Parachat Michpatim - Chabbat Chékalim 22 Février 2020 כ"ז שבט התש"ף |
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Qui s’élèvera sur la montagne du Seigneur ?
Rabbi David Hanania Pinto
« Et, sur les nobles, parmi les enfants d’Israël, Il ne porta pas Sa main. Ils contemplèrent D.ieu, ils mangèrent et burent. » (Chémot 24, 9-11)
Le jour du don de la Torah, Nadav, Avihou et les soixante-dix anciens d’Israël s’élevèrent à un très haut niveau, puisqu’ils furent en mesure de contempler l’Eternel. La Torah précise que, au moment où ils perçurent la Présence divine, ils continuèrent à manger et à boire et ne furent pas saisis de peur devant la sainteté de cette révélation. Rachi commente, à l’appui du Midrach Tan’houma : « Ils Le regardaient avec une audace, qui leur venait d’avoir trop bu et trop mangé. »
Comment concevoir que Nadav, Avihou et les soixante-dix anciens, qui se distinguaient par leur sainteté, aient pu continuer à boire et à manger à l’instant où l’Eternel se révélait à eux, alors que, même en présence d’un roi humain, il ne viendrait pas à l’esprit d’une personne sensée de porter quoi que ce soit en bouche ?
En réalité, il ne s’agissait pas là d’une consommation ordinaire, mais plutôt d’une consommation assimilable à l’apport d’un sacrifice, dans l’esprit du verset « Voici la table qui est devant l’Eternel » (Yé’hezkel 41, 22). En effet, lorsque les Cohanim mangeaient au Temple, cette nourriture était considérée comme un sacrifice apporté à l’Eternel, tandis que leur corps devenait similaire à l’autel. Cette consommation revêtait une sainteté telle que la table sur laquelle ils mangeaient était qualifiée de « table qui est devant l’Eternel ».
Par conséquent, plutôt que la consommation elle-même, c’est le fait d’avoir regardé directement l’Eternel qui fut reproché à Nadav, Avihou et aux soixante-dix anciens. Car, s’il est vrai que Moché, de par son niveau exceptionnellement élevé, eut le mérite de parler face à face au Saint béni soit-Il, il ne s’est pourtant jamais permis de Le regarder droit en face, veillant toujours à baisser les yeux, conscient de la sévérité d’une telle audace, comme il est dit : « Nul homme ne peut Me voir et vivre. » (Chémot 33, 20) De même, les livres des Prophètes nous rapportent qu’immédiatement après avoir eu une vision prophétique, les prophètes avaient l’habitude de se laisser tomber de toute leur hauteur, afin d’éviter de regarder en face la Présence divine. Même lorsque Moché eut le mérite de percevoir le Saint béni soit-Il, il n’aperçut de Lui que l’« arrière », enveloppé d’un talith, à cause de la redoutable sainteté inhérente à cette vision.
Ainsi, s’ils étaient certes parvenus au niveau élevé de pouvoir contempler D.ieu, ils auraient cependant dû considérer ce privilège avec plus d’égards et honorer le Seigneur en s’abstenant d’en profiter.
En rapport avec ce sujet, on raconte l’anecdote suivante à propos de la fille du juste, Rabbi ’Haïm Pinto Hagadol, que son mérite nous protège. Une nuit, elle entra dans la salle d’étude de son père afin de prendre un objet dont elle avait besoin. Elle remarqua immédiatement la présence d’un homme dont le visage ne lui était pas familier. Lorsque Rabbi ‘Haïm la vit, il bondit de son siège et s’écria : « Ma fille, pourquoi es-tu entrée sans permission ? Sache que cet homme que tu as vu est Eliahou Hanavi. Une terrible sentence a été prononcée à ton encontre : les yeux qui ont contemplé cette vision vont s’assombrir ou bien tu vas disparaître de ce monde, que D.ieu préserve… »
Rabbi ‘Haïm eut pitié de sa fille et invoqua la Miséricorde de D.ieu afin qu’Il ne la rende pas aveugle avant son mariage. Cependant, suite à cet incident, il refusa toutes les propositions de mariage pour cette dernière. Il lui semblait préférable qu’elle reste célibataire.
