Tazri'a - Metsor'a 25 Avril 2020 א אייר התש"ף |
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La recette de la paix conjugale
Rabbi David Hanania Pinto
« Lorsqu’une affection lépreuse sera observée sur un individu, il sera amené devant le Cohen. » (Vayikra 13, 9)
L’une des qualités qu’il convient de s’efforcer d’acquérir est l’accoutumance aux difficultés et aux activités spirituelles, à l’instar du roi David qui affirma : « J’ai médité sur mes voies et ramené mes pas vers Tes statuts. » (Téhilim 119, 59) En d’autres termes, alors qu’il pensait parfois se rendre à tel ou tel endroit, ses pieds le conduisaient invariablement vers la maison d’étude, par habitude.
Néanmoins, la routine contient un danger et peut se transformer en un véritable rets. En effet, celui qui répète tous les jours la même action l’exécute parfois comme un automate, sans entrain ni ferveur. Sa vie risque ainsi de s’assimiler à une succession de gestes dépourvus de toute vitalité spirituelle, à D.ieu ne plaise. Aussi, incombe-t-il à l’homme de lutter contre cette tendance et d’éprouver, quotidiennement, une nouvelle joie dans ses actes routiniers, dans l’esprit de l’injonction de nos Maîtres : « Que chaque jour, elles [les paroles de Torah] soient nouvelles à tes yeux ! » Le roi David pria pour parvenir à ce niveau, comme il l’attesta : « Il est une chose que je demande au Seigneur, que je réclame instamment, c’est de séjourner dans la maison de l’Eternel et de fréquenter Son sanctuaire. » (Ibid. 27, 4) Bien qu’il se rendît constamment au beit hamidrach, il aspirait à ressentir chaque fois l’émotion propre à la première visite dans un lieu, comme le suggère le terme « fréquenter ».
Nous retrouvons cette idée dans la haftara de ce Chabbat qui est aussi Roch ‘Hodech. Nous y lisons : « Mais quand viendra le peuple du pays devant l’Eternel, lors des solennités, celui qui sera venu par la porte du Nord pour se prosterner sortira par la porte du Midi, et celui qui sera entré par la porte du Midi sortira par la porte du Nord : on ne repassera point par la même porte par où l’on sera venu, mais on sortira du côté opposé. » (Yé’hezkel 46, 9) Le Yaavets, dans son commentaire sur Avot (1, 4), explique le sens de cet ordre : « L’Eternel, béni soit-Il, a veillé à ce qu’on ne voie pas deux fois la même porte, de peur qu’elle nous apparaisse comme la porte de notre demeure et les murs du Temple comme ceux de notre maison. (…) Ceci fut la racine du péché du veau d’or : la tente d’assignation étant parmi eux, ils en vinrent à éprouver pour elle de la répugnance et voulurent construire un nouveau dieu. Moché, sensible à ce mouvement du peuple, déplaça la tente en dehors du camp, à une bonne distance de lui. »
Il appartient à chacun d’entre nous d’aspirer à toujours éprouver un renouveau dans le rituel, que ce soit dans l’étude de la Torah, l’accomplissement des mitsvot ou au sein de son foyer. A cet égard, on ne doit pas s’habituer aux qualités de son conjoint et les considérer comme allant de soi. Car, le cas échéant, ce sont ses défauts qui apparaîtront au grand jour, ce qui engendrera des altercations au sein du couple. Des mots déplacés risquent alors d’être prononcés et, la voix de Yaakov ne résonnant plus, les mains d’Essav prendront le dessus.
