Lekh Lékha 31 Octobre 2020 י"ג חשון התשפ"א |
|
Construire un édifice spirituel sur des bases solides
Rabbi David Hanania Pinto
« Il eut foi en l’Eternel et l’Eternel lui en fit un mérite. » (Béréchit 15, 6)
Toute l’existence de notre patriarche Avraham est tel un livre de morale pour nous. De même que, dès son plus jeune âge, il aimait l’Eternel, avait foi en Lui et Le servait fidèlement, nous devons adopter cette conduite exemplaire. Le cas échéant, la bénédiction d’Avraham s’appliquera également à nous, conformément à l’interprétation du Midrach (Tan’houma, Lekh-Lékha 11) : « “Ne crains point Avram : Je suis un bouclier pour toi” et pas uniquement le tien, mais aussi celui de tes descendants, pour peu qu’ils se vouent à Ma Torah comme tu t’y es voué. Je serai alors leur bouclier, comme il est dit : “La parole du Seigneur est infaillible, Il est le bouclier de quiconque espère en Lui.” (Chmouel II 22, 31) »
Penchons-nous de plus près sur la sainte voie adoptée par le premier patriarche. Nos Maîtres affirment (Tan’houma, 2) : « Rabbi ‘Hanina dit : observe donc l’amour d’Avraham pour son Créateur. Dès l’âge de trois ans, il Le reconnut, comme il est dit : “En récompense de (ékev) ce qu’Avraham a écouté Ma voix” (Béréchit 26, 5), où le terme ékev équivaut numériquement à cent soixante-douze. Avraham ayant vécu cent soixante-quinze ans, on en déduit qu’à trois ans, il découvrit le Créateur. »
Durant les trois premières années de sa vie, Avraham réfléchit afin de déterminer qui était à l’origine du monde et le dirigeait. Au départ, il pensa que c’était le soleil, mais, lorsqu’il se coucha, vers le soir, il comprit son erreur. Aussi, attribua-t-il ce pouvoir à la lune, mais, là aussi, il réalisa son erreur avec la venue de l’aube où elle disparut soudain. Il en déduisit qu’aucun de ces deux grands luminaires n’avait créé l’univers et le dominait. Il poursuivit ainsi ses recherches jusqu’à l’âge de trois ans où il parvint à la conclusion qu’aucun élément de la nature n’avait donné jour à la création. L’Eternel se révéla alors à lui, lui affirmant : « Je suis le Maître du monde.»
Je me suis demandé si Avraham fut récompensé pour ces trois années où il réfléchit qui était le Créateur, mais ne Le servit pas encore, comme le note le Midrach. J’ai pensé, avec l’aide de D.ieu, que ceci était comparable à un homme observant un gigantesque immeuble s’élevant vers le ciel. Evidemment, il n’en voit pas les fondements et, pourtant, il en a de très solides profondément enracinés dans le sol et assurant sa stabilité.
De même, les trois années où Avraham investigua dans la recherche du Créateur constituèrent le fondement de toute son existence, qu’il voua au service de D.ieu avec une abnégation et une vaillance hors du commun. Cette période de prospection lui permit de poser de fermes bases et d’ancrer en lui la connaissance de la vérité. Dès l’instant où il la découvrit, il prit la ferme résolution d’adhérer à cette voie, seule à être juste. En ces assises immuables, il puisa les redoutables forces nécessaires pour résister aux assauts de tous les mécréants de sa génération, comme Nimrod et ses adeptes.
Analysons à présent la personnalité de Loth, neveu d’Avraham. A première vue, il semblait emprunter la voie de son oncle, auprès duquel il avait appris la Torah et l’observance des mitsvot. Il pratiquait l’hospitalité de manière exemplaire, s’y dévouait au péril de sa vie – comme le relate l’épisode lors duquel il accueillit les anges dans sa demeure, à Sédom. Lors de Pessa’h, il veillait à ne consommer que des matsot et s’abstenait de tout ‘hamets. Cependant, à défaut de bases solides, sa conduite était superficielle.
