Parachat Behar (En Israël Behoukotaï) 25 Mai 2019 כ' אייר תשע"ט |
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Le but des mitsvot : raffermir notre confiance en D.ieu et nous détacher de la matière
Rabbi David Hanania Pinto
« L’Eternel parla à Moché au mont Sinaï, en ces termes. » (Vayikra 25, 1)
Dans cette paracha, sont évoqués plusieurs sujets. Tout d’abord, celui de la chemita : après six années de travail de la terre, il faut la laisser se reposer la septième. Puis, celui du yovel : la cinquantième année, qui suit un cycle de sept chemitot, il est également interdit de travailler la terre, tandis que tous les terrains sont restitués à leurs propriétaires originels et les esclaves libérés. Ensuite, est mentionné l’interdit du prêt à intérêt. Puis, vient la mitsva du Chabbat et le rappel qu’après six jours de travail, on doit se reposer. Tentons de comprendre la profondeur de chacune de ces mitsvot, d’en dégager d’importants enseignements et de définir le lien qui les unit.
La nature de l’homme est telle que l’habitude devient une seconde nature. Ainsi, celui qui possède des biens depuis un moment ressent qu’il en est le seul propriétaire. Dès lors, lorsque se présente à lui une mitsva exigeant qu’il débourse une partie de son argent ou cède l’une de ses possessions, il lui est très difficile de le faire. Or, l’Eternel, qui désire nous rendre méritants, ancrer en nous la émouna, nous détacher de la matière afin de nous faciliter l’observance des mitsvot et, au final, nous permettre de réaliser à qui la richesse appartient, nous a ordonné de nombreux commandements nous permettant d’y parvenir.
Tel est le sens profond de la mitsva de chemita. Après avoir travaillé son champ pendant six ans, l’homme a tendance à vouloir travailler une année de plus pour continuer à s’enrichir. Le Créateur l’arrête alors dans sa course à l’argent, lui ordonnant de chômer, même si cela implique a priori des pertes financières. Cette pause offre à l’homme l’opportunité de réfléchir et de réaliser qui est le réel Propriétaire des biens de ce monde – « car toute la terre est à Moi ! » (Chémot 19, 5)
De cette manière, l’homme en vient à éprouver un sentiment de reconnaissance envers le Créateur du monde auquel tout appartient. La mitsva du yovel vise elle aussi à lui rappeler qu’il n’est pas le véritable propriétaire de ses biens. Quant à l’interdit du prêt à intérêt, il vise le même objectif. L’homme pourrait effectivement se dire que, du fait que son argent lui appartient, il peut l’utiliser comme bon lui semble, par exemple en prêtant à intérêt. Or, D.ieu nous l’interdit formellement, afin de sanctifier l’objet le plus matériel qui est entre nos mains, l’argent. Ainsi, nous serons moins attirés par la matière et notre esprit ne sera pas en permanence torturé par l’appât du gain. Cette mitsva tient également compte de la personne en détresse, obligée d’avoir recours à un prêt : l’Eternel désire que son prochain l’aide à se tirer d’embarras en lui prêtant la somme dont il a besoin, sans gonfler ses dettes d’intérêts supplémentaires.
Nous comprenons dès lors pourquoi, arrivé le yovel, nous avons l’ordre de libérer nos esclaves et de restituer nos terrains à leur propriétaire originel : afin de réaliser que nous n’en sommes pas les réels propriétaires et que D.ieu seul décide quand nous les donner et quand nous les reprendre.
Ainsi, un fil conducteur se retrouve tout au long de cette paracha : nos biens matériels ne nous appartiennent pas réellement, mais sont au Saint béni soit-Il, alors que nous n’en sommes que les dépositaires dans ce monde, pour une durée déterminée. Telle est la leçon que les mitsvot de la chemita, du yovel, du Chabbat et l’interdit du prêt à intérêt viennent ancrer en nous.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
La guérison par le mérite de Rabbi Chimon bar Yo’haï
Chaque année, à Lag Baomer, jour de la hilloula du saint Tana, je me remémore un miracle qui eut lieu lors de mon enfance au Maroc, miracle qui me touche de très près.
