Parachat Ki Tavo 5 Septembre 2020 ט"ז אלול התש"ף |
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Mériter la bénédiction divine
Rabbi David Hanania Pinto
« Et les suivantes se placeront, pour la malédiction, sur le mont Eival : Réouven, Gad et Acher ; Zévouloun, Dan et Naphtali. » (Dévarim 27, 13)
Le Or Ha’haïm explique que, lorsque les enfants d’Israël entendirent les malédictions prononcées sur le mont Eival, ils furent saisis d’effroi, redoutant ce qui allait leur arriver. C’est pourquoi ils se rendirent auprès de Moché afin de le questionner sur leur devenir. Celui-ci les tranquillisa en leur expliquant que s’ils étaient encore en vie alors qu’ils avaient maintes fois outrepassé les ordres divins, c’était la garantie qu’ils ne disparaîtraient pas de ce monde, car « le Protecteur d’Israël n’est ni trompeur ni versatile » (Chmouel I 15, 29). Toutefois, cela soulève une interrogation : pourquoi les enfants d’Israël ne posèrent-ils cette question qu’après l’épisode des malédictions et des bénédictions des monts Eival et Grizim, et non suite aux malédictions prononcées dans la section Be’houkotaï ?
Le Or Ha’haïm répond en expliquant la différence de taille existant entre une malédiction frappant un individu et celle de toute une communauté. Dans le premier cas, la personne concernée ressent la puissance et le sens de la malédiction, tandis que, dans le second, chacun a l’impression que la malédiction ne l’atteindra pas personnellement, mais s’abattra sur tout le groupe. Ainsi, dans la section Ki-Tavo, Moché récita la liste des malédictions susceptibles de toucher chacun, d’où la peur qui s’empara d’eux. En revanche, dans la section Be’houkotaï, les malédictions étaient destinées au peuple dans son ensemble, qui n’en fut donc pas effrayé.
Il m’est venu à l’esprit une question intéressante à ce sujet : pourquoi Moché jugea-t-il bon de rassurer les enfants d’Israël et de les débarrasser de leur crainte à l’égard des malédictions ? Il aurait dû, au contraire, la renforcer en soulignant qu’ils devaient effectivement redouter les conséquences de leurs écarts de conduite. De plus, nous voyons que les malédictions se sont effectivement toutes accomplies. Il était donc approprié et justifié que les enfants d’Israël les redoutent.
En fait, Moché ne voulait pas faire disparaître leur crainte, mais les consoler en leur montrant la voie du repentir. Quand un homme regrette ses mauvaises actions, l’Eternel, qui est miséricordieux, accepte ses regrets et calme Son courroux. Le nombre de malédictions prononcées sur le mont Eival, soit quatre-vingt-dix-huit, correspond à la valeur numérique du mot ‘hèts (flèche). Lorsque les enfants d’Israël se repentent, D.ieu envoie les malédictions, comme des flèches, vers les non-juifs. Par ailleurs, le mot sala’h (il a pardonné) équivaut également à ce nombre ; le Créateur étant Celui qui pardonne par excellence, par Son pouvoir de pardon, Il annule les malédictions qui planent au-dessus des enfants d’Israël. Il est évident, cependant, que ces derniers doivent auparavant se livrer au repentir, qui les débarrassera des malédictions et les transformera en bénédictions.
Dans son ouvrage Michkan Betsalel, le grand juste Rav Betsalel Rakov, de mémoire bénie, chef du Tribunal rabbinique de Gateshead, s’interroge sur un autre point de notre section : dans Ki-Tavo, il est écrit que, lorsque les enfants d’Israël arriveront au Mont Eival, ils devront ériger un autel et y immoler des sacrifices dans une grande joie : « Donc, après avoir passé le Jourdain, vous érigerez ces pierres, comme Je vous l’ordonne aujourd’hui, sur le Mont Eival (...) tu y feras des sacrifices rémunératoires, tu les y consommeras et tu te réjouiras en présence de l’Eternel, ton D.ieu. » (Dévarim 27, 4-7) Comment peut-on apporter des sacrifices dans la joie sur le mont Eival, lieu où furent prononcées les malédictions ? Il aurait semblé plus adéquat de le faire sur le mont Grizim, siège des bénédictions.
