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Parachat Vaéra

25 Janvier 2020

כ"ח טבת תש"פ

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
Paris 17h16 18h28 19h15
Lyon 17h16 18h24 19h09
Marseille 17h20 18h26 19h09
Ra'anana 16h45 17h46 18h22
Jerusalem 16h30 17h45 18h23

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Pourquoi D.ieu endurcit le cœur de Paro

Rabbi David Hanania Pinto

« Va trouver Paro le matin, au moment où il se dirigera vers les eaux ; tu te tiendras sur son passage, au bord du fleuve ; et le bâton qui a été changé en serpent, tu le prendras en main. » (Chémot 7, 14-15)

Rachi commente : « “Au moment où il se dirigera vers les eaux” : pour ses besoins. Car il se faisait passer pour un dieu, sans besoins physiques. Il se levait de grand matin, et sortait vers le Nil dans le but de se soulager. » L’Eternel ordonna à Moché d’aller vers le fleuve, au moment où Paro s’y trouverait pour faire ses besoins, de sorte à lui démontrer qu’il connaissait cette habitude et était conscient de la tromperie que représentaient ses prétentions à la divinité. Suite à cet incident, il aurait été logique que Paro éprouve de la honte devant Moché et revienne sur son refus opiniâtre de libérer les enfants d’Israël. Cependant, il endurcit son cœur et continua à se faire passer pour un dieu.

Une de mes connaissances m’a demandé pourquoi D.ieu a puni Paro, alors qu’Il avait endurci son cœur lors des cinq dernières plaies, lui retirant ainsi son libre arbitre. Le Ramban propose une explication au verset « Le Seigneur endurcit le cœur de Paro et il ne leur céda point » (Chémot 9, 12). Il fait remarquer que, pour les cinq premières plaies, il est écrit « le cœur de Paro s’est endurci » ou « Paro a endurci son cœur », alors que, à partir de la plaie de la grêle, la Torah emploie l’expression « le Seigneur endurcit le cœur de Paro ». Le Ramban en déduit que, lors des cinq premières plaies, c’est Paro qui, de sa propre initiative, endurcissait son cœur. Par contre, lorsque la grêle ainsi que les plaies suivantes sont survenues, il désirait se repentir et non pas endurcir son cœur, mais D.ieu le lui a endurci. Aussi, pour quelle raison Paro a-t-il été puni ?

Paro affermissait son cœur après chacune des cinq premières plaies et continuait, avec effronterie, à prétendre être un dieu, même devant notre maître Moché, qui l’avait surpris en train de faire ses besoins au bord du fleuve. Après avoir frappé Paro de cinq plaies et constaté qu’il choisissait chaque fois de rendurcir son cœur, c’est-à-dire optait pour le mal, l’Eternel le punit en lui retirant cette liberté d’action. Paro n’avait donc plus le choix que de continuer à se comporter conformément aux incitations des forces du Mal se trouvant en lui. Car, selon la voie qu’un homme se fixe, on lui détermine du ciel la suite de son parcours en lui retirant le libre arbitre, l’obligeant en quelque sorte à poursuivre dans la voie pour laquelle il avait au départ opté.

Avant que l’Eternel ne frappe l’Egypte par la grêle, Moché avait prévenu Paro et ses serviteurs que celui qui désirait être épargné des ravages de cette plaie devrait s’abriter à l’intérieur de sa maison et y faire entrer toutes ses possessions. Ceux qui crurent en D.ieu suivirent ces directives et ne furent pas touchés par la grêle, alors que ceux qui n’eurent pas foi en Lui ne prirent pas ces précautions et furent frappés (cf. Chémot 9, 20-21). Comment comprendre que certains n’aient pas cru en l’Eternel, alors que, lorsque la plaie des poux était survenue, les magiciens avaient déjà fait remarquer à Paro « Il s’agit là du doigt de Dieu » (ibid. 8, 15) ?