Aussi, chacun des conjoints doit se concentrer sur les vertus de l’autre et en remercier le Créateur. De cette manière, il le tiendra en estime et n’en viendra pas à se quereller avec lui. On gardera également à l’esprit les paroles de Rav ‘Haïm Vital – que son mérite nous protège – selon lesquelles celui qui porte atteinte à sa paix conjugale provoque le départ de la Présence divine de son foyer et la disjonction du Nom divin – les lettres divines Youd et Hé, respectivement placées en l’homme et en la femme, se détachant d’eux. En outre, le Sage ajoute que, dans le monde futur, l’homme n’est pas jugé en fonction de sa conduite à l’extérieur de chez lui, mais de celle à l’intérieur de la cellule familiale. Certains se dévouent pour les autres, alors qu’ils sont coléreux avec les membres de leur famille. Or, c’est cette conduite qui sera prise en compte lors du jugement ultime.
Avant de tomber dans le travers de la colère, on se souviendra qu’on risquerait ainsi de chasser la Présence divine de son foyer. On s’écartera alors d’une telle conduite, conscient de l’immense perte qu’elle entraîne.
Le Rambam (fin de Hilkhot Toumat Tsaraat) explique : « Les affections lépreuses étaient des signes miraculeux faits aux enfants d’Israël afin de leur rappeler l’interdiction de médire. Celui qui médisait voyait les murs de sa maison changer d’aspect ; s’il se repentait, ils redevenaient normaux, mais, s’il persistait dans son péché jusqu’à la destruction de sa maison, les ustensiles en cuir sur lesquels il s’asseyait et dormait étaient atteints. S’il se repentait, ils retrouvaient leur aspect ordinaire, mais sinon, sa peau était atteinte de lèpre et tous apprenaient qu’il devait être mis en quarantaine. Isolé, il n’était plus en mesure de se mêler aux discours des mécréants, aux railleries et à la médisance. »
Ainsi, la lèpre ne frappait pas immédiatement le médisant, mais de manière progressive. A priori, comment comprendre que celui dont la maison était affectée ne s’empressait pas d’abandonner ses mauvaises voies ? Comment pouvait-il continuer à médire encore après que ses vêtements étaient atteints pour finalement devoir être excommunié ? C’est que l’habitude s’empare de l’homme pour le mal comme pour le bien, obstruant tout sentiment. L’homme dont la demeure était touchée par la lèpre s’effrayait sans doute au départ, mais s’habituait ensuite à ce spectacle, ce qui le dissuadait de se rendre chez le Cohen pour qu’il analyse la tache, le réprimande et lui indique la voie du retour.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
De l’intérêt au désintéressement
Une année, j’avais prévu de donner un grand cours, durant lequel j’avais l’intention de faire passer à mes auditeurs un message très important, et j’espérais, de ce fait, qu’il y aurait grande affluence. Afin d’attirer le public, il fut décidé d’organiser une tombola – dans l’espoir que cette démarche intéressée finisse par générer un intérêt sincère.
Mes espoirs ne furent pas déçus : la salle affichait complet de part en part. Je pus ainsi, grâce à D.ieu, faire passer mon message qui, me semble-t-il, fut bien accueilli. Comme prévu, à la fin de la soirée eut lieu la tombola. Cependant, tous ceux qui remportèrent les différents lots refusèrent de les prendre. Nous organisâmes alors un second tour. Cette fois encore, les gagnants choisirent d’y renoncer, ce qui était tout à leur honneur.
J’appris par la suite qu’un homme influent, jaloux de ce grand succès, s’était mis à répandre une rumeur calomnieuse : le Rav Pinto achèterait les gens avec de l’argent !
Je fus très peiné d’entendre ces mensonges fielleux qui ne visaient qu’à créer des dissensions, mais préférai opter pour le silence et ne pas relever l’insulte.
Quelque temps plus tard, je rencontrai un élève qui n’avait pas pris part à ce cours et lui en demandai la raison. Il me répéta la rumeur que cet homme avait répandue sur mon compte, ajoutant que, puisque j’achetais les gens avec de l’argent, il n’avait pas voulu y prendre part ! Peu de temps après, j’appris que cet élève avait jeté sa kippa aux orties et rejeté la souveraineté céleste.
