Parachat Ré'eh 15 Août 2020 כ"ה אב התש"ף |
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La Torah, une protection contre les forces malfaisantes
Rabbi David Hanania Pinto
« Prends garde au mois de la germination, pour célébrer la Pâque en l’honneur de l’Eternel, ton D.ieu ; car, c’est dans le mois de la germination que l’Eternel, ton D.ieu, t’a fait sortir d’Egypte, la nuit. » (Dévarim 16, 1)
Rachi commente : « Ne sont-ils pas sortis de jour ? (…) Mais, c’est la nuit que Paro leur a donné la permission de partir, comme il est dit : “Il manda Moché et Aharon la nuit.” »
Ce Midrah ne manque de nous étonner. Nos ancêtres ne sortirent pas d’Egypte suite à la permission de Paro, mais plutôt grâce aux nombreuses plaies par lesquelles D.ieu la frappa, démonstration de Sa toute-puissance et de Sa domination totale sur l’ensemble de la création. En outre, lors de la dernière plaie, celle de la mort des premiers-nés, Paro réalisa que, en tant qu’aîné, sa vie était en péril, aussi s’empressa-t-il de libérer les enfants d’Israël. Cependant, il le fit contre son gré, donc comment dire qu’il leur donna la permission de quitter son pays ?
La sortie d’Egypte fut caractérisée par des prodiges. Pourquoi donc était-il nécessaire que Paro donne son accord ? En cas de refus de sa part, ne pouvaient-ils pas quitter son pays ?
Afin de répondre, penchons-nous sur le début de notre paracha : « Voyez, Je vous propose en ce jour, d’une part, la bénédiction, la malédiction de l’autre. » Le mot « voyez » est surprenant : peut-on voir concrètement la bénédiction et la malédiction ?
L’incipit de notre section, réé anokhi, peut être traduit « Regarde-moi » : Moché dit aux enfants d’Israël de l’observer pour constater que celui qui s’attache à la Torah peut parvenir à un niveau très élevé. En effet, le dirigeant du peuple juif parla directement avec l’Eternel, côtoya les anges durant les quarante jours de son séjour dans les cieux et se hissa au plus haut niveau spirituel. Par quel mérite ? Celui de la Torah et de l’accomplissement de la volonté divine, auxquels il se voua. Par son exemple personnel, il invitait les enfants d’Israël à l’imiter.
C’est la raison pour laquelle l’Eternel nous a interdit la consommation de certains aliments, afin de tester notre fidélité. Lorsque nous apprenons que l’un d’eux nous est prohibé, nous abstenons-nous immédiatement d’en manger, même si nous en avons envie ? Le cas échéant, nous sommes bien de fidèles serviteurs du Créateur, desquels Il peut se glorifier, comme Il le dit : « Tu es Mon serviteur, Israël, c’est par toi que Je me couvre de gloire. » Nous méritons alors que les bénédictions de la Torah se déversent sur nous.
Dès lors, nous comprenons pourquoi nos ancêtres nécessitaient la permission de Paro pour quitter son pays, du fait qu’ils ne détenaient pas encore le pouvoir de la Torah. Lors de leur exil en Egypte, ils étaient dénués de Torah et de mitsvot et, conséquemment, étaient soumis à la domination de Paro, incarnation des puissances impures. Le fait que Ses enfants dépendaient de l’autorisation de cet impie affligeait beaucoup le Créateur.
Tel est le sens implicite de notre verset introductif : « Prends garde au mois de la germination, (…) car, c’est dans le mois de la germination que l’Eternel, ton D.ieu, t’a fait sortir d’Egypte, la nuit. » Symboliquement, la nuit renvoie à l’obscurité et aux ténèbres. En employant cette image, Moché rappelait aux enfants d’Israël qu’en Egypte, ils sombraient dans une obscurité spirituelle, à défaut de la lumière de la Torah et des mitsvot. Ils se trouvaient donc sous l’emprise des puissances impures, incarnées par Paro, auquel ils devaient demander la permission de partir d’Egypte. Car, ces forces du mal ne se soumettent qu’au pouvoir de la Torah. En son absence, l’homme leur est soumis. Ceci constituait un message à l’intention des enfants d’Israël : ils avaient tout intérêt à s’attacher à l’Eternel et à la Torah et à être fidèles à la volonté divine qui, seule, était en mesure de les protéger de leurs ennemis spirituels et physiques. Car, la Torah protège l’homme de toute calamité et entraîne sur lui la bénédiction.
