Parachat Vayétsé 17 Novembre 2018 ט' כסלו תשע"ט |
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Le mérite de l’étude de la Torah
Rabbi David Hanania Pinto
« Yaakov sortit de Bersabée et se dirigea vers ‘Haran. Il atteignit l’endroit et il y passa la nuit, parce que le soleil s’était couché. Il prit une des pierres de l’endroit, la mit sous sa tête et se coucha en ce lieu. » (Béréchit 28, 10-11)
Le Midrach affirme (Béréchit Rabba 68, 11) que c’est uniquement à cet endroit que Yaakov dormit, alors que pendant les quatorze ans qu’il passa dans la Yéchiva de Chem et Ever, il n’avait jamais dormi et étudiait la Torah malgré son manque de ressources.
Lorsque Yaakov prit la route pour ‘Haran, il fut poursuivi par Eliphaz, le fils d’Essav, qui avait reçu de son père, encore furieux du détournement des bénédictions, l’ordre de le tuer. Cependant, Eliphaz ne tua pas Yaakov, mais se contenta de lui dérober tous ses biens, en s’appuyant sur le principe selon lequel un pauvre est considéré comme un mort (Nédarim 64b) – de cette façon, il s’était plié à l’ordre de son père. Eliphaz n’était pas un mécréant comme son père ; il ne voulait pas tuer Yaakov et ne lui déroba ses biens que parce qu’il était contraint d’obéir à l’ordre paternel. D’ailleurs, Eliphaz était l’élève de Yaakov auprès duquel il étudiait la Torah ; pour cette raison, lorsque ce dernier lui suggéra de lui prendre toutes ses possessions, de sorte qu’il soit considéré comme un mort, il obtempéra et s’abstint de le tuer. Tel est le pouvoir de la Torah qui influença Eliphaz au point qu’il écouta, au détriment de son père, son maître Yaakov.
Comment expliquer que Yaakov, qui était très vaillant, ne combattit pas Eliphaz, mais choisit plutôt de lui céder tous ses biens ? De plus, nos Sages, de mémoire bénie, affirment que l’argent est aussi précieux aux yeux des justes que leur propre corps (’Houlin 91a), car ils savent qu’il représente un moyen donné par le Créateur pour Le servir. Dès lors, comment Yaakov put-il accepter de renoncer à toutes ses possessions, alors qu’il était capable de tuer Eliphaz et aurait donc pu appliquer l’ordre : « Quiconque vient te tuer, précède-le » ?
Certes, Yaakov aurait effectivement pu tuer Eliphaz puisqu’il était plus fort que lui, mais, du fait que ce dernier détenait le mérite de l’étude de la Torah – qu’il étudiait avec lui –, il s’abstint de le faire. En outre, le patriarche savait qu’Eliphaz ne cherchait à le tuer que pour s’acquitter de la mitsva de respecter son père qui le lui avait ordonné. C’est pourquoi il ne le tua pas, conscient du pouvoir de la Torah et des intentions pures d’Eliphaz.
Eliphaz était le fils d’Essav. A priori, il aurait été logique qu’il suive la voie de son père et devienne, lui aussi, un mécréant. Pourtant, Eliphaz a reconnu la Vérité et est allé étudier la Torah auprès de Yaakov. Il bénéficia alors de l’assistance divine et put s’élever grâce à la Torah, bien qu’il eût grandi dans le foyer d’un méchant. Car « on conduit l’homme dans la voie qu’il désire emprunter » (Makot 10b). Personne ne peut prétendre ne pas être en mesure d’étudier la Torah, car le Saint béni soit-Il aide quiconque désire l’étudier. Tel est le sens de l’affirmation de la Guémara : « La Torah se trouve à tous les coins de rue et est à la disposition de tout celui qui la désire. » Eliphaz ayant choisi la voie de la Torah, Yaakov ne le tua pas, mais lui donna tous ses biens, ce qui revenait, en quelque sorte, à exécuter l’ordre de son père.