Mais, une nuit, Rabbi ’Haïm rêva que Rabbi Khalifa Malka, que son mérite nous protège, lui demandait sa fille en mariage pour son petit-fils. Rabbi ’Haïm lui expliqua, dans son rêve, qu’il appréhendait de la conduire sous le dais nuptial, du fait que cela risquait d’entraîner sa cécité. Rabbi Khalifa répondit qu’il fallait néanmoins marier ce couple, tout en suppliant l’Eternel d’annuler Son décret. La célébration eut lieu et tout le monde pria avec ferveur pour que les jeunes époux puissent s’élever ensemble et qu’il ne soit pas tenu rigueur à la fille de Rabbi ’Haïm, prières qui furent exaucées.
Lorsqu’on m’a fait le récit de cette anecdote, je me suis posé la question suivante. De deux choses l’une : si la fille de Rabbi ’Haïm Pinto a eu le mérite de voir le prophète Eliahou et de rester en vie, cela signifie qu’elle était méritante et en était à la hauteur ; dès lors, pourquoi son père se montra-t-il si intransigeant à son égard, en prononçant à son encontre un décret de mort ou de cécité ? Car elle aurait dû s’abstenir de pénétrer dans la salle d’étude. Ce manque de maîtrise de soi, qui l’incita à regarder ce qu’il n’y avait pas lieu de regarder, lui fut reproché.
Nous pouvons expliquer, sur le mode allusif, le verset « Qui s’élèvera sur la montagne du Seigneur et qui se tiendra sur Sa sainte résidence ? » (Téhilim 24, 3) En effet, un homme n’a pas la possibilité, au sens propre, de gravir la montagne de l’Eternel et de s’y maintenir, ce lieu étant exclusivement réservé à la Présence divine. Toutefois, celui qui veille au respect de son Créateur en s’abstenant de contempler directement Sa Présence, mérite, justement grâce à cette réserve, de s’élever, à l’instar de notre maître Moché, dont la retenue lui valut une invitation dans les cieux.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Les fils, garants de leurs parents
Un Juif extrêmement fortuné que j’ai eu l’occasion de connaître m’a beaucoup appris concernant le fait que ce sont les enfants qui répondent des actes de leurs parents.
Cet homme faisait très fréquemment des dons à la tsédaka et aidait tout nécessiteux, outre le mérite qu’il avait de se consacrer à l’étude, concrétisant ainsi la conjonction idéale de « Torah et grandeur ». Il avait déjà marié une partie de ses enfants et recevait souvent ses petits-enfants chez lui. Mais, la roue tourna et il connut du jour au lendemain le dénuement le plus total. À cette période, vivaient chez lui ceux de ses enfants qui n’étaient pas encore mariés et il devait subvenir à leurs besoins, tandis que ses petits-enfants, habitués à ses largesses, auraient bien voulu continuer à en bénéficier. Or, il n’était plus en mesure d’assumer cela, si bien que toute la famille dut se résoudre à vivre dans des conditions auxquelles elle n’était pas habituée.
« Pourquoi ce malheur m’arrive-t-il ? » me demanda ce Juif en détresse. « Je me suis pourtant toujours efforcé de pratiquer la tsédaka et de venir en aide aux autres, plus qu’à moi-même et à mes propres enfants, tout en maintenant mon assiduité dans l’étude. Pourquoi me suis-je donc retrouvé dans cette situation ? »
Je ne savais pas du tout que répondre, car nous ne connaissons pas les calculs divins, même si, au fond de mon cœur, j’avais la certitude qu’il y avait une explication. Toujours est-il qu’il lui appartenait d’accepter la volonté divine dans sa rigueur avec amour. Qui sait ? Peut-être cette pauvreté s’était-elle abattue sur lui à la place d’autres décrets plus douloureux pour lui comme pour les siens, ou bien afin d’expier différentes fautes qu’il aurait commises au cours de ses existences antérieures.
En réfléchissant à ses enfants, qui grandissent chez lui et souffrent au plus haut point de la misère, je me suis dit que cela leur arrivait du fait qu’ils étaient ses garants. Car, lorsqu’un homme porte atteinte à une mitsva, quelle qu’elle soit, l’attribut de rigueur exige du Saint béni soit-Il qu’Il lui prenne ses enfants, qui sont en quelque sorte ses garants. Cependant, du fait que le Créateur est miséricordieux, Il lui prend parfois à la place sa richesse – situation dont même ses enfants souffrent –, car « un pauvre est considéré comme mort ».