Dans son ouvrage Kessef Mezoukak, le juste Rabbi Yochiyahou Pinto, de mémoire bénie, propose l’explication suivante. S’il est vrai que, dès l’arrivée des premières plaies, Paro et ses serviteurs ont été sujets à une certaine prise de conscience et ont désiré se repentir, cependant, ce remords demeurait encore purement extérieur et ne provenait pas du tréfonds de leurs cœurs. C’est la raison pour laquelle ils n’ont pas tous rassemblé leurs possessions à l’intérieur des maisons, suite à l’avertissement de Moché. Autrement dit, lorsque le repentir reste purement verbal, l’homme demeure le même impie qu’il était auparavant ; il croit seulement avoir des regrets, mais, en réalité, sa démarche de retour est hypocrite et ne peut donc être agréée.

Rabbi Yochiyahou Pinto explique de la façon suivante le verset : « L’Eternel dit à Moché : “Va chez Paro, car Moi-même J’ai endurci son cœur et le cœur de ses serviteurs, afin que Je place Mes signes au milieu d’eux.” » (Chémot 10, 1) Lorsque le Saint béni soit-Il constata que Paro ne s’était pas repenti sincèrement, mais uniquement de façon superficielle, Il endurcit son cœur, dans le but de le frapper encore par les sauterelles, l’obscurité et la mort des premiers-nés, pour qu’il finisse par se repentir intégralement.

Toutefois, l’Eternel continua à endurcir le cœur de Paro, même suite à la dernière plaie – la mort des premiers-nés – pour qu’il poursuive les enfants d’Israël jusqu’à la mer des Joncs. En quoi était-ce nécessaire ? En réalité, lorsque la mort des premiers-nés est survenue, Paro ne s’est repenti que parce qu’il craignait en être lui aussi touché, et non par soumission devant le Tout-Puissant. Ceci illustre à quel point on tient rigueur à l’homme pour son comportement.

Cette étude nous livre un enseignement important : il ne suffit pas de se repentir verbalement, mais cela doit surgir du tréfonds du cœur. Or, si nous désirons nous assurer que notre repentir provient bien de l’intériorité de notre être, il nous incombe de procéder à un examen de conscience scrupuleux. Car, un homme ne se repentant que verbalement, et non parce qu’il a le cœur déchiré, demeurera dans son impiété et ne pourra réellement se repentir ; dès lors, il ne parviendra jamais à craindre la parole divine.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Ainsi parle le Seigneur D.ieu (…) » (Yé’hezkel chap. 28)

Lien avec la paracha : dans la haftara sont évoquées les prophéties relatives à la chute de l’Egypte, sujet que l’on retrouve dans la paracha, où sont décrites les plaies par lesquelles l’Eternel frappa ce pays.

CHEMIRAT HALACHONE

Même si c’est la vérité

De même qu’il est interdit de croire à des propos médisants entendus d’une personne, cela reste interdit si on les entend de deux ou plusieurs individus. Car, même si, d’après eux, untel s’est mal comporté, ils ont, quant à eux, enfreint l’interdit : « Ne va point colporter le mal parmi les tiens », interdit incluant des paroles médisantes véridiques.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

A chaque créature sa subsistance

Je voudrais rapporter un petit incident qui s’est déroulé chez nous, très instructif concernant la Providence de D.ieu envers toutes Ses créatures, même les plus petites.

C’était un vendredi. Tôt dans l’après-midi, je mis entre parenthèses mes activités communautaires pour me consacrer, avec ma famille, aux préparatifs du Chabbat. Soudain, j’aperçus une petite fourmi qui avançait vers l’étage inférieur de notre maison.

Je la suivis un moment du regard. Lorsque mon assistant constata que la présence de l’insecte avait retenu mon attention, il me proposa aussitôt de le tuer pour nous en débarrasser. Mais je l’arrêtai et continuai à suivre son avancée. Ne pouvant m’attarder plus longtemps à observer la progression de la minuscule créature, je chargeai mon assistant d’y jeter de temps à autre un coup d’œil pendant ses activités.

Après deux heures, celui-ci m’appela depuis le sous-sol de la maison. Il me raconta que la fourmi était descendue jusqu’à la cave, où l’attendait une araignée. Lorsque cette dernière découvrit la fourmi qui venait vers elle, elle se hâta d’aller à sa rencontre et n’en fit qu’une bouchée.