Suite à un violent choc à la tête, ma sœur aînée était devenue handicapée : elle ne pouvait plus marcher. Notre Maman zatsal l’emmena chez les plus grands spécialistes. En vain.
Chaque année, Papa avait l’habitude d’organiser chez nous la hilloula de Rabbi Chimon bar Yo’haï, en présence de très nombreux invités. Tous entonnaient des chants traditionnels et se racontaient les merveilles du saint Tana, que son mérite nous protège.
Une année, les réjouissances avaient pris fin et les participants étaient déjà repartis, lorsque ma sœur demanda naïvement à notre père : « Papa, si le pouvoir de Rabbi Chimon bar Yo’haï est si grand, pourquoi ne guérirait-il pas mes pieds pour que je puisse marcher comme tout le monde ? Sinon, qu’est-ce que je vais devenir en grandissant et qui voudra se marier avec moi ? »
En entendant sa question, aussi ingénue que douloureuse, tous éclatèrent en sanglots. Lorsqu’enfin le calme fut revenu, mon père la rassura : « Si D.ieu veut, par le mérite de Rabbi Chimon bar Yo’haï, tu pourras de nouveau marcher comme avant ! »
Au cours de la même nuit, toute la maisonnée était plongée dans le sommeil lorsque nous avons soudain entendu des cris effrayants en provenance de la chambre de ma sœur. Ayant tous été réveillés en sursaut, nous nous sommes précipités vers sa chambre. Là, pour notre plus grande stupéfaction, nous l’avons trouvée debout, marchant comme si de rien n’était !
Seul Papa garda son sang-froid pour l’interroger calmement : « Ma fille, pourquoi as-tu crié ? Qu’est-ce que tu as ressenti lors de ces moments ? »
Encore sous le coup de l’émotion, ma sœur répondit qu’au milieu de la nuit, elle avait eu la sensation que quelqu’un lui massait les pieds et que des ondes de chaleur les traversaient. Ensuite, elle avait entendu une voix lui murmurer : « Lève-toi, à présent tu peux marcher ! » Et c’est ce qu’elle fit ; dès qu’elle tenta de se mettre debout, elle découvrit qu’elle pouvait marcher comme tout le monde.
En entendant cette histoire de la bouche de ma sœur, Papa confirma qu’il s’agissait sans l’ombre d’un doute du saint Rabbi Chimon bar Yo’haï qui était venu la guérir de son handicap, et ce, en récompense de sa foi pure dans les mérites du Tsadik.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Yirmyahou dit (…) » (Yirmyahou chap. 32)
Lien avec la paracha : Yirmyahou Hanavi prédit au peuple juif le retour à Sion avec la construction de maisons et l’acquisition future de champs et de vignobles – thèmes évoqués également dans la paracha.
CHEMIRAT HALACHONE
En règle générale
D’après la Torah, il est interdit d’accorder du crédit à des propos médisants, c’est-à-dire de croire, dans son cœur, que c’est vrai. Il est inutile de détailler longuement la nature de la personne accordant du crédit à la médisance et celle de l’homme auquel elle s’applique, car il n’existe pratiquement pas de différence concernant cet interdit.
En résumé et en règle générale, il est prohibé à tout Juif de croire en des propos médisants prononcés sur un autre Juif, sauf s’il s’agit d’un hérétique, d’un médisant ou d’un homme appartenant à une catégorie similaire et qui n’est plus considéré comme notre « prochain ».
PAROLES DE TSADIKIM
Qui a rempli pour moi le gobelet d’eau ?