A présent, quelle fut la réaction d’Essav lorsque son fils revint et lui annonça qu’il n’avait pas exécuté son ordre à la lettre, mais avait pris les biens de Yaakov plutôt que de le tuer ? Essav s’est-il contenté de cette rapine ou a-t-il réitéré sa tentative de meurtre ? Apparemment, le fait qu’Eliphaz n’ait pas tué Yaakov ne semble pas avoir contrarié Essav, car l’intention de ce dernier était avant tout de perturber son frère dans son étude de la Torah et dans son service divin. Pour cette raison, lorsqu’il apprit qu’Eliphaz lui avait uniquement dérobé ses possessions, il s’en réjouit même, pensant que, démuni, Yaakov ne pourrait étudier et déchoirait donc spirituellement, lors de son séjour auprès de Lavan le méchant. Néanmoins, Yaakov ne se laissa pas impressionner par son état de dénuement, en dépit duquel il alla étudier la Torah dans la Yéchiva de Chem et Ever pendant une période de quatorze ans, suite à laquelle seulement il se dirigea vers ‘Haran.
« Les actes des patriarches sont un signe pour leurs descendants. » En effet, le dévouement des patriarches a été transmis à leurs enfants, au point qu’il s’est ancré dans le patrimoine génétique du peuple juif, le pourvoyant continuellement de la force de se dévouer, lui aussi, au service de l’Eternel, même dans les plus grandes difficultés, lorsque le mauvais penchant essaie de l’en dissuader. En outre, lorsqu’un homme surmonte les épreuves et étudie malgré elles, D.ieu lui vient en aide et lui permet d’y faire face. Or, c’est justement lorsque l’homme surmonte toutes les embûches, envoyées par le Très-Haut pour le tester, qu’il accède, dans ce monde, à une élévation.
On affirme au nom de Rabbi ‘Haïm de Volozhin zatsal que l’étude de la Torah d’un seul Juif suffit pour justifier le maintien du monde, comme il est dit : « Si Mon pacte avec le jour et la nuit pouvait ne plus subsister, si Je cessais de fixer des lois au ciel et à la terre (…) » (Yirmiya 33, 25). Ce pacte donc fait référence à l’étude de la Torah dont le mérite permet la pérennité de l’univers (Nédarim 32a). Par conséquent, il nous incombe de nous renforcer dans ce domaine, en étudiant dans n’importe quelle situation, quelles que soient les difficultés. Car la tâche de l’homme consiste, avant tout, à surmonter ses épreuves ; le Saint béni soit-Il lui vient ensuite en aide, lui permettant de réussir vaillamment et de s’élever.
PAROLES DE TSADDIKIM
La véritable crainte du Ciel
« Il eut un songe que voici : une échelle était dressée sur la terre, son sommet atteignait le ciel. » (Béréchit 28, 12)
Dans son rêve, Yaakov vit tous les mondes – celui de l’Action, celui de la Création, celui de l’Emanation et celui de la Formation – ainsi que l’ensemble des prophéties futures et des missions que le peuple juif serait appelé à remplir au long des générations. En outre, le Créateur lui avait assuré : « Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre (…) Je veillerai sur chacun de tes pas. » Un homme ordinaire ne se serait-il pas réjoui de telles révélations et promesses ?
Or, au lieu de se réjouir, Yaakov prit peur, comme le souligne le verset : « Yaakov, s’étant réveillé, s’écria : assurément, l’Eternel est présent en ce lieu et moi je l’ignorais. » Il craignit d’avoir trébuché en commettant serait-ce un soupçon de péché.
Alors que les lois de la nature avaient été modifiées en sa faveur – raccourcissement du chemin, coucher du soleil avant l’heure –, que des prophéties lui avaient été révélées et des promesses assurées, Yaakov éprouva une grande peur, celle d’avoir dormi, à son insu, dans un endroit saint. Comment aurions-nous réagi à sa place ? Sans nul doute, nous nous serions emplis de joie d’avoir eu droit à de telles prérogatives.
