Parachat Michpatim 2 Fevrier 2019 כ"ז שבט תשע"ט |
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Un serviteur fidèle ne pose pas de question
Rabbi David Hanania Pinto
« Si tu achètes un esclave hébreu, il restera six années esclave et, à la septième, il sera remis en liberté sans rançon. » (Chémot 21, 2)
La section de Yitro rapporte le don de la Torah aux enfants d’Israël qui promirent « nous ferons et nous écouterons » ; à présent, dans celle de Michpatim, ils accomplissent leur promesse et commencent à observer les mitsvot. La Torah commence par donner la mitsva relative au serviteur hébreu afin que nous en déduisions notre devoir d’être de fidèles serviteurs de l’Eternel.
De même celui qui se vend comme serviteur afin de pouvoir s’acquitter de ses dettes, nous devons savoir que nous avons, nous aussi, contracté de nombreuses dettes envers le Saint béni soit-Il et qu’il nous incombe de les rembourser. En effet, Il nous comble de cadeaux : une bonne vie, un gagne-pain honorable, une bonne santé, une femme et des enfants… Autant de bienfaits pour lesquels nous devons être reconnaissants, autant de dettes que nous avons le devoir de rembourser.
Mais comment donc remercier l’Eternel et de quelle manière peut-on Le rembourser ?En étant Son serviteur fidèle. Celui qui se sacrifie pour D.ieu et s’attelle assidûment à la tâche de l’étude de la Torah et de l’observance des mitsvot sert fidèlement l’Eternel et Lui rembourse ainsi serait-ce une infime partie de ce qu’il Lui doit.
Notre paracha s’ouvre par les mots : « Et voici les statuts que tu leur exposeras. Si tu achètes un esclave hébreu (…) ». Autrement dit, ce que la Torah nous demande c’est, avant tout, de nous comporter à l’instar de ce serviteur. De même qu’il vit à l’ombre de son maître auquel il appartient, de même devons-nous nous effacer devant l’Eternel et annuler nos volontés personnelles au profit des Siennes. Nous deviendrons alors Son serviteur éternel qui se plie inconditionnellement à Sa volonté.
Néanmoins, celui qui désire devenir le fidèle serviteur de D.ieu doit placer son entière confiance en Lui et savoir que tout ce qui lui arrive, qu’il s’agisse d’un événement heureux ou moins, fait partie du plan divin élaboré avec la plus grande minutie. Aussi, il ne lui sert à rien de chercher des raisons expliquant la situation dans laquelle il se trouve, mais il doit l’accepter les yeux fermés, confiant qu’elle résulte de la Providence individuelle exercée sur lui par le Créateur. Il nous est interdit de chercher à comprendre les voies divines qui doivent nous rester cachées. A l’instar d’un serviteur qui suit son maître dans le feu comme dans l’eau, il nous incombe de suivre le Saint béni soit-Il avec une entière confiance.
J’ai déduit ce principe du nom donné au dirigeant du peuple juif, Moché, ainsi qu’au premier des douze chefs de tribus, Réouven. Il est intéressant de remarquer que, concernant les tribus, la Torah commence par exposer la raison du choix du prénom pour seulement ensuite le citer, alors que pour Réouven et Moché Rabénou, l’ordre est inversé. Ainsi, nous pouvons lire : « Elle le nomma Réouven parce que, dit-elle, le Seigneur a vu mon humiliation » (Béréchit 29, 32) et : « Elle lui donna le nom de Moché, disant : parce que je l’ai retiré des eaux. » (Chémot 2, 10) De nombreux commentateurs s’interrogent sur cet ordre qui a été inversé.
Je l’expliquerai en m’appuyant sur l’interprétation du Baal Hatourim : le nom Moché est formé des mêmes lettres que Hachem, allusion au fait que le leader du peuple juif s’éleva dans la pureté et la sainteté au-delà de ce qu’on peut concevoir. Il atteignit presque le niveau de D.ieu, comme le laisse entendre le verset : « Tu l’as fait presque l’égal des êtres divins. » (Téhilim 8, 6) Son être entier était spirituel, au point que son corps ressemblait à une image de la Torah dépourvue de toute matérialité. Il mérita de coexister avec les anges et, avant sa naissance, il se déclara prêt à être celui qui délivrerait les enfants d’Israël. C’est pourquoi la Torah n’a pas jugé nécessaire d’introduire son nom par la raison de ce choix, celle-ci allant de soi : le Nom divin était inscrit en lui et l’Eternel s’exprimerait à travers son organe. La raison donnée ensuite par le verset n’est que secondaire.