Nombreux sont ceux qui mériteraient en fait, au vu de leurs fautes, d’être punis par la perte de leurs enfants, mais, dans Sa grande miséricorde, D.ieu les fait en lieu et place souffrir de la pauvreté.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Yéhoyada conclut un pacte (…). » (Mélakhim II chap. 11 et 12)
Les Achkénazes commencent à partir du verset : « Yoach avait sept ans (…). » (Ibid. chap. 12)
Lien avec la paracha : la haftara décrit l’apport des chékalim par les enfants d’Israël pour les travaux de restauration du Temple, sujet de notre Chabbat Chékalim.
CHEMIRAT HALACHONE
Médire de sa femme
L’interdiction de médire s’applique pareillement concernant un homme ou une femme, y compris sa propre épouse.
Malheureusement, nombreux sont ceux qui trébuchent sur ce point, pensant qu’il leur est permis de blâmer leur femme ou leurs beaux-parents devant leurs frères ou leurs parents. Ceci est prohibé, à moins qu’on n’ait nullement l’intention de les blâmer, mais uniquement d’arriver à un résultat constructif.
PAROLES DE TSADIKIM
Connaissez-vous le voleur ?
« Si quelqu’un dérobe (…) » (Chémot 21, 37)
Rabbi Bentsion Moutsafi chelita cite la prophétie d’Ovadia : « Nous avons entendu une annonce de la part de l’Eternel, un messager a été envoyé parmi les nations (…). Si ce sont des voleurs qui viennent contre toi, des détrousseurs de nuit, comme tu seras éperdu ! Ne pilleront-ils pas tout ce qu’ils pourront ? »
Dans son ouvrage Dorech Tsion, le Rav Moutsafi chelita s’interroge : qui sont donc ces voleurs dont il est question ? Il se pourrait qu’ils ne nous soient pas si étrangers…
Quelqu’un sort de chez lui pour aller prier à la synagogue. En chemin, il rencontre un ami avec qui il discute un peu. Ensuite, il s’empresse de rejoindre la synagogue où il arrive juste à temps pour réciter la Chemoné Esré avec le reste des fidèles.
« Quel est le problème ? » pense-t-il. « Je suis parti à temps, en quoi suis-je coupable si j’ai ensuite rencontré mon ami ? Cela n’aurait pas été beau de le saluer rapidement, il fallait bien que j’échange quelques mots avec lui. Que puis-je faire s’il ne m’a pas laissé continuer ma route plus vite ? »
Pourtant, on pourrait objecter à cet individu : « Si tu étais en route pour le travail, te serais-tu permis de t’attarder ainsi ? Sans doute lui aurais-tu expliqué poliment : “Désolé, je suis en route pour mon travail et n’aimerais pas que mon patron me voie arriver en retard.” »
« Tout ceci est très beau, mais, dans ce cas, pourquoi ne crains-tu pas également le Patron du monde ? Pourquoi, lorsqu’il est question d’affaires spirituelles, tu te permets des écarts ? Oserais-tu arriver en retard au travail parce qu’un ami t’a retardé ? Certainement pas. Tu te serais gêné de justifier ton retard par un tel prétexte. S’il en est ainsi, pourquoi ne vois-tu aucun inconvénient à le faire quand l’honneur divin entre en jeu ? »
Sa chemoné esré terminée, un homme récite ouva létsion tout en ôtant ses téfilin. Alors que les fidèles sont en train de dire ein kélokénou, il a déjà enlevé son talith et, avant qu’ils aient prononcé alénou léchabéa’h, le voilà à l’extérieur de la synagogue. Que voulez-vous ? Il est très pressé. Mais, sur le chemin du retour, il rencontre un ami. Il s’arrête pour discuter avec lui, discussion qui s’étend finalement sur un quart d’heure. Somme toute, il n’est pas si pressé… Il aurait été délicat de signifier à son ami qu’il n’avait le temps de s’attarder davantage.
