Bamidbar 23 Mai 2020 כ"ט אייר התש"ף |
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Les drapeaux d’Israël, symbole de la solidarité
Rabbi David Hanania Pinto
« Rangés chacun sous une bannière distincte, d’après leurs tribus paternelles, ainsi camperont les enfants d’Israël ; c’est en face et autour de la Tente d’assignation qu’ils seront campés. » (Bamidbar 2, 2)
A peine un an après que les enfants d’Israël furent soustraits au joug de Paro, ils composaient déjà un peuple structuré selon des tribus se distinguant par leurs drapeaux respectifs.
Nos Maîtres affirment (Midrach Rabba 2, 3) que, lorsque les enfants d’Israël virent les anges placés selon des drapeaux, ils désirèrent eux aussi un tel agencement. Le Saint béni soit-Il leur répondit : « Vous voulez composer des drapeaux ? Je vous jure que Je vous donnerai satisfaction. » Il en informa immédiatement Moché, auquel Il ordonna de les disposer selon des drapeaux, comme ils le souhaitaient.
Le Midrach poursuit en soulignant que ce projet inquiéta Moché. Il se dit : « A présent, les tribus vont se quereller. Si j’ordonne à la tribu de Yéhouda de s’installer à l’Est et qu’elle me répond ne pouvoir envisager que le Sud… De même concernant Réouven, Ephraïm ou toute autre tribu. Comment donc procéder ? » Le Saint béni soit-Il lui répondit : « Moché, ne t’inquiète pas. Ils n’ont pas besoin de tes consignes ; ils connaissent d’eux-mêmes leurs places. Ils ont entre leurs mains le testament de leur père Yaakov leur indiquant la manière dont ils doivent camper selon leurs bannières. Je ne leur apprends rien de nouveau, puisque Yaakov leur a transmis cet ordre : la disposition qu’ils avaient lorsqu’ils entourèrent son lit de mort et le portèrent sera aussi celle qu’ils adopteront autour du tabernacle. »
Il nous faut comprendre en quoi cette réponse divine tranquillisa Moché. En effet, les fils de Yaakov n’étaient alors que douze, alors qu’ici, après que les tribus eurent chacune fructifié, il s’agissait d’un peuple de plusieurs milliers de membres. Au moment de leur sortie d’Egypte, ils étaient déjà soixante myriades d’hommes, sans compter les femmes et les enfants. S’ils en venaient à se quereller, comment Moché ferait-il face à ce tumulte ?
Je me souviens qu’une fois, à la synagogue, une controverse éclata au moment de la prière de cha’harit concernant la mélodie sur laquelle il fallait entonner « Az yachir Moché ». Un groupe de personnes désirait une mélodie et un groupe une autre. La discussion était si virulente que je ne parvins pas à rétablir un climat pacifique. Aussi, je comprends l’inquiétude de Moché au sujet d’éventuels débats relatifs à la place de chacun dans le camp.
D’après le Ari zal – que son mérite nous protège –, il existe douze portes réceptionnant nos prières dans le ciel, en parallèle aux douze tribus. Chacune d’entre elles a son propre nossa’h de prière auquel elle doit rester fidèle, en vertu de l’injonction « Ne délaisse pas les instructions de ta mère ». Ceci n’est pas sans poser de difficultés, car, si la paix et la solidarité sont si importants, pourquoi toutes les tribus n’ont-elles pas le même rituel ?
La réponse se trouve dans notre verset introductif : « Rangés chacun sous une bannière distincte, d’après leurs tribus paternelles, ainsi camperont les enfants d’Israël ; c’est en face et autour de la Tente d’assignation qu’ils seront campés. » Si nos ancêtres campaient certes selon des bannières distinctes, le fait qu’ils étaient autour de la Tente d’assignation, c’est-à-dire autour de la Torah, ôtait tout risque de querelle. Car, si tous visent le même but, aspirent à satisfaire la volonté de leur Père céleste, il ne peut y avoir de différend entre eux.