Loth ne concevait pas la voie d’Avraham comme exhaustive ; dans sa sottise, il envisageait la possibilité de s’engager dans un autre chemin, celui de la rébellion et de l’assouvissement des désirs physiques. Sa foi en D.ieu et son observance des mitsvot correspondaient donc à un édifice instable, à l’image d’un arbre aux maigres racines, vulnérable au moindre mauvais vent. C’est la raison pour laquelle Loth finit par déchoir sous l’influence néfaste des habitants de Sédom. Le Saint béni soit-Il abhorrait tant son comportement qu’Il s’abstint de parler à Avraham tout le temps que Loth vivait à ses côtés.
D’où le considérable fossé qui séparait Avraham de Loth. Animé d’une foi indéfectible en D.ieu, notre patriarche chemina continuellement sur la voie de la Torah et des mitsvot et déploya toutes ses forces pour sanctifier le Nom divin dans l’humanité.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Pourquoi dis-tu, ô Yaakov (…) » (Yéchaya chap. 40 et 41)
Lien avec la paracha : la haftara évoque la guerre menée par Avraham contre les quatre rois – comme il est dit : « Qui l’a suscité de l’Orient, celui qui appelle le droit à suivre ses pas ? Qui lui livre les nations ? » –, combat décrit dans notre paracha.
PAROLES DE TSADIKIM
Pourquoi m’embrasser la main ?
« Je bénirai ceux qui te béniront, et qui t’outragera, Je le maudirai. » (Béréchit 12, 3)
Rabbénou ‘Haïm ben Attar – que son mérite nous protège – s’interroge sur la formulation particulière de ce verset. Pourquoi, concernant la bénédiction, celle de l’Eternel précède-t-elle celle des gens, alors que pour la malédiction, cet ordre se trouve inversé ?
Il explique que le Saint béni soit-Il anticipe intentionnellement la bénédiction des hommes, afin de lui donner une assise et de lui permettre de se réaliser. Il bénit Avraham avant que ses contemporains l’eussent béni, de sorte à placer la bénédiction dans leur bouche et à garantir qu’elle ait l’effet escompté.
Rabbi Réouven Elbaz chelita, Roch Yéchiva de Or Ha’haïm, raconte l’histoire suivante :
« Il y a plus de quarante ans, je donnais un cours au public dans un quartier de Jérusalem. Alors jeune avrekh, j’avais dans mon auditoire des vieillards dont j’aurais pu être le petit-fils…
« A l’occasion de la conclusion de l’étude d’un traité, j’invitai le célèbre orateur Rabbi Chalom Chwadron zatsal, auquel je vouais une profonde amitié, à prononcer des paroles de Torah et de renforcement. La synagogue était comble et le Rav se réjouit de constater qu’une si grande foule s’était rassemblée pour participer à cette célébration. Il prit ensuite la parole.
« Suite à son cours, un certain nombre de participants s’approchèrent de moi pour me baiser la main. Je la retirai aussitôt, protestant : “Pourquoi donc voulez-vous m’embrasser la main ?”
« Rabbi Chwadron, qui avait assisté à cette scène, intervint : “Pourquoi réagis-tu ainsi ? Il est pourtant dit : ‘Ne refuse pas un bienfait à ceux qui y ont droit.’ (Michlé 3, 27) Aussi, pourquoi empêches-tu D.ieu de te bénir ? Ne connais-tu pas l’explication du Or Ha’haïm sur les mots ‘Je bénirai ceux qui te béniront’ de la paracha de Lekh-Lékha, à savoir que l’Eternel bénit l’homme s’apprêtant à bénir son prochain, afin d’assurer la réalisation de sa brakha ? Quant au problème de l’orgueil, qu’y a-t-il donc à s’enorgueillir du fait que tes frères juifs sollicitent ta brakha ? Ne les prive pas de cette faveur !” »
CHEMIRAT HALACHONE
Un relâchement dans l’observance des mitsvot
Il est interdit d’affirmer qu’un homme s’est relâché dans l’observance de certaines mitsvot ou qu’il ne consacre que très peu de temps à l’étude de la Torah ou encore ne s’efforce pas de pratiquer de la bienfaisance.