A un individu de ce type, on répond : « Si ce sont des voleurs qui viennent contre toi, des détrousseurs de nuit (…). » En d’autres termes, « si tu t’étais arrêté en chemin pour discuter avec un ami et que, soudain, des voleurs s’étaient emparés de ton portefeuille, aurais-tu aussi continué à parler, pour éviter de prendre brusquement congé de lui ? Au contraire, tu aurais immédiatement interrompu ta conversation pour te mettre à la poursuite de ces voleurs et crier haut et fort : “Aux voleurs ! Aux voleurs !” Dans ce cas, il n’est plus question de gêne ni d’embarras, mais uniquement de voleurs desquels il est impératif de récupérer l’objet du larcin.
« Si des voleurs avaient fait irruption au milieu de la nuit pour s’emparer de tes précieux bijoux, qu’aurais-tu fait ? Tu aurais sauté du lit, pieds nus et en pyjama, pour les poursuivre dans la rue et crier à tue-tête. Tu n’aurais pas perdu un seul instant, serait-ce pour enfiler des habits. Vu l’importance de chaque minute, tu aurais compris que ce n’est pas le moment de se perdre dans des considérations de politesse. Pourquoi donc ne te conduis-tu pas au moins comme cela lorsque l’enjeu est spirituel ? »
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Les degrés de la foi
« Or, la majesté divine apparaissait comme un feu dévorant au sommet de la montagne, à la vue des enfants d’Israël. » (Chémot 24, 17)
Quand le Saint béni soit-Il voulu donner la Torah aux enfants d’Israël, Il ordonna à Moché de monter sur la montagne, qui était entièrement entourée d’une nuée. L’Eternel se révéla alors à lui à travers le feu. Il est surprenant de constater que la miraculeuse survie de Moché, être de chair et de sang, après un séjour de quarante jours au ciel pendant lesquels D.ieu se révéla à lui à travers le feu, n’ait pas suscité l’étonnement général. Pourtant, nous trouvons par ailleurs que, lorsque notre patriarche Avraham fut jeté, à Our Kassdim, dans une fournaise ardente et en ressortit vivant sans la moindre brûlure, les habitants du monde entier en furent profondément touchés. Aussi, je me suis demandé pourquoi la survie miraculeuse d’Avraham suscita l’émotion générale, tandis que celle de Moché n’a pas été objet d’étonnement. Qu’est-ce qui distingue ces deux événements?
En réalité, il existe une différence essentielle entre le feu de la Torah et un feu physique : alors que la propriété du dernier est de brûler et de détruire, le feu de la Torah, non seulement ne brûle pas l’homme, mais lui transmet au contraire de la vitalité.
Nos Sages, de mémoire bénie, nous enseignent : « La Torah ne se maintient que chez celui qui se tue à la tâche pour elle. » (Brakhot 63b) En d’autres termes, il incombe à l’homme de s’effacer devant la Torah et de faire d’elle l’essentiel de sa vie ; par le mérite de cette abnégation, il bénéficiera de la vitalité de la Torah, feu spirituel qui brûlera dans tout son être. A l’inverse, le feu du désir est un feu physique dévastateur, qui possède le pouvoir d’expulser l’homme, aussi bien de ce monde-ci que de celui à venir.
PERLES SUR LA PARACHA
Le but de la vente, punir le voleur
« Son maître l’amènera par-devant le tribunal, on le placera près d’une porte ou d’un poteau ; son maître lui percera l’oreille avec un poinçon et il le servira indéfiniment. » (Chémot 21, 6)
Rachi commente : « Pour quelle raison l’oreille devait-elle être percée de préférence à tout autre organe du corps ? Rabbi Yo’hanan ben Zacaï a dit : “Cette oreille qui a entendu au mont Sinaï ‘tu ne voleras pas’ et, cependant, il est allé, lui, voler, qu’elle soit percée.” »
A priori, si telle est la raison du percement de l’oreille, il aurait été plus logique que ce soit fait immédiatement après le vol, en guise de punition. Pourquoi n’était-il pratiqué qu’après que le voleur, vendu comme esclave, refusait de retrouver sa liberté ?
