Parachat Toldot 10 Novembre 2018 ב' כסלו תשע"ט |
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Yaakov, l’élu des patriarches
Rabbi David Hanania Pinto
« Yaakov, homme entier, vécut sous les tentes. » (Béréchit 25, 27)
Par ce verset, la Torah définit le début de la vie de Yaakov, l’élu des patriarches qui, en grandissant, méritera de parler avec le Saint béni soit-Il, même du vivant de son père Its’hak. Yaakov fut l’élu des patriarches du fait qu’il était un « homme entier, assis dans les tentes », c’est-à-dire qu’il détenait deux forces : le pouvoir de la Torah et une sincérité, une droiture visant la Vérité. Ces vertus sont le contre-pied des personnalités d’Essav et de Lavan qui étaient des escrocs. Yaakov a appris à faire face à cette fausseté, en utilisant la ruse positivement, dans le but de lutter contre le mauvais penchant. Il nous reste à comprendre comment il a appris à utiliser le bon côté de ce défaut.
Notre patriarche Yaakov savait que Lavan l’Araméen portait bien son nom – arma signifiant la ruse. Il était encore plus faux qu’Essav, dont Yaakov connaissait déjà la duplicité. En dépit de toute la sagesse de Yaakov, Lavan parvint à le tromper, en lui donnant Léa à la place de Ra’hel. Pourtant, à la fin de son séjour dans la maison de Lavan, Yaakov affirma : « J’ai séjourné auprès de Lavan » (Béréchit 32, 5), affirmation que Rachi interprète ainsi : « J’ai séjourné auprès de Lavan et ai observé les six cent treize mitsvot » ; Yaakov est parvenu à y préserver totalement son intégrité spirituelle.
Or, si Yaakov a su trouver les forces nécessaires pour lutter contre son mauvais penchant, c’est parce qu’il combattit ses adversaires avec ruse. Il a utilisé les défauts de ses ennemis pour vaincre son penchant. Ceci démontre à quel point une étude assidue de la Torah, pendant une période de quatorze ans, en exil, loin de son foyer et sans le moindre repos, a le pouvoir de pénétrer l’homme et de lui donner la force nécessaire pour lutter contre les ruses du mauvais penchant. Nous devons cependant définir de façon plus précise comment Yaakov est parvenu à ancrer en lui ces bases essentielles et éternelles qui lui ont ensuite permis de côtoyer de près des mécréants, sans en subir la mauvaise influence et en utilisant leurs propres armes pour les vaincre.
Notre patriarche Yaakov, qui a étudié la Torah toute sa vie, a pourtant jugé nécessaire de consacrer quatorze années supplémentaires à l’étude, avant de quitter Beer Cheva pour ‘Haran, bien qu’il retardât ainsi l’exécution de l’ordre parental de se marier. En dépit de son âge avancé – soixante-trois ans –, il savait qu’étudier encore quatorze années dans la Yechiva de Chem et Ever lui permettrait de surmonter l’épreuve à laquelle il devrait faire face, celle de combattre et d’anéantir le pouvoir du mal, incarné par Lavan.
A présent, nous sommes en mesure de comprendre l’enseignement suivant de nos Sages : « Rabbi Yichmaël enseigne : “Si tu rencontres ce vilain (le mauvais penchant), entraîne-le vers la maison d’étude.” » (Kidouchin 30b) La seule solution pour vaincre le mauvais penchant consiste à se plonger dans l’étude de la sainte Torah. C’est pourquoi, avant de se rendre auprès de Lavan le méchant, Yaakov alla étudier à la Yechiva de Chem et Ever.