Ainsi donc, tout homme a l’obligation d’avoir cette confiance aveugle en D.ieu. Plutôt que de se poser des questions et de chercher à savoir pourquoi tel ou tel événement lui est arrivé ou pourquoi il a été confronté à une certaine difficulté, il doit savoir clairement que telle est la volonté du Créateur qui a tout calculé minutieusement. Car, « D.ieu de vérité, jamais inique, constamment équitable et droit », Il connaît parfaitement la meilleure manière de conduire Son monde. Qu’est donc l’homme pour entrer dans Ses calculs et chercher à expliquer rationnellement Ses faits ? Celui qui parvient à placer son entière confiance en l’Eternel aura l’insigne mérite de devenir Son fidèle serviteur et d’être heureux dans ce monde, comme dans le suivant.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
« Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de Mon peuple, au pauvre qui est avec toi (…) » (Chémot 22, 24)
Comment peut-on réellement ressentir la peine d’autrui et l’aider sincèrement quand il se trouve dans la détresse ? Cela n’est possible que si l’on ressent que son malheur est le nôtre propre.
Ceci corrobore l’interprétation de Rachi de notre verset introductif : « Considère comme si c’était toi le pauvre. » Car l’homme n’est en mesure de ressentir la peine de son prochain que s’il se met à sa place et s’imagine vraiment être lui-même plongé dans sa douleur.
J’ai une fois eu l’occasion de l’expérimenter lorsqu’un célèbre Admour d’Israël se rendit en France pour effectuer une collecte en faveur de ses institutions.
Afin de faire part de cette soirée au public, d’immenses annonces furent collées dans les rues, annonçant la venue du Tsaddik et invitant les gens à l’honorer de leur présence.
Parmi les différents intervenants qui assisteraient aussi l’Admour dans sa collecte, figurait notamment mon nom. Or, quelque temps avant la soirée, on me téléphona pour me dire de ne pas y participer, du fait que très peu de personnes avaient donné une réponse positive à l’invitation. La participation risquait donc d’être très restreinte et il était dommage que je me déplace pour cela.
Au départ, je pensais suivre ce conseil et m’abstenir de m’y rendre. Je sortis donc de la voiture avec l’intention de retourner chez moi. Cependant, à ces instants, je fis un examen de conscience. Je me dis que si c’était moi qui avais organisé cette soirée et attendais impatiemment l’arrivée du public qui tardait à venir, j’aurais été couvert de honte et aurais tout au moins souhaité que les Rabbanim invités prennent place à mes côtés. Aussi, pourquoi n’irais-je pas à présent réconforter et encourager l’Admour qui éprouve certainement de la peine ?
De la pensée, je passai aussitôt à l’acte. Je retournai sur mes pas et me dirigeai vers la salle. Bien que les participants ne fussent pas aussi nombreux qu’on l’avait espéré, je prononçai des paroles de renforcement sur la valeur suprême de la Torah et, grâce à D.ieu, ils se montrèrent généreux. L’Admour put ainsi ramasser une somme honorable pour ses institutions.
Je montrai l’exemple au public en faisant moi-même don d’une grande somme et je fus ensuite imité par nombre de participants. Je retournai chez moi heureux d’avoir eu le mérite de faire ce ‘hessed. Il va sans dire que le Ciel ne me l’a permis que parce que je me suis efforcé de me mettre à la place de l’Admour et suis ainsi parvenu à imaginer ce qu’il ressentait. Car, seulement ainsi l’homme est à même de percevoir la douleur de son prochain et, par ce biais, de lui venir réellement en aide.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Parole adressée à Yirmiya par l’Eternel (…) » (Yirmiya chap. 34)
Lien avec la paracha : le prophète Yirmiya avertit le peuple de la mitsva de libérer l’esclave hébreu, ce qui correspond au premier sujet de la paracha où il est dit qu’après six ans d’esclavage, celui-ci doit être libéré.
