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Parachat EKEV

8 Août 2020

י"ח אב התש"ף

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
Paris 21h01* 22h12 23h15
Lyon 20h42* 21h50 22h46
Marseille 20h34* 21h39 22h31
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Les bienfaits de la contemplation

Rabbi David Hanania Pinto

« Et maintenant, ô Israël ! Ce que l’Eternel, ton D.ieu, te demande uniquement, c’est de craindre l’Eternel (…). » (Dévarim 10, 12)

Moché laisse entendre par cette affirmation que l’exigence de craindre D.ieu est aisée et ne dépasse pas nos capacités. Affirmation pour le moins étonnante, car nous savons combien la crainte du Ciel est difficile à acquérir.

En fait, dans l’absolu, elle n’est pas si difficile à intégrer. Mais, il existe une multitude d’obstacles qui nous empêchent d’accomplir convenablement notre service divin, entravant également l’acquisition de cette vertu. Le plus important d’entre eux est le fait que nous vivons dans une ambiance de confusion, dans laquelle personne ne sait plus distinguer le bien du mal ou ce qui est droit de ce qui ne l’est pas. Lorsqu’un homme ne s’attache pas qu’à la Torah, mais apprécie également les futilités de ce monde, elle ne peut lui apporter le soutien optimal pour acquérir la crainte du Ciel dont il a besoin dans sa lutte contre le mauvais penchant.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, mon ancêtre, Rabbi Yochiyahou Pinto zatsal, employa le terme kessef, argent, dans tous les titres de ses ouvrages. Quand on lui en demanda un jour la raison, il répondit qu’il désirait transmettre un enseignement fondamental pour réussir dans la Torah. En effet, tout le monde a une inclination pour l’argent et, quand bien même une personne en possède beaucoup, elle n’est pas tranquille, recherchant constamment des moyens d’en gagner davantage. Pour réussir dans l’étude de la Torah, il nous incombe au préalable d’en connaître la valeur et l’importance. Ensuite, il nous faut « prendre » tous nos désirs pour les satisfactions de ce monde, ainsi que tous nos efforts investis dans la matérialité, et les orienter uniquement vers la Torah, au point de pouvoir dire de soi-même « mon âme soupirait (nikhssefa) et languissait [après elle] ». Nikhssefa est de la même famille que kessef, nous enseignant que l’homme doit orienter toute son attirance pour l’argent vers la Torah. Dès qu’il saura estimer cette dernière à sa juste valeur, il pourra réussir dans son étude. De même, lorsqu’il comprendra qu’il lui faut renoncer aux agréments de ce monde, il méritera d’assimiler son étude, comme nos Sages l’ont expliqué (Brakhot 63b) : « La Torah n’est acquise que par celui qui se sacrifie pour elle. »

Il m’est arrivé une fois de gravir les étages d’un gratte-ciel. A mesure que je m’élevais, je constatais que les paliers étaient de plus en plus propres. Quant au hall, il était très sale. Et pour cause ! Y passaient tous les habitants des étages supérieurs, tandis que n’accédaient au dernier étage que les occupants de celui-ci. Je retirai de ce constat un enseignement édifiant : plus un homme est attaché à la matérialité, plus son âme est souillée ; en revanche, plus il s’élève et se détache des plaisirs terrestres, plus elle devient propre. Il doit prendre conscience que toutes les satisfactions de ce monde sont sans valeur intrinsèque ; elles ne lui sont fournies qu’en tant que moyen pour accomplir son service divin. Fort de cette réflexion, un homme peut acquérir la Torah et la crainte du Ciel.