L’ouvrage Oumatok Haor rapporte l’histoire suivante. Un jour, l’Admour Rabbi Avraham de Slonim zatsal dit à son assistant : « Aujourd’hui, on a tendance à penser que les litaïm n’ont pas une crainte du Ciel aussi forte que les ‘hassidim. J’aimerais te montrer un homme craignant réellement D.ieu. » L’Admour se leva et, accompagné de son assistant, se dirigea vers la demeure du Rav de Brisk. Les membres de sa famille lui dirent qu’il était parti pour vérifier si un mikvé, venant d’être construit, était bien cachère.
Au lieu d’attendre son retour, l’Admour se rendit sur les lieux pour y trouver le Rav de Brisk. Ils y virent alors le Rav, une bougie à la main, en train d’inspecter scrupuleusement tous les recoins du mikvé. Finalement, il déclara : « Cachère, cachère ! »
L’assistant de l’Admour, versé dans les lois relatives au mikvé, remarqua de loin une toute petite fente à un certain endroit et y attira l’attention du Rav de Brisk. Ce dernier s’empressa de venir vérifier de plus près et, lorsqu’il constata que cet homme avait raison, il se mit à trembler de tous ses membres. Ses mains et ses pieds tremblaient tant que l’Admour, ne supportant pas cette vision, fit signe à son accompagnateur de le suivre vers la sortie.
Quel incroyable niveau de crainte du Ciel et de crainte du péché !
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Oui, Mon peuple se complaît dans sa rébellion contre Moi » (Hochéa chap. 11)
Les achkénazes lisent la haftara : « Yaakov s’était réfugié sur le territoire d’Aram » (Hochéa chap. 12)
Lien avec la paracha : La haftara dit de Yaakov que, « dès le sein maternel, il supplanta son frère » et la paracha raconte que le patriarche prit la fuite de devant Essav.
CHEMIRAT HALACHONE
Colporter du colportage
Si Réouven a médit à Lévi sur Chimon et que Lévi vient ensuite le raconter à Chimon, Chimon n’a pas le droit de dire à Réouven : « Comment as-tu pu dire cela sur moi à Lévi ? », car il transgresserait ainsi à son tour l’interdit de colporter.
Même s’il ne lui mentionne pas explicitement le nom de Lévi, mais se contente de dire : « J’ai entendu que tu as dit cela de moi » et que Réouven peut ainsi deviner qui le lui a révélé, ce sera interdit. Malheureusement, nombreux sont ceux qui trébuchent sur ce point.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Payés par D.ieu
Un vendredi soir, alors que je m’apprêtais à passer à Achdod le Chabbat en famille, la date du versement mensuel de la bourse que reçoivent quelque deux cent cinquante avrékhim des différents Collelim de la ‘Hevrat Pinto approchait, mais les fonds nous faisaient cruellement défaut.
Que faire pour tous ces hommes qui se consacrent à l’étude sans relâche, alors que cette petite bourse est bien souvent leur seule source de revenus ? Jusqu’à l’entrée de Chabbat, cette pensée m’obsédait.
Cependant, dès que la reine du Chabbat eut étendu ses ailes sur terre, nous amenant, dans son sillage, un supplément d’âme, je ressentis un grand soulagement et un sentiment de sérénité. Je décidai de laisser totalement ce problème de côté, certain que le Créateur m’aiderait à trouver une solution. Je passai donc le Chabbat tout à fait détendu. Qui eût cru, à me voir, que jusqu’à la veille de ce saint jour, j’étais torturé par un quelconque souci ?
Je me rendis tranquillement à la synagogue et donnai plusieurs cours au public. Les repas se déroulèrent dans une atmosphère d’élévation, ponctués par les chants traditionnels, et je pris même le temps, à son issue, de coucher par écrit les différentes idées de Torah que j’avais alors exposées.