Cette prohibition reste valable même si celui qui prononce ces propos et son auditeur témoignent ce même relâchement dans l’étude de la Torah ou les actes de charité, ce qu’ils sont prêts à reconnaître. Du moment que ces deux domaines sont au sommet de l’échelle de valeurs prônée par l’Eternel, on ne doit pas dire que quelqu’un les délaisse.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Le pauvre riche
Je connais un homme très riche possédant d’innombrables biens et ayant de nombreux comptes en banque, tant en Suisse que dans d’autres pays. Je ne suis pas certain qu’il soit lui-même conscient de l’ampleur de sa fortune. Il a le train de vie d’un pauvre, s’habille très simplement, vit en appartement et se contente d’une nourriture frugale.
« Pourquoi vivez-vous comme un pauvre ? » lui demandai-je une fois. « Vous avez près de soixante-dix ans et n’êtes toujours pas marié, sans descendants qui vous succéderont un jour. Le moment venu, les banques s’approprieront tout votre argent. Pourquoi donc continuez-vous à mener un mode de vie si bizarre ? L’idée que les instances officielles fassent main basse sur toute votre fortune ne vous dérange-t-elle pas ? »
Il garda le silence et j’en profitai donc pour lui proposer d’investir au moins dans l’acquisition d’un séfer Torah, qui perpétuerait sa mémoire et lui apporterait du mérite.
« Combien cela coûte-t-il ? me demanda-t-il.
– Vingt mille euros.
– Vingt mille euros !? C’est très cher ! » se récria-t-il. À l’expression de son visage, il était clair qu’il n’était pas du tout disposé à se défaire de cette importante somme pour un séfer Torah.
J’insistai cependant. « Et les centaines de millions d’euros que les banques ou l’État empocheront après votre mort ne vous dérangent-ils pas ? En fait, vous n’êtes pas riche, mais très pauvre, car votre argent ne vous rapporte rien ! Dommage pour vous, car, en arrivant dans le monde de Vérité, votre immense richesse ne vous accompagnera pas, mais restera dans ce monde. Vous découvrirez alors, à votre déconvenue, qu’elle aurait pu vous permettre d’acquérir d’incommensurables mérites et de parvenir ainsi riche au jour du Jugement. » Sur ces mots, je le quittai, espérant que mes paroles allaient trouver le chemin de son cœur.
PERLES SUR LA PARACHA
Apprendre de son prochain
« Malkitsédek, roi de Chalem, sortit du pain et du vin : il était prêtre du D.ieu suprême. » (Béréchit 14, 18)
Une belle interprétation figure dans l’ouvrage Marganita de Rabbi Meïr. Lors d’une rencontre entre Rabbi Meïr de Parmichlan et le Tsadik Rabbi Chlomo Kliguer – que leur mérite nous protège –, le premier expliqua ainsi notre verset : lorsque deux Tsadikim se rencontrent, chacun doit apprendre de l’autre les qualités qu’il ne possède pas lui-même.
En effet, Malkitsédek, autrement dit Chem, « prince » de la Torah, « sortit du pain et du vin », c’est-à-dire retira d’Avraham, apprit de lui la vertu d’hospitalité. Toujours d’après cette lecture, « il était » se réfère au premier patriarche qui, quant à lui, déduisit de la conduite de Chem l’importance de l’assiduité dans l’étude de la Torah, comme le laissent entendre les mots « prêtre du D.ieu suprême ».
Pourquoi Paro voulait-il se marier avec Sarah ?
« Pourquoi ne m’as-tu pas déclaré qu’elle est ta femme ? Pourquoi as-tu dit : “Elle est ma sœur” ? » (Béréchit 12, 18-19)
Paro reprocha principalement à Avraham de ne pas lui avoir précisé que Sarah était sa femme. Aussi, pourquoi se plaint-il également du fait qu’il lui a prétendu qu’elle était sa sœur ? A priori, cela ne semble rien ajouter ?