C’est que les enfants d’Israël connaissaient le caractère conditionnel de ces malédictions. En cas de repentir, D.ieu leur pardonnerait leurs mauvais actes et les annulerait. Pleinement conscients de ce fait, ils furent en mesure d’offrir avec joie des sacrifices sur le mont Eival.
A la lumière de tout ce qui précède, nous déduisons que le but des malédictions est de faire taire l’attribut de Rigueur, qui réclame la punition des enfants d’Israël, en vertu du principe de responsabilité mutuelle s’appliquant à eux (cf. Chevouot 39a). Les quatre-vingt-dix-huit malédictions sont destinées à montrer à l’attribut de Rigueur que, si le peuple faute, justice sera faite et il sera susceptible d’être frappé en retour. Mais, de notre point de vue, il ne s’agit pas de malédictions, puisqu’elles peuvent elles aussi entraîner des bénédictions si seulement nous nous repentons convenablement.
Dans le même ordre d’idées, ajoutons que les enfants d’Israël sont garants les uns des autres. Par conséquent, il existe des situations où l’homme est frappé d’une punition à cause de la faute de quelqu’un d’autre. Mais l’Eternel, dans Son infinie Miséricorde, partage le coup qu’Il porte en un très grand nombre de petits coups, qui perdent subséquemment de leur puissance. Au lieu d’asséner à une seule personne un coup percutant et douloureux, toute l’assemblée est touchée, mais, du fait de ce partage, chacun de ses membres ne le ressent pratiquement pas.
Puissions-nous en tirer leçon afin de comparaître dignement devant le Créateur. Alors, bénédictions et bienfaits nous poursuivront durant toute notre vie. Amen !
CHEMIRAT HALACHONE
L’interdit du colportage
Si Lévi a raconté à Réouven du mal sur Chimon et que Réouven l’a ensuite révélé à ce dernier, transgressant ainsi l’interdit du colportage, Chimon n’a pas le droit de demander à Lévi « pourquoi as-tu médit de moi ? », car, le cas échéant, il colporterait sur Réouven.
Même s’il ne lui dit pas explicitement que Réouven l’en a informé, si Lévi risque de le comprendre, cela reste interdit.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Lève-toi, resplendis (…) » (Yéchaya chap. 60)
Lien avec la paracha : cette haftara est l’une des sept lues lors des Chabbatot de consolation suivant le 9 Av.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Ne va point colportant parmi ton peuple
J’entendis un jour parler d’un Juif qui transgressait le Chabbat en public.
Je ne pouvais garder le silence devant le mépris témoigné publiquement au jour saint et fis part de ma colère aux membres de sa famille, afin d’éviter qu’ils ne se laissent influencer.
L’un d’entre eux rapporta au pécheur mes propos, dans l’espoir qu’il se repente. En entendant mon mécontentement, celui-ci se mit en rage et annonça qu’il ne tiendrait plus compte de mes propos. Il se mit à fulminer, jeta sa kippa et me téléphona en criant : « Est-ce vrai que vous m’en voulez ? Si vous le confirmez, je rejette sur-le-champ la religion ! »
« Ce n’est pas du tout vrai. C’est un mensonge. Je ne suis pas en colère contre vous », lui rétorquai-je avec assurance.
Notre homme finit par se calmer et s’excusa pour cette explosion de colère et, après la fin de notre conversation, continua à se comporter comme d’habitude, à accomplir les mitsvot et mettre les téfillin tous les jours.
Cependant, le colportage ne parvenait pas à s’effacer de sa mémoire et il téléphona au fils de sa sœur pour lui demander pourquoi il avait dit des mensonges au nom du Rav. Son neveu, stupéfait, lui répondit qu’il n’avait pas menti et que c’était bien ce que j’avais dit. Quand son oncle lui rapporta que j’avais nié ces propos, il fut très étonné et lui dit qu’il allait aussitôt m’appeler pour mettre les choses au clair.
Lorsque j’eus le neveu au bout du fil, je lui demandai pourquoi il avait colporté auprès de son oncle, en lui racontant que j’étais furieux.