Me voyant si serein, mon épouse me dit : « A te voir aussi calme, j’en déduis que le problème des bourses des avrékhim a été résolu, n’est-ce pas ? » « Oui, avec l’aide de D.ieu, car le Chabbat est la source de la brakha », lui répondis-je avec conviction.
De fait, le Créateur m’envoya de façon providentielle la solution le même soir, par le mérite de ces hommes qui s’investissent de tout leur être dans l’étude, et je pus ainsi distribuer à temps les bourses d’étude des avrékhim dans leur intégralité. Et ce, parce que j’avais placé toute ma confiance en Lui.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La supériorité de la Torah par rapport à la prière
« Yaakov sortit de Bersabée et se dirigea vers ‘Haran. » (Béréchit 28, 10)
Explication de Rachi : Il aurait suffi d’écrire : « Yaakov se dirigea vers ‘Haran » ; pourquoi le verset mentionne-t-il également son départ ? C’est pour nous dire que le départ d’un juste fait impression dans la ville. Tant que le juste est dans la ville, c’est lui qui est sa beauté, c’est lui qui est son éclat, c’est lui qui est sa majesté. Une fois qu’il en est sorti, sa beauté l’a quittée, son éclat l’a quittée, sa majesté l’a quittée.
La question suivante m’est une fois venue à l’esprit : comment Rachi peut-il expliquer que le départ de Yaakov laissa derrière lui des marques, au point que les habitants de Bersabée ont eu l’impression que la beauté, l’éclat et la majesté de la ville s’en étaient allés en même temps que lui, alors que notre patriarche Its’hak, réputé pour sa piété exceptionnelle, demeurait encore à cet endroit ?
Afin de répondre à cette interrogation, je rapporterais une anecdote qui figure dans un ouvrage de Rav Chakh, de mémoire bénie. Un jour, un Juif originaire de Marseille se présenta au Rav pour lui faire part de ses hésitations quant au choix de l’institution à laquelle il accorderait son soutien. D’un côté, on l’avait sollicité pour le soutien d’une Yéchiva déjà existante et que l’on projetait d’agrandir, de l’autre, on lui avait demandé de soutenir le projet de construction d’une nouvelle synagogue locale. Ce donateur, ne parvenant pas à décider quelle institution était prioritaire, exposa la question à ce Gadol Hador, lui demandant de trancher à sa place.
Rav Chakh lui répondit qu’il devait apporter son soutien à la Yéchiva afin de permettre au projet d’agrandissement de se concrétiser, plutôt que de soutenir le projet de construction de la synagogue. Il expliqua son verdict par la supériorité de la Torah sur la prière, en ajoutant qu’il est possible de prier n’importe où, aussi bien à la synagogue la plus proche qu’à une autre située plus loin. Par contre, la voix de la Torah doit, quant à elle, résonner partout, car c’est elle seule qui marque la distinction entre le Juif et le non-juif et qui nous permet de subsister dans ce monde.
Lorsque j’ai lu cette anecdote, j’ai compris le sens de l’interprétation de Rachi sur notre verset. Comme nous le savons, Its’hak représentait le pilier du service divin – à savoir, celui de la prière – alors que Yaakov incarnait le pilier de la Torah. Or, comme nous l’avons expliqué précédemment, la Torah possède une primauté certaine par rapport à la prière qui, en soi, garde toute sa valeur. La Torah étant infiniment précieuse, le départ de Yaakov de Bersabée fut, par conséquent, douloureusement ressenti par ses habitants qui eurent l’impression que toute la beauté, l’éclat et la majesté de la ville l’avaient quittée. Car le pilier de la prière, représenté par Its’hak qui demeurait encore à cet endroit, ne suffisait pas, à lui seul, pour lui donner cette splendeur.