Ne pouvant garder le silence plus longtemps, je m’adressai à cet homme qui avait noirci ma réputation en lui disant : « Vous rendez-vous compte des conséquences de vos agissements ? À cause de votre jalousie et du lachone hara, vous avez poussé un Juif à rejeter la Torah et les mitsvot. Vous êtes vraiment allé trop loin. Que pourrez-vous répondre au Créateur, quand Il vous le reprochera ? »
La perte de cet élève, qui s’était détourné de la bonne voie, me fit beaucoup de peine. Mais, d’un autre côté, cela m’enseigna une grande leçon concernant l’immense responsabilité de ceux qui ont de l’influence sur le public. De la même manière qu’ils peuvent rendre les autres méritants, les élever et les rapprocher du Créateur, ils risquent, à D.ieu ne plaise, de faire trébucher un grand nombre de leurs frères, dans le cas où le mauvais penchant exploite leur position et leur influence.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Ainsi parle l’Eternel : “Le Ciel est Mon trône (…)”. » (Yéchaya chap. 66)
Lien avec la paracha : Roch ‘Hodech Iyar tombe ce Chabbat. D’où le lien avec ce verset de la haftara : « Et il arrivera constamment, à chaque néoménie, à chaque Chabbat, que toute chair viendra se prosterner devant Moi », évoquant l’ère messianique où nous nous prosternerons au Temple devant l’Eternel, le Chabbat et le Roch ‘Hodech.
CHEMIRAT HALACHONE
Un interdit presque généralisé
D’après la Torah, il est interdit d’accorder du crédit à des propos médisants, c’est-à-dire de croire, dans son cœur, qu’ils sont véridiques. Il est inutile de s’attarder sur la nature de la personne croyant à la médisance ni sur celle de l’individu sur lequel elle porte, car il n’existe presque pas de différence à ce sujet. De manière générale, il est prohibé à tout Juif de croire à de la médisance sur tout coreligionnaire, en dehors des renégats, des médisants et autres gens de ce type qui ne sont pas considérés comme faisant partie du peuple juif.
PAROLES DE TSADIKIM
L’arrêt des quintes de toux grâce à la terrasse du voisin
« Voici quelle sera la règle imposée au lépreux lorsqu’il redeviendra pur. » (Vayikra 14, 2)
Le fait de vivre dans un monde où la concurrence prédomine a une grande influence sur notre vision des choses. Face à la réussite financière de notre prochain, son train de vie aisé, son intérieur spacieux, son travail facile et rapportant gros, sa belle famille et la sérénité dont il jouit, on risque d’en éprouver de la jalousie. Rapidement, des pensées de dépit nous viennent à l’esprit : « Il construit ? Il agrandit sa maison ? Il gagne beaucoup d’argent ? Pourquoi mérite-t-il cela ? Pourquoi a-t-il droit à une telle richesse ? Nous sommes pourtant dans une situation similaire ; pourquoi est-ce lui qui bénéficie d’un si bon emploi, qui a pu ajouter une terrasse à son appartement, qui a de si bons enfants et savoure la sérénité ? »
De telles pensées résultent du mauvais œil qui, autrefois, était l’une des causes de la lèpre. Malheureusement, dans le monde où nous vivons, il est naturel de considérer avec jalousie la réussite et le bonheur d’autrui. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que cette conception est justifiée. Au contraire, il est bien plus justifié de comprendre que tout homme reçoit du Ciel la part qu’il mérite. En outre, si notre prochain ne nous porte pas préjudice, pourquoi ne pas se réjouir avec lui ?
Le voisin a entrepris des travaux de construction ? Merveilleux ! Combien suis-je heureux qu’il ait pu agrandir son appartement ! Mon frère a des enfants lui procurant beaucoup de satisfaction ? Formidable ! Je partage son bonheur. Mon ami a reçu un travail particulièrement bien rémunéré et haut placé ? Tant mieux pour lui, louons ensemble l’Eternel et dansons de joie ! Je vais essayer de prier pour lui afin qu’il continue à jouir de ces atouts le reste de ses jours. De toute façon, ce n’est pas sur mon compte, sa propre réussite ne me prive nullement. Alors, pourquoi ne pas me réjouir pour lui ?