Rav Nissim Rebbibo zatsal, président du tribunal rabbinique de Paris, était originaire du Maroc, mais tous ses Rabbanim étaient achkénazes. Le Rif et le Rambam, Sages d’Espagne, sont suivis en matière de halakha par tous les Sages achkénazes.
Quant à mon père zatsal, il avait l’habitude de nous raconter des histoires du Baal Chem Tov, afin de nous enseigner que, lorsque nous campons tous autour de la Tente d’assignation, avons le même objectif, nous ne sommes pas en conflit, mais, au contraire, une merveilleuse atmosphère de solidarité préside. Dans une telle situation, nous sommes tous frères, aussi, le pays d’origine et la tendance religieuse de chacun importent peu. Nous sommes tous les descendants d’Avraham, d’Its’hak et de Yaakov et désirons contenter le Créateur. Chacun d’entre nous apporte son soutien à autrui, l’assistant dans son service divin, dans l’esprit du verset « L’un prête assistance à l’autre et chacun dit à son frère : “Courage !” »
PAROLES DE TSADIKIM
Quand le café et le sandwich disparaissent de la réalité
En marge du verset « L’Eternel parla en ces termes à Moché, dans le désert de Sinaï », nos Sages commentent dans le Midrach : « Nous en déduisons que la Torah fut donnée avec trois choses : le feu, l’eau et le désert. Pour quelle raison ? Car, de même que ces éléments sont gratuits pour tous les habitants du monde, les paroles de Torah le sont. » Le Midrach poursuit en expliquant l’image du désert : « Celui qui ne se rend pas semblable à un désert ne peut acquérir la sagesse de la Torah. »
Rabbi Its’hak David Grosman chelita s’interroge : a priori, ceci semble contredire la logique. Quand un individu se présente à un travail, la première chose que l’employeur vérifie est sa stabilité et l’appropriation de l’emploi. S’il a un doute concernant ces deux points, il sera réticent à lui confier le travail. Pour peu que le candidat interviewé ne soit pas très qualifié, on peut supposer qu’il devra postuler le lendemain pour un autre emploi. Aucun patron ne désire embaucher quelqu’un d’incompétent.
Or, il n’en est pas ainsi de la Torah. Au contraire, puisque « il n’est d’homme libre que celui qui s’occupe de Torah ». Quiconque annule son ego peut accéder à la sagesse de la Torah. Car, d’origine divine, elle ne peut être appréhendée par celui qui tente de l’aborder en maintenant sa manière personnelle de penser. Seule la personne se considérant comme un désert, lieu public ouvert à tous, c’est-à-dire annulant sa personnalité, sera à même d’acquérir la sagesse de la Torah.
Un jour, Rav Isser Zalman Meltser zatsal étudiait avec un jeune ba’hour désireux de progresser dans l’étude de la Torah auprès de ce grand Maître. A midi, la Rabbanite, la Tsadékèt Beile Hinde, revint du marché Ma’hané Yéhouda, chargée de nombreux paniers emplis de denrées en l’honneur de la fête de Pessa’h qui approchait. Elle avait notamment acheté du raifort pour le maror et des radis pour le carpas. Lorsqu’elle vit que le café, le pain et les légumes étaient restés sur la table du salon comme des objets n’intéressant personne, elle rouspéta en demanda à son mari : « Pourquoi n’as-tu encore rien mangé ? »
Comme s’il venait de se réveiller de sa torpeur, le Roch Yéchiva lui répondit avec simplicité : « Rabbanite, ne vois-tu pas qu’un invité de marque est venu me voir ? C’est un ben Torah désireux de s’entretenir de limoud avec moi. Je ne pouvais pas m’arrêter au milieu pour des choses banales. »
Mais, son épouse campa sur ses positions : « Que serait-il bien arrivé, mon cher mari, si tu avais demandé à ce jeune homme d’attendre quelques minutes, le temps que tu déjeunes ? » Rav Isser, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire, lui répondit avec étonnement et humilité : « Suis-je un professeur pour qu’on doive m’attendre ? »
Cette histoire illustre merveilleusement l’affirmation de nos Maîtres selon laquelle « Celui qui ne se rend pas semblable à un désert ne peut acquérir la sagesse de la Torah ».