Dès lors, nous pouvons comprendre l’explication de Rachi : le départ de Yaakov de Bersabée marqua profondément ses habitants, malgré la présence de son père Its’hak, parce que la Torah est supérieure à la prière.
PERLES SUR LA PARACHA
Afin qu’il reste de quoi vendre
« Yaakov prononça un vœu en ces termes : “Si le Seigneur est avec moi, s’Il me protège dans la voie où je marche, s’Il me donne du pain à manger et des vêtements pour me couvrir (…)” » (Béréchit 28, 20)
L’ouvrage Bintivot Raboténou rapporte que l’Admour le Rachav de Loubavitz zatsal a une fois rencontré Rav ‘Haïm de Brisk zatsal et, avant qu’ils ne se séparent, ce dernier lui demanda une brakha. L’Admour le bénit alors en lui disant : « Que l’Eternel vous bénisse aussi bien dans le domaine spirituel que matériel ! »
Rav ‘Haïm lui dit alors qu’il ne souhaitait de brakha que pour le spirituel, ce qui ne manqua de surprendre l’Admour qui lui demanda des explications.
Et Rav ‘Haïm de répondre : « Les gens simples craignant D.ieu transforment la matérialité que le Créateur leur a octroyée en spiritualité, en prélevant de leurs nombreux biens pour donner de la tsédaka ; aussi ont-ils besoin de beaucoup de matérialité. Par contre, nous autres Rabbanim et Admourim distribuons de notre spiritualité pour en faire de la matérialité ; nous nécessitons donc une grande dose de spiritualité afin que nous ayons de quoi “vendre” et qu’il nous en reste encore un peu pour nous ! »
A l’abri des regards
« Tous les biens que Tu m’accorderas, je veux T’en offrir la dîme. » (Béréchit 28, 22)
Onkelos traduit ainsi ces derniers mots du verset : je prélèverai devant Toi.
Que signifie « devant Toi » ?
Le Touré Zahav explique que lorsque Yaakov dit : « Je veux T’en offrir la dîme », il signifiait qu’il voulait effectuer ce prélèvement pour D.ieu, pour le Nom de D.ieu. Or, comment s’assurer qu’on donne de manière désintéressée ? En le faisant devant l’Eternel, et non devant un large public qui nous regarde avec admiration…
Bénir sur une bonne odeur
« Pour le coup, je rends grâce à l’Eternel. » (Béréchit 29, 35)
Pourquoi est-il écrit que Léa remercia l’Eternel précisément au sujet de Yéhouda et non concernant ses trois premiers fils ?
Rabbi Meïr Sim’ha Hacohen zatsal explique, dans son ouvrage Mechekh ‘Hokhma, que nos Sages n’ont pas instauré de bénédiction lorsque l’homme profite des sens de la vue, de l’ouïe et du toucher, alors qu’ils en ont institué une pour celui de l’odorat, en s’appuyant sur le verset : « toute âme Te louera » (Brakhot 43b) qui, selon eux, se réfère à ce qui procure de la satisfaction à l’âme.
C’est la raison pour laquelle, à la naissance des trois premiers enfants de Léa, on ne trouve pas qu’elle louât D.ieu, car ils se réfèrent respectivement aux sens de la vue, de l’ouïe et du toucher – Réouven, « parce que l’Eternel a vu mon humiliation », Chimon, « parce que le Seigneur a entendu que j’étais dédaignée » et Lévi car « désormais mon époux me sera attaché ». Elle ne rendit grâce à D.ieu qu’à la naissance de Yéhouda, ancêtre du Messie, au sujet duquel il est dit : « animé (vahari’ho) ainsi de la crainte de D.ieu » – verset évoquant le sens de l’odorat (réa’h) à travers le mot vahari’ho.
Un homme de vérité ne peut demeurer impassible
« Yaakov se fâcha contre Ra’hel. » (Béréchit 30, 2)
On ne trouve pas que les autres patriarches, Avraham et Its’hak, se fussent mis en colère ; seul Yaakov se fâcha contre Ra’hel et, à une autre occasion, contre Lavan. Comment l’expliquer ?