Telle est la recette du bonheur : réaliser et avoir foi dans le fait que personne n’est en mesure de nous prendre quoi que ce soit. Dès lors, il n’y a aucune raison de se plaindre ou d’être jaloux de la chance d’autrui. A l’inverse, il y a lieu d’être heureux qu’il le soit et de se réjouir de tout cœur pour sa réussite.
Rabbi Avraham Noa’h Plaï zatsal, Machguia’h de la Yéchiva de ‘Hevron, souffrit de longues années de l’asthme. Il fut souvent en proie à des quintes de toux désagréables pendant l’étude qu’il était alors contraint d’interrompre pour s’empresser de sortir respirer de l’air frais. Il lui arrivait même de devoir s’arrêter au beau milieu d’un cours et quitter ses élèves pour se reposer.
Un jour, alors qu’il leur exposait ses brillantes idées, il se mit soudain à rougir, sa respiration devint lourde et bruyante et il courut à l’extérieur de la Yéchiva. « Encore une quinte de toux douloureuse, se dirent les élèves les uns aux autres. Quel dommage que notre cours doive de nouveau être interrompu pour un quart d’heure ou vingt minutes ! »
Mais, à leur plus grande surprise, à peine deux minutes passées, le Rav refit son apparition, le visage rayonnant et la respiration posée et régulière. Il reprit son cours comme si de rien n’était. Ses élèves le regardèrent avec étonnement. Constatant à quel point il toussait, ils ne comprenaient pas comment il s’était si rapidement remis.
A la fin du cours, ils vinrent lui demander : « Rav, vous avez eu une crise d’asthme aussi virulente que les fois précédentes, lors desquelles vous avez dû faire une longue pause. Nous sommes heureux qu’aujourd’hui, seules quelques minutes vous aient suffi. Comment cela se fait-il ? »
Rav Plaï sourit et répondit : « J’ai un voisin qui, depuis longtemps, désire agrandir son appartement. Il est père d’une famille nombreuse et ils vivent très à l’étroit. Mais, les difficultés de la bureaucratie ont sans cesse repoussé ses projets. Or, aujourd’hui, quand je suis sorti dans la rue pour respirer de l’air frais et me remettre de ma toux, savez-vous ce que j’ai vu ? »
Ses élèves le regardaient fascinés. Il poursuivit, affichant un large sourire et les yeux brillants de joie : « Les tracteurs sont arrivés ! Grâce à D.ieu, mon voisin a enfin pu commencer ses travaux ! Ce spectacle m’a instantanément permis de retrouver une respiration normale. J’étais tellement heureux de voir que mon voisin ait pu entamer ses projets. Je me suis tant réjoui pour lui que cela a mis fin à ma crise d’asthme. »
Alors qu’il avait terminé ses éclaircissements, il ne s’était pas départi de son sourire. La pensée que les projets de son voisin avaient enfin abouti l’emplissait de joie.
(Oumatok Haor)
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La leçon à retirer du sang de l’oiseau égorgé
Les versets décrivant le processus de purification du lépreux énoncent : « Sur l’ordre du Cohen, on apportera, pour l’homme à purifier, deux oiseaux vivants, purs (…) Le Cohen ordonnera qu’on égorge l’un des oiseaux au-dessus d’un vaisseau d’argile. » (Vayikra 14, 4-6) Rachi commente : « Les plaies provenant de la médisance qui est la conséquence du babillage, il a donc fallu, pour sa purification, des oiseaux qui babillent continuellement en gazouillant. »
Cette interprétation soulève une difficulté : si les oiseaux symbolisent les vains propos qu’il a tenus, pourquoi la Torah ordonne-t-elle au médisant de les apporter une fois qu’il s’est déjà purifié de sa lèpre et s’est repenti de son péché ? Il aurait semblé plus logique qu’il les apporte au moment où il était encore impur, ce qui lui aurait signifié qu’il ne s’est pas comporté convenablement en babillant comme un oiseau. Quel est donc l’intérêt de lui rappeler sa faute une fois qu’il s’en est purifié, outre le fait que cela semble contredire l’interdiction de rappeler à un repenti ses erreurs passées ?