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Travail et étude de la Torah
Un homme fortuné me demanda ma brakha dans différents domaines. Afin qu’il ait suffisamment de mérite pour qu’elle puisse s’accomplir, je lui demandai de faire un don en faveur d’élèves de Yéchivot, en soutien à l’étude de la Torah.
Mais je me heurtai à un refus : « Pardonnez-moi, mais je travaille dur pour gagner ma vie et ne pourrai donc pas faire de dons à des étudiants en Yéchiva, qui ne travaillent pas et ne font rien d’autre qu’étudier la Torah. De mon point de vue, ce sont des fainéants et je n’ai pas l’habitude de faire des dons à des personnes inactives ! »
En entendant ces propos méprisants témoignant d’une méconnaissance totale de l’importance prépondérante de l’étude pour notre peuple, ces critiques dirigées contre nos valeureux étudiants en Torah, qui s’investissent corps et âme dans son étude, je suggérai à cet homme d’essayer lui-même d’étudier la Torah une journée entière. S’il y parvenait, je m’engageai à lui donner tout ce qu’il voudrait.
« Dans ce cas, je vais étudier une semaine ! » me répondit-il en riant.
Il resta assis de longues minutes, tentant de se concentrer, à l’exemple de ces étudiants qu’il avait critiqués. Cependant, comme je l’avais prévu, il n’y arriva pas, se découragea bien vite et parvint à une conscience claire que l’étude de la Torah est une activité difficile à la base, demandant des efforts et une implication importante. Il réalisa ainsi qu’il ne faut pas mépriser ceux qui se tuent à cette tâche et grâce auxquels le monde entier se maintient.
Depuis ce jour, son estime pour les étudiants en Yéchiva a beaucoup augmenté ; il a eu le mérite de donner de grandes sommes à nos Yéchivot et à des institutions de Torah, à l’instar de Zévouloun, qui soutenait son frère Issakhar, étudiant la Torah.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Yonathan lui dit : “C’est demain néoménie (…)” » (Chmouel I chap. 20)
Lien avec la paracha : ce Chabbat est la veille de Roch ‘Hodech Sivan, qui tombe dimanche. D’où le lien entre la haftara, où il est question de veille de néoménie, et notre Chabbat.
CHEMIRAT HALACHONE
Louer son prochain
Louer son prochain peut parfois être interdit à titre de « poussière de médisance ». C’est par exemple le cas lorsqu’on dit : « Qui aurait cru qu’untel parvienne à sa situation actuelle ? » Ou bien : « Je préfère ne pas vous dire ce qui va se passer à son sujet. »
De même, on ne doit pas louer quelqu’un en présence de ses ennemis, car cela les inciterait à médire de lui.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Le Créateur attend notre repentir
« Pour la rançon des deux cent soixante-treize, excédent des premiers-nés israélites sur le nombre des Lévites. » (Bamidbar 3, 46)
Nous pouvons nous demander pourquoi le Saint béni soit-Il n’a pas fait en sorte que le nombre des Lévites corresponde exactement à celui des premiers-nés. Cela aurait évité ce surplus de premiers-nés devant être rachetés.
Il me semble que la Torah ait ainsi voulu nous enseigner que, si quelqu’un transgresse la volonté divine et faute, il ne doit pas désespérer en pensant être tombé trop bas pour se corriger. De même que les premiers-nés n’ayant pas de Lévites pouvant les remplacer au service du Temple, du fait de leur nombre dépassant ces derniers, purent être rachetés d’une autre manière – par des pièces d’argent –, le pécheur a, lui aussi, un moyen de réparer sa faute. Le Créateur, conscient que « le penchant du cœur de l’homme est mauvais dès sa jeunesse », ne lui reproche pas ses manquements, mais attend qu’il les répare en se repentant.
Un homme, empli d’amertume, vint me voir pour me confier qu’il mettait les téfilin depuis dix ans et venait de réaliser qu’elles ne contenaient pas les parchemins devant y être insérés. Déprimé, il se demandait comment réparer ce péché.