Le roi David a dit (Téhilim 8, 4) : « Lorsque je contemple Tes cieux, œuvre de Ta main, la lune et les étoiles que Tu as formées (…). » Cela signifie que l’homme doit observer toute chose, même la plus simple, pour en tirer un enseignement. Le fait de réfléchir lui permet de s’élever et de grandir. Celui qui ne médite pas sur ses actions peut facilement retomber du niveau qu’il avait atteint. Il ressemble à ceux décrits par le verset : « Ils ne savent ni ne comprennent, ils s’avancent dans les ténèbres. » (Ibid. 82, 5)

Telle est la récompense de l’homme réfléchissant sur ses actes et rejetant les plaisirs futiles de ce monde : il a le privilège de s’attacher à la Torah et d’acquérir la crainte du Ciel.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Tsion avait dit : “L’Eternel m’a délaissée, le Seigneur m’a oubliée” (…). » (Yéchaya chap. 49)

Cette haftara fait partie de celles lues au cours des 7 Chabbatot de consolation suivant le 9 Av et, de fait, contient des passages destinés à consoler le peuple juif, accolés à d’autres concernant la foi en D.ieu et en Sa Torah.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Il dirige les pas de l’homme

Une année, on sollicita mon aide dans l’organisation d’une collecte au profit des institutions d’un Rav dont la venue était prévue dans notre ville.

Je lançai donc un appel de dons et ramassai en une journée une somme honorable, si bien qu’il ne me restait plus qu’à attendre le Rav pour la lui remettre.

Peu de temps avant cette venue, je reçus l’appel d’un Juif fortuné, qui m’exposa ses problèmes et me demanda une brakha pour qu’ils s’arrangent. Afin d’offrir à ma brakha un réceptacle, je lui suggérai de faire un don au Rav pour lequel je ramassais de l’argent. Il me répondit avec joie qu’il me le remettrait à la synagogue le mardi suivant, à la fin de mon cours auquel il avait l’habitude d’assister.

Le mardi arriva et un autre Rav, un homme discret et de grande valeur, se présenta lui aussi dans le but de ramasser de l’argent. Parvenu à collecter la somme de 300 euros, il était très satisfait.

C’est à ce moment que l’homme venu participer à mon cours le repéra et, croyant naïvement qu’il s’agissait du Rav dont je lui avais parlé, il se hâta d’aller à sa rencontre pour lui remettre la somme de 1 000 euros.

À la fin de mon cours, il vint m’annoncer qu’il avait remis son don au Rav comme convenu. Cela m’étonna, étant donné que le Rav dont je lui avais parlé n’était pas encore de passage. « Vous avez transmis votre don au Rav ? lui demandai-je donc. Où l’avez-vous vu ?

– Ici, dans la synagogue, me répondit-il.

– Il s’agit d’un autre Rav, et non de celui auquel je pensais a priori, mais cela vient de D.ieu. »

En y réfléchissant, ce Rav qui pensait ramasser en tout et pour tout quelques centaines d’euros eut finalement le mérite de repartir avec la somme de 1 300 euros ! Il est évident que c’est sa foi en D.ieu qui lui valut une telle réussite dans sa collecte, au-delà de ses espérances.

CHEMIRAT HALACHONE

Même si on n’a pas péché

Dans le Séfer ‘Hassidim (22), il est écrit : « Si l’on se trouve dans un groupe de personnes ayant accompli un acte répréhensible et qu’on ignore qui est le fauteur, on doit dire “C’est moi qui ai fauté”, même si ce n’est pas le cas. »

PAROLES DE TSADIKIM

La preuve apportée par le sermonneur de Prague

Une idée centrale revenant de nombreuses fois dans la Torah est le pouvoir de l’écoute et notre devoir de tendre l’oreille aux paroles de morale. Notre paracha s’ouvre elle aussi par ce thème, comme il est dit : « Si vous écoutez ces lois (…). » En d’autres termes, tout dépend de notre écoute et de la manière dont nous intériorisons les propos entendus.

Rabénou Yossef ‘Haïm de Bavel – que son mérite nous protège – raconte qu’un jour, arriva à Bagdad un Rav achkénaze originaire d’Europe. On lui demanda qui il était et il répondit : « Le sermonneur (mokhia’h) de Prague. » Les habitants de la ville n’ayant jamais vu ce célèbre personnage, ils crurent en cet homme, lui témoignèrent de grands honneurs et lui demandèrent de bien vouloir prendre la parole.