Il est affirmé à cet égard que quiconque étudie la Torah et observe les mitsvot sera épargné de la pauvreté et jouira de la bénédiction divine, comme il est dit dans notre paracha : « En vérité, il n’y aura pas chez toi d’indigent, car le Seigneur, ton D.ieu, te bénira. » (Dévarim 15, 4) Rachi s’interroge : pourtant, il est dit un peu plus loin : « Car l’indigent ne disparaîtra jamais de ce pays. » (Ibid. 15, 11) Il répond : « Lorsque vous exécuterez la volonté de D.ieu, il y aura des pauvres chez les autres et non chez vous et, dans le cas contraire, il y aura des pauvres chez vous. »
Par conséquent, la bénédiction de l’Eternel apporte la richesse, dans la mesure où l’on se plie à la volonté divine et accomplit les mitsvot. Car alors, les puissances impures ne peuvent nous maîtriser, si bien que nous nous trouvons sous la domination exclusive de l’Eternel, qui exerce sur nous une Providence individuelle et nous protège de tout malheur.
PAROLES DE TSADIKIM
L’affaire soutenue par les avrékhim du Collel
Le Maguid Rav Chlomo Lévenstein chelita raconte l’histoire qui suit, qu’il a entendue des frères Guitler, propriétaires de deux librairies, l’une située à Bné-Brak et l’autre à Jérusalem. La première leur rapportait des intérêts importants, tandis que la seconde, mal située, ne leur en produisait pratiquement pas.
A un certain moment, ils envisagèrent de la déplacer à la rue Malkhé Israël, mais, après réflexion, ils craignirent que cela ne porte préjudice aux autres commerces de livres de ce quartier, auxquels ils feraient concurrence. D’un autre côté, il n’était pas logique de continuer ainsi.
Ne sachant que faire, ils décidèrent de prendre conseil auprès du Tsadik Rabbi Aharon Leib Steinmann zatsal. Ils lui décrivirent les bilans respectifs des deux magasins et leur firent part de leur idée de déplacer celui de Jérusalem. Ils ajoutèrent qu’ils ne désiraient pas le fermer, du fait que trois femmes d’avrékhim y travaillaient. Ne leur causant pas de déficit, ils jugeaient préférable de continuer à soutenir ces familles dont les pères se consacraient à l’étude de la Torah.
Mais, lorsqu’ils exposèrent leurs hésitations à ce grand Maître, il s’empressa de réagir ainsi : « Qui vous dit que vous les soutenez ? Peut-être que ce sont eux qui vous soutiennent. Vous ne pouvez pas savoir… La réussite de votre magasin de Bné-Brak est peut-être due au fait que vous donnez un gagne-pain à trois femmes d’avrékhim à Jérusalem ! »
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Quand le mérite du Tsadik intervient en coulisses
Lors d’un pèlerinage sur les tombes des Tsadikim à Marrakech, je priai entre autres sur celle du Tsadik Rabbi Chlomo Timsit zatsal.
En voyant son nom inscrit sur sa tombe, je me rappelai soudain qu’un ami, à Paris, porte exactement le même nom. Je décidai donc de l’appeler sur-le-champ pour lui dire que j’allais prier en sa faveur et que, s’il avait un problème ou une difficulté spécifique, le mérite du Tsadik le protégerait et tout s’arrangerait pour le mieux.
Il ne répondit malheureusement pas à mon appel et je décidai de lui laisser un message pour lui faire part de cette intention.
Le lendemain, mon ami me téléphona pour me raconter avec émotion : « Au moment où vous m’avez téléphoné, j’étais au beau milieu d’un rendez-vous important avec un grand fournisseur, qui m’informait que, sur les conseils de son avocat, il avait décidé de ne plus me fournir de marchandise. Or, cela risquait de me causer une grosse perte financière.
« Pourtant, soudain, contre toute attente, le directeur fit irruption dans le bureau et lui demanda de clore ce débat concernant la cessation de nos relations commerciales et, au contraire, de renouveler notre contrat et même d’en doubler les termes !
« C’était incroyable ! Il n’y avait aucune explication logique à ce revirement ! Or, après avoir entendu votre message indiquant que vous priiez pour moi, je n’eus plus aucun doute que c’était par le mérite de votre prière, formulée à cet instant sur la tombe du Tsadik. Celui-ci est apparemment intervenu en ma faveur dans les sphères célestes afin que je n’essuie pas de perte financière de grande ampleur. »
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Ô infortunée, battue par la tempête, privée de consolation ! (…) » (Yechaya, chap. 54)
Cette haftara est l’une des sept lues lors des Chabbatot de consolation suivant le 9 Av et traitant de ce thème.