Avec quelle sagesse merveilleuse le Créateur dirige-t-Il le monde ! Il savait qu’au cours de l’hiver, l’araignée trouverait refuge au sous-sol de notre maison et que, un beau jour, elle serait affamée et n’aurait rien à manger. C’est pourquoi Il prévit à son intention cette fourmi, créée certainement quelques mois plus tôt, en été, et la fit traverser une grande distance jusqu’à ce qu’elle arrive à l’araignée dont elle devait constituer la pitance.

C’est sur cette remarquable gestion du monde que David Hamélekh s’émerveillait : « Tous mettent en Toi leur attente, assurés que Tu leur donneras leur nourriture en temps voulu. » (Téhilim 104, 27-28)

D.ieu pourvoit aux besoins de toutes les créatures de manière extraordinaire et, a fortiori, à ceux des hommes qui, conscients de Sa toute-puissance, placent leur confiance en Lui. C’est pourquoi nos yeux ne doivent être tournés que vers Lui, pour Le prier de nous accorder notre nourriture de bonne grâce, avec bonté et miséricorde, dans l’abondance et la dignité.

PAROLES DE TSADIKIM

Quand la Miséricorde réclame sa place

Rabbi Chmouel Di Modina (Maharchadam, Ora’h ‘Haïm 3) affirma en public qu’il détenait « une perle précieuse ». Dans la section de Béréchit (2, 4), nous pouvons lire : « Telles sont les origines du ciel et de la terre, lorsqu’ils furent créés ; à l’époque où l’Eternel-D.ieu fit une terre et un ciel. » Il est à remarquer que l’association de ces deux Noms divins n’apparaît plus dans la suite du texte saint, jusqu’à la paracha de Vaéra, lorsqu’il est question de la plaie de la grêle. Ceci réclame un éclaircissement.

Il explique que, avant de frapper l’Egypte par la Rigueur, le Saint béni soit-Il se conduisit en vertu de la Miséricorde, en épargnant le blé et l’épeautre de la destruction causée par la grêle, fait miraculeux. Pourquoi avoir opéré un tel prodige ? Car la survie de l’homme dépend de ces denrées de base ; aussi, dans Sa grande bonté, l’Eternel eut pitié des Egyptiens, en dépit de leur impiété.

Rabbi Messod ben Chimon chelita objecte : s’il en est ainsi, pourquoi ne se comporta-t-Il pas avec compassion à leur égard lors de la plaie du sang, où il était aussi question de survie, ou encore des autres plaies qui confrontèrent les Egyptiens à un réel danger de mort ? Pour aucune autre d’entre elles, nous ne trouvons que le Créateur associa la Miséricorde à la Rigueur. Pourquoi le fit-Il uniquement pour la plaie de la grêle ?

Rabbi Messod nous donne la merveilleuse réponse qui suit. Quand cette plaie survint, les Egyptiens firent preuve d’un certain degré de crainte du Ciel, puisque, ceux qui craignaient D.ieu mirent leurs serviteurs à l’abri. C’est pourquoi le Saint béni soit-Il leur témoigna, en retour, Sa Miséricorde, malgré la dure sentence qu’Il allait appliquer à leur encontre.

J’ajouterai une autre raison pour laquelle Il fit preuve de compassion précisément concernant la plaie de la grêle. Car, alors, le feu et l’eau coexistèrent pacifiquement, au point que celle-ci générait la flamme, au lieu de l’éteindre. Du fait que ces éléments furent prêts à faire la paix afin de sanctifier le Nom divin dans le monde, la Miséricorde se manifesta pour réclamer sa place.

Car, en tout lieu où le Nom divin est sanctifié, l’attribut de Miséricorde est en mesure de se mettre en avant.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

La bonté des peuples, un crime

Dans un certain ouvrage, j’ai lu la question suivante : pourquoi Moché s’est-il montré reconnaissant envers l’eau et la terre, alors qu’il ne l’a pas été à l’égard de Paro, qui l’avait élevé dans son palais et rendu prince ? Si un homme est reconnaissant envers une créature inanimée, a fortiori il doit l’être à l’égard d’un être humain ! En outre, non seulement Moché n’a pas été reconnaissant envers Paro, mais en plus, il a été responsable des dix plaies qui l’ont frappé.

