Parachat Bechala'h 8 Février 2020 י"ג שבט התש"ף |
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La spécificité de la délivrance d’Egypte
Rabbi David Hanania Pinto
« L’Eternel, en ce jour, sauva Israël de la main de l’Egypte ; Israël vit l’Egyptien gisant sur le rivage de la mer. » (Chémot 14, 30)
Le ‘Hida demande pourquoi, à toute occasion, dans nos bénédictions et nos prières, nous mentionnons le « souvenir de la sortie d’Egypte », alors que nous passons sous silence les autres délivrances dont bénéficia notre peuple tout au long de l’histoire. En effet, nous ne trouvons nulle mention de celles, successives, accomplies en faveur de nos ancêtres à l’époque des juges, comme le rapporte en détail le livre de Choftim, ni de celle successive à l’exil de Babylone ou à l’exil de Perse et Médie, au temps de Mordé’khaï et d’Esther, ou encore de celle survenue à l’époque de ‘Hanouka pour les Hasmonéens. Pourquoi donc la libération d’Egypte occupe-t-elle cette place unique ?
C’est que, le miracle représenté par cette délivrance concernait le peuple juif dans son ensemble, dont tous les membres avaient été physiquement asservis et spirituellement souillés sous le joug de Paro. Sans l’intervention divine, ils seraient tombés dans le cinquantième degré d’impureté et leur souvenir aurait été effacé à jamais.
Par contre, il est fort probable qu’en l’absence des autres délivrances, de petits groupes de rescapés auraient malgré tout pu s’en sortir. Même si une seule Juive avait survécu et même dans le cas où elle eût épousé un non-juif, elle aurait donné naissance à un enfant juif, ce qui aurait assuré la pérennité de notre peuple (cf. Yévamot 45b où est expliqué le cas d’une juive épousant un serviteur ou un non-juif). Ainsi, suite au décret d’Aman, des Grecs ou encore de l’Holocauste, une poignée de survivants serait toujours restée. Seule la délivrance finale qui marquera la venue du Messie sera commémorée à part entière (Brakhot 12b). Car, à l’image de celle d’Egypte, elle sera généralisée, comme il est dit : « Oui, comme à l’époque de ta sortie d’Egypte, Je te ferai voir des prodiges. » (Mikha 7, 15) Ainsi, la délivrance d’Egypte, d’une plus grande ampleur que les autres et les comprenant toutes, se trouve évoquée à l’exclusivité.
La parabole suivante nous permettra de mieux saisir cette idée. Le cadeau du riche est bien plus conséquent que celui du pauvre. Il en résulte que, face au cadeau du premier, on oubliera celui du second, insignifiant en comparaison. Par contre, en voyant le présent de l’indigent, on se souviendra également de celui du nanti. De même, la sortie d’Egypte, prépondérante par rapport aux autres délivrances, est évoquée simultanément à elles. Il va sans dire que nous devons être reconnaissants vis-à-vis de l’Eternel pour toutes les délivrances effectuées en notre faveur, mais elles sont incluses dans la plus capitale, celle d’Egypte. Aussi, lorsque nous l’évoquons, nous incluons les nombreuses autres délivrances dont jouit notre peuple tout au long de l’histoire.
En outre, les autres délivrances n’ont pas apporté à notre peuple une libération totale, comme le fit celle d’Egypte. En effet, à la fin de l’exil de Babylone, des Juifs restèrent encore sur cette terre étrangère, même après le départ de leurs frères en Terre sainte pour construire le second Temple. De même, le miracle de ‘Hanouka n’enraya pas complètement la culture grecque, encore subsistante dans le monde. Quant au décret d’Aman, il fut certes annulé, mais de nombreux autres décrets semblables ont été prononcés à notre encontre au cours des générations.
A présent, revenons à la question du ‘Hida. En quoi la délivrance d’Egypte fut spécifique par rapport aux autres ? En réalité, la Torah et le repentir constituent la véritable délivrance du Juif. Seuls ceux-ci sont à même de l’affranchir réellement. L’exil, quant à lui, est un éloignement de la Torah. D’ailleurs, le mot galout (exil) peut être rapproché du mot guéoula (libération), seule la Torah les séparant.