Répondons à l’aide d’un exemple pris dans la vie courante. Il existe deux types de médicaments : ceux dont le but est d’apporter la guérison au malade et ceux servant à prévenir une nouvelle atteinte de cette maladie. Il en était de même concernant le lépreux. Il lui incombait tout d’abord de guérir de sa lèpre, comme il est dit : « Il doit avoir les vêtements déchirés, la tête découverte, s’envelopper jusqu’à la moustache (…) Il demeurera isolé, sa résidence sera hors du camp. » Rachi explique : « Car il a séparé, par la médisance, mari et femme, l’homme et son prochain, il sera lui aussi séparé des autres. »
Le fait de demeurer à l’écart des autres lui offre l’opportunité de réfléchir à la raison de son isolement ; cela suscite son repentir et lui apporte la purification de son péché. Cependant, suite à cela, il avait besoin d’un « médicament préventif » assurant qu’il ne récidiverait pas. C’est pourquoi la Torah lui enjoint d’apporter deux oiseaux lui rappelant que lui aussi a babillé en vain. De la sorte, il aura un rappel permanent de sa faute, dans l’esprit de la phrase du roi David : « Mon péché est sans cesse sous mes regards. » (Téhilim 51, 5) Réalisant la gravité de sa conduite et comprenant pourquoi elle lui a valu d’être frappé de lèpre, il veillera à l’avenir à s’écarter de ce travers.
En outre, en dénigrant son prochain, il lui a fait honte, ce qui est considéré comme un homicide effectué par la bouche. Aussi, devait-il amener deux oiseaux, un à sacrifier et un qui resterait vivant. Le premier représentait l’individu critiqué, tandis que l’autre le représentait lui-même. En trempant l’oiseau vivant dans le sang de celui sacrifié, on signifiait au pécheur la gravité de sa faute, équivalant à un meurtre, afin qu’il s’en souvienne toujours et ne soit plus tenté de calomnier.
PERLES SUR LA PARACHA
Selon les paroles du Sage
« Le Cohen examinera cette affection de la peau : si le poil qui s’y trouve est devenu blanc et que la plaie paraisse plus profonde que la peau du corps, c’est une plaie de lèpre. Cela constaté, le Cohen le déclarera impur. » (Vayikra 13, 3)
Dans son ouvrage Imré Emet, Rabbi Yaakov Amado zatsal s’interroge sur la répétition de notre verset « Cela constaté, le Cohen », alors qu’il est déjà dit « Le Cohen examinera ».
Il répond en s’appuyant sur les éclaircissements du Rambam (Hilkhot Toumat Tsaraat) : « Bien que tous soient aptes à examiner les plaies, [la déclaration de] leur impureté ou pureté dépend du Cohen. En quoi ? Quand un Cohen ne sait pas déterminer le statut d’une plaie par son observation, le Sage l’observe et lui dit de la déclarer impure ou de la déclarer pure. De même, il lui dit “enferme-le” et il déclare sa réclusion, comme il est dit : “C’est par eux qu’est jugé tout débat, tout dommage.” »
Rachi explique (Arakhin 3a) que, même quand le Cohen n’est pas expert dans l’examen des affections lépreuses, il doit regarder la plaie avec le Sage et, en fonction des indications de celui-ci, la déclarer pure ou impure.