Je propose de répondre à cette interrogation par le récit d’un incident qui m’est arrivé. Quelqu’un vint une fois me voir pour me dire que nous devons être reconnaissants à Hitler – que son nom soit effacé –, car c’est grâce à lui que l’Etat d’Israël a pu être fondé. En effet, si ce dernier n’avait pas exterminé le peuple juif, les nations du monde n’auraient pas ressenti la nécessité de lui accorder un état. Cette réflexion me scandalisa : comment est-il possible d’éprouver de la gratitude à l’égard de celui qui causa la mort de six millions de Juifs ?! Cela serait aussi ridicule que d’affirmer que nous devons être reconnaissants à Aman, du fait que, grâce à son projet d’exterminer le peuple juif, nous fêtons aujourd’hui Pourim, avec toutes les mitsvot que cette fête inclut. De tels raisonnements sont à la fois odieux et insensés.

Néanmoins, cette anecdote nous permet de comprendre pourquoi Moché ne s’est pas montré reconnaissant à l’égard de Paro pour toutes les années durant lesquelles il l’avait élevé dans son palais. Car, ce dernier, qui persécutait le peuple juif, avait le statut d’un vrai mécréant ; aussi, même s’il a été bienveillant envers Moché lorsqu’il était enfant, cette bonté s’apparentait à celle décrite par le verset : « La bonté des peuples est un crime. » (Michlé 14, 34) Il n’était donc nullement nécessaire de lui témoigner de la reconnaissance, au contraire, il fallait le punir doublement pour toute la peine et le mal qu’il avait causés aux enfants d’Israël en les asservissant. A l’inverse, si un homme se montre reconnaissant envers un mécréant, c’est comme s’il donnait son accord à ses mauvaises actions et s’associait aux forces impures. Si, à D.ieu ne plaise, Moché avait exprimé son estime pour la bonté que Paro lui avait témoignée, il aurait, pour ainsi dire, soutenu un pécheur et donné son appui à ses actes maléfiques.

Pour cette raison, je m’efforce de ne pas accepter d’argent de personnes qui profanent le Chabbat. Car, utiliser cet argent reviendrait à donner appui à ces gens-là, comme si on attestait la droiture de leur conduite, ce qui leur permettrait de continuer à profaner ce jour saint. D’ailleurs, il est très courant que des personnes ouvrant leur commerce le Chabbat cherchent ensuite à apaiser leur conscience en consacrant une partie de leurs bénéfices à des œuvres de charité et de bienfaisance. Il nous appartient de nous renforcer en prenant conscience que l’utilisation de fonds provenant d’un péché ne procure aucune bénédiction. De plus, faire usage de cet argent risque d’être interprété comme une attestation accordée au donateur, qui sera alors encouragé à poursuivre dans sa mauvaise voie.

PERLES SUR LA PARACHA

Agir de manière désintéressée

« Or, Moché était âgé de quatre-vingts ans et Aharon de quatre-vingt-trois ans, lorsqu’ils parlèrent à Paro. » (Chémot 7, 7)

Le Ktav Sofer demande pourquoi les âges de Moché et d’Aharon sont précisés dans ce verset. Il explique que la Torah atteste ainsi qu’ils remplirent leur mission dans le seul but de se plier à l’ordre divin, et non afin d’en retirer des honneurs, en tant qu’envoyés de l’Eternel.

Concernant Moché, nous savons déjà qu’il ne remplit pas cette mission pour être glorifié, puisqu’il avait tenté de la refuser à maintes reprises et ne l’accepta que contre son gré. Mais, on aurait pu penser qu’Aharon fût animé de mobiles personnels. Aussi, la Torah précise-t-elle les âges des deux frères, afin de souligner que ses intentions étaient également pures. En effet, être l’interprète de son frère, plus jeune que lui, était quelque peu dégradant ; et pourtant, Aharon accepta de remplir ce rôle, preuve de son total désintéressement.

Exprimer clairement sa requête

« Moché implora le Seigneur au sujet des grenouilles qu’Il avait envoyées contre Paro. » (Chémot 8, 8)

Le Or Ha’haïm commente : « Nous en déduisons la nécessité d’être explicites dans notre prière. »

Notre verset soulève en effet la question suivante : pourquoi était-il nécessaire que Moché mentionne dans sa prière le nom de Paro, alors que l’Eternel savait bien qu’il parlait des grenouilles envoyées à ce dernier ? D’où la déduction du Or Ha’haïm selon laquelle nous devons exprimer notre requête en termes explicites.