Ceci met à jour une idée remarquable. Après que Yaakov eut consacré tant d’années à l’étude dans la Yechiva de Chem et Ever, il eut une vision divine, alors qu’il était en route pour ‘Haran, comme il est dit : « Une échelle était dressée sur la terre, et son sommet atteignait le ciel. » (Béréchit 28, 12) C’est justement en récompense à son exceptionnel dévouement pour la Torah, pour laquelle il s’était sacrifié corps et âme, qu’il mérita une révélation de la Présence divine. Evidemment, si Yaakov avait su que cet endroit était tellement saint, il n’y aurait pas dormi, comme le soulignent les versets : « Yaakov se réveilla de son sommeil (…) et moi, je l’ignorais (…) Que ce lieu est redoutable ! Ceci n’est autre que la maison du Seigneur, et c’est ici la porte du ciel. » (Ibid. 16-17) Mais le Saint béni soit-Il a retardé Yaakov précisément à cet endroit et l’y a endormi, afin de pouvoir S’y révéler à lui.
Yaakov s’était attaché de façon si intense à la Torah qu’il avait sanctifié chacun de ses membres au service de l’Eternel. Aussi, ses pieds, qui avaient pris l’habitude de se dévouer pleinement à l’étude, aspiraient-ils à rester sur place pour étudier. C’était la première fois que le sommeil l’avait emporté sur Yaakov et il n’y était pour rien, puisque c’était le Tout-Puissant qui l’avait endormi. Or, même dans son sommeil, Yaakov a rêvé de paroles de Torah, comme il est dit : « Yaakov s’est réveillé de son sommeil (michnato) », et nos Sages d’interpréter (Béréchit Rabba 69, 7) : « Ne lis pas michnato, mais mimichnato », c’est-à-dire « de son étude ». Combien notre génération, où les gens avalent des calmants pour mieux savourer leur sommeil, se trouve-t-elle loin de ce niveau!
A l’époque de l’Holocauste, l’un des Admour d’Alexander, que son mérite nous protège, alors qu’il s’apprêtait à réciter le Kiddouch sur le vin, le soir du Séder, prononça d’abord ces paroles d’encouragement, en présence de ses ’hassidim : « Kadech : tout Juif a le devoir de sanctifier chacun des membres de son corps. » Il s’agit là d’une tâche très ardue et on ne peut y parvenir que par le biais de la Torah. Lorsque nous nous lavons les mains, nous prononçons la bénédiction : « Qui nous a sanctifiés par Ses mitsvot, et nous a ordonné de procéder à l’ablution des mains. » Nous nous sanctifions avec de l’eau, car la Torah est comparée à l’eau. Les justes de cette époque possédaient une force spirituelle qu’il nous est impossible d’appréhender. Alors qu’ils cheminaient vers les morts les plus atroces, ils entonnaient des chants de louange à leur Créateur. Cette force exceptionnelle émanait de leur être qu’ils avaient sanctifié et voué pleinement à Dieu.
Or, c’est notre patriarche Yaakov qui a implanté en nous ce potentiel. Il incombe à l’homme de rester toujours proche du Saint béni soit-Il et, lorsqu’il ressent une certaine régression dans son service divin, de se ressaisir par le biais de l’étude de la Torah.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Quatre bébés en bonne santé
C’est un homme heureux qui vint ce jour-là m’annoncer que sa femme attendait, non pas un, mais… quatre enfants !
Cependant, après lui avoir fait passer certains examens, les médecins voulaient éliminer deux des embryons, évaluant leurs chances de survie commune comme nulles. Ils estimaient par contre qu’elles seraient bien plus élevées s’ils n’en laissaient survivre que deux.
Chaque cas est différent et on ne peut, bien sûr, généraliser, mais toujours est-il qu’à ce moment-là, je m’y opposai fermement et dis au mari, après lui avoir conseillé de vérifier la Halakha dans une telle situation : « Est-ce que tu as foi et confiance dans le Maître du monde ? » Il me répondit par l’affirmative. J’ajoutai alors que si D.ieu avait formé ces quatre embryons, tous avaient des chances de naître en bonne santé. Tout était question de émouna !
