakov (…) » (Yéchaya chap. 40 et 41)
Lien avec la paracha : la haftara évoque l’histoire d’Avraham qui lança la guerre contre les quatre rois – comme il est dit : « Qui l’a suscité de l’Orient, celui qui appelle le droit à suivre ses pas ? Qui lui livre les nations ? » –, guerre décrite dans notre paracha.
CHEMIRAT HALACHONE
Eviter le mensonge
Qu’est-ce qu’il faut répondre si on nous demande : « Qu’est-ce qu’untel a dit sur moi ? »
Si on a un moyen de répondre sans dire un vrai mensonge et en évitant de colporter, il faudra agir de cette manière et éviter de mentir. Mais si on estime que son prochain n’acceptera pas une telle réponse, il sera permis de mentir afin de sauvegarder la paix, en omettant toutefois de jurer.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Qui se ressemble s’assemble
L’histoire de la séparation de Loth et d’Avraham nous transmet un message très profond dans le domaine de notre service divin. D’un certain point de vue, Loth était juste et croyant. La Torah rapporte qu’il n’a pas dévoilé aux Egyptiens que Sarah était la femme d’Avraham, alors qu’il aurait pu, par ce biais, faire fortune. De même, lorsque Loth a laissé ses bergers faire paître son bétail dans des champs étrangers, il avait une bonne raison : il pensait être le seul héritier d’Avraham qui, à ce moment-là, n’avait pas encore d’enfants ; dans ce cas, tous les biens de son oncle lui appartiendraient un jour, y compris ces champs-là.
Il est évident qu’Avraham n’a jamais dit explicitement à Loth qu’il hériterait de lui, car il savait qu’il aurait le mérite d’avoir une descendance, confiant en la promesse divine : « Je te ferai devenir une grande nation. » (Béréchit 12, 2) En outre, l’ordre qui lui a été donné « va pour toi », expression dont la valeur numérique est cent, était une allusion au fait qu’il aurait un enfant à l’âge de cent ans. Avraham a uniquement révélé aux personnes l’accompagnant que l’Eternel lui avait ordonné de se rendre vers cette terre-là, comme il est dit : « Vers le pays que Je t’indiquerai. » Or, Loth, qui était intelligent, a mené ses propres déductions et a fait le raisonnement suivant : « Si D.ieu a ordonné à Avraham de quitter ‘Haran pour rejoindre un autre pays, c’est la preuve qu’Il désire lui donner cette terre ; Avraham n’ayant pas d’enfants, je serai donc son seul héritier. » Par conséquent, lorsque Loth a permis à ses bergers de faire paître son bétail dans des champs étrangers, il n’avait pas l’intention de voler, mais comptait sur le fait que, le moment venu, ces champs lui appartiendraient de toute façon.
La suite de l’histoire met également en relief le comportement pieux de Loth : lorsqu’il a reçu les anges dans sa maison, il s’est montré prêt à mettre en danger sa propre vie et celles de ses filles. Même notre patriarche Avraham n’a jamais eu l’occasion de pratiquer l’hospitalité dans de telles conditions. Nos Sages, de mémoire bénie, ajoutent (Yalkout Chimoni 82) que Loth a servi aux anges de la matsa, car ils sont venus au moment de Pessa’h ; aussi, Loth, qui respectait Pessa’h, avait-il certainement éliminé de sa demeure tout aliment fermenté et observé les autres mitsvot liées à cette fête, telles qu’il les avait apprises auprès d’Avraham.
Néanmoins, si Loth a choisi de se diriger vers Sodome, ville de méchants et de bandits, c’est parce qu’il s’y trouverait dans son élément, comme le dit le proverbe : « Qui se ressemble, s’assemble. » En réalité, le défaut profond de Sodome, à savoir le vol, était également ancré en Loth. En effet, même d’après son raisonnement selon lequel il serait l’héritier d’Avraham, Loth a utilisé ces champs en s’appropriant prématurément un héritage futur. Ceci peut être comparé à deux personnes qui s’apprêtent à jouer au Monopoly. Imaginons que celui qui connaît bien le jeu – et ses risques – prétende qu’il gagnera de toute façon, son adversaire ignorant les règles du jeu ; il s’octroierait alors les biens de son prochain avant même le début de la partie. Telle fut justement l’erreur de Loth.
PERLES SUR LA PARACHA
La bénédiction se déverse sur celui qui fait preuve d’efforts
« Il le bénit en disant : “Béni soit Avram de par le D.ieu suprême (…)” » (Béréchit 14, 19)
Rabénou ‘Haïm Ben Attar – que son mérite nous protège – explique en s’appuyant sur le Midrach que le roi Malki Tsédek, pour avoir béni Avraham avant D.ieu, fut puni en se voyant destitué de sa prêtrise.