Or, la libération d’Egypte visait le don de la Torah. Si nos ancêtres étaient prêts à se soumettre à son joug, ils mériteraient la délivrance. Bien qu’ils ne détinssent pas encore la Torah et fussent plongés dans le quarante-neuvième degré d’impureté (Zohar ‘Hadach, début de Yitro), l’Eternel les libéra de manière surnaturelle. C’est aussi pourquoi nous rappelons sans cesse le caractère miraculeux de cette libération. Les autres délivrances, quant à elles, survinrent après le don de la Torah. Les exils et les décrets qui les précédèrent étaient dus à un relâchement dans l’étude de la Torah, si bien que, dès l’instant où les enfants d’Israël se ressaisirent dans ce domaine, les décrets pesant sur eux furent annulés et ils jouirent de la délivrance. C’est la raison pour laquelle nous n’évoquons pas le souvenir des diverses délivrances, puisque le pouvoir de les entraîner a toujours été entre nos mains, si seulement nous le voulions bien. Car, comme l’enseignent nos Maîtres, « la Torah se trouve à tous les coins de rue, à la disposition de quiconque la désire ».
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Le pouvoir de la volonté
Un jour, je reçus un rabbin libéral, dont la conception du monde est en contradiction avec la mienne en tant que Rav orthodoxe. J’étais cependant conscient qu’il lui avait fallu se rabaisser pour venir me demander une bénédiction personnelle, ce qui ne laissait de m’étonner.
« Outre la bénédiction que je suis venu vous demander, m’expliqua-t-il, cela fait longtemps que mon ami essaie de me convaincre de vous rencontrer pour discuter avec vous du judaïsme. Je suis donc également venu dans ce but. »
Je n’avais malheureusement pas le temps de m’attarder avec lui plus longtemps, car il y avait une longue liste de personnes qui attendaient de l’autre côté de la porte, dans l’espoir de recevoir conseils et bénédictions. De ce fait, je n’eus d’autre choix que d’être bref, mais, du Ciel, on plaça dans ma bouche les mots justes pour le toucher.
Citant le verset sur lequel le livre de Chémot s’ouvre, « Voici les noms des enfants d’Israël venus d’Égypte avec Yaakov » (Chémot 1, 1), sans savoir pourquoi, j’insistai en répétant à plusieurs reprises les mots « avec Yaakov ». Soudain, je remarquai que mon interlocuteur avait pâli et semblait même sur le point de s’effondrer.
« Comment savez-vous que cet ami qui m’a envoyé chez vous s’appelle Yaakov ? » me demanda-t-il d’une voix faible.
« Je ne le savais pas », lui répondis-je. « C’est D.ieu qui m’a fait prononcer ce verset. Du Ciel, on a vu que vous aviez fait l’effort de venir consulter un Rav orthodoxe, aux vues opposées aux vôtres, dans le but d’analyser avec lui les bases du judaïsme, et c’est pourquoi on a mis dans ma bouche les mots justes pour vous choquer et vous réveiller afin que vous fassiez téchouva. »
C’est la profonde volonté de cet homme de rechercher la vérité qui le poussa certainement à venir me voir et m’amena, de mon côté, à citer le verset à même de lui provoquer un choc et le détourner de la voie du Judaïsme réformé.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Dvora chanta (…) » (Choftim chap. 5)
Lien avec la paracha : la haftara raconte la chute de Sisra et de son armée et le cantique entonné par Dvora et Barak, fils d’Avinoam, suite au miracle de leur victoire contre leurs ennemis, tandis que la paracha évoque la chute de Paro l’impie, dont l’armée se noya dans les profondeurs de la mer Rouge, et le cantique entonné par Moché et les enfants d’Israël sur le rivage de la mer.
Les achkénazes lisent la haftara : « Or Dvora, une prophétesse (…) » (Choftim chap. 4)
CHEMIRAT HALACHONE
Quand il est permis de croire à la médisance
Il est permis de donner crédit à de la médisance entendue sur un mécréant de notoriété publique, c’est-à-dire sur un individu dont on sait qu’il a plusieurs fois transgressé de plein gré des interdits de la Torah connus par tous.
PAROLES DE TSADIKIM
Quelle musique vous parle ?