« Je croyais que ça le remettrait en question et qu’il ferait téchouva, me répondit-il. Je n’aurais jamais imaginé qu’il se mettrait tellement en colère et voudrait rejeter complètement le joug de la Torah et des mitsvot…
– Les propos que tu as tenus à ton oncle sont de la rékhilout, lui expliquai-je, dont la source est du lachone hara. Même si c’est la vérité et que ton intention était bonne, ce sont quand même des paroles négatives et interdites. La Torah nous a défendu de rapporter à quelqu’un des propos négatifs tenus sur son compte par un autre Juif. Elle a ainsi démontré une profonde connaissance de la nature humaine, qui veut que de tels propos soient susceptibles d’entraîner de gros dommages et des dissensions, comme cela faillit arriver avec ton oncle.
« En outre, poursuivis-je, il est possible que tu aies transmis mes paroles à ton oncle sur un ton différent du mien ou peut-être même en y ajoutant, croyant en cela bien faire. C’est pourquoi la Torah écrit : “Ne va point en colportant parmi ton peuple” (Vayikra 19, 16) – en d’autres termes, il ne faut pas imiter le comportement de ce colporteur, qui propose sa marchandise de personne en personne. Il aurait mieux valu que tu dises à ton oncle que je voulais le voir. Je l’aurais alors réprimandé en personne pour sa transgression du Chabbat, en tenant compte de sa personnalité ! »
PAROLES DE TSADIKIM
Quand avons-nous demandé à notre aide-ménagère de se reposer ?
En plein mois d’Eloul, alors que nous songeons à nous repentir et nous préparons au jugement imminent, au terme duquel nous espérons être inscrits pour une vie bonne et pacifique, nous avons tout intérêt à nous souvenir des paroles du Gaon de Vilna, dans l’introduction de son ouvrage Even Chléma : « Le service divin dépend totalement de l’amélioration de nos traits de caractère, qui sont comme un habit enveloppant nos mitsvot et les principes de la Torah, tandis que tous les péchés trouvent leurs racines dans les vices. La mission essentielle de l’homme consiste à s’appliquer à briser ses mauvais traits de caractère, car, sinon, quelle serait sa raison d’être?»
Dans son ouvrage Imré Daat, Rav Mikhel Yéhouda Leipkovitz zatsal nous éclaire par sa grande expérience dans le domaine de l’éducation :
« Je peux vous attester, par des faits véridiques et une expérience personnelle de plusieurs décennies, que les aptitudes mentales de l’homme ou autres talents ne constituent pas la base de son édification, de la construction de son avenir et de sa personnalité pour tout le reste de sa vie, seules ses vertus étant déterminantes à cet égard. Celui qui a de bons traits de caractère a un avenir prometteur, alors que, dans le cas contraire, il est éloigné de tout. Bien qu’on puisse se tromper à son sujet, en réalité, il est dépourvu de toute valeur. D’ailleurs, nous pouvons observer que tous les Géants et Sages de notre génération et de la précédente se sont distingués par le raffinement de leurs vertus. »
Rabbi Mikhel Zilber chelita témoigne de la délicatesse avec laquelle son maître, Rav Yé’hezkel Avramsky zatsal, se conduisait envers son aide-ménagère. De temps à autre, il l’appelait au milieu de son travail pour lui demander de prendre une pause. De manière générale, il lui avait expliqué qu’il préférait qu’elle travaille doucement, plutôt que rapidement et de manière éreintante, et ce, bien qu’il la payât de l’heure.
Ces égards dont elle avait droit dans le foyer de ce Sage entraînèrent certainement, de sa part, un regard positif sur la Torah et ses voies agréables. De fait, tout homme, quelles que soient ses origines et sa position sociale, mérite une approche respectueuse, laquelle génère un climat de paix et de sérénité dans le monde.
Quand on demanda au Saba de Slobodka, Rav Nathan Tsvi Finkel zatsal, comment il pouvait résumer l’essentiel de l’œuvre de sa vie, il répondit par une phrase à la fois concise et profonde : « Je me suis efforcé d’éduquer mes élèves en leur enseignant leur devoir d’être intelligents et bons. »
Le message central qu’il transmit à ses disciples était la nécessité d’acquérir à la fois sagesse et bon cœur, la conjugaison de ces deux vertus nous permettant d’être bienfaisants envers autrui.