« Si ton frère vient à déchoir, si tu vois chanceler sa fortune, soutiens-le, fût-il étranger et nouveau venu, et qu’il vive avec toi. » (Vayikra 25, 35)
Dans la Yéchiva de Kfar ‘Hassidim, le Machguia’h Rabbi Eliahou Lopian zatsal habitua les ba’hourim à remplir le gobelet d’eau à celui venant se laver les mains après lui.
L’un d’eux lui demanda quel était l’intérêt de cela, commentant : « De toutes les façons, chacun doit remplir un gobelet, donc pourquoi remplir celui de son prochain plutôt que le sien ? » Le Machguia’h lui expliqua que nous devons nous habituer à penser aux besoins d’autrui et c’est pourquoi il est préférable que chacun remplisse le gobelet de l’autre.
Dans son ouvrage Nétivot Or, Rabbi Its’hak Blazer zatsal de Peterbourg rapporte un incident étant arrivé à son Rav, Rabbi Israël Salanter zatsal, dans sa jeunesse.
La veille de Kippour, vers le soir, à l’heure où les Juifs de la ville se dirigeaient vers la synagogue pour la prière de Kol Nidré, l’atmosphère de la rue était extrêmement tendue, à l’approche du grand jugement.
Dans la rue silencieuse, un Juif honorable, désigné par Rabbi Israël comme l’un des « grands pieux », semblait replié sur lui-même. La crainte du jugement imminent était lisible sur son visage. Son être entier exprimait la tension.
Or, à ce moment même, Rabbi Israël devait lui poser une question précise. Il se dirigea vers lui pour le questionner à ce sujet, mais l’autre était si tendu qu’il l’ignora tout bonnement. Non seulement il ne lui répondit pas, mais il ne lui fit même pas le moindre signe.
« Très peiné, je pris congé de lui, raconta le Rav Israël. Une voix intérieure se mit à me souffler tous ses griefs contre ce Juif : “En quoi suis-je responsable que tu crains tellement D.ieu et trembles du jour du jugement ? En quoi cela me concerne-t-il ? N’as-tu pas l’obligation de répondre calmement à ma question ? Cela fait partie de ton devoir de rendre service et d’être charitable. Ta redoutable crainte du jugement te rendrait-elle exempt de tes devoirs envers ton prochain ? Plus encore, si cet homme était réellement animé d’une crainte authentique, pourquoi n’a-t-il pas pensé au grand désagrément causé à celui qu’on ignore, comme s’il n’existait pas ?” »
Tel est le sentiment qui doit nous habiter perpétuellement, celui de ressentir que notre prochain est à nos côtés, comme le laissent entendre les mots « qu’il vive avec toi ».
PERLES SUR LA PARACHA
Qui mérite le titre d’homme ?
« Si ton frère vient à déchoir, si tu vois chanceler sa fortune, soutiens-le. » (Vayikra 25, 35)
L’importance de la charité, dans laquelle les membres de notre peuple sont impliqués quotidiennement et à toute heure, apparaît dans le Tanakh, comme il est dit : « Le monde est bâti sur la charité » et « L’un prête assistance à l’autre et chacun dit à son frère : “Courage !” » Car elle n’est autre que l’un des piliers sur lequel le monde se maintient. Cette idée se retrouve aussi bien répétée dans la Torah, dans les Prophètes que dans les Hagiographes, ainsi que dans la Torah orale.
Rabbi ‘Haïm Zonnenfeld zatsal fait remarquer que le terme ich (homme) a la même valeur numérique que le terme lérééhou (à son prochain), d’où il déduit que celui qui est charitable envers son prochain mérite le titre d’homme.
Il fit part de ce ‘hidouch le jour de Pourim, lors duquel nous lisons dans la Méguila le verset « envoyer des présents l’un à l’autre (ich lérééhou) ». Or, le but de ces michlo’hé manot est d’amplifier l’amitié entre les hommes, ce qui n’est possible que si l’égalité règne entre eux, si personne ne se sent supérieur à son prochain ni s’enorgueillit devant lui. Car le vice de l’orgueil est à la source de toutes les querelles, tandis que l’égalité permet de créer une atmosphère affable.