Cependant, quelques marchands s’étaient associés à la foule présente et l’un d’eux connaissait le « sermonneur de Prague ». Dès qu’il aperçut l’orateur, il remarqua qu’il n’était pas celui qu’il prétendait être. Aussi l’interrogea-t-il : « Pourquoi t’es-tu présenté comme le sermonneur de Prague ? »

L’homme lui répondit : « Mokhia’h ne signifie pas uniquement sermonneur, mais aussi “celui qui prouve”. Je suis venu vous prouver la manière dont il faut se conduire dans ce monde. J’étais très riche, j’ai voyagé dans le monde entier, même jusqu’en Amérique, après avoir fait une longue et périlleuse traversée de trois mois en bateau, affrontant les dangers des pirates et des tempêtes. J’y ai vu les jouissances de tout type des nantis de cet autre bout de la planète. J’ai rencontré des hommes heureux qui, en l’espace d’un instant, ont été atteints de graves maladies. Quelle existence mènent-ils ? Ils n’ont ni maison ni famille.

« Quant à moi, je possédais cinq vignes d’où je tirais chaque année un bénéfice de plusieurs millions, vingt champs cultivés qui me rapportaient tant et tant, trente mille têtes de bétail et cent vaches dont le lait suffisait à apporter la subsistance à une douzaine de familles nombreuses, cent commerces, vingt bateaux, un coquet compte en banque, outre l’argent liquide à ma disposition, et de nombreuses actions gouvernementales.

« Or, me voilà maintenant dépourvu de toute cette richesse. Je n’ai plus rien. Je suis un pauvre ramassant de l’argent aux portes. Je n’ai même pas de quoi manger, je suis dépourvu de tout, comme un nourrisson.

« Regardez-moi et vous réaliserez que la force de l’homme n’est pas éternelle. Sa richesse ne tient qu’à un fil, son existence est fragile comme de l’argile et sa vie semblable à un rêve qui s’envole. La roue tourne dans le monde et, en un instant, D.ieu peut rabaisser les arrogants et élever les humbles.

« Je ne parle pas en l’air et peux vous prouver toutes mes paroles. A présent, ne mérité-je toujours pas le titre de “sermonneur de Prague” ? »

Le discours de cet homme plut au Ben Ich ‘Haï, qui y décela des propos authentiques. Il les consigna dans son ouvrage Od Yossef ‘Haï. Car, celui qui réprimande les autres doit, tout d’abord, intérioriser lui-même le message qu’il s’apprête à leur transmettre.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

L’homme maîtrise ses pensées

« Et maintenant, ô Israël ! ce que l’Eternel, ton D.ieu, te demande uniquement, c’est de craindre l’Eternel, ton D.ieu, de suivre en tout Ses voies, de L’aimer, de Le servir de tout ton cœur et de toute ton âme (…) » (Dévarim 10, 12)

« C’est de craindre l’Eternel » : Rachi nous rapporte la déduction de nos Maîtres : « Tout provient du Ciel, sauf la crainte du Ciel. » (Brakhot 33b)

Dans ce verset, Moché précise aux enfants d’Israël que tout ce que D.ieu exige d’eux découle de la crainte du Ciel. Lorsqu’ils posséderont cette vertu, ils réussiront à acquérir toutes les autres. La Guemara pose toutefois une question (ibid.) : « La crainte du Ciel est-elle facile à acquérir ? » C’est ce qui semble transparaître à travers les paroles de Moché. Mais comment peut-on tenir de tels propos alors que nos Sages nous ont dit que tout dépend du Ciel, sauf la crainte du Ciel ? La Guemara répond qu’effectivement, pour notre maître Moché, il fut aisé de se doter de cette caractéristique et c’est pourquoi il s’adressa au peuple en ces termes.