Dans son ouvrage Birkat Avraham, Rabbi Avraham Broudo zatsal d’Istanbul répond à cette question en s’appuyant sur ces paroles de la Guémara (Baba Batra 110a) : « Rabba affirme : avant d’épouser une femme, il faut vérifier [la piété de] ses frères, comme il est écrit : “Aharon choisit pour épouse Elichéva, fille d’Aminadav, sœur de Na’hchon.” (Chémot 6, 23) S’il est dit qu’elle est la fille d’Aminadav, ne pouvait-on pas en déduire qu’elle est la sœur de Na’hchon ? Pourquoi le texte le précise-t-il ? Afin de nous enseigner que celui qui s’apprête à se marier doit se renseigner sur les frères de sa future conjointe, la plupart des enfants ressemblant aux frères de leur mère. »
Il est donc possible que Paro ait formulé deux critiques à Avraham. Tout d’abord, pourquoi il ne lui a pas dit que Sarah était sa femme, ignorance qui faillit le faire transgresser l’interdit d’épouser une femme mariée. Ensuite, pourquoi il l’a fait passer pour sa sœur, affirmation qui l’a encouragé à la choisir pour épouse, afin qu’elle lui donne des enfants ressemblant au patriarche.
Maguen David ou Maguen Avraham ?
« Ne crains point, Avram : Je suis un bouclier pour toi. » (Béréchit 15, 1)
Tout le monde connaît le célèbre symbole du peuple juif connu sous le nom de « Maguen David », qui a la forme d’une étoile à six branches. Nous pouvons nous demander pourquoi on ne l’appelle pas plutôt Maguen Avraham, en référence à la promesse divine adressée au patriarche « Je suis un bouclier (maguen) pour toi ».
Le Kovets Haméassef propose une remarquable explication. Il est rapporté (Sanhédrin 95a) que Yichvi, frère de Goliat, voulut venger son meurtre en tuant David. L’œuvre du Satan fit que David, arrivé au pays de Pélichtim, fut remarqué par Yichvi qui le ligota et le mit en dessous d’une fabrique d’huile. Lorsque l’impie rabaissa la poutre, l’Eternel fit un miracle en faveur de David : la terre se ramollit sous ses pieds et il s’enfonça dans le sol, échappant ainsi au pire.
Yichvi ne désespéra pas et chercha une nouvelle fois à attenter à la vie de David. Il le jeta vers les cieux, puis planta sa lance à terre, afin qu’il retombe dessus et y trouve la mort. Au même instant, Avichaï ben Tsrouya intervint en prononçant un Nom saint par le biais duquel il maintint David en l’air, entre ciel et terre, le sauvant ainsi des mains de son ennemi.
Au sujet d’Avraham, nous trouvons que le Saint béni soit-Il le protégea à la manière d’un roi exerçant sa protection sur ses soldats aux quatre points cardinaux – Nord, Sud, Est et Ouest. Or, concernant David, cette assistance divine s’étendit encore au-delà, puisqu’elle inclut également deux autres directions, le haut et le bas – respectivement, lors des deux offensives de Yichvi.
D’où l’appellation de « Maguen David », étoile dont les six branches évoquent les six directions auxquelles il jouissait de la protection du Très-Haut.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La perfection de la nature, une attestation de son Auteur
« Je suis le D.ieu tout-puissant, conduis-toi à Mon gré, sois irréprochable. » (Béréchit 17, 1)
Dans la Guémara (Makot 24a), nous pouvons lire : « Vint ‘Habacuc qui les [les mitsvot] résuma en une seule : “Le juste vivra par sa ferme loyauté.” » Tel est le fondement de l’homme : une foi pure, dépourvue du moindre doute, dans le Créateur du monde.
En réalité, pour croire en D.ieu, on n’a pas besoin de réfléchir tellement. Il suffit de poser son regard sur Sa merveilleuse création pour en être émerveillé et s’exclamer : « Que tes œuvres sont grandes, Seigneur, toutes, Tu les as faites avec sagesse ! » De même, si l’on réfléchit aux différents systèmes du corps humain, à ses membres fonctionnant avec une incroyable harmonie, on en sera bien vite impressionné et réalisera qu’un Créateur en est à l’origine. On croira alors en l’Eternel de toutes les fibres de son être.