Cependant, plus la grossesse avançait et plus les spécialistes insistaient, prétendant qu’ils risquaient de perdre les quatre enfants.
Désorienté, ce Juif me consulta de nouveau, mais je restai inébranlable : « Là où il y a foi et confiance en D.ieu, il n’y a pas de danger ! Le Créateur a donné à la femme la possibilité de mettre au monde des enfants en parfaite santé ; cela ne dépend donc que de Lui et de notre foi en la toute-puissance divine, et non pas des pronostics du corps médical. »
Cet homme n’était pas particulièrement pratiquant, mais il avait foi et confiance en D.ieu et c’est ce qui lui permit de tenir tête aux praticiens, avec une ténacité remarquable.
Et pourtant, pendant toute la grossesse, il se trouva confronté à une épreuve très difficile, à une pression sans précédent. Les médecins lui répétaient inlassablement qu’il risquait à tout instant de perdre les quatre bébés, mais il avait une émouna très forte et c’est ce qui lui permit de tenir bon.
S’il avait écouté les médecins, peut-être n’aurait-il que deux enfants à l’heure actuelle, peut-être même n’en aurait-il pas eu. Mais il renforça sa foi dans le Créateur et, grâce à D.ieu, il a aujourd’hui quatre enfants en parfaite santé. En outre, ce miracle l’a profondément ébranlé et, depuis lors, il s’est considérablement renforcé dans sa pratique du Judaïsme.
CHEMIRAT HALACHONE
Colporter derrière le dos d’autrui
Il est interdit de colporter, même quelque chose d’entièrement véridique qui ne comprend pas la plus petite pointe de mensonge. Cela reste interdit si on parle derrière le dos de la personne concernée, même si l’on sait qu’on aurait été prêt à le dire en sa présence.
A plus forte raison, si on a l’audace de dire directement à son prochain : « N’est-ce pas que tu as dit cela de lui ? » ou « n’est-ce pas que tu lui as fait cela ? », c’est interdit et c’est encore plus grave.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Enoncé de la parole de l’Eternel (…) » (Malakhi chap. 1 et 2)
Lien avec la paracha : la haftara parle de Yaakov et d’Essav, comme il est dit : « Essav n’est-il pas le frère de Yaakov ? », sujet évoqué dans notre paracha où il est question de la naissance de ces jumeaux, puis de leur évolution respective.
PAROLES DE TSADDIKIM
Quand le chadkhan loue le père de la cala
« Puisse-t-il t’enrichir, le Seigneur, de la rosée des cieux et des sucs de la terre. » (Béréchit 27, 28)
Au centre de notre paracha, nous pouvons lire les brakhot qu’Its’hak donna respectivement à ses fils Yaakov et Essav. Or, si l’on s’y penche de plus près, on notera une différence entre ces deux séries de bénédictions.
Les premières, reçues par Yaakov, commencent par mentionner un bienfait céleste – « la rosée des cieux » –, puis seulement un bienfait terrestre – « des sucs de la terre » –, alors que les secondes, reçues par Essav, sont données dans l’ordre inverse – « une grasse contrée sera ton domaine et les cieux t’enverront leur rosée ». Quel est le sens de cette inversion ?
L’ouvrage Chaar Bat Rabim l’explique remarquablement par l’exemple d’un chadkhan qui fait une proposition de mariage à un ba’hour. Si celui-ci est un vrai ben Torah, sérieux et ne cherchant qu’à étudier, il commencera par lui faire l’éloge du père de la cala, lui dire combien il craint D.ieu et aime la Torah et ajoutera qu’il a un beit hamidrach empli de livres où il pourra avoir le loisir d’étudier. Au passage, il mentionnera que c’est un homme riche qui lui apportera certainement un soutien financier.