Le Baal Chem Tov explique que, dans notre entourage, il existe de nombreuses personnes dont l’apparence extérieure laisse à penser qu’elles accomplissent les mitsvot. Mais, en y regardant de plus près, nous remarquons qu’elles n’ont pas de crainte du Ciel et manquent de foi. Leurs actions ne sont dictées que par l’habitude. Le Baal Chem Tov poursuit en disant que cette situation provient du fait qu’elles n’accordent pas à D.ieu la prépondérance. Lorsqu’un homme se lève le matin, préoccupé par des sujets matériels et personnels, ces pensées le poursuivent toute la journée et ne lui laissent pas le loisir de penser au Tout-Puissant. En revanche, celui qui, dès son réveil, déclame à voix haute « modé ani » mérite que cette première pensée accordée à D.ieu l’accompagne jusqu’au soir, si bien qu’il accomplit toutes ses actions avec la crainte du Ciel.

Ainsi, tout dépend de nos priorités. Chacun doit donc faire son propre bilan : débute-t-il sa journée en évoquant ses préoccupations personnelles ou le fait que D.ieu, dans Sa grande bonté, lui a restitué son âme ? L’homme est le seul à en décider. D’où la célèbre affirmation de nos Maîtres : « Tout provient du Ciel, sauf la crainte du Ciel. »

PERLES SUR LA PARACHA

L’étude, une nécessité vitale

« Enseignez-les à vos enfants en les répétant sans cesse. » (Dévarim 11, 19)

Un homme dont le fils étudiait à la Yéchiva de Radin se rendit une fois auprès du ‘Hafets ‘Haïm zatsal. De son point de vue, son enfant avait déjà suffisamment étudié et il demandait au Sage une brakha et la permission de le récupérer pour qu’il l’aide dans son commerce.

« Pourquoi le contraindre à arrêter d’étudier ? demanda le Tsadik.

– Que puis-je vous dire, Rav, répondit son visiteur. Comme j’ai pu le constater, il ne deviendra pas un deuxième Rabbi Akiva Eiguer. Alors, qu’il m’aide au moins dans le gagne-pain !

– Quel est ton métier ? s’intéressa-t-il.

– Marchand de légumes au marché. C’est un travail très dur.

– Dis-moi, pourquoi travailles-tu si dur ? Tu sais pourtant que tu ne deviendras pas un deuxième Rothschild…

– Que voulez-vous dire ? Il faut bien travailler pour vivre !

– C’est vrai, mais il faut aussi étudier pour vivre ! » s’écria le juste.

La bénédiction provient du Maître des bénédictions

« Tu seras béni par tous les peuples. » (Dévarim 7, 14)

Dans son ouvrage Bné Réouven, Rabbi Mimoun Avo, de Staganm, pose la question suivante : l’Eternel ayant déjà béni le peuple juif en disant « Il t’aimera, te bénira, te multipliera » (ibid. 7, 13), quelle était la nécessité de la bénédiction « Tu seras béni par tous les peuples » ?

En préambule, il explique le commentaire du Midrach sur le verset « Notre sœur ! Puisses-tu devenir des milliers de myriades ! » (Béréchit 24, 60) Rabbi Bérakhia et Rabbi Lévi demandent, au nom de Rav ‘Hama bar ‘Hanina : pourquoi Rivka ne fut-elle pas exaucée tant que Its’hak n’avait pas prié en sa faveur ? Afin d’éviter que les idolâtres prétendent que leur prière avait porté ses fruits. C’est pourquoi « Its’hak implora l’Eternel au sujet de sa femme, parce qu’elle était stérile », puis, seulement ensuite, « l’Eternel accueillit sa prière et Rivka, sa femme, devint enceinte ».

Il en est de même ici : pour que les nations du monde ne prétendent pas que leur bénédiction s’est avérée efficace, ce qui aurait contraint l’Eternel à ne pas accomplir Sa propre bénédiction, comme dans le cas de Rivka, Il a Lui-même commencé à bénir le peuple juif. De cette manière, même si les nations le bénissaient ensuite à leur tour – comme il est dit : « Tu seras béni par tous les peuples » –, il n’y aurait pas lieu de craindre leur bénédiction, puisqu’elle aura été précédée par celle du Créateur. Ils ne pourront donc s’attribuer le mérite de sa réalisation.