Rabbi Its’hak Meïr de Gour, auteur du ‘Hidouché Harim, expliqua l’idée suivante à ses ‘hassidim : Yaakov incarnait la vertu de Vérité. Or, un homme de vérité ne peut demeurer impassible et conserver sa sérénité intérieure quelle que soit la situation, aussi ne parvient-il pas toujours à se maîtriser et à retenir sa colère.
L’auteur du ‘Hidouché Harim conclut, comme s’il se parlait à lui-même : notre saint Maître, Rabbi Mendeli (l’Admour de Kotsk) était lui aussi un homme de vérité qui ne consentait à aucun compromis. A cause de cela, il pouvait paraître sévère et coléreux aux yeux des gens. Pourtant, voilà une chose de plus qu’on pouvait apprendre de lui : quand et comment il convenait de se fâcher…
DES HOMMES DE FOI
La famille Bouganim de Mogador était très proche de Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan. Il arrivait souvent que le Tsaddik aille chez eux, accompagné de son fils Raphaël, et y séjourne pour des périodes plus ou moins longues.
Lors d’un de ses séjours, Rabbi ‘Haïm sentit que la maîtresse de maison était particulièrement triste. Il lui en demanda la raison.
« J’ai perdu plusieurs anneaux de valeur, répondit-elle, et cela me perturbe beaucoup. »
« Ne te fais plus de souci, dit Rabbi ‘Haïm, soulève le coin de ton matelas et tu retrouveras tes bijoux. »
Les paroles du Tsaddik s’accomplirent à la lettre. (Histoire racontée par Rav ‘Haïm Bouganim)
Une pièce prolifique
La tante de Rav Avraham Eli n’eut pas le mérite d’avoir des enfants pendant de nombreuses années après son mariage. Elle se rendit avec respect auprès de Rabbi ‘Haïm Pinto pour demander une bénédiction.
Le Rav lui demanda : « Qu’as-tu dans la poche ?
- Une pièce », répondit-elle.
Il lui demanda de la lui donner.
Il la mit entre ses dents et, après quelques instants, la lui tendit en disant : « Donne-la à la tsédaka et, dans un an, tu auras un garçon. »
D’après ce que nous a raconté Rav Avraham Eli, exactement un an après, sa tante eut un fils.
EN PERSPECTIVE
Lorsque Yaakov rencontra Ra’hel, il est écrit dans le verset qu’il se présenta comme étant le frère de son père. Et Rachi de commenter qu’il lui signifia que si ce dernier se comportait à son égard avec ruse, il en ferait de même.
Un élève du Baal Chem Tov, Rabbi Its’hak de Drohavitch zatsal, raconte qu’à chaque fois qu’il désirait voyager pour inciter ses frères éloignés à se repentir, son mauvais penchant l’assaillait et tentait de le décourager par toutes sortes de prétextes : « Tu vas perdre ton temps précieux pendant lequel tu aurais pu étudier la Torah ou prier ! Il vaut mieux que tu restes chez toi. » En outre, il introduisait en lui des sentiments de fatigue et de paresse extrêmes afin qu’il renonce à ces voyages de rapprochement.
Que faisait-il alors ? Il lui répondait qu’il voyageait pour ramasser de l’argent et en retirer également un petit bénéfice… Et aussitôt, le mauvais penchant disparaissait, en même temps que tous ses arguments. Soudain, il ne ressentait plus du tout de fatigue et, plein de forces et de zèle, il prenait la route jusqu’à la destination souhaitée. Arrivé là, il se débarrassait de toutes les « écorces impures » dont avait feint subir l’emprise et s’investissait pleinement dans le but pour lequel il avait réellement voyagé…
Tel est bien le sens de la phrase de Yaakov : « Je suis son frère dans la ruse » …