Je le rassurai en lui affirmant qu’il est toujours possible de se repentir, l’Eternel étant longanime. Aussi, s’il s’engageait dorénavant à acheter des téfilin de grande qualité, à les mettre quotidiennement et à ne pas prononcer de propos futiles pendant ce temps, cette mitsva gagnerait en sainteté et D.ieu considérerait certainement comme s’il les avait aussi portées durant toutes les années précédentes. Car, Il attend impatiemment que l’homme cesse de fauter et revienne vers Lui pour pouvoir l’absoudre.
PERLES SUR LA PARACHA
Eviter d’humilier autrui
« Moché et Aharon s’adjoignirent ces hommes, désignés par leurs noms. » (Bamidbar 1, 17)
Les chefs de tribus étaient des personnalités si distinguées que Moché aurait pu deviner de qui il s’agissait et les nommer lui-même. Mais, afin d’éviter de blesser les autres membres du peuple n’étant pas choisis comme princes, il demanda à l’Eternel de les désigner par leurs noms.
Le Rav Tsvi Polias chelita fait remarquer à cet égard que, au moment où ils furent désignés, le peuple n’était pas présent, comme l’indique l’ordre des expressions « Moché et Aharon s’adjoignirent ces hommes » et « Puis ils convoquèrent toute la communauté ». Le but était d’éviter d’humilier qui que ce soit.
On raconte à ce sujet qu’après les fiançailles de Rabbi Akiva Eiguer, son beau-père l’invita dans sa ville afin de se glorifier de son prestigieux gendre. Les érudits prirent place dans le beit hamidrach, tandis que le beau-père attendait que son gendre prenne la parole.
Cependant, celui-ci n’ouvrit pas la bouche, au plus grand étonnement de son beau-père qui voulut rompre les fiançailles. Pour toute explication, il demanda qu’on lui laisse un délai de deux jours, suite auxquels il parla brillamment.
Quand on lui demanda pourquoi il avait pris le risque de compromettre ses fiançailles, il expliqua qu’un autre ‘hatan se trouvait également présent et que, s’il avait exposé ses paroles de Torah, cela aurait pu ternir la valeur de ce dernier aux yeux de son beau-père.
Un compte sans raison
« Ainsi que l’Eternel l’avait prescrit à Moché, leur dénombrement eut lieu dans le désert de Sinaï. » (Bamidbar 1, 19)
Pourquoi est-il précisé que le compte des enfants d’Israël était « ainsi que l’Eternel l’avait prescrit à Moché » ? C’est évident.
Rav Moché Feinstein zatsal répond comme suit. Dans un état, il existe un intérêt de faire le recensement exact des habitants, cette donnée permettant d’évaluer leurs différents besoins, notamment en nourriture et habillement. Or, durant leur traversée du désert, nos ancêtres recevaient leur nourriture à travers la manne tombant du ciel et buvaient l’eau du puits qui les accompagnait. Les nuées les entourant leur lavaient et repassaient les vêtements qui, par ailleurs, grandissaient avec les enfants. Elles leur assuraient également la protection contre leurs ennemis. Par conséquent, tous leurs besoins élémentaires étaient miraculeusement comblés. Aussi, il n’y avait aucune nécessité de connaître leur nombre exact.
D’où le sens de la précision du verset : « Ainsi que l’Eternel l’avait prescrit à Moché, leur dénombrement eut lieu dans le désert de Sinaï. » En d’autres termes, si ce n’était que D.ieu l’avait ordonné à Moché, il n’y avait aucune utilité à recenser les enfants d’Israël. Mais, du moment qu’Il l’avait enjoint, il fallait obtempérer sans la moindre contestation, même si rien ne semblait justifier cette nécessité.