Par contre, si le jeune homme n’est pas un véritable ben Torah, mais est plus porté vers les affaires de ce monde, le discours du chadkhan sera différent : il commencera par lui vanter l’exceptionnelle richesse du père de la cala qui possède des terrains de jeu, une salle de sport… et sera sans doute en mesure de lui faire profiter de ses biens, puis, à la fin, il précisera qu’il a aussi un beit hamidrach bien garni de livres qu’il pourra consulter à sa guise.
Le chadkhan s’adresse donc à chacun en fonction de son niveau spirituel. Or, tel est justement le sens profond de l’inversion qui apparaît dans les brakhot prononcées par le patriarche. Comme nous le savons, ses paroles étaient le fruit de l’inspiration divine, aussi, celles qu’il adressa à Yaakov, « homme intègre, assis dans les tentes », se focalisaient sur le spirituel, mentionné en premier lieu, puis seulement évoquaient aussi l’aspect matériel, car « s’il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Torah ».
Par contre, celles qu’il donna à Essav, attiré par les plaisirs de ce monde, se concentraient sur l’aspect matériel, conformément à l’explication de Rachi selon laquelle la « grasse contrée » se réfère à l’Italie, pays où il pourrait satisfaire ses envies matérielles. Dans un second temps, Yaakov évoque la rosée des cieux, allusion aux aspirations spirituelles qu’il serait aussi à même de combler dans le cas où il le désirerait…
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La tente de Yaakov, en opposition au champ d’Essav
« Les enfants ayant grandi, Essav devint un habile chasseur, un homme des champs, tandis que Yaakov, homme entier, vécut sous les tentes. » (Béréchit 25, 27)
Yaakov et Essav sont deux frères ; le premier est désigné comme un « homme assis sous les tentes », et le second, défini comme un « homme des champs ». Généralement, on plante une tente dans un champ à l’aide de pieux, afin de la fixer solidement pour qu’elle résiste aux vents même violents. Plus la tente est grande et plus les piquets que l’on utilise doivent être grands et solides, de sorte qu’elle ne soit pas déracinée du sol, quelles que soient les conditions météorologiques.
Lorsque le verset affirme que Yaakov vivait sous les tentes et qu’Essav était un homme des champs, c’est une allusion au fait que Yaakov a dû construire une tente solidement rivée au sol afin de se protéger de l’influence d’Essav qui travaillait dans les champs, symbole de la matérialité de ce monde. Dans cette tente de la Torah, Yaakov s’est dévoué corps et âme, se préservant ainsi de l’influence de son frère mécréant.
Nous pouvons en retirer une leçon : l’homme qui désire se préserver des vanités de ce monde – symbolisées par le champ – doit se construire une tente et la renforcer avec autant de piquets que nécessaire ; de cette façon seulement, il pourra échapper aux vanités du temps.
Ainsi, grâce à la tente que Yaakov a construite dans les champs, il a pu s’isoler du monde qui l’entourait pour se consacrer de tout son être à l’étude de la Torah et atteindre un niveau très élevé. Par le mérite de la Torah qu’il a étudiée, Yaakov, depuis sa tente, est parvenu à propager l’esprit de la Torah dans tout son entourage.
Lorsque Yaakov quitta Bersabée, les habitants de cet endroit ressentirent le départ de ce juste et, avec lui, celui de la bénédiction qui l’entourait. Nos Sages expliquent : « Le départ d’un juste laisse des marques dans la ville ; sa beauté s’en va, son éclat s’en va, sa majesté s’en va. » Yaakov, qui s’était enfermé dans la tente pour y étudier assidûment la Torah, représentait la beauté, l’éclat et la majesté de l’endroit où il résidait et vers lequel il attirait la bénédiction ; pour cette raison, son départ se fit ressentir. Yaakov a planté une tente pour y étudier la Torah et se détacher du champ, c’est-à-dire du monde matériel qui l’entourait ; il a ainsi mérité de devenir l’éclat de la ville, en transformant le champ dans lequel il avait planté sa tente en verger de pommes.