La présence de la terre d’Israël dans le monde

« Afin que se multiplient vos jours et ceux de vos enfants sur la terre que le Seigneur a juré à vos pères de leur donner. » (Dévarim 11, 21) 

La Guémara (Brakhot 8a) rapporte que, lorsque Rabbi Yo’hanan apprit la présence de vieillards ayant atteint un âge très avancé en Babylone, il resta interdit. En effet, la promesse de longévité évoquée dans notre verset introductif se limite au pays d’Israël. Mais, lorsqu’on lui souligna que les hommes de Bavel se levaient de bonne heure pour rejoindre les synagogues et lieux d’étude et ne les quittaient que tard le soir, son étonnement disparut.

Ceci soulève la question suivante : si ce Sage déduisit du verset que seule la Terre Sainte confère à ses habitants le privilège de vivre longtemps, pourquoi le fait que ceux de Babylone restaient de longues heures dans les lieux d’étude et de prière modifia-t-il sa compréhension ?

Rabbi Yossef Adès zatsal, auteur du Chévèt Moussar, explique que, lorsque le Temple fut détruit, le Saint béni soit-Il dispersa ses pierres dans le monde et, en tout lieu où tomba l’une d’elles, une synagogue fut construite. C’est pourquoi celles-ci sont surnommées « petits sanctuaires ».

Dès lors, lorsque les Juifs de Babylone s’y rassemblaient, ils rejoignaient un endroit où se trouvait une pierre du Temple, si bien qu’ils étaient considérés comme se trouvant dans le pays d’Israël.

En outre, la Guémara affirme que les synagogues et maisons d’étude de Babylone seraient plus tard implantées en Israël et, à ce titre, sont considérées comme partie intégrante de ce pays.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Un Juif droit et simplet vint voir le Rav pour lui dire : « Rav, j’aimerais de tout cœur gagner une part dans le monde à venir, mais je suis ignorant. Que puis-je faire ? Je suis incapable d’étudier la Torah. Pourriez-vous m’enseigner en bref la bonne voie à suivre ? »

Le Sage lui répondit : « Ecoute bien et grave ceci dans ta mémoire : imagine-toi qu’il n’y a qu’une seule mitsva à accomplir, que tu es le seul Juif au monde et que tu ne dois l’observer que ce jour-là. »

L’autre se réjouit de ces instructions. Quoi de plus facile ! Il s’empressa de prendre congé de son Maître. Ce dernier le rappela à voix haute : « Attends ! Ne pars pas si vite, je veux t’expliquer ce que je t’ai dit. »

Mais, notre homme refusa de revenir sur ses pas et se contenta de répondre par-derrière ses épaules : « Rav, je ne suis pas sot, j’ai bien compris vos paroles et je n’ai pas besoin d’explications. »

Il rejoignit son commerce de tissus. Un vieillard entra, choisit un tissu et paya. Mais, par erreur, il lui remit trois dinars au lieu de deux. Le vendeur remarqua son erreur, mais se tut, tandis que son client reprit sa route.

L’après-midi, il ferma son magasin et rejoignit son foyer. « Tu peux te laver les mains, lui dit sa femme. Je t’apporte tout de suite le repas. »

« Tu peux déjà me le donner, répondit-il. Je ne dois pas me laver les mains. »

Son épouse, interloquée, le fixa d’un regard incrédule.

« J’étais ce matin chez le Rav et il m’a dit qu’il me suffisait d’observer une seule mitsva. Aujourd’hui, j’ai déjà mis les téfilin et prié, ce qui était déjà en plus. Demain, je serai même dispensé de cela. Car il a dit que je n’étais obligé de faire une mitsva qu’aujourd’hui ! »

Sa femme en resta bouche bée. Avant qu’elle n’ait le temps de se remettre de sa surprise, quelqu’un frappa à la porte.

Un vieillard entra. « J’ai acheté chez vous du tissu, commença-t-il. Je viens de constater que je vous ai donné un dinar en trop. »

« C’est peut-être vrai, répondit-il en toute sérénité. Mais qu’importe donc ? Aujourd’hui, j’étais chez le Rav et il m’a dit de me considérer comme le seul Juif du monde. Dans ce cas, vous avez le statut d’un non-juif et je ne suis pas obligé de vous rendre votre argent, déboursé par erreur. »

Cette fois, ce fut le vieillard qui resta bouche bée, alors que la femme se mit à crier : « Au secours ! Mon mari est devenu fou ! » Le vieillard se joignit à ses hurlements. L’homme simplet, apeuré, prit la fuite.