« Alors Moché et les enfants d’Israël chantèrent l’hymne suivant. » (Chémot 15, 1)
Le judaïsme accorde une place d’honneur au chant dans toute célébration liée à une mitsva – mariage, repas de Chabbat et de fêtes, sioum d’un traité de Guémara, circoncision, bar-mitsva… Dans la prière également, certaines parties ne sont pas récitées simplement, mais sur un ton mélodieux. Certains Guédolé Hador eux-mêmes, qui veillent à ne pas perdre un seul instant, ont pourtant consacré de leur temps pour composer des chants propres à éveiller le cœur des générations futures.
Nous avons choisi de rapporter un discours prononcé à ce sujet par le célèbre éducateur Rav Pin’has Breuier chelita, lui-même très impliqué dans le domaine de la chanson :
« Le chant possède un pouvoir extraordinaire. S’adressant directement à l’âme, il fait des brèches dans les murailles et dépasse toutes les frontières. L’homme le plus froid sera ému à l’écoute de sa douce mélodie, tandis que l’individu déprimé se mettra à danser de joie. Tel est le pouvoir unique de la chanson. Rien de matériel ne peut remuer l’âme humaine comme elle le fait. On n’a jamais vu un homme ému jusqu’aux larmes en mangeant un bon steak, ou quelqu’un soudain joyeux après avoir savouré un doux sommeil. Seule la chanson est en mesure d’influencer l’âme et, de surcroît, de manière immédiate.
« Il est possible d’arriver à un mariage épuisé et, soudain, de se retrouver au milieu de danses joyeuses et vertigineuses, complètement coupé du passé et du futur, ou encore d’être plongé dans un autre monde à l’entente de mélodies émouvantes.
« Une chanson empreinte de sainteté, composée par un homme craignant D.ieu, éveillera dans notre cœur le désir de servir l’Eternel. Par contre, une autre, composée par un homme de peu de valeur qu’on aurait interdit à son enfant de fréquenter, comment accepter qu’il l’écoute, qu’il soit réceptif à ce message adressé à son cœur ?
« Quant à la nouvelle mode d’adopter des mélodies non-juives ou non-religieuses et de leur associer des mots saints, cela revient à se tremper dans un bain rituel, une vermine à la main. Peu à peu, ces nouvelles chansons s’introduisent dans les mariages juifs religieux, tandis que des ba’hourim dansent à leur rythme.
« Alors que le chant saint s’adresse à l’âme, ce type de chansons frivoles s’adresse au cœur. Si nous écoutons celles-ci, serions-nous également prêts à engager un dialogue de cœur à cœur avec leurs compositeurs ? Certainement pas ! Et pourtant, c’est ce que nous faisons en leur permettant de s’adresser directement à nos cœurs et à ceux de nos enfants.
« Un Gadol Hador demanda une fois à un de ces chanteurs pourquoi il composait et interprétait des chansons légères. Il répondit que, par ce biais, il parvenait à attirer de nombreux Juifs et avait ainsi le sentiment de les rapprocher de nos sources.
« Le Sage lui répondit par l’histoire qui suit. A sa mort, un chanteur de ce type a été interrogé par le tribunal céleste : pourquoi a-t-il composé des airs frivoles ? Il expliqua, à sa défense, que son but était de rapprocher ses frères juifs de leur Père céleste, mission qu’il s’est donnée toute sa vie durant. On lui répondit de s’asseoir à l’entrée du jardin d’Eden et d’observer s’il connaissait l’une de ces personnes qu’il avait ainsi rapprochées ; le cas échéant, le droit d’entrée lui était également accordé. “Sachez, conclut le Gadol Hador, que ce chanteur est encore en train d’attendre…” »
PERLES SUR LA PARACHA
Se lamenter d’un manque de crainte du Ciel
« Remplis d’effroi, les Israélites jetèrent des cris. » (Chémot 14, 10)
Pourquoi les enfants d’Israël crièrent-ils ?
Rabbi Klonimous Kalman HaLévi Epstein zatsal de Cracovie, auteur du Maor Vachamèch, explique qu’en réalité, ils crièrent d’avoir eu peur des Egyptiens. Ils éprouvèrent du chagrin d’avoir craint des êtres de chair et de sang. Car, un homme animé d’une authentique crainte de D.ieu a honte d’avoir peur d’une créature matérielle, conscient que seul le Très-Haut doit lui inspirer de la crainte.