CHEMIRAT HALACHONE
Permis à leurs yeux
Nos Maîtres affirment : « Pour trois péchés, l’homme est puni dans ce monde et perd sa part dans le monde futur : l’idolâtrie, l’immoralité et le meurtre, tandis que la médisance équivaut à tous ces péchés réunis. »
Les Richonim expliquent que nos Sages se réfèrent à ceux qui se sont habitués à commettre cette transgression et ne veillent pas à s’en éloigner, du fait que c’est devenu comme quelque chose de permis à leurs yeux.
PAROLES DE TSADDIKIM
L’astuce de la baby-sitter
« Vous servirez uniquement l’Eternel votre D.ieu ; et Il bénira ta nourriture et ta boisson et j’écarterai tout fléau du milieu de toi. » (Chémot 23, 25)
Lorsque j’étais au Mexique, raconte le juste Rabbi Yaakov Galinsky zatsal, on m’a demandé de parler de l’importance de la prière en public. Nombreux sont ceux qui, pressés de rejoindre leurs affaires, prient rapidement chez eux, le matin comme le soir. Or, ils oublient les paroles de la Guémara (Brakhot 21b) selon lesquelles la différence entre celui qui prie seul et celui qui prie avec l’assemblée est comme celle existant entre quelqu’un ayant prié et celui n’ayant pas prié.
J’aimerais vous raconter cette histoire que j’ai entendue. Dans les petits villages de Pologne, les maisons n’avaient qu’un étage – un magasin en devanture et le logement à l’intérieur. Le couple était occupé à tenir son commerce, à servir les clients, tandis qu’une aide non-juive s’occupait de leurs enfants dans l’appartement. Soudain, les pleurs du bébé se firent entendre. Pourtant, la jeune femme se trouvait avec lui.
Les pleurs s’intensifièrent, devenant de plus en plus déchirants. La mère sursauta. Que se passait-il donc là-bas, qu’est-ce qui dérangeait tant son bébé ? Son aide, dévouée, l’avait certainement changé et nourri, pourquoi n’était-il pas calme ?
« Je dois absolument voir ce qui se passe », dit-elle à son mari tout en courant en direction du logement. Elle vit alors la jeune femme en train de bercer énergiquement le berceau, d’un air désespéré. Elle aussi semblait ne pas comprendre ce qui arrivait.
La maman se hâta de prendre son bébé, quand elle fut arrêtée par la surprise : il portait le talit et les téfilin de son père !
« Qu’est-ce que c’est cela ? » s’étonna-t-elle. L’aide expliqua : « Il pleurait sans arrêt et rien ne le calmait. Je me suis alors souvenue que votre mari a recours à un remède : lorsqu’il se lève le matin, il range le magasin, puis rejoint sa chambre, met ce châle, attache ces lanières et se plonge ensuite dans le fauteuil pour une heure de repos et de détente. J’ai voulu essayer cette astuce pour endormir le bébé, mais cela n’a pas marché… »
En entendant cette histoire, mes auditeurs éclatèrent de rire. Puis ils firent remarquer : « Mais même quand on prie avec la communauté, on prie de cette manière, en étant distrait. »
Aujourd’hui, il est dangereux de traverser la rue, tant il y a de voitures de privés. Parmi elles, on peut en distinguer plusieurs sortes. J’ai entendu que certaines coûtent dix fois plus que d’autres, voire davantage. Pourquoi ? Quelle différence existe-t-il entre elles ? Tout d’abord, la puissance du moteur. Ce facteur est déterminant pour la vitesse avec laquelle on peut conduire, sa résistance dans les routes de montagne… Seuls les riches peuvent se permettre de faire une telle acquisition. Quant à l’achat d’un avion privé, c’est un luxe qui n’est réservé qu’aux très grosses fortunes.
Et un homme comme moi ? Personnellement, je voyage avec les transports publics. Je n’ai pas les moyens d’acheter une voiture, ni de l’entretenir. Quant à un jet privé, il n’en est même pas question. Je prends le bus pour un prix symbolique ou, lorsque la nécessité se présente, achète un billet d’avion.