Le texte insiste donc afin de souligner que, même si un Cohen ne sait pas déterminer le statut d’une plaie par son analyse et qu’il doit donc avoir recours à un Sage, ce dernier n’a pas le droit de déclarer qu’elle est pure ou impure, tandis que le Cohen ne peut le faire sans avoir vu la plaie, bien s’il se base sur la parole du Sage.
Les portes de la prière fermées devant le lépreux
« Il doit avoir les vêtements déchirés, la tête découverte, s’envelopper jusqu’à la moustache et crier : “Impur ! Impur !” » (Vayikra 13, 45)
Nos Maîtres expliquent (Chabbat 68a) : « L’homme doit informer les autres de sa souffrance. » Rachi commente : « Il doit le faire lui-même. »
Nous pouvons nous demander pourquoi le lépreux devait informer le public de son état, plus que les autres malades.
L’auteur de l’ouvrage Midrach Yonathan nous éclaircit en s’appuyant sur l’interprétation de Rachi du verset « D.ieu entendit la voix du jeune homme » : « Nous en déduisons que la prière du malade lui-même vaut mieux que celle d’autrui pour lui. »
Le Zohar s’interroge : pourquoi le lépreux est-il appelé « enfermé » ? Il répond : parce que l’accès à sa prière est fermé dans le ciel. C’est la raison pour laquelle il doit renseigner les gens sur son état, afin qu’ils prient en sa faveur. Quant aux personnes atteintes d’une autre maladie, il est préférable qu’elles prient elles-mêmes.
Quand la lèpre peut atteindre un jeune marié
« Et le jour où apparaîtra de la chair vive, l’individu sera impur. » (Vayikra 13, 14)
Rachi commente : « Et le jour : le texte nous enseigne qu’il y a des jours où tu peux procéder à l’examen et d’autres où tu ne peux pas. De ce verset, nos Sages ont dit qu’on laisse au jeune marié les sept jours qui suivent le festin [du mariage avant d’examiner s’il y a cas de lèpre] sur lui-même, son vêtement ou sa maison. »
Néanmoins, comment comprendre qu’un jeune marié puisse être atteint de lèpre, alors que celle-ci sanctionne un péché et que, le jour du mariage, tous les péchés sont absous ?
Le Rav de Kaziglov zatsal explique que, après que l’Eternel a pardonné ses fautes au ‘hatan, il a le statut d’un Tsadik. Dès lors, D.ieu se montre extrêmement pointilleux à son égard, comme Il le fait envers les justes, si bien que de très légers manquements peuvent lui être reprochés. Ceux-ci peuvent le rendre passible de lèpre, mais il ne sera examiné qu’après les sept jours suivant son mariage.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Durant la période séparant Pessa’h de Chavouot, vingt-quatre mille disciples de Rabbi Akiva décédèrent.
Nombreux sont ceux qui relèvent la formulation particulière de nos Sages évoquant les « douze mille paires d’élèves de Rabbi Akiva ». Si l’on désire parler du nombre d’étudiants de la Yéchiva de Mir, par exemple, on ne dira pas qu’on y compte 3 000 ‘havroutot, mais plutôt 6 000 hommes. Pourquoi donc parler de paires d’élèves concernant ceux de Rabbi Akiva ?
D’après nos Sages, les disciples de Rabbi Akiva se distinguaient par leur solidarité, en vertu de la célèbre devise de leur Maître : « “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” : c’est le principe d’or de la Torah. » Ils n’étudiaient pas seuls, mais en binôme, ayant de très bonnes relations avec leurs pairs. C’est la raison pour laquelle on parle plutôt des ‘havroutot que du nombre d’élèves. Et pourtant, une grande accusation pesa sur eux dans le domaine des relations interhumaines. Comment l’expliquer ?