CHEMIRAT HALACHONE
L’interdit du colportage
Il est interdit de raconter à un homme que quelqu’un a médit de lui, même si on n’a pas l’intention de susciter sa haine pour son calomniateur et même si on estime qu’il avait eu raison de médire de lui ou de lui causer un préjudice. Egalement dans un cas pareil, si on suppose qu’en rapportant ces propos médisants à l’intéressé, on risque d’éveiller sa haine pour celui qui les a émis, ce sera interdit.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Prier à un endroit fixe
« Mais uniquement au lieu que l’Eternel aura choisi dans l’une de tes tribus, là, tu offriras tes holocaustes. » (Dévarim 12, 14)
Pourquoi la Torah désigne-t-elle le Temple par le terme « lieu », plutôt que de le mentionner explicitement ?
Il me semble que le Temple dont il est question ici ne se réfère pas uniquement à celui situé au mont Moria, mais également, de manière allusive, au petit sanctuaire personnel que chacun de nous abrite dans son cœur. Le corps de l’homme est tel un sanctuaire en miniature, comme il est dit : « Ils Me construiront un sanctuaire pour que Je réside au milieu d’eux. » (Chémot 25, 8) Nos Maîtres interprètent ces derniers mots comme une preuve que D.ieu réside en chacun d’entre nous. D’où notre devoir de rendre notre cœur apte à L’accueillir et de nous sanctifier, afin que notre corps puisse devenir un réceptacle digne de recevoir la Présence divine.
C’est pourquoi le Temple est surnommé « lieu », cette appellation renvoyant aussi à l’homme qui, quel que soit l’endroit où il se trouve, est à sa place. En d’autres termes, la force spirituelle dont l’homme est doté octroie une importance à sa place. Plus nous nous élevons et nous sanctifions, plus la place que nous occupons devient sainte, dans l’esprit de l’adage de nos Maîtres : « Ce n’est pas la place qui honore l’homme, mais l’homme qui honore sa place. »
Ainsi, le service effectué au Temple constitue une allusion au service divin de l’homme. De même que l’Eternel a ordonné qu’il se concentre en un lieu fixe et précis, la prière doit, elle aussi, se conformer à ce critère. Nos Sages affirment à cet égard : « Quiconque fixe un lieu pour sa prière, le D.ieu d’Avraham lui vient en aide. » (Brakhot 6a) Car, en lui réservant une place, il témoigne l’importance qu’il lui accorde. Aujourd’hui, en l’absence de Temple, le fait de prier à un endroit fixe remplace les sacrifices, qui étaient apportés en ce lieu fixe. Ce principe de base du service divin permet à l’homme de s’attacher fermement à la voie authentique qu’il a choisie et d’y persévérer toute sa vie durant.
PERLES SUR LA PARACHA
La réprimande ne dépend pas du nombre d’auditeurs
« Vois, je vous propose en ce jour. » (Dévarim 11, 26)
Même si celui qui sermonne sait que, parmi tous ses auditeurs, seul un homme sera influencé par ses paroles, il ne doit pas hésiter à les prononcer, affirme Rabbi ‘Haïm de Warméza.
En effet, Moché parla en présence de tous les membres du peuple juif, comme l’indique le pronom « vous », mais s’adressa également à chacun d’eux en particulier, comme le souligne le singulier par lequel s’ouvre le verset, « vois ».
Ton élève est le fils du Roi !
« Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre D.ieu. » (Dévarim 14, 1)
Rabbi Yaakov Neimann zatsal, Roch Yéchiva de Or Israël, raconte l’histoire qui suit :
« Un Chabbat, je me rendis chez mon Maître, Rav Moché Rosenstein zatsal, Machguia’h de la Yéchiva de Loumja, et constatai qu’il était en train d’interroger un jeune enfant apprenant au Talmud-Torah. Je lui demandai : “Qui est cet enfant ?” Il me chuchota dans mon oreille : “C’est le fils du Saint béni soit-Il !”
« Face à mon étonnement du fait qu’il n’avait pas répondu à ma question, il ajouta : “Si je t’avais dit que c’est le fils de ‘Haïm, en aurais-tu su davantage sur cet enfant ? Et si je te dis que c’est le fils de l’Eternel, cela ne te suffit-il pas pour savoir qui il est ?”