Une faveur pour qui ?
« Et ils dirent à Moché : “Est-ce faute de trouver des sépulcres en Egypte que tu nous as conduits mourir dans le désert ?” » (Chémot 14, 11)
Le Ktav Sofer explique en quoi consistait cette plainte des enfants d’Israël. Après avoir assisté aux nombreux prodiges accomplis par l’Eternel sur le sol égyptien, dans le but de les délivrer, ils se retrouvèrent en proie à une grande détresse. Aussi, ne crurent-ils plus en leur salut, pensant que tous ces miracles n’avaient pas été opérés en leur faveur, mais uniquement afin qu’ils puissent emporter avec eux les ossements de Yossef et des tribus, pour leur éviter d’être enterrés dans un pays impur.
D’où la teneur de leur discours : « Est-ce faute de trouver des sépulcres en Egypte » – des sépulcres suffisamment dignes pour nos ancêtres – « que tu nous as conduits mourir dans le désert ? » « Quel bien nous as-tu fait, en nous tirant de l’Egypte ? » poursuivirent-ils. En d’autres termes, quel intérêt en retirons-nous ? Seuls nos ancêtres vont en profiter.
Le soir des enfants, le matin des bien-aimés
« Alors Moché et les enfants d’Israël chantèrent l’hymne suivant. » (Chémot 15, 1)
Rav ‘Haïm Kanievsky chelita demande pourquoi, dans la prière d’arvit, nous disons « Voyez, enfants, Sa vaillance, louez et glorifiez Son Nom », alors que dans celle de cha’harit, nous affirmons « Pour cela, les bien-aimés loueront » ? Comment, en l’espace d’une nuit, nous sommes passés du statut d’enfant à celui de bien-aimé ?
Il explique qu’il existe une différence de fond entre un fils et un bien-aimé. Le statut de fils est irrévocable. Même un enfant qui ferait les plus grandes bêtises envers son père resterait son enfant. Ceci est corroboré par la Guémara (Kidouchin 36a) : « Rabbi Meïr affirme : qu’il en soit ainsi ou autrement, vous êtes appelés enfants [de D.ieu], comme il est dit : “Race de malfaiteurs, enfants dégénérés.” » Par contre, seul un fils honorant son père mérite le titre de bien-aimé.
Dans les Pirké de Rabbi Eliezer, il est rapporté que, lorsque nos ancêtres se retrouvèrent dans la situation périlleuse où la mer leur faisait face et les Egyptiens étaient à leurs trousses, ils eurent très peur, abandonnèrent toutes les abominations égyptiennes auxquelles ils étaient attachés et firent complète repentance.
Le Rambam écrit (Hilkhot Téchouva 7, 6) : « Le repentir rapproche les personnes éloignées. Celui qui, la veille, était détestable, abominable, éloigné et répugnant aux yeux de D.ieu, ce jour-là, est bien-aimé, agréé, proche et ami de Lui. » Ainsi, avant la séparation de la mer, les enfants d’Israël avaient le statut d’enfants, alors que le lendemain matin, après qu’ils se furent repentis, ils devinrent Ses bien-aimés.
D’où la différence entre la prière du soir où nous évoquons le statut de « fils » et celle du matin où nous mentionnons celui de « bien-aimés ».
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La joie, condition au maintien de la Torah
« Alors Moché et les enfants d’Israël chantèrent l’hymne suivant à l’Eternel. Ils dirent : “Chantons l’Eternel, Il est souverainement grand ; coursier et cavalier, Il les a lancés dans la mer.” » (Chémot 15, 1)
Dans le Midrach, il est écrit : « Les anges ont voulu chanter un hymne à la gloire de Dieu et l’Eternel leur a dit : “Les créatures de Mes mains sont en train de se noyer dans la mer et vous prononceriez un hymne en Mon honneur ?!” » (Yalkout Chimoni, Chémot 233)
Ce Midrach soulève la question suivante : comment expliquer que les enfants d’Israël, quant à eux, aient eu la permission de chanter cet hymne ? Quelle différence existait-il entre eux et les anges ?