L’auteur de l’ouvrage ‘Hokhmat ‘Haïm relève que le mot yédidi (mon ami ou amical) peut se lire dans les deux sens. Car la véritable amitié est celle qui est réciproque.
Le sourire n’amoindrit pas la gravité de l’interdit
« Ne le régente point avec rigueur, crains d’offenser ton D.ieu. » (Vayikra 25, 43)
En marge du verset « Les Egyptiens accablèrent les enfants d’Israël de rudes besognes (béparekh) », nos Maîtres font remarquer que ce dernier mot peut se décomposer en bépé rakh, signifiant avec un langage doux. Désirant être épargnés de la punition, les Egyptiens convainquirent les Hébreux de travailler en leur parlant gentiment, jusqu’à ce qu’ils acceptent volontiers.
Le Alchikh – que son mérite nous protège – explique notre verset en s’appuyant sur cette idée. Après nous avoir mis en garde contre l’interdiction d’imposer un travail trop dur à son esclave, la Torah ajoute « Ne le régente point avec rigueur (béparekh) », sous-entendant en l’amadouant par des paroles douces (bépé rakh) pour qu’il accepte son travail de plein gré.
Pourquoi cet ordre ? La suite du verset nous répond : « Crains d’offenser ton D.ieu. » Le Saint béni soit-Il, scrutant les reins et le cœur, connaît les pensées les plus secrètes de l’homme. Aussi, Il sait pertinemment que, lorsque l’esclave accepte d’exécuter certaines tâches, ce n’est que suite aux persuasions de son maître devant lequel il se gêne et auquel il n’ose pas refuser.
Grâce à la pitié et à la gentillesse
« Ne le régente point avec rigueur. » (Vayikra 25, 43)
Dans son ouvrage Tokha’hot ‘Haïm, Rabbi ‘Haïm Falagi – que son mérite nous protège – raconte ce qui lui a été dévoilé dans un rêve.
Environ un mois après le décès d’un des habitants de sa ville, Izmir en Turquie, ce défunt lui apparut en rêve, l’air joyeux et vêtu d’habits de fête.
Rabbi ‘Haïm lui demanda pourquoi il avait mérité de si grandes marques d’honneur. L’homme lui répondit qu’il avait eu droit à la vie du monde à venir du fait qu’il s’était conduit avec respect et compassion envers ses serviteurs et avait veillé à ne pas les assujettir trop durement et avec cruauté.
SUR LES TRACES DE NOS ANCÊTRES
Rabbi David Hanania Pinto
« Rabbi ‘Hanina, suppléant du Cohen gadol, dit : “Prie pour la paix du pays, car s’il n’y avait la crainte, les hommes se dévoreraient mutuellement.” » (Chap. 3, 2)
Il nous incombe de prier pour la paix du pays de manière discrète, sans que ses dirigeants le sachent. Il ne faut pas non plus se dire : « En leur faisant savoir que je prie pour leur salut, du bien résultera pour le peuple juif. » Nos Maîtres nous ont déjà mis en garde, dans le premier chapitre (michna 10) : « Et ne cherche pas à te familiariser avec les grands. » On ne doit pas s’imaginer qu’en étant actif au sein du gouvernement, cela sera bénéfique. Mais il faudra prier D.ieu pour qu’Il pousse les dirigeants du pays à faire le bien.
Un verset de Michlé recèle une allusion à cette idée : « Le cœur du roi est dans la main de l’Eternel. » (21, 1) Cela rejoint cette affirmation de nos Sages (Taanit 2a) : « Trois clés se trouvent dans les mains de D.ieu et n’ont pas été confiées à un émissaire. » Le texte ajoute que le cœur du roi se trouve également dans les mains de D.ieu et que nous devons prier pour la paix du royaume. D.ieu jouera ensuite Son rôle, incitant les dirigeants du pays à faire le bien, tout comme Il dirige les trois éléments n’étant pas confiés à un émissaire.