« Un éducateur d’enfants juifs doit avoir conscience, dans son approche, qu’il s’agit des enfants du Roi des rois – comme il est dit : “Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre D.ieu” – et non pas simplement ceux de ‘Haïm ou d’Aharon, par exemple.
« De même qu’il nous incombe de toujours garder à l’esprit l’omniprésence divine, dans l’esprit du verset “Je fixe constamment mes regards sur le Seigneur”, de même, lorsque nous enseignons à un enfant, nous devons nous souvenir qu’il est le fils du Saint béni soit-Il. Cette pensée nous permettra d’avoir plus de patience et de nous investir pleinement dans notre tâche. »
Le droit du Cohen de se rendre impur pour un propre parent défunt
« Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre D.ieu : ne vous tailladez point le corps, ne vous rasez pas entre les yeux, en l’honneur d’un mort. » (Dévarim 14, 1)
Quel est donc le rapport entre le fait d’être les enfants de D.ieu, de ne pas se taillader et de ne pas se raser (à cause de la peine suscitée par le deuil), s’interroge Rabbi David ben Moyal zatsal, dans son Kountrass Zikhron Dévarim ?
Dans son ouvrage Parachat Drakhim, Rabbi Yéhouda Rozanis explique que les enfants d’Israël ont le statut de fils du Saint béni soit-Il, ce pour quoi Il sera à même de les ressusciter. En effet, comme le souligne la Guémara (Sanhédrin 39a), l’Eternel est Cohen, mais, du fait que nous sommes Ses enfants (cf. Avot 3, 14), Il pourra se rendre impur pour nous, comme cela est permis à un Cohen pour ses sept proches.
D’où le lien entre les trois éléments du verset précité : « Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre D.ieu : ne vous tailladez point le corps, ne vous rasez pas entre les yeux, en l’honneur d’un mort. » Le premier implique que le Créateur pourra nous ressusciter. De ce fait, nous devons nous abstenir de nous taillader le corps et de nous raser entre les yeux, la mort n’étant que provisoire.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
« Pour craindre continuellement l’Eternel, ton D.ieu. » (Dévarim 14, 23)
Dans un discours de renforcement prononcé à des dizaines d’hommes d’affaires américains, venus en Israël pour étudier et se renforcer, Rav Aharon Leib Steinmann zatsal rapporta la célèbre parabole du Néfech Ha’haïm au sujet de deux gardiens du roi, l’un préposé à la garde de la couronne, l’autre à celle de l’étable. Evidemment, la responsabilité du premier est bien supérieure à celle du second, puisqu’il doit veiller à ce qu’aucune rayure n’abîme la couronne royale. De même, notre mission est d’amplifier, à travers notre conduite et nos actes, la gloire divine.
Une des incroyables histoires racontées à ce sujet est celle concernant Rabbi Moché Galanti zatsal, qui remplit les fonctions de président des Rabbanim de Jérusalem. Célèbre pour sa piété, il maîtrisait également sept sagesses : la logique, l’algèbre, l’éthique, les sciences naturelles, l’astronomie, la musique et la théologie.
Personne ne l’égalait dans sa génération, si ce n’est le chef tribal arabe qui, lui aussi, maîtrisait ces sept sagesses. En outre, ce dernier recevait des malades pour la guérison desquels il priait. Après s’être isolé une heure, il décrétait « il vivra » ou « il mourra », prédictions toujours vérifiées – à l’instar de Rabbi ‘Hanina ben Dossa, toutes proportions gardées.
Quand l’écho de ces faits parvint aux oreilles de Rabbi Moché, il s’étonna : comment un non-juif peut-il connaître les secrets de vie et de mort et comment expliquer que des Juifs frappent à sa porte ?
Il décida d’éclaircir les choses en se rendant chez ce dirigeant. Il l’accueillit avec tous les honneurs. Lorsqu’il fut assis, il lui demanda : « J’ai entendu que vous étiez un grand savant. Connaissez-vous la science de la logique ?»
Il lui répondit que l’Eternel lui en avait accordé une modeste part. Le chef se mit à l’interroger et constata qu’il en savait bien plus que lui. Il lui demanda alors de lui enseigner cette sagesse, ce qu’il fit jusqu’à la tombée de la nuit.