Proposons l’explication suivante. Certes, il est difficile pour le Saint béni soit-Il de punir Ses propres créatures et c’est pourquoi, Il n’a pas permis aux anges de chanter un hymne. Cependant, aux enfants d’Israël qui, pendant toutes ces années, avaient tant souffert de l’oppression égyptienne, Il a accordé le droit de prononcer cet hymne, lorsque leurs ennemis ont été noyés dans la mer des Joncs. Car, s’ils n’avaient pas chanté ce chant, qui jaillit du fond de leurs cœurs emplis de joie, ils n’auraient pas été en mesure de ressentir leur liberté et leur affranchissement du joug de l’esclavage égyptien, visant à devenir les serviteurs de l’Eternel.
Nous pouvons également envisager une autre démarche explicative. Le peuple juif était sur le point de recevoir la Torah ; or, la joie est indispensable au maintien de celle-ci, comme le souligne le verset : « Servez le Seigneur avec joie. » (Téhilim 100, 2) Aussi, D.ieu a-t-Il permis aux enfants d’Israël de chanter et de se réjouir, afin que cette joie constitue une étape préparatoire au don de la Torah. En outre, cette joie leur était également indispensable à la révélation divine.
On raconte que, au moment où il étudiait, Rabbénou Tam, un des Tossaphistes, avait l’habitude de placer devant lui de l’argent, afin que son cœur s’emplisse de joie et que son étude gagne ainsi en qualité. Il va sans dire que la Torah était plus importante à ses yeux que l’argent – la preuve étant qu’il consacra toute sa vie à l’étude et ne chercha pas à amasser des biens matériels. Mais, l’argent lui procurait un sentiment de joie et c’est pourquoi, il le plaçait devant lui au moment de l’étude. Ceci nous permet de comprendre qu’après que les enfants d’Israël se furent réjouis de la perte des Egyptiens, l’Eternel les fit encore hériter du butin déposé sur le rivage de la mer, pour que leurs cœurs soient davantage comblés de joie, lorsque, plus tard, ils recevraient la Torah.
Le roi David s’exclame dans les Psaumes (84, 3) : « Mon âme soupirait (nikhssefa) et languissait après les parvis du Seigneur ! » Rabbi Yochiyahou Pinto, que son mérite nous protège, explique que le verbe nikhssefa exprime la nostalgie éprouvée par le roi David pour le Temple. D’autre part, ce terme est formé à partir de la racine kessef (argent). Autrement dit, l’argent procure une joie telle qu’il ouvre les portes au sentiment de nostalgie pour le Temple de l’Eternel.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
« Le peuple pourrait se raviser à la vue de la guerre et retourner en Egypte. » (Chémot 13, 17)
Rachi commente : « Ils changeraient d’idée, regrettant d’être sortis, et s’appliqueraient à retourner. » Ceci est, pour le moins, surprenant : comment comprendre que les enfants d’Israël eussent envisagé de regagner l’Egypte ? Avaient-ils déjà oublié les travaux forcés et les coups de fouets ?
De fait, explique Rav Leiv ‘Hasman zatsal, l’homme est constitué de deux forces opposées. D’un côté, il est une parcelle divine et connaît des moments d’élévation et, de l’autre, il est constitué d’un corps matériel, de « poussière de la terre ». Tiraillé par ces deux extrêmes, il ressemble parfois à un animal ne sachant vers où se diriger. S’il voit une guerre, il perd son discernement. A l’image d’un cheval incapable de saisir la nature de son chevalier, le roi ou un simple sujet, et retournant en arrière si la guerre lui fait face, l’homme est susceptible d’avoir des sauts d’humeur : tantôt il se conduit comme un ange, tantôt comme un cheval.
Par conséquent, tout dépendra de l’habitude qu’il aura acquise. La routine est d’une puissance telle qu’un homme peut en venir à regretter son statut d’esclave auquel il s’était accoutumé. Le fait d’avoir ses repères – de savoir où sont l’épicerie, la banque et le cabinet du médecin – est fondamental pour l’homme.