PERLES SUR LA PARACHA
L’amour du fils et non l’amour de la nourriture
« Its’hak préférait Essav, parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche. » (Béréchit 25, 28)
Comment expliquer que le patriarche aimait son fils Essav parce qu’il lui préparait de bons plats de gibier ? Un érudit posa cette question au Maharil Diskin qui lui répondit ainsi : Its’hak n’aimait pas Essav en raison de la nourriture qu’il lui apportait, mais parce que c’était son fils aîné. D’où voit-on qu’il l’aimait ? Du fait qu’il mangeait les viandes des animaux qu’il abattait et tel est bien le sens de notre verset. Si Its’hak pensait que son fils était mécréant, il ne lui aurait pas fait confiance concernant la ch’hita et il l’aurait haï.
Nous en déduisons qu’Its’hak pensait qu’Essav était un juste, ce pour quoi il l’aimait. L’expression « parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche » ne souligne donc pas la raison de l’amour paternel, mais la preuve de cet amour.
Le Maharil ajoute que, conformément au principe selon lequel le Créateur évite tout incident fâcheux aux justes, en particulier concernant la consommation, il n’est pas possible qu’Its’hak ait failli dans le domaine de la cacheroute à cause des viandes apportées par Essav. Rivka, qui connaissait bien son fils, veillait à ce qu’un homme se trouve toujours à ses côtés pour surveiller qu’il pratiquait correctement la ch’hita.
Qui la Torah protège-t-elle ?
« Le temps du deuil de mon père approche ; je ferai périr Yaakov mon frère. » (Béréchit 27, 41)
Le Kli Yakar explique qu’Essav désirait que le deuil de son père arrive rapidement afin que le mérite de l’étude de la Torah, interdite durant les jours de deuil, cesse de protéger Yaakov qu’il pourrait alors aisément attaquer.
Dans l’ouvrage Dérekh Si’ha, est rapportée une question qu’on posa à Rav ‘Haïm Kanievsky chelita : même durant les chiva, il est permis d’étudier certains sujets, aussi comment dire qu’Essav comptait sur le fait que Yaakov ne jouirait plus du mérite de l’étude ? Rav ‘Haïm répondit qu’il est interdit d’étudier durant les jours de deuil, à l’exception des lois qui sont d’utilité présente. Cette étude est assimilable à celle des femmes qui ne vise qu’à savoir comment observer les mitsvot. Il ne s’agit pas d’une étude répondant à l’obligation d’étudier la Torah, aussi n’est-elle pas suffisante pour nous octroyer la protection.
L’habit fait-il le moine ?
« Rivka prit les vêtements précieux d’Essav, son fils aîné, qui se trouvaient avec elle à la maison, et elle en revêtit Yaakov, son jeune fils. » (Béréchit 27, 15)
Le saint Rabbi Naftali de Ropschitz zatsal soulignait qu’on constate de là l’influence, le pouvoir des vêtements que l’on porte.
Car ce n’est pas par hasard que Rivka fit porter à Yaakov les vêtements précieux d’Essav. Il était, en effet, très difficile au premier d’émettre le moindre mensonge – comme le souligne le verset « tu donneras la vérité à Yaakov ». Dès lors, comment ferait-il pour recevoir les bénédictions de son père, comme l’avait prévu sa mère ? Celle-ci lui demanda donc d’enfiler le costume d’Essav, afin de se mettre dans la peau du personnage. Car, lorsqu’on s’habille comme un Essav, on devient un peu comme lui, et même notre façon de parler en pâtit…
DES HOMMES DE FOI
Lors d’un voyage en autobus entre ‘Haïfa et Tel Aviv, Rav Aminadav Krispin, le Rav de Kyriat Byalik, se retrouva assis à côté d’un officier supérieur de la police. Ils engagèrent la conversation, parlant de choses et d’autres, quand elle dévia sur la ville de Mogador. Il se trouvait qu’ils en étaient tous deux originaires.