Mon père et maître, que son mérite nous protège, pria toute sa vie pour le bien-être du roi du Maroc. Pourtant, bien que le roi lui en eût été reconnaissant, il ne le fit jamais savoir, accomplissant la parole de nos Maîtres : « Et ne cherche pas à te familiariser avec les grands. »
« Rabbi Né’hounia ben Hakana dit : “Celui qui accepte sur lui le joug de la Torah se verra déchargé du joug des instances dirigeantes et des impératifs de la subsistance.” » (Chap. 3, 5)
Nous retrouvons ici le principe de « mesure pour mesure ». En effet, l’homme n’a pas été créé dans ce monde pour prendre et profiter de ce qui est à sa disposition, mais doit œuvrer et travailler afin de mériter de recevoir les bienfaits divins. Grâce à l’action, il peut prendre. C’est pourquoi ce monde est appelé olam haassiya, le monde de l’action, car l’homme y a été créé uniquement pour agir, et non pour prendre ce qui se présente à lui. Il n’a pas été nommé olam haassouy (monde fait), car cette appellation ne convient qu’au monde futur dans lequel aucun travail n’est possible.
C’est pourquoi quiconque se soumet au joug de la Torah et agit selon ses impératifs n’aura aucun autre effort à fournir ; on le délivrera des exigences politiques et sociales. Son travail sera réalisé par d’autres. Mais celui qui n’accomplit pas la Torah sera soumis à d’autres obligations, aux impératifs politiques et sociaux.
Telle est la règle. L’homme fut créé dans ce monde uniquement pour travailler. S’il est méritant, il peinera pour la Torah et, s’il ne l’est pas, il peinera pour sa subsistance, ainsi qu’il est dit : « L’homme est né pour la douleur. » (Iyov 5, 7) Sur ce point, nos Sages expliquent (Sanhédrin 99b) : « Tout homme est né pour la douleur, mais j’ignore s’il fut créé pour peiner dans l’étude ou dans le travail. S’il est méritant, il peine pour la Torah, sinon, pour sa subsistance. »
LA FEMME VERTUEUSE
« Tous les jours de sa vie, elle travaille à son bonheur ; jamais elle ne lui cause de peine. »
Penchons-nous, tout d’abord, sur la personnalité exceptionnelle de la Rabbanite Mazal Madeleine Pinto, qu’elle repose en paix, qui eut l’insigne mérite de fonder avec Rabbi Moché Aharon – que son mérite nous protège – un foyer royal, un empire de Torah et de charité à partir duquel elle pratiqua de la bienfaisance autour d’elle toute sa vie durant.
Dès l’époque où ils habitaient au Maroc, la Rabbanite devint célèbre pour sa charité envers toute personne dans le besoin. En particulier, elle veillait à ce que son mari ne manque de rien, tandis que lui se cloîtra dans son foyer durant quarante ans, sans voir le moindre rayon de soleil, période qu’il mit à profit pour se plonger dans la prière et l’étude de la Torah.
Dans son éloge funèbre, notre Maître, Rabbi David ‘Hanania, témoigne les rares qualités que possédait sa Maman et l’estime qu’elle portait à son mari, le Tsadik :
« Maman ne fut jamais prête à quitter son petit et vieil appartement de la rue Maïmon, à Ashdod, bien qu’il lui soit souvent arrivé de ne pas fermer l’œil de la nuit à cause des souris et des rampants y faisant souvent intrusion. Malgré nos nombreuses insistances, elle refusait de déménager pour venir habiter à nos côtés, répétant : “Là je demeurerai, car je l’ai voulu. C’est l’appartement de Papa, le Tsadik, et je ne le quitterai jamais.”