PERLES SUR LA PARACHA
L’essentiel, le profit du pauvre
« Jette un regard du haut des cieux, Ta sainte demeure. » (Dévarim 26, 15)
Nos Maîtres affirment : « Chaque fois que la notion de hachkafa (jeter un regard) apparaît dans la Torah, elle est connotée négativement, sauf dans le verset “Jette un regard du haut des cieux”, car les dons aux pauvres ont le pouvoir de transformer la colère en miséricorde. »
Rav Israël de Tchortkov – que son mérite nous protège – interprète ainsi cet enseignement de nos Sages : « “Chaque fois que la notion de hachkafa apparaît”, autrement dit quand D.ieu observe nos actes du ciel pour vérifier s’ils sont bons, “elle est connotée négativement”, c’est-à-dire Il les trouve toujours déficients, à l’exception des dons faits aux pauvres, qui seront toujours jugés favorablement, car ces derniers ont ainsi de quoi subvenir à leurs besoins. »
Dans le même esprit, le Baal Chem Tov – que son mérite nous protège – explique que, bien que l’étude de la Torah et le service divin doivent être accomplis de manière désintéressée et avec la bonne intention, en ce qui concerne la charité, l’Eternel se montre moins méticuleux, puisque, au bout du compte, l’indigent profite de notre acte et peu lui importe quelle était notre motivation.
La crainte des nations d’acheter les Juifs comme serviteurs
« Et là, vous vous offrirez en vente à vos ennemis comme esclaves et servantes, mais personne ne voudra vous acheter ! » (Dévarim 28, 68)
Ce verset présente une difficulté : si les enfants d’Israël s’offrent en vente comme esclaves à leurs ennemis, comment expliquer que nul ne les achète ?
Répondons en nous appuyant sur la question soulevée par Rabbi Ra’hamim ‘Houri de Gerba, dans son ouvrage Kiriat Arba, sur le verset « Qui est-il, où est-il, celui qui a eu l’audace d’agir de la sorte ? » (Esther 7, 5) : A’hachvéroch avait-il donc oublié ses paroles à Haman : « Je t’abandonne à la fois l’argent et cette nation, dont tu feras ce que bon te semblera » ?
La réponse se trouve dans les éclaircissements donnés par le ‘Hida, dans son ouvrage Dévarim A’hadim (112, 2), concernant les lois suivantes : celui qui vend un Juif pour le tuer se rend lui-même passible de mort par le Tribunal céleste, tandis que celui qui le vend en tant qu’esclave rend passible de mort son acheteur. C’est pourquoi, lorsque A’hachvéroch apprit l’intention de Haman de lui acheter le peuple juif pour l’anéantir, il comprit qu’il désirait en fait le rendre passible de mort – peine sanctionnant, dans ce cas, le vendeur –, afin de pouvoir s’emparer des rênes du pouvoir.
Dans cette optique, les propos d’Esther prennent tout leur sens : « Si, du moins, nous avions été vendus pour être esclaves ou servantes, j’aurais gardé le silence. » Si Haman les avait achetés en tant que serviteurs, Esther se serait tue, car, le cas échéant, c’est lui qui, en tant qu’acheteur, aurait trouvé la mort. Mais, Haman ayant eu pour intention de les acheter afin de les exterminer, il rendait ainsi passible de mort son vendeur, en l’occurrence A’hachvéroch.
Dès lors, la difficulté de notre verset introductif se trouve résolue : si les enfants d’Israël s’offrent en vente à leurs ennemis, leurs acheteurs disparaîtront, puisqu’ils seront passibles de mort.
Honorer qui nous honore
« Vous-mêmes, vous avez vu tout ce que l’Eternel a fait à vos yeux, dans le pays d’Egypte, à Paro, à tous ses serviteurs, à son pays entier. » (Dévarim 29, 1)
Moché reproche aux enfants d’Israël de s’être montrés ingrats envers le Saint béni soit-Il. En effet, après avoir assisté à tous Ses miracles accomplis en leur faveur sur le sol égyptien, ils dirent : « Donnons-nous un chef et retournons en Egypte ! » et « Il nous souvient du poisson que nous mangions pour rien en Egypte ».
Nos Maîtres nous enseignent à ce sujet : « Ne jette pas une pierre dans un puits duquel tu as bu. » (Baba Kama 92b) Le Meïri ajoute que, bien que nous devions veiller à n’humilier personne, il nous incombe de nous montrer encore plus vigilants à cet égard concernant un individu qui nous a honorés ou s’est montré bienfaisant envers nous. Le seul fait, pour un homme, d’envisager d’humilier son bienfaiteur, prouve sa piètre valeur.