Tel est le sens des mots de la prière de Nichmat kol ‘haï : « Par la bouche des gens droits, Tu es loué et par les paroles des justes, Tu es béni. » Heureux l’homme qui est droit et juste ! Il est un véritable riche, puisqu’il est en mesure de louer et de bénir l’Eternel en privé, à l’image de celui qui roule dans son propre véhicule de luxe.
« Et par la langue des pieux, Tu t’élèves », poursuivons-nous. Ceci est comparable à un avion privé, possédé par les directeurs.
Mais moi, je dois avoir recours aux transports en commun : « Avec le rassemblement de milliers de Ton peuple Israël » – c’est avec la prière de tous ceux-là que la mienne pourra elle aussi s’élever.
Tel est le sens de notre verset introductif : « Vous servirez uniquement l’Eternel votre D.ieu ; et Il bénira ta nourriture et ta boisson et j’écarterai tout fléau du milieu de toi. » Pourquoi s’ouvre-t-il par un pluriel et se conclut-il par un singulier ?
Car chacun d’entre nous formule une requête personnelle. Les uns prient pour le gagne-pain, les autres pour la guérison ; ou encore les uns pour la paix conjugale, les autres pour avoir de la satisfaction de leurs descendants. Chacun implore l’Eternel qui lui ouvre les portes de la réussite. Quand donc ? Lorsque nous Le servons tous ensemble par le service du cœur, autrement dit, par la prière en commun.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Qui mérite le titre de serviteur de l’Eternel ?
« J’aime mon maître, ma femme et mes enfants, je ne veux pas être affranchi. » (Chémot 21, 5)
Sur le mode allusif, le verset parle d’un fidèle serviteur du Créateur qui déclare haut et fort : « J’aime mon maître » – le Saint béni soit-Il, « ma femme » – la Torah, « et mes enfants » – les mitsvot et les bonnes actions. Par conséquent, « je ne veux pas être affranchi » – je désire rester attaché à mon Maître et ne voudrais jamais me séparer de Lui.
Seul celui qui se comporte ainsi méritera de se voir attribuer le titre honorifique de « serviteur poinçonné par son maître » auquel l’Eternel promet qu’« il Le servira à jamais ». En effet, de même que cet homme aura eu le mérite de Le servir dans ce monde, il aura le mérite de Le servir également dans le suivant.
Je garde toujours en mémoire l’image de mes saints Maîtres, les justes Rabbi Chmouël Lopian zatsal et Rav Kaufmann chelita qui, même durant leur vieillesse, ne relâchèrent pas leurs efforts dans l’étude de la Torah. Ils continuèrent toujours à s’atteler avec assiduité à cette tâche, en vertu de la description de nos Maîtres : « Un vieillard assis dans la Yéchiva. » En outre, ils l’ont toujours fait avec une grande joie et un zèle exceptionnel, comme s’ils étaient de jeunes gens.
Je n’ai jamais observé chez eux le moindre relâchement dans l’étude. La notion de paresse ou de fatigue leur était totalement étrangère. Ils savaient que si l’on commence à se relâcher, on finit ensuite par perdre de précieux instants d’étude et le désastre va en s’amplifiant. Ainsi, lorsque notre patriarche Yaakov, représentant le pilier de la Torah, exprima la volonté d’avoir un peu de tranquillité, c’est-à-dire d’étudier la Torah de manière moins intensive, D.ieu lui tint rigueur et lui envoya des tourments du côté de Yossef. Car, en regard de son niveau élevé, ceci lui fut considéré comme un relâchement dans l’étude, méritant une punition. Nous en déduisons combien il nous incombe de veiller à ne pas nous relâcher dans l’étude de la Torah et l’observance des mitsvot.
Je me souviens d’un Avrekh qui étudiait dans un de mes Collelim et qui, souvent, arrivait en retard. Lorsqu’une fois je l’interrogeai sur le motif de son retard, il me répondit qu’il voulait encore dormir un peu, bien qu’il sût qu’on lui diminuerait alors sa bourse mensuelle.