Le mérite particulier de Gad
« Le phylarque des enfants de Gad étant Elyaçaf, fils de Réouel. » (Bamidbar 2, 14)
Dans son ouvrage ‘Homat Anakh, le ‘Hida zatsal rapporte les paroles de l’auteur du Imré Noam selon lesquelles Gad mérita que Moché soit enterré dans son territoire, du fait que, lorsque ce dernier désigna Dan comme chef des trois bannières dont il faisait partie, Gad aurait pu rétorquer : « Je suis l’aîné de Zilpa et Dan est l’aîné de Bilha, aussi, pourquoi ne serais-je pas chef comme lui ? »
Or, il se tut et ne protesta pas. C’est pourquoi le prince de la tribu de Gad est ici appelé « Elyaçaf, fils de Réouel », bien que son vrai nom fût « fils de Déouel », afin de souligner allusivement qu’il mérita d’être élevé en cela que « réa El », l’ami de D.ieu, en l’occurrence Moché, fut enterré dans son territoire.
Il ajoute que le nom Réouel figure justement concernant les drapeaux, alors qu’auparavant, au sujet des sacrifices des princes, il était écrit Déouel, afin de nous enseigner que son renoncement concernant la direction des trois drapeaux lui valut un tel mérite.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Le livre de Bamidbar nous confronte d’emblée à la question de savoir pourquoi la Torah a été donnée dans le désert. Il s’agit d’un lieu public, ouvert à tous, mais n’offrant pas de conditions correctes de vie : il est dépourvu d’eau, d’électricité, d’air conditionné. Comment donc est-il possible d’y vivre ? Il n’existe qu’une seule manière : lever les yeux vers l’Eternel et placer notre confiance en Lui, certain qu’Il pourvoira à nos besoins et nous protégera de tous les dangers de cet endroit aride.
C’est de cette manière que vivaient nos ancêtres dans le désert. Ils eurent droit à une colonne de nuée leur aplanissant le chemin, à de la manne, nourriture céleste, et à un puits les accompagnant dans tous leurs déplacements.
La Torah fut donnée dans le désert afin de nous enseigner la manière dont nous devons mener une existence conforme à elle. Celui qui étudie la Torah doit fermer les yeux sur tout ce qui se passe autour de lui, ne pas tenir compte des conditions dans lesquelles il se trouve. Il lui incombe d’avoir foi en D.ieu et de compter totalement sur Lui.
Le roi David nous enjoint à cet égard : « Décharge-toi sur D.ieu de ton fardeau, Il prendra soin de toi : jamais Il ne laisse vaciller le juste. » (Téhilim 55, 23) Si l’on place sa confiance dans le Créateur, on ne manque de rien.
Celui qui croit en l’Eternel est environné de Sa grâce
De bonne heure, le père réveille son enfant pour qu’il se prépare à un nouveau jour d’étude au Talmud-Torah. Comme tous les jours, sa maman lui a préparé un bon sandwich frais et nourrissant, qu’elle a mis dans un petit sachet. Il commence à se faire tard et l’enfant s’empresse de quitter son foyer pour se mettre en route vers l’école.
Arrivé sur place, il entre dans la classe et rejoint sa place. Soudain, il se rend compte qu’il a oublié son sandwich à la maison. « Que va-t-il arriver ? pensa-t-il. Vais-je rester affamé de longues heures, jusqu’à ce que je rentre chez moi ? »
L’espace d’un instant, il fut très soucieux, mais se ressaisit aussitôt, retrouvant son calme et sa confiance. « Je connais mes parents : ils feront tout leur possible pour que je ne reste pas affamé. »
Exactement au moment où il était plongé dans ces pensées, son père trouva le sachet qui reposait encore sur la table. Il pensa : « Oh, mon pauvre enfant ! Il n’est pas possible que mon chéri reste si longtemps affamé. De plus, cela pourrait l’empêcher de bien étudier. »
Bien qu’il fût pressé, le père n’hésita pas un instant. Il prit le sandwich, arrêta un taxi et courut l’apporter à son fils au Talmud-Torah, afin qu’il n’ait pas faim et ait suffisamment de forces pour étudier.
Quelle conclusion peut-on tirer de cette histoire ? L’enfant avait parfaitement raison lorsqu’il estima qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Il était sûr que son père ferait tout pour lui et c’est effectivement ce qui se passa.