Nous trouvons ainsi que certaines plaies frappèrent l’Egypte par le biais d’Aharon et non de Moché, afin que ce dernier ne se montre pas ingrat vis-à-vis des éléments de la nature lui ayant rendu service. Car, l’ingratitude envers son prochain revient à l’ingratitude envers le Créateur.
Dans son ouvrage Tokha’hat ‘Haïm, Rabbi ‘Haïm Palagi zatsal en déduit notre obligation de remercier et louer le Très-Haut pour tous les bienfaits dont Il nous comble, de sorte à ne pas tomber dans le travers de l’ingratitude, en remettant en question Sa conduite à notre égard.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La mitsva des prémices : un rappel des bienfaits divins
Pris dans la routine de la vie quotidienne, l’homme n’a pas conscience des bienfaits qu’accomplit D.ieu en sa faveur du matin au soir. Pourtant, Il lui permet de respirer, fait battre son cœur et fonctionner son cerveau. Il lui octroie une famille, des enfants, de la nourriture et de l’eau en abondance. Or, l’homme a tendance à ignorer tout cela. Imaginons quelqu’un déambulant, assoiffé, dans un désert aride. Tout ce qu’il désire, c’est une goutte d’eau. Soudain, une personne apparaît et lui offre une gorgée salvatrice. Combien le remerciera-t-il et lui sera-t-il reconnaissant ! Le Créateur nous procure à tout instant de l’eau en abondance, au-delà de nos besoins et, pourtant, nous oublions de Lui témoigner notre gratitude.
D.ieu a ordonné à l’homme d’accomplir la mitsva des prémices en prenant quelques-uns de ses fruits et en parcourant une longue route pour les apporter au Temple, car ce voyage lui permet de réfléchir tout à loisir à ce commandement et de réaliser que c’est le Très-Haut qui, dans Sa grande bonté, les lui a donnés. De là, il prend conscience de l’ensemble des bienfaits qu’Il lui a prodigués toute sa vie durant.
Le cœur chargé de reconnaissance, il arrive au Temple, où il remet volontiers ses prémices au prêtre, procurant par ce geste une grande satisfaction au Tout-Puissant. C’est pourquoi le terme véhaya, connotant la joie, est employé. Aussi, pour que cette prise de conscience se produise, il était nécessaire d’apporter les fruits eux-mêmes et non leur contrepartie monétaire. A son arrivée, l’homme devait prier devant l’autel dans un esprit de soumission et mentionner les bienfaits de l’Eternel envers les patriarches – qu’Il avait sauvés de la pauvreté et, en particulier, Yaakov que Lavan voulait dépouiller de tous ses biens, puis faire disparaître de ce monde. Par le mérite de sa prière, il fut épargné, ainsi que sa descendance, des ruses de cet impie. La preuve en est que, de nombreuses générations plus tard, ses descendants apportent les prémices au Temple pour remercier D.ieu de tous Ses bienfaits accordés à ses ancêtres et du respect de Sa promesse de donner à leurs enfants la Terre Sainte en héritage.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Les quatre-vingt-dix-huit malédictions mentionnées dans notre paracha surviennent, à D.ieu ne plaise, dans le cas où l’on effectue son service divin en l’absence de joie, comme il est dit : « Parce que tu n’auras pas servi l’Eternel, ton D.ieu, avec joie et contentement de cœur. » (Dévarim 28, 47)
Le Sfat Emèt explique que la Torah souligne ici la cause de l’exil, afin que nous en prenions conscience et sachions ce qu’il nous incombe de corriger ; cette réparation sera alors la cause de la délivrance. Un raisonnement a fortiori peut être déduit : si l’absence de joie dans l’accomplissement des mitsvot fut à l’origine de l’exil, quand les enfants d’Israël prouveront qu’en dépit des difficultés et souffrances suscitées par celui-ci, ils servent D.ieu dans la joie, il est certain qu’Il les en délivrera, la mesure de bonté étant toujours supérieure à celle de punition.
Lorsque le Juif, fils du Roi des rois, s’apprête à servir son Créateur et à se plier à Ses ordres, il doit éprouver la même joie qu’un homme prêt à payer une fortune pour avoir le mérite de se faire photographier à côté du président américain et qui, ce moment venu, est au comble du bonheur. Si, en outre, cette personnalité si haut placé profitait de l’occasion pour lui demander un service, il serait encore plus fier de s’être vu personnellement adresser la parole.