Et qu’arriva-t-il finalement ? Il arrêta entièrement d’étudier et alla travailler. Alors qu’au départ il était très assidu, son petit relâchement dans l’étude prit de plus en plus d’ampleur et il finit par l’abandonner complètement au profit d’un travail qui, de surcroît, n’était pas bien rémunéré. S’il le regrette maintenant, il lui est impossible de faire marche arrière, car une fois qu’on a quitté les bancs de la Yéchiva, il est très difficile d’y retourner. Tel est bien le sens de l’avertissement de nos Sages : « Si tu me quittes un jour, je te quitterai deux jours. »
Néanmoins, celui qui sert fidèlement son Maître ne se relâche jamais dans sa tâche. Au contraire, il est toujours prêt à Le servir avec joie et zèle. C’est ce qu’il est dit au sujet de Moché : « Moché, Mon serviteur, est mort. » (Yéhochoua 1, 2) En d’autres termes, même de manière posthume, il reste Mon fidèle serviteur, car il continue à Me servir dans le monde de Vérité.
Puissions-nous avoir le mérite d’être de fidèles serviteurs de l’Eternel se pliant avec amour et joie à Sa volonté !
PERLES SUR LA PARACHA
Quand faire un compromis ?
« Et voici les statuts que tu leur exposeras. » (Chémot 21, 1)
Notre paracha s’ouvre par des lois relatives à notre relation avec autrui – dommages et intérêts, blessures et gardes.
Pourquoi le Beit Yossef n’a-t-il pas repris cet ordre de la Torah dans son Choul’han Aroukh, en commençant par le ‘Hochen Michpat traitant de ces lois-là ? Pour quelle raison a-t-il placé cette partie en quatrième et dernière position ?
L’ouvrage Zékhor Yémot Olam rapporte, au nom de l’Admour de Satmar zatsal, que cet ordre a été bien réfléchi. Car, dans le ‘Hochen Michpat, au début des lois des tribunaux, le Beit Yossef tranche : « C’est une mitsva de commencer par demander aux parties si elles désirent un jugement ou une concession. Et tout tribunal où on opte pour la concession est digne d’éloge. »
C’est pourquoi le Beit Yossef a placé le ‘Hochen Michpat à la fin du Choul’han Aroukh, car s’il l’avait placé au début, on se serait leurré en pensant que c’est aussi une mitsva de faire une concession pour tous les sujets dont traitent les trois autres parties.
Or, tel n’est pas le cas, car on ne peut faire de concession pour toutes ces lois. En effet, elles sont relatives aux mitsvot de la Torah, lesquelles n’admettent pas de concession, puisqu’il nous incombe de les observer conformément aux instructions de nos Maîtres. Uniquement pour ce qui a trait aux relations interhumaines, notamment les questions monétaires, l’homme est en droit de faire des compromis, ce qui représente même une mitsva, puisque cela évite la querelle.
Qui paiera pour la perte de Torah ?
« S’il se relève et qu’il puisse sortir appuyé sur son bâton, l’auteur de la blessure sera absous. Toutefois, il paiera le chômage et les frais de la guérison. » (Chémot 21, 19)
L’auteur de l’ouvrage Kéren Hatsvi s’interroge : si l’auteur de la blessure paie le chômage et les frais de la guérison, qui remboursera la perte de Torah causée au blessé ?
Il répond que c’est effectivement l’auteur de la blessure qui est responsable de la perte de Torah causée au blessé, mais ceci uniquement dans la mesure où ce dernier étudiait la Torah avant d’avoir été blessé et où il retourne à son étude aussitôt après sa guérison. Par contre, « s’il se relève et qu’il puisse sortir », cela signifie que, non seulement il n’éprouve pas de peine pour le temps perdu, mais en plus utilise celui dont il dispose à présent pour sortir. Le cas échéant, l’auteur de la blessure n’est pas du tout responsable du bitoul Torah dont il « sera absous » et il n’aura qu’à payer « le chômage et les frais de la guérison ».
La récompense spirituelle de l’âne
Réfléchissons à la récompense reçue, respectivement, par le chien et l’âne. Parce qu’il s’est abstenu d’aboyer en Egypte, promesse a été faite au chien qu’on lui jettera toujours les os. Quant à l’âne qui, après la sortie d’Egypte, porta les enfants d’Israël dans le désert, il mérita qu’on accomplisse sur lui la mitsva du rachat du premier-né de l’ânesse.
Mais pourquoi le chien reçut-il une récompense matérielle, alors que l’âne en eut une spirituelle ?