Le Rav lui posa la première question, incontournable : « Avez-vous connu Rabbi ‘Haïm Pinto ?
- Bien sûr, répondit-il, qui ne le connaissait pas ? Personnellement, je lui dois la vie. »
C’est ainsi qu’un jour, Rav Krispin me rapporta l’aventure merveilleuse qui était arrivée à cet officier :
Lorsqu’il était jeune, il se destinait à travailler pour une société de transports française en tant que chauffeur de poids lourd sur l’axe Mauritanie-Maroc. A l’époque, le pouvoir français était en lutte contre les rebelles musulmans, aussi sa mère lui conseilla-t-elle de demander une bénédiction à Rabbi ‘Haïm Pinto avant d’acheter son camion.
Rabbi ‘Haïm bénit le jeune homme pour ses déplacements et conseilla à sa mère d’acheter un caftan blanc et de le déposer sur le siège près du conducteur.
Le conseil déplut quelque peu au jeune homme :
« Rabbi, de nos jours, seuls les Arabes revêtent encore le caftan. La tenue vestimentaire moderne venue d’Europe a remplacé ce vêtement traditionnel. Quel besoin ai-je d’en acheter un ? »
Le Rav se contenta de lui répéter : « Fais ce que je te dis. Viendra un jour où ce vêtement te sauvera la vie. » Il n’ajouta aucune explication.
Le jeune homme remplit la requête du Rav. Le caftan fut posé respectueusement sur le siège du passager, tandis que les mots prononcés par la bouche sainte du Tsaddik résonnaient encore à ses oreilles.
Cela faisait quatre mois qu’il avait commencé à travailler, quand une nuit, il fit un arrêt à un endroit où se cachaient des rebelles. A cause du froid, il se couvrit du caftan acheté par sa mère et s’endormit.
Le matin, il se réveilla de son profond sommeil avec des forces renouvelées, prêt à poursuivre sa route. C’est alors qu’il vit de sa cabine, au-dessus de plusieurs camions stationnés près de lui, les têtes pendues de leurs chauffeurs…
Il s’était avéré que cette même nuit, les rebelles s’étaient introduits sur le parking et étaient passés silencieusement d’un camion à un autre, tout en observant les conducteurs endormis. Ils avaient fait la déduction que celui qui portait un vêtement européen devait être français et donc décapité. En revanche, ils ne touchèrent pas à ceux qui portaient un caftan, supposant qu’ils devaient être arabes et marocains.
« C’est ainsi que j’eus la vie sauve, par le mérite de cette bénédiction, du conseil et du caftan », raconta l’officier.
« A mon retour, je racontai ces terribles évènements à ma mère et m’empressai de me rendre chez le Tsaddik pour réciter la bénédiction “hagomel”. »
EN PERSPECTIVE
« Je multiplierai ta race comme les astres du ciel. » (Béréchit 26, 4)
Selon le contexte, le peuple juif se trouve comparé soit aux étoiles du ciel, soit au sable de la mer. La Guémara (Méguila 16a) explique cette distinction : lorsque les enfants d’Israёl sont en ascension, ils sont comparés aux étoiles et lorsqu’ils déchoient, on les compare à la poussière et au sable.
Les étoiles sont géographiquement très éloignées les unes des autres, des milliers de kilomètres les séparant. Par contre, les grains de sable semblent collés les uns aux autres. Or, en réalité, souligne Rabbi Israёl de Tchoraktov zatsal, c’est l’inverse : les astres, gravitant autour d’un même astre plus grand, forment un groupe, comme par exemple le système solaire, alors que les grains de sable semblent attachés, mais s’éparpillent au moindre souffle de vent.
Il en est de même concernant le peuple juif : quand il se trouve à un niveau bas, il est dépourvu de solidarité, à l’instar du sable s’envolant au vent. Par contre, quand il se hisse à un niveau élevé et que ses membres sont unis autour de la Torah, il se distingue telles les étoiles…