Le Maharil Diskin explique que, le voleur ayant dû être vendu comme esclave afin d’être en mesure de rembourser ce qu’il avait volé, l’Eternel ne voulait pas lui infliger une punition supplémentaire. Cependant, si, après six ans d’esclavage, il refusait de quitter son maître, cela prouvait qu’il ne considérait pas sa vente en tant qu’esclave comme une punition ; dès lors, il devenait nécessaire de lui percer l’oreille pour sanctionner son vol de cette manière.
Mentir pour survivre
« Fuis la parole de mensonge. » (Chémot 23, 7)
Nos Sages ont établi que, dans certains cas, il est permis de mentir, comme par exemple pour maintenir la paix ou pour sauver une vie.
A ce sujet, Rav Kanievsky chelita raconte l’histoire suivante au nom de son père zatsal :
A l’époque de la guerre, le fait de ne pas avoir de passeport représentait un danger de vie : on risquait de se faire fusiller. Une fois, deux ba’hourim marchaient ensemble et seul l’un d’entre eux avait un passeport. Soudain, ils virent un soldat avancer dans leur direction.
Celui qui avait un passeport dit à son ami de rester sur place, tandis que lui courrait. L’officier non-juif, dont l’attention fut détournée de l’autre jeune homme, se mit à la poursuite du fuyant. Lorsqu’il l’atteignit, il lui demanda son passeport et il le lui montra. Il lui demanda alors pourquoi il avait couru et il lui expliqua que, du fait qu’il souffrait des intestins, le médecin lui avait recommandé de courir deux heures par jour. Le soldat reprit : « Mais pourquoi ne t’es-tu pas arrêté en voyant que je courais derrière toi ? » Le ba’hour lui répondit : « Je pensais que tu souffrais toi aussi des intestins. »
Aider dans la discrétion
« Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de Mon peuple, au pauvre qui est avec toi. » (Chémot 22, 24)
A priori, les mots « avec toi » semblent superflus. Dans son ouvrage Likouté Hamélits, Rabbi Meïr Lanido zatsal rapporte les paroles de nos Sages (‘Haguiga 5a) selon lesquelles celui qui donne de la tsédaka à un pauvre doit le faire dans la discrétion. Toutefois, celui qui prête de l’argent à son prochain doit s’assurer de la présence de deux témoins. Dans le cas contraire, il transgresserait l’interdit « Ne place pas d’obstacle devant un aveugle », car son débiteur pourrait en venir à oublier son emprunt et à le renier.
C’est pourquoi le verset précise « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un », sous-entendant « avec quelqu’un », afin de souligner la nécessité de la présence de deux témoins. Par contre, lorsqu’on donne de la tsédaka à un indigent, il convient de le faire discrètement et non en public, comme nous pouvons le lire en filigrane à travers les mots « au pauvre qui est avec toi » – avec toi seul.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Citant les paroles de Rav Eliachiv zatsal, Rav Eliezer Tourk chelita souligne la singularité que présente le sujet de l’esclave hébreu. Dans tous les pays du monde où le système judiciaire a été établi par des non-juifs, de lourdes sanctions ont été prévues pour les voleurs. Souvent, ils ne sont jugés qu’à partir de simples estimations ou suite au témoignage d’un seul témoin, qui peut être un proche parent ou une personne ayant un intérêt personnel à témoigner. La facilité avec laquelle la sanction est appliquée trouve sa source dans la logique élémentaire selon laquelle, en l’absence d’une telle sévérité, « les hommes se dévoreraient vivants ».
Pourtant, la Torah a une tout autre approche sur le sujet. Le voleur ne doit rembourser l’objet de son larcin que si deux individus l’ayant surpris en flagrant délit viennent le témoigner. Mais, si le voleur les précède en avouant lui-même son forfait, il est exempt de la pénalité. En outre, même dans le cas où il a été accusé et doit rembourser ce qu’il a volé, s’il n’en a pas les moyens, il sera vendu comme esclave. Le cas échéant, non seulement il est ainsi acquitté de ce remboursement, mais, en plus, il a droit à un certain confort : son maître doit lui donner la même nourriture qu’il mange lui-même, des vêtements de la même qualité que les siens, tandis que le joug du gagne-pain ne repose plus sur lui.
Une question évidente apparaît : dans de telles conditions, qu’est-ce qui va réfréner la tendance au vol ? Comment assurer l’ordre et la justice dans le monde ? De nombreuses personnes déroberont sciemment, afin d’être vendues comme esclaves et de jouir de ce statut privilégié.