Tout en s’éloignant du Talmud-Torah, le père pensa : « Ce crochet m’a certes coûté du temps précieux, ainsi que quelques sous. Mais, que ne ferait-on pas pour son enfant ? Et combien est-on prêt à faire pour lui permettre d’étudier la Torah sans aucune perturbation ? »
Nous nous accorderons tous sur le fait que cette anecdote ne nous apprend rien de nouveau. Tout parent dévoué et aimant son enfant se comporte de la sorte, tandis que tout enfant sait et ressent qu’il peut compter sur ses parents, dans lesquels il place son entière confiance.
Ceci nous donne une illustration du lien nous rattachant à notre Père céleste, miséricordieux et bien-aimant à l’égard de Ses chers enfants, plongés dans l’étude de la Torah et dévoués à Son service. Le Très-Haut ne nous oublie jamais. Il se soucie constamment de nous, comble tous nos manques. Comment donc ? Cela ne doit pas nous préoccuper. L’Eternel a de nombreuses voies. Il ne nous demande que de Lui faire confiance et alors, Il nous environnera de Sa grâce.
Cependant, à certaines époques, la pauvreté dominait et les parents étaient contraints d’envoyer leurs enfants étudier sans même pouvoir leur donner une tranche de pain. C’est justement pourquoi la Torah souligne : « L’Eternel parla en ces termes à Moché dans le désert de Sinaï. » Les personnes traversant le désert ne posent pas de conditions à l’avance. Elles savent que, pour arriver à destination, elles n’ont d’autre choix que d’affronter ce lieu aride, quelles que soient les difficultés.
Il en est de même concernant l’étude de la Torah : elle doit être inconditionnelle. La Torah, élixir de vie, est notre vie même. Envers et contre tout, nous l’étudierons, sans poser de conditions, sans compter sur le fait que ce sera facile.
Laisser sa voix intérieure s’exprimer
L’ouvrage Pri Amalénou explique sous un autre angle pourquoi la Torah fut donnée dans le désert.
Une année, vers la fin du zman, les vingt-six élèves de la Yéchiva de Loumza durent se séparer de leur vénéré Maître, le Gaon Rav Yé’hiel Mikhel Gordon zatsal. Ils allaient ensuite rejoindre leur domicile et s’engager sur leur propre voie.
Le Roch Yéchiva désirait leur donner un bon bagage, adapté tout aussi bien à chacun d’entre eux. Il réfléchit et trouva !
« Mes chers enfants, leur dit-il, nombre d’entre vous aurez certainement le mérite d’être nommés Rav, d’autres ne l’auront pas. Permettez-moi de vous raconter une histoire qui vous servira de repère dans la vie.
« Le Tsar russe, Nicolas I, alla une fois faire un tour dans les différents états de son royaume. Arrivé au premier état, il y fut reçu en grandes pompes par le gouverneur local. S’adressant à lui, il lui demanda : “Comment gères-tu les affaires de ton état ?”
« “Je me conforme à la loi, exactement telle qu’elle est transcrite”, répondit-il.
« Le tsar, d’un regard furieux, décréta : “Tu es licencié !”
« Les milliers de citoyens furent frappés de stupeur. Ils ne parvenaient pas à comprendre en quoi le gouverneur avait fauté. Cependant, personne n’osa contredire le tsar, en particulier Nicolas I, surnommé le “tsar de fer” et connu pour sa cruauté.
« Le soir, lors du festin, après que le tsar eut bu quelques verres de vodka et fut d’humeur joviale, l’un des membres de son royaume se risqua à le questionner à ce sujet : pourquoi donc avait-il destitué ce gouverneur si consciencieux ?
« Le tsar expliqua alors : “Pour diriger un état conformément à la stricte loi, on n’a pas besoin d’un gouverneur. Il suffit d’un sergent de police.” »
Le message qu’a voulu leur transmettre leur Maître est clair : pour se comporter comme un Juif, il faut transformer la Torah en une « Torah de vie ». Le cinquième volume du Choul’han Aroukh n’a jamais été rédigé. Aussi, afin de savoir comment se conduire dans chaque situation, on ne peut se contenter d’adopter la rigidité d’un agent de police, qui s’acquitte de son travail en s’assurant que l’ordre est respecté, mais, il nous appartient de laisser notre voix intérieure s’exprimer, de suivre la voix de notre cœur.