Lorsque le Saint béni soit-Il nous enjoint de mettre les téfilin, de séjourner dans la soucca, de respecter le Chabbat ou d’observer le reste des mitsvot, combien plus avons-nous lieu de nous réjouir ! Le cœur de tout Juif devrait jubiler d’avoir l’insigne mérite de réaliser, serait-ce une parmi l’ensemble des mitsvot lui ayant été données et de prononcer la bénédiction « Qui nous a sanctifié par Ses commandements et nous a ordonné (…) ».
L’ouvrage Alénou Léchabéa’h rapporte une histoire s’étant déroulée, il y a quelques décennies, dans un nouveau quartier de Jérusalem. A un certain stade, de nombreux habitants s’y étaient déjà installés, mais l’infrastructure du central téléphonique n’avait pas encore été implantée. Un seul homme habitant près de là avait un téléphone, relié à un autre central.
A cette époque, les appareils portables n’existaient pas encore, si bien que, tout naturellement, les nouveaux résidents frappaient à sa porte pour lui demander de faire leurs appels. Ils le sollicitaient en particulier les veilles de Chabbat, où leurs coups, de plus en plus récurrents, ne lui laissaient aucun repos.
Peu après, les proches de ces habitants se mirent eux aussi à téléphoner à ce pionnier, le priant de bien vouloir appeler untel. La situation devint insupportable. Un homme ordinaire aurait rapidement mis fin à ce service en accrochant sur sa porte une grande pancarte affichant « Il n’est plus possible de téléphoner d’ici ».
Cependant, il s’agissait d’un érudit, animé d’une grande crainte de D.ieu. Comprenant qu’il détenait le seul téléphone fonctionnant dans ce quartier et conscient du caractère décisif, voire vital, d’une grande partie des appels, il ressentait une grande responsabilité vis-à-vis de ses nouveaux voisins, auxquels il ne voulait pas fermer la porte.
D’un autre côté, sa peine grandissait de jour en jour, car les gens venant pour téléphoner ne tenaient pas compte de ses heures de repos et le dérangeaient en milieu d’après-midi ou à des heures tardives de la nuit. A leurs yeux, son appareil privé était devenu public, à la disposition de quiconque en avait besoin…
Notre généreux homme décida de consulter l’un des grands Sages de Jérusalem pour lui demander quelle conduite adopter. Voilà ce qu’il lui répondit :
« Si, avant chaque appel effectué à partir de chez toi par un étranger, tu recevais un appel du président américain ou, de ton point de vue d’érudit, celui d’un des Guédolé Hador, te demandant de bien vouloir lui permettre d’utiliser ton téléphone, combien serais-tu heureux de remplir sa requête !
« Ainsi, à plus forte raison tu dois te réjouir du fait que le Saint béni soit-Il, Roi des rois, dont la grandeur dépasse infiniment celle de tous les présidents américains ou européens, t’a personnellement demandé de te montrer charitable envers Ses enfants et que, en leur accordant le droit de téléphoner de chez toi, tu te plies à Sa volonté.
« Mais, je n’ai pas terminé, ajouta le Sage. Je n’ai pas encore évoqué la récompense attribuée à toute mitsva. Réfléchis un instant : si on t’avait informé que tu recevais mille dollars pour un appel, tu te serais réjoui de chaque coup frappé à ta porte et attendrais impatiemment que d’autres résonnent. Tu ne t’affligerais plus qu’on perturbe ainsi ton repos ou ton sommeil, conscient de l’importante somme que te vaudrait chacun de ces dérangements. La dizaine de billets verts de 100 dollars reçue suffirait pour te calmer, toi comme ta famille, et vous faire oublier la souffrance endurée.
« Reconnais que j’ai raison, demanda le Tsadik. » L’érudit acquiesça d’un signe de tête.
« S’il en est ainsi, ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’une mitsva, dont la rétribution est inestimable et, de surcroît, si elle présente des difficultés, comme dans votre cas où ces allers et venues vous causent de la peine. Quelle récompense incommensurable vous attend pour chacun de ces appels ! », conclut-il.
Or, il en est de même pour toute mitsva se présentant à l’homme au cours de son existence, quelle que soit sa difficulté : si, avant de l’effectuer, il songe au salaire qui l’attend, en l’espace d’un instant, elle lui paraîtra la tâche la plus facile à exécuter.