Et de poursuivre : « Peut-être que la raison de ce changement d’ordre est qu’Avraham lui-même avait reconnu son Créateur et avait fait des efforts pour placer sa foi en Lui ; aussi méritait-il la bénédiction. Puis il bénit l’Eternel qui a agréé sa démarche.
C’est ainsi qu’il est convenable d’agir. Nous apprenons de là que le Saint béni soit-Il n’agrée que celui qui Lui témoigne en premier son agrément. C’est ce qu’il dit : béni soit Avram par le D.ieu suprême, c’est-à-dire Avram qui a prouvé qu’il était le serviteur du D.ieu suprême. Et en conséquence, “Béni le D.ieu suprême d’avoir livré tes ennemis en ta main.” Mais cette manière de parler n’est acceptable que dans le cas d’une bénédiction, où l’on mentionne en premier le nom de la personne bénie. »
Avec l’aide de D.ieu
« Et il eut foi en l’Eternel et l’Eternel lui en fit un mérite. » (Béréchit 15, 6)
Jusqu’à quel point doit-on placer sa confiance en D.ieu ?
Dans le traité Méguila (18a), il est écrit que les Sages avaient un doute sur la signification du verset « Remets ta destinée à l’Eternel » jusqu’à ce que Rabba bar bar ‘Hanna leur racontât cette anecdote : une fois, il traversait le désert, un lourd baluchon sur les épaules, quand il croisa un arabe qui lui dit : « Jette ton fardeau sur mon chameau ! » Nos Maîtres en ont alors déduit le sens du verset précité.
Rabbi Aharon Louria, auteur du Avodat Panim, explique que les Sages avaient le doute suivant : doit-on placer sa confiance en D.ieu tout en L’aidant, si l’on peut dire, à porter notre fardeau, ou est-il possible de s’en remettre totalement à Lui ? Lorsqu’ils eurent vent de l’anecdote précédente, ils en déduisirent que, de même que l’arabe avait proposé à Rabba bar bar ‘Hanna de jeter son baluchon sur son chameau, nous devons croire en l’Eternel sans qu’il soit nécessaire de « L’assister » en quoi que ce soit.
Quand on ne comprend pas les allusions, on s’humilie
« Retourne chez ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. » (Béréchit 16, 9)
L’ange demanda à Agar devant qui elle avait pris la fuite et elle répondit : « De devant Saraï, ma maîtresse. » Il reprit alors : « Retourne chez ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. » En quoi est-ce une réponse ? L’humiliation qu’elle subissait était-elle la raison de sa fuite ?
Rabbi Meir Shapira de Lublin zatsal répond ainsi : Agar s’était enfuie en raison de sa fierté, du fait qu’elle refusait de se soumettre à Saraï, sa maîtresse. Or, le seul moyen de contrer la fierté est de reconnaître d’où l’on vient et vers où on se dirige. Tel était le sens implicite des paroles de l’ange : « D’où viens-tu et où veux-tu aller?»
Cependant, Agar ne comprit pas cette allusion et répondit : « Je fuis de devant Saraï, ma maîtresse. » C’est pourquoi l’ange rétorqua : puisque tu n’as pas compris l’allusion sous-entendue dans ma question, c’est la preuve que tu n’as encore rien appris des vertus de la Tsadéket Saraï ; aussi, retourne chez elle et continue à subir l’humiliation de l’état de servante…
Dans la pensée, la parole et l’acte
« Pour toi, sois fidèle à Mon alliance, toi et ta postérité après toi. » (Béréchit 17, 9)
Pourquoi répéter deux fois « toi » ? Rabbi Chalom de Belz zatsal explique que c’est une allusion à notre devoir d’accomplir les mitsvot de manière parfaite, c’est-à-dire aussi bien au niveau de la pensée, de la parole que de l’acte.
Or, concernant la mitsva de la circoncision, cela s’avère impossible à réaliser, puisque l’acte est accompli sur le corps du nouveau-né, tandis que la pensée de cette mitsva siège dans le cerveau de son père. Ce n’est que lorsque l’enfant grandira et aura à son tour un fils auquel il fera la circoncision qu’il sera en mesure de compléter cette partie manquante de la mitsva – la pensée. Cependant, ce sera cette fois son enfant qui n’aura pas observé cette mitsva de manière intégrale et qui devra attendre d’être père pour le faire.
C’est à cette idée que fait allusion l’expression « toi et ta postérité après toi ». Autrement dit, lorsque vous-mêmes serez circoncis et que vous circoncirez également vos fils, vous pourrez alors accomplir pleinement la mitsva de la mila.