« Maman est toujours restée fidèle à Papa. Elle expliquait que cet appartement avait absorbé sa sainteté, sa vigilance pour préserver la pureté de ses yeux, domaine auquel il mettait un point d’honneur. Une année, à Pourim, elle voulut plaisanter un peu à ce sujet : elle se déguisa en étrangère et vint voir Papa pour lui demander une bénédiction. Il lui demanda alors son nom et fut surpris de constater qu’il était identique à celui de son épouse. Puis il lui demanda les noms de ses enfants qui, étrangement, correspondaient exactement à ceux des siens… Toutefois, Papa ne leva pas les yeux pour vérifier qui se tenait devant lui. Il se contenta de sourire et de lui faire remarquer : “Intéressant, ces noms correspondent à ceux de ma femme et de mes enfants…” Maman sourit et lui répondit : “Rabbi Moché ! Je suis Madeleine, ta femme. Ne reconnais-tu pas ma voix ?” Et quelle fut la réaction de Papa ? Il rétorqua : “Une autre fois, ne me fais plus un tel manège, s’il te plaît, car tu aurais pu me faire trébucher dans la préservation de la sainteté de mon regard.” Maman objecta : “Mais je suis ta femme, donc quelle faute aurais-tu fait en me regardant ?” Il lui expliqua alors : “Je ne savais pas que c’était toi, donc si j’avais levé les yeux, cela aurait été une faute pour moi.” Aussi, Maman refusa-t-elle à tout prix de quitter cette demeure qui avait absorbé tant de sainteté et de crainte du Ciel, par le pouvoir de la Torah étudiée par Papa. »
Ne pas le déranger durant son étude
La Rabbanite Sheine ‘Haya Eliachiv, qu’elle repose en paix, épouse du Gaon Rav Yossef Chalom Eliachiv zatsal, contribua grandement au remarquable niveau de Torah atteint par son mari. Un de ses voisins nous le confirme par l’histoire suivante :
« Une fois, je voulus prendre conseil auprès du Rav pour une certaine question, mais la Rabbanite me dit qu’il était en train d’étudier et qu’on ne pouvait pas le déranger. Toutefois, j’insistai auprès d’elle, lui expliquant qu’il s’agissait d’une question importante pour laquelle je devais trancher et lui demandant de vérifier si le Rav pouvait me recevoir pour un très bref instant.
Elle me répondit que, durant toute sa vie, il ne lui était jamais arrivé de le déranger pendant qu’il étudiait. Comment donc le ferait-elle à présent ? »
Sa fille, la Rabbanite Berlin – qu’elle repose en paix – raconta une histoire du même ordre. Un motsaé Chabbat, le père de la Rabbanite, Rav Arié Lévin zatsal, vint leur rendre visite. La Rabbanite dit à son mari : « Tu as déjà fait la havdala, tu peux aller étudier. » Il avait l’habitude d’étudier dans une synagogue du quartier. Bien que Rav Arié n’eût pas vu son gendre depuis très longtemps et désirât discuter un peu avec lui, il ne se mêla point. Rav Eliachiv prit donc son livre de guémara et partit étudier, comme à son habitude.
Après son départ, Rav Arié se tourna vers sa fille et lui demanda avec délicatesse : « Tu sais bien que je ne viens qu’une fois pas an pour discuter un peu avec ton mari. Pourquoi avais-tu besoin de lui dire juste maintenant de partir étudier ? C’est un grand matmid, il serait de toute façon parti étudier d’une minute à l’autre. »
La Rabbanite lui répondit : « Papa, je ne lui dis jamais d’aller étudier, il y va tout seul. Mais, aujourd’hui, le petit a beaucoup de fièvre et il pleure ; j’ai craint qu’il ne le remarque et que cela le dérange ensuite pour se concentrer dans son étude. C’est pourquoi je l’ai pressé à partir pour étudier et je vais maintenant amener le petit chez le médecin. »