Dans la rue, il se mit à réfléchir : « En fait, ils ont raison. Qui ne rirait pas en entendant des choses pareilles ? Un seul Juif, une seule mitsva, un seul jour… Le Rav est responsable de tout ce qui m’est arrivé, c’est lui qui m’a donné ces étranges instructions ! » D’un pas déterminé, il se dirigea vers la demeure de ce dernier pour lui demander des explications.

Le Rav, apercevant l’expression de son visiteur, lui fit remarquer : « Assieds-toi. Je t’avais pourtant demandé de revenir écouter le sens de mes paroles. »

Il n’eut pas le temps d’en dire davantage que l’épouse de cet homme fit irruption dans la pièce. « Au secours, Rav ! Mon mari est devenu fou. »

Avant qu’il puisse la calmer, le vieillard, essoufflé, arriva pour accuser le simplet et le convoquer à un din Torah.

Le Rav prit alors la parole : « Ecoutez bien tous. C’est vrai que je lui ai affirmé ces trois choses, mais permettez-moi de vous les expliquer. Tout d’abord, je lui ai recommandé de considérer qu’il n’avait qu’une mitsva à accomplir. Du fait que nous devons en observer six cent treize, le paresseux peut se dire : “Si une mitsva se présente à moi, ce n’est pas urgent ; si je ne la réalise pas, j’en ferai une autre à la place.” Mais, quand cette autre opportunité arrive, il se dit : “Pourquoi me dépêcher ? Elle ne va pas s’enfuir !”

« Lorsqu’il est assis en face d’un livre d’étude, il se permet de rêvasser. Certes, il a le devoir d’étudier la Torah, mais, là aussi, cette mitsva ne va pas s’envoler, pense-t-il. Il pourra tout aussi bien étudier une heure plus tard…

« Un pauvre frappe à sa porte pour solliciter son soutien. Secouant ses épaules, il refuse de lui donner des pièces, préférant les garder pour un autre nécessiteux qui viendrait peut-être.

 « C’est pourquoi je voulais te signifier de ne pas faire de tels calculs pour les mitsvot et de considérer, au contraire, comme si tu n’en avais qu’une à accomplir, comme si chacune d’elles – l’étude d’un certain passage, une prière ou une mitsva de charité – était une opportunité unique.

« Je t’ai aussi conseillé d’imaginer que tu étais le seul Juif au monde. Pourquoi ? Parce que quand on nous sollicite pour une mitsva, on a tendance à s’esquiver en pensant qu’il existe beaucoup d’autres gens à même de la réaliser. Le pauvre est alors repoussé de porte en porte et demeure dans son dénuement.

« Quand il s’agit de participer à un cours de Torah, chacun se dit : “Pourquoi quitterais-je mon foyer à une heure si tardive de la nuit, sous la pluie battante ? Il y a de nombreux autres participants, à part moi.” Or, à cause de ce raisonnement, il n’y a même pas dix hommes au cours.

« C’est aussi pourquoi je t’ai dit de t’imaginer que tu ne dois observer les mitsvot qu’aujourd’hui – afin que tu ne repousses pas leur réalisation à un autre jour, pour finalement ne jamais les exécuter. »

Cette allégorie, explique le Maguid Rabbi Yaakov Galinsky zatsal, illustre parfaitement l’injonction figurant dans notre paracha : « Toute mitsva que Je t’impose en ce jour, ayez soin de la suivre. » Pourquoi ce passage du singulier au pluriel ?

Le Saint béni soit-Il s’adresse à chacun d’entre nous et lui demande de considérer chaque mitsva comme unique – « toute mitsva » –, lui-même comme le seul Juif sur terre – « que Je t’impose » – et chaque jour comme le seul de son existence – « en ce jour ». Le cas échéant, on parviendra à accomplir l’ensemble des mitsvot.

 

 

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