Le Or Ha’haïm détaille cette idée dans son commentaire sur l’incipit de la section de Vaet’hanan, « J’implorai l’Eternel à cette époque, en disant ». Il rapporte une histoire du Midrach. Un homme marchait, portant de lourdes charges. Il pria l’Eternel en disant : « Fais venir un âne près de moi. » Aussitôt après, un jeune âne apparut, conduit par un non-juif. Mais, ce dernier lui ordonna de porter son âne, en plus des lourdes charges avec lesquelles il peinait déjà. Ce Juif demanda ensuite aux Sages pourquoi sa prière n’avait pas été agréée.

Ils lui expliquèrent qu’il aurait dû exprimer plus clairement sa requête, en demandant au Créateur de faire venir près de lui un âne qui l’aide à porter ses charges. Du fait qu’il avait omis cette précision, des accusateurs en ont profité pour interpréter sa prière à leur gré. Aussi, un âne apparut effectivement, mais pour son malheur, puisqu’il fut contraint de le porter, en plus de son propre fardeau.

Ainsi, l’expression « en disant » souligne la nécessité d’expliciter clairement l’objet de notre requête.

Honorer tout homme

« Il leur donna des ordres pour les enfants d’Israël et pour Paro, roi d’Egypte. » (Chémot 6, 13)

Rachi explique que le Saint béni soit-Il donna ici à Moché et Aharon l’instruction particulière de témoigner des honneurs au roi d’Egypte lorsqu’ils s’adresseraient à lui.

Dans son ouvrage Nahar Mitsrayim, Rabbi Aharon ben Chimon zatsal affirme : « En Egypte, il est d’usage d’inviter les gens aux funérailles. Celui qui est invité à participer à un enterrement doit s’y rendre, afin de cultiver la paix. A fortiori, quand il s’agit d’une personnalité comme le roi, où il est aussi question d’une politesse d’ordre officiel. En particulier, concernant le royaume égyptien, au sein duquel toutes les religions et les langues sont respectées de la même manière, et tout individu est honoré. »

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Les élèves du ‘Hozé de Lublin zatsal lui demandèrent : « Dans notre paracha (Chémot 6, 26), Rachi explique : “Tantôt Aharon est nommé avant Moché, tantôt Moché avant Aharon, pour souligner qu’ils sont équivalents.” Comment comprendre cette interprétation, alors que nos Sages ont affirmé que, de même que les hommes ont une physionomie différente les uns des autres, leurs jugements ne se ressemblent pas non plus ? »

Le ‘Hozé leur répondit que ces paroles de nos Maîtres s’appliquent à des gens qui se considèrent comme importants et restent sur leurs positions ; leur jugement ne peut donc bien sûr pas être le même que celui de leur prochain. Par contre, Moché et Aharon dirent à leur sujet : « Que sommes-nous ? » Autrement dit, ils ne présumaient pas d’eux-mêmes, annulant au contraire leur ego ; c’est pourquoi ils étaient en mesure de partager le même jugement.

La reconnaissance est l’une des vertus les plus importantes. Lorsqu’un homme est reconnaissant envers son bienfaiteur, il peut parvenir à la perfection dans ses actes, aussi bien ceux vis-à-vis de l’Eternel que ceux accomplis envers son prochain. En effet, il reconnaîtra les nombreux bienfaits du Créateur à son égard, ainsi que les actes charitables d’autrui, auquel il désirera rendre la pareille.

L’importance de la reconnaissance peut être illustrée par l’histoire suivante, rapportée dans le livre Bédidi havé ouvda.

Un jeune ba’hour d’environ treize ans étudiait dans une Yéchiva de haut niveau en Europe. La synagogue tenait lieu de salle d’étude et les jeunes gens prenaient leurs repas chez des habitants de la ville. Chaque jour, ils allaient manger ailleurs. Parfois, il arrivait qu’ils ne soient pas invités et restent affamés. Ils dormaient également dans la synagogue. Les plus anciens d’entre eux prenaient les places de choix, en l’occurrence les bancs, alors que les plus nouveaux, dont ce jeune ba’hour, devaient dormir par terre, à défaut d’autre place.