Rabbi Chalom Shwadron zatsal raconte l’histoire suivante datant des débuts de l’état d’Israël. Celui-ci demanda alors à chaque famille d’accueillir une famille de nouveaux immigrants (‘haloutsim). Dans ce cadre, l’illustre famille Auerbach, parents de Rav Chlomo Zalman zatsal, dut recevoir un couple éloigné de la pratique du judaïsme. Ils s’installèrent donc dans la demeure du kabbaliste Rabbi ‘Haïm Leiv Auerbach. On leur expliqua avec finesse qu’ils devraient se conformer au style orthodoxe du quartier, afin de ne pas porter atteinte à son atmosphère et à son mode de vie particuliers.
Cependant, dès le premier Chabbat, ils commirent une transgression importunant le repos et la sainteté du jour. La Rabbanite demanda alors à son fils, le jeune Chlomo, de tenter de leur parler, avec une approche intelligente, du don de la Torah au mont Sinaï, des Dix commandements et de la sainteté du Chabbat, afin d’éviter de nouvelles tensions.
Avec tact et chaleur, le jeune homme développa à leur intention la signification profonde du Chabbat, la manière dont le Juif, en l’observant, témoigne du respect à son Créateur qui créa le monde en six jours et se reposa le septième… Le ‘halouts lui répondit : « Tu cherches à m’apprendre l’existence du Créateur ? Sache que je L’ai vu de mes propres yeux ! » « Comment donc ? » s’étonna son interlocuteur. L’autre commença alors son récit :
« Il y a de nombreuses années, à l’époque où une petite friction entre le prince d’une région et celui de la région voisine engendrait une guerre entre les deux villages, les uns tirant aveuglément sur les autres, je fus soudain mobilisé pour rejoindre le champ de bataille et défendre l’honneur bafoué de l’un de ces princes. Debout entre les tranchées, me voilà en train de tirer inlassablement. Pendant les pauses, je me mis à réfléchir, me demandant pourquoi j’avais été mêlé à toute cette histoire et quel intérêt on retirerait de tout ce sang versé.
« Soudain, je remarquai un groupe de jeunes hommes religieux de notre village, qui avaient eux aussi été recrutés. Puis, je vis qu’à chaque pose, ils se rassemblaient pour lire de petits ouvrages emportés avec eux et les commenter.
« Je m’approchai d’eux pour leur demander ce qu’ils faisaient. Je ne compris pas exactement ce qu’ils me répondirent, mais réalisai toutefois une chose : alors que ma situation me plongeait dans le plus grand désarroi, eux étaient convaincus de l’existence d’une force supérieure dirigeant tout cela du ciel. Ils savaient pertinemment que tous ces événements faisaient partie d’un plan soigneusement préconçu, même si ses rouages leur échappaient. Ils avaient foi dans le fait qu’il existait une raison supérieure à tout événement ayant lieu sur terre.
« Tout d’un coup, je me surpris, pour la première fois, en train de m’adresser au Maître du monde. Je Lui dis : “Veuille excuser ma franchise, toutefois, si Tu m’entends bien, donnes-en-moi un signe ! J’aimerais être libéré du service militaire, mais pas suite à une blessure qui me rendrait handicapé le reste de mes jours. Puis-je Te demander, par exemple, d’être blessé au doigt, ce qui me rendrait exempt de participer à la suite des combats, sans être gravement mutilé ?”
« Le sifflement aigu d’une balle interrompit brutalement mon discours. Comme tu le vois, elle m’atteignit au pouce et le coupa en deux.
« Je fus aussitôt évacué du champ de batailles et conduit à l’hôpital militaire. Je me promis que, dès mon retour à la maison, je m’instruirai sur le judaïsme, m’investirai dans sa pratique et me rapprocherai de mon Père céleste qui, comme je l’avais constaté, écoute toutes les prières.
« Malheureusement, je ne mis finalement pas mes projets à exécution. Je suis donc resté le même ignorant que j’étais, tandis que c’est toi, malgré ton jeune âge, qui me reproches d’avoir profané le Chabbat. Si j’étais immédiatement allé à la Yéchiva, j’aurais pu, aujourd’hui, t’enseigner les lois relatives au Chabbat ! Je te raconte cette histoire afin que tu prennes conscience de l’immense difficulté, pour l’homme, de se soustraire au règne de l’habitude. Souviens-toi de cette leçon et veille, au moins toi, à traduire en actes chaque éveil intérieur que tu ressentiras, à donner suite à toute volonté que tu éprouveras de t’améliorer. »