Le Rav Eliachiv en tire une lumineuse conclusion : « La Torah nous enseigne, par ce biais, une leçon édifiante : nous ne devons pas penser que la multiplicité des sanctions constitue une menace efficace prévenant le vol. En effet, elle n’est pas à même d’empêcher les voleurs de poursuivre dans leur mauvaise voie. Ce qui les éloigne de leur tendance répréhensible est, au contraire, la bonne conduite qu’on adoptera envers eux, les égards et la finesse qu’on leur témoignera. Un tel traitement, conjugué aux vertus qu’ils constateront dans la maison de leur maître, constitueront la base de leur fidélité aux voies de la Torah et de la foi en D.ieu, ainsi que les garants du maintien et du respect de l’ordre planétaire, avec la diminution du nombre de voleurs. »
La conception de la Torah, s’opposant radicalement à l’opinion commune, prône pour une conduite vertueuse. Le statut de l’esclave hébreu en est la plus éloquente illustration.
Rabbi Mikhel Zilber chelita, Roch Yéchiva de Zwil, témoigne de la délicatesse avec laquelle son maître, Rav Yé’hezkel Avramsky zatsal, auteur du ‘Hazon Yé’hezkel, se conduisait envers son aide-ménagère. De temps à autre, il l’appelait au milieu de son travail pour lui demander de prendre une pause. De manière générale, il lui avait expliqué qu’il préférait qu’elle travaille doucement, plutôt que rapidement et de manière éreintante, et ce, bien qu’il la payât de l’heure.
Ces égards dont elle avait droit dans le foyer de ce Sage entraînèrent certainement, de sa part, un regard positif sur la Torah et ses voies agréables. De fait, tout homme, quelles que soient ses origines et sa position sociale, mérite une approche respectueuse, laquelle génère un climat de paix et de sérénité dans le monde.
Dans son ouvrage Imré Daat, Rav Mikhel Yéhouda Leipkovitz zatsal nous éclaire par sa grande expérience dans le domaine de l’éducation :
« Je peux vous attester, par des faits véridiques et une expérience personnelle de plusieurs décennies, que les aptitudes mentales de l’homme ou autres talents ne constituent pas la base de son édification, de la construction de son avenir et de sa personnalité pour tout le reste de sa vie, seules ses vertus étant déterminantes à cet égard. Celui qui a de bons traits de caractère a un avenir prometteur, alors que, dans le cas contraire, il est éloigné de tout. Bien qu’on puisse se tromper à son sujet, en réalité, il est dépourvu de toute valeur. D’ailleurs, nous pouvons observer que tous les Géants et Sages de notre génération et de la précédente se sont distingués par le raffinement de leurs vertus. »
Dans l’introduction de son Even Chléma, le Gaon de Vilna écrit : « Le service divin dépend totalement de l’amélioration de nos traits de caractère, qui sont tels un habit enveloppant nos mitsvot et les principes de la Torah, tandis que tous les péchés trouvent leurs racines dans les vices. La mission essentielle de l’homme consiste à s’appliquer à briser ses mauvais traits de caractère, car, sinon, quelle serait sa raison d’être ? »
Le Tsadik Rabbi Dov Yaffé zatsal, Machguia’h de la Yéchiva de Kfar ‘Hassidim, avait l’habitude de stimuler ses élèves en leur disant : « L’homme peut choisir de vivre dans le paradis des vertus ou dans l’enfer des vices. Dites-moi donc, n’est-ce pas dommage ? »
En d’autres termes, celui qui adopte de bons traits de caractère est le premier à en profiter. Sa vie ressemble à un paradis. La colère, la contrariété, la tristesse, le souci, la jalousie et la haine lui sont totalement étrangers. Mais, au lieu de cela, l’homme préfère détériorer son tempérament, au profit d’un quelconque intérêt personnel. Malheureusement, il sort alors perdant : il mène une vie infernale, emplie d’irritation, d’animosité et de colère.
« Dites-moi donc, n’est-ce pas dommage ? » Puisse l’écho de cette phrase, inlassablement répétée par le Machguia’h, nous secouer !