En été, c’était encore supportable, mais, arrivé l’hiver et, avec lui, les tempêtes de neige, ces conditions devenaient très difficiles. Même durant la journée, notre jeune ba’hour souffrait, car, n’ayant presque pas fermé l’œil de la nuit, il avait beaucoup de mal à rester éveillé.

Un jour, il reçut une lettre de son oncle, le frère de sa mère, qui était forgeron et serrurier. Il l’invitait à venir chez lui et à apprendre son métier. N’ayant pas d’enfant, il lui promettait que, s’il apprenait le métier et l’aidait dans ses affaires, il serait son héritier. Le jeune homme fut en proie à une déchirante lutte intérieure. Finalement, il décida d’accepter la proposition de son oncle et de quitter la Yéchiva, mais seulement le lendemain. « Ce sera la dernière nuit où je dormirai sur le sol gelé », pensa-t-il.

Au milieu de la nuit, une femme apparut soudain à l’entrée de la synagogue. Seul le jeune ba’hour, qui avait du mal à s’endormir, était encore réveillé. La dame s’approcha de lui et lui raconta : « Je viens de terminer la période de chiva pour mon mari. Je me retrouve maintenant seule, car je n’ai pas d’enfants. Mon mari possédait une usine de couvertures. Il m’en reste quelques-unes à la maison et je suis intéressée à les donner à des ba’hourim étudiant à la Yéchiva. »

« Depuis ce jour, raconte le ba’hour, le sommeil cessa de perturber mon étude. » Grâce à cette couverture, il continua à étudier et à s’élever dans la Torah.

Plus tard, ce ba’hour devint le prestigieux Gadol Hador, qui enseigna la Torah à une multitude d’élèves, le Gaon Rabbi Elazar Ména’hem Man Shakh zatsal.

Mais l’histoire n’est pas terminée. En un jour froid d’hiver de l’année 5736, alors que la pluie était battante, Rav Shakh dit à son petit-fils de demander à un ami ayant une voiture de le conduire à un enterrement à ‘Haïfa. Toutes les tentatives de dissuasion de ce dernier furent vaines : en dépit des médiocres conditions météorologiques, le Rav désirait absolument participer à cette lévaya. Son petit-fils pensa que, s’il était prêt à subir un tel dérangement, le défunt devait être une grande personnalité. Or, arrivé sur place, quelle ne fut pas sa surprise d’apprendre qu’il s’agissait d’une simple veuve, n’ayant pas laissé d’enfants. A peine une dizaine d’hommes étaient là pour l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure.

Durant tout le cérémonial de l’enterrement, Rav Shakh se tint debout sous la pluie battante. Après que la sépulture eut été recouverte, il prononça le Kaddich. Tandis qu’il se dirigeait, avec ses accompagnateurs, vers la voiture, il s’arrêta de marcher pour rester immobile sous la tempête de pluie et le vent glacial. Là encore, son petit-fils ne parvint pas à le convaincre de continuer à avancer. Après de longues minutes, le Rav poursuivit sa route en direction du véhicule dans lequel il prit place, complètement trempé et dégoulinant.

Durant tout le voyage de retour vers Bné-Brak, Rav Shakh garda le silence, ignorant les questions de son petit-fils. Arrivé chez lui, il changea ses vêtements mouillés, se réchauffa, puis accepta de lui expliquer sa conduite étrange : « Cette femme m’a sauvé la vie. C’est grâce à elle que je suis resté à la Yéchiva (…). Pendant plusieurs années, j’ai suivi ses traces et, quand j’ai appris son décès, j’ai ressenti comme un devoir capital de me rendre à son enterrement. »

Le petit-fils lui demanda pourquoi, suite à la lévaya, il était resté si longtemps immobile sous la pluie battante. Rav Shakh poursuivit alors ses explications : « Je désirais ressentir dans mon corps le froid et la souffrance terrible qu’il entraîne, pour me rappeler que j’étais plongé dans cette détresse lors des jours difficiles de ma jeunesse, mieux apprécier la bonté que cette femme m’avait alors témoignée et lui en être reconnaissant. » 

 

 

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