Rabbi Chmouel Baroukh Ganot chelita cite des Tsadikim affirmant que la Torah devait être transmise aux générations futures par le biais des disciples de Rabbi Akiva. Ils n’étaient donc pas uniquement des étudiants, mais également les diffuseurs de la Torah, ce qui les obligeait à se conduire de la manière la plus raffinée. Plus que de simples individus, ils étaient ceux appelés à transmettre la Torah de Moché, enseignée par Rabbi Akiva, aux générations futures. C’est pourquoi D.ieu les punit si sévèrement, car il n’était pas envisageable d’assumer un tel rôle avec une imperfection des traits de caractère s’exprimant dans le domaine interhumain.
Chercher le bien de son prochain, pas de soi
Un jour, un darchan arriva au beit hamidrach privé de Rav Tsvi Neouvinsky zal et lui demanda de parler au public qui y priait et étudiait. Mais, le maître de maison refusa, arguant qu’il était lui-même en train d’étudier et que cela risquait de le déranger. Le darchan insista, expliquant que ses cours lui apportaient la subsistance pour sa famille, grâce à l’argent qu’on ramassait à la fin à son intention. Alors qu’ils étaient en train de discuter à ce sujet, le fondateur du mouvement du moussar, Rav Israël Salanter zatsal, fit son apparition. Il posa une question intéressante au propriétaire des lieux : « Pourquoi Hillel a-t-il énoncé son injonction à la forme négative en disant qu’on ne doit pas faire à son prochain ce qu’on ne voudrait pas qu’on nous fasse, plutôt qu’à la forme positive – lui faire ce qu’on considère comme bien ? »
Rav Israël y répondit ensuite lui-même : « On ne peut formuler cette ordonnance à la forme positive, du fait que ce qui est bien pour quelqu’un ne l’est pas forcément pour un autre. » Puis, en se tournant vers Rav Tsvi, il ajouta : « Te concernant, il est certainement préférable que tu puisses continuer à étudier dans le calme et la sérénité. Par contre, le darchan préfère donner son cours et apporter ainsi un gagne-pain à sa famille que d’étudier. Car, l’étude exige une grande lucidité et il vaut donc mieux s’y plonger quand on est rassasié. A présent, réfléchis un instant : serais-tu content si tu subissais un préjudice d’un acte, essentiellement bon, accompli par autrui ? Certainement que non. C’est pour cette raison qu’Hillel nous a ordonné de ne pas faire à son prochain ce qu’on n’aimerait pas qu’on nous fasse. Cela signifie que nous devons éviter de lui causer du tort par une action bonne de notre point de vue. Aussi, laisse-le donc donner son cours. »
Le Rav Ganot ajoute l’histoire suivante à ce sujet : « Il y a quelques années, à ‘hol hamoèd Pessa’h, j’ai eu le mérite de me rendre auprès de mon Maître, Rabbi ‘Haïm Kanievsky chelita. Je lui ai posé quelques questions sur Pessa’h et j’ai eu droit aux bénédictions du saint Tsadik de notre génération. La joie de la fête était perceptible sur son visage et il semblait très heureux, comme il l’était toujours lors des fêtes. Je me risquai alors à lui parler des frictions et des controverses éclatant parfois au sein du monde religieux. Je lui racontai l’humiliation et le manque de respect dont les érudits étaient la cible, parfois même en provenance de personnes respectant la Torah avec amour et crainte, et lui dis qu’il n’était pas possible de continuer ainsi à se quereller sans cesse. Je lui demandai un conseil qui nous permettrait de nous renforcer tous dans le domaine du respect du prochain et de donner de l’estime à tous les groupes d’affiliations différentes.
« Rav Kanievsky me répondit que le seul conseil pour cela était, tout simplement, de nous investir de toutes les fibres de notre être dans l’étude de la Torah et de ne pas s’impliquer dans des affaires ne lui étant pas liées. »
« L’étude de la Torah n’équivaut-elle pas à toutes les autres mitsvot réunies et n’apporte-t-elle pas la guérison à tous les maux ? », conclut le grand Maître.