Quand j’ai eu le mérite de me rendre auprès de Rav Chakh zatsal, il m’a dit : « Le seul fait, pour l’homme, de méditer sur les activités de son corps à son réveil – comment il ouvre les yeux, remue ses mains et ses pieds – emplit son cœur de la foi en D.ieu. »
Telle fut la requête exprimée par le Saint béni soit-Il à Avraham : « Conduis-toi à Mon gré, sois irréprochable. » (Béréchit 17, 1) En d’autres termes, aies foi en Moi, sans remettre en question Mes voies. Car, celui qui tente de renforcer sa foi par le biais de la recherche et de la réflexion risque, au contraire, de l’affaiblir. En effet, une fois ses questions résolues, le Satan en introduira d’autres dans son esprit, amplifiant ses doutes jusqu’à le mener à rejeter le joug de la Torah et des mitsvot. Il risque ainsi de s’enfoncer dans ce précipice et de mourir dans son impiété.
Ceci peut être comparé à un malade en danger auquel le médecin a prescrit un remède. S’il se dit, stupidement, « Je ne prendrai pas ces médicaments tant que je n’aurai pas compris comment ils agissent sur le corps », il risque de mourir. Celui qui est intelligent comptera aveuglément sur le praticien, conscient qu’il lui a donné les médicaments les plus adaptés à ses maux, même s’il n’en saisit pas lui-même le fonctionnement.
Il en est de même concernant la foi en D.ieu. L’individu arguant n’être prêt à accomplir les mitsvot qu’après avoir fait des recherches et éclairci l’énigme de la réalité divine trouvera la mort avant d’y parvenir, puisqu’il se détachera de la source de vie. A l’inverse, celui animé d’une foi pure dans le Créateur, conscient qu’Il dirige chacun de ses pas et lui accorde constamment Son assistance, mènera une vie sereine dans ce monde et héritera du monde à venir.
LE SOUVENIR DU JUSTE - Rabbi Haïm Pinto Ha Katan (Le petit) • 1855-1937
Cette semaine, tombe la Hilloula d’un des géants de notre peuple (Lundi 15 Hechvane - 2 Novembre), descendant de la noble lignée des Pinto qui vécut au Maroc, le Tsadik, célèbre pour ses miracles, Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan, puisse son mérite nous protéger. Le juste soutint la communauté aussi bien spirituellement que matériellement et rapprocha le cœur de ses frères juifs de leur Père céleste, tant de son vivant que de manière posthume.
La semaine où nous lisons dans la Torah l’histoire de notre patriarche Avraham, pilier du ‘hessed, nous nous concentrerons sur cette vertu, également détenue par le juste Rabbi ‘Haïm. Précisons qu’elle n’est qu’une des nombreuses facettes de sa rayonnante personnalité qui éclaira tous ses contemporains.
Des milliers de Juifs eurent le mérite de toucher les saintes mains du Tsadik, les uns en tant que donateurs, les autres en tant que bénéficiaires de sa tsédaka. De ses 248 membres et 365 tendons, il soutenait le pilier de la bienfaisance, l’un des trois sur lesquels le monde repose.
Il s’occupait d’assurer la subsistance des nécessiteux de sa ville. C’est pourquoi, il s’était fixé un emploi du temps immuable. Après la prière du matin, il se rendait à l’ancien cimetière, sur la tombe de son grand-père, le Tsadik et kabbaliste Rabbi ‘Haïm Pinto Hagadol. Il mentionnait toujours son nom dans ses bénédictions, en employant cette formule : « Le mérite de mon ancêtre vous protègera. »
Ensuite, il se dirigeait vers le nouveau cimetière. Là, il se recueillait sur la tombe de son père, le Tsadik Rabbi Yéhouda (Hadan). Puis, il retournait en ville y acheter des denrées destinées aux indigents.