Dans Alénou Léchabéa’h, Rav Zilberstein chelita explique que la différence entre ces deux animaux réside dans le fait que l’un ne fit que demeurer passif, tandis que l’autre agit positivement en faveur du peuple juif : le chien s’abstint d’aboyer, alors que l’âne porta nos ancêtres sur son dos, ce qui lui donna droit à une récompense bien supérieure.
DES HOMMES DE FOI
L’histoire suivante, relatant la grandeur de Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan, a été racontée par Rabbi Moché Aharon Pinto :
Nous partîmes vivre un certain temps à Casablanca et y louâmes un appartement. Nous y apportâmes des bougies à la mémoire de mon père, le Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan, que mon épouse devait allumer. Elles étaient prévues pour brûler pendant cinq jours d’affilée.
Une semaine avant Roch Hachana, mon épouse voulut retourner à Mogador afin d’assister à la hilloula du Tsaddik Rabbi ‘Haïm Pinto Hagadol. Elle remit les clés de l’appartement à son frère Messaoud afin qu’il aille continuer à allumer la bougie commémorative.
Messaoud habitait à Marrakech et était négociant de métier. Il achetait de grosses quantités de marchandises et les revendait aux détaillants. Ce travail lui faisait accomplir de multiples allers-retours entre Marrakech et Casablanca. C’est pourquoi sa sœur savait qu’il pouvait la remplacer et faire en sorte que la veilleuse continue à brûler, sans interruption.
Un jour, en arrivant à l’appartement de sa sœur, Messaoud se souvint soudain qu’il avait oublié sa sacoche pleine d’argent – trois millions et demi de francs – dans son camion. Il eut peur que quelqu’un n’en force la portière pour s’en emparer.
Malgré cela, il ne négligea pas la mitsva. Il alluma la bougie et invoqua le mérite du Tsaddik en disant : « Rabbi ‘Haïm Pinto, je te prie d’intercéder auprès de D.ieu pour qu’Il veille sur mon sac, par le mérite de cette mitsva. » Puis, il sortit et se dirigea immédiatement vers son camion.
Quelle ne fut pas sa surprise, en approchant du véhicule, de voir qu’un non-juif se trouvait au volant, tenant la sacoche dans sa main. Messaoud lui demanda : « Que faites-vous là ?
- Je me suis introduit dans ce camion afin d’y dérober la sacoche, répondit-il. Mais dès que je l’ai saisie, je me suis senti cloué au siège, privé de la possibilité de bouger. C’est pourquoi je n’ai pas pu ressortir. Mais sachez que je n’ai rien pris ! »
Messaoud lui demanda de reposer le sac et de descendre. Dès que le voleur lâcha prise, il retrouva sa liberté de mouvement et s’enfuit. Messaoud récupéra tout son argent.
A la lecture de cette histoire, on devine aisément qui a veillé sur l’argent, comme il est dit (Téhillim 121:4) : « Il ne s’endort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël. » Quand le voleur s’est introduit dans le camion, D.ieu a veillé sur le bien de Messaoud par le mérite du Tsaddik. C’est ce pouvoir qu’évoque l’affirmation : « Les Tsaddikim sont encore plus grands après leur mort que de leur vivant. » (Histoire extraite de Chenot ‘Haïm)
EN PERSPECTIVE
Une soif commune de Torah
« Tout ce qu’a prononcé l’Eternel, nous ferons et nous écouterons. » (Chémot 24, 7)
Dans Torat Haparacha, Rabbi Aharon Zakaï demande pourquoi cette déclaration a été faite au pluriel. Comment pouvaient-ils savoir ce que leur prochain ressentait ? Il aurait semblé plus logique que chacun déclare « je ferai et j’écouterai ».
Le Rabbi de Pchis’ha zatsal l’explique à l’aide de l’exemple suivant : des prisonniers sont assis dans la même cellule d’une prison. En pleine journée d’été, alors que la chaleur est étouffante, un homme entre dans la cellule pour proposer aux détenus de l’eau. D’une seule voix, ils répondent tous par l’affirmative « Nous voulons boire ! » Sans devoir se consulter, ils savent tous que chacun éprouve la même envie.
De même, les enfants d’Israël avaient une grande soif… de Torah. C’est pourquoi, certain que leur prochain ressentait ce même désir, chacun put affirmer au nom de tous : « Nous ferons et nous écouterons. »