Le lendemain, le dirigeant arabe aspira à s’instruire en l’algèbre et chargea des messagers de convoquer le Rav à son palais. Il les suivit et les deux sages débattirent sur ce sujet. Une fois de plus, le chef tribal constata que ses connaissances étaient loin d’égaler celles du Rav. C’est ainsi qu’ils se rencontrèrent tous les jours, Rav Moché lui enseignant les diverses sciences du monde.
Au bout de nombreuses rencontres, le chef lui demanda : « Avez-vous des connaissances dans la septième science, la théologie ? »
« Grâce à D.ieu, je suis un peu versé dans cette sagesse, répondit Rabbi Moché.
– Veuillez bien me l’enseigner intégralement, demanda l’autre.
– Cette sagesse m’a coûté très cher, je ne peux l’enseigner gratuitement.
– Indiquez-moi combien vous prenez, je suis prêt à vous donner le prix que vous me réclamerez.
– Je ne peux vendre cette sagesse contre de l’argent. Je suis uniquement prêt à vous l’enseigner en échange d’une autre sagesse. J’ai entendu parler des malades pour lesquels vous priez et de vos prédictions à leur sujet. Si vous m’enseignez cette science, je suis prêt à vous enseigner la sagesse divine.
– Vous m’en demandez trop, dit le chef, le visage assombri. Je ne peux la révéler à personne.
– Si c’est ainsi, répondit Rabbi Moché, je ne pourrai pas non plus vous enseigner la sagesse divine !
– Mes ancêtres m’ont fait jurer de ne la révéler à personne, serait-ce pour toute la richesse du monde.
– Je ne vous demande pas de me la vendre, mais seulement de l’échanger contre une autre sagesse. Vos ancêtres ne vous ont pas interdit cela. »
Le chef finit par céder aux instances du Rav et lui dit : « Ecoutez bien. Rentrez chez vous et engagez-vous à jeûner durant deux jours. Avant le jeûne, ne mangez pas de viande et ne buvez pas de vin. Durant ces deux jours, trempez-vous matin et soir. »
« Je me conformerai à vos indications, promit le Rav.
– Partez en paix, répondit le chef. Le troisième jour, je vous révélerai mon secret. »
Rav Galanti rejoignit son foyer et jeûna durant deux jours. Le lendemain matin, après la prière, il s’empressa de rejoindre le chef arabe.
Après qu’ils se furent trempés, ils se dirigèrent vers le palais royal. Arrivés au portail d’argent sculpté, le chef sortit de sa poche une clé en or. Il dit : « Faites attention d’entrer dans mon palais avec vénération, tout comme moi. »
Il ouvrit la porte, laissant apparaître une somptueuse salle. En face d’eux, était accroché un rideau brodé de perles et pierres précieuses. Le chef entra et se prosterna sept fois.
Le Rav craignit qu’il s’agît d’idolâtrie. Le dirigeant se tourna vers lui et lui dit doucement : « Approche-toi de l’estrade, lève le rideau et tu trouveras là l’objet de ta requête. »
Rav Moché s’approcha, déplaça le rideau et découvrit des portes en or où étaient incrustés des diamants. Il les ouvrit à leur tour et vit un large plateau d’or sur lequel était sculptée l’image du candélabre où était gravée l’inscription « Je fixe constamment mes regards sur le Seigneur », les lettres du Nom divin figurant en plus grand.
Face à l’étonnement de Rabbi Moché, le chef dit en tremblant : « Sachez, Maître des Juifs, que ces grandes lettres correspondent au Nom du Créateur tout-puissant, qui a conçu l’univers entier à partir de rien et le maintient à chaque instant. » Il pensait naïvement que les Juifs ne le savaient pas.
« Sachez aussi que, quand quelqu’un me demande de prier pour un malade, je me trempe, puis me rends ici avec vénération pour prier devant cette estrade. A la fin de ma prière, je lève le rideau et ouvre les portes. Si je vois que les lettres du Nom divin s’éclairent sur le candélabre, je sais que le malade guérira. Si elles restent sombres, je sais qu’il mourra. »
Le Rav retourna chez lui le cœur brisé.
« Malheur à nous le jour du jugement ! s’écria-t-il. Ce non-juif, conscient qu’il s’agit du Nom divin, lui témoigne tant de respect et de vénération que l’Eternel lui accorde des miracles et des honneurs. Qu’en est-il de nous, enfants du Saint béni soit-Il, qui invoquons Son Nom ? Combien devrions-nous trembler en le mentionnant et quels conséquents avantages retirerions-nous si seulement sa sainteté nous inspirait crainte et respect ! »