Il donnait des consignes précises à son serviteur, comme par exemple de se présenter chez telle ou telle veuve ou chez une certaine famille qui comptait parmi les plus pauvres de la ville, ou bien d’apporter à celle-ci de la viande, du pain et des gâteaux, à une autre, des fruits et des légumes. C’est ainsi que le serviteur distribuait toute la nourriture, évitant aux pauvres de la ville de connaître les affres de la famine.
Rabbi Its’hak Abisror raconte que Rabbi ‘Haïm l’avait invité à plusieurs reprises à se joindre à lui lors de sa collecte de dons et leur distribution. Tout le monde n’avait pas ce mérite d’accompagner le Tsadik et Rabbi Its’hak bénéficiait donc ainsi d’un immense privilège.
Chaque vendredi, Rabbi ‘Haïm partait ramasser de la nourriture. Ce jour-là, contrairement au reste de la semaine, il ne demandait pas d’argent, car il savait que les pauvres risquaient de ne pas avoir le temps d’acheter eux-mêmes le nécessaire pour Chabbat. C’est pourquoi, il ne ramassait que des denrées alimentaires qu’il leur redistribuait.
L’éclat du visage magnifique du Tsadik s’est gravé dans le cœur des Juifs qui venaient en visite à Mogador. Rabbi ‘Haïm Pinto avait en effet l’habitude de s’asseoir aux portes de la ville et d’attendre les invités étrangers, afin de leur donner le mérite de participer à la mitsva de tsédaka.
Certains “cherchaient” Rabbi ‘Haïm ou passaient volontairement près de lui pour qu’il les prie de faire un don. Ils étaient convaincus qu’en acceptant, ce mérite leur tiendrait lieu de ségoula pour la réussite et que ce jour serait béni dans tous les domaines. Car, les Juifs du Maroc savaient que si Rabbi ‘Haïm les bénissait pour leur don, ils passeraient une excellente journée et, dans la même semaine, verraient miracles et prodiges.
Une véritable joie
Durant la période des fêtes et plus particulièrement avant Pessa’h, au moment où les dépenses en nourriture étaient plus importantes, Rabbi ‘Haïm n’hésitait pas à insister auprès des riches afin qu’ils soutiennent financièrement les pauvres de la ville. Il allait de maison en maison et demandait à chacun d’ouvrir son cœur et sa bourse, afin de réjouir les familles nécessiteuses, les veuves et les orphelins en leur permettant de vivre les fêtes dignement.
Chaque donateur avait le privilège de recevoir une bénédiction du Tsadik, prononcée par sa sainte bouche et émanant du plus profond de son cœur pur.
Il faut lui ajouter des années de vie !
Rabbi ‘Haïm parvenait à ancrer la foi en D.ieu, si vitale, dans le cœur de tout homme, Juif comme non-juif. L’ouvrage « Des hommes de foi » rapporte (chap. 19) qu’une fois, Rabbi ‘Haïm fut atteint du typhus, maladie redoutable, et qu’il était sur le point de mourir. Les membres de la ‘hévra kadicha se rendirent à son chevet et commencèrent, comme c’est l’usage près du lit d’un mourant, à lire des chapitres des Téhilim.
Soudain, le Tsadik ouvrit les yeux et se leva de son lit. Il dit aux employés des pompes funèbres :
« Vous pouvez partir, je suis guéri. J’ai reçu du Ciel un sursis de vingt-six années. »
Quand les personnes qui entouraient son lit se remirent de leur surprise, le Tsadik se mit à leur raconter qu’au moment où il agonisait et où ils avaient commencé à réciter les Téhilim, son grand-père, Rabbi ‘Haïm Pinto Hagadol, avait bondi de sa place au jardin d’Eden et s’était présenté devant le Tribunal céleste en s’écriant :
« Il faut lui ajouter des années de vie, car il n’a pas encore terminé son travail sur terre. Il doit vivre afin de pouvoir convaincre d’autre Juifs de croire en notre Créateur. »
Rabbi ‘Haïm Hagadol défendit ainsi la cause de son petit-fils pendant un long moment. Finalement, le Tribunal céleste accéda à sa demande et prolongea la vie de Rabbi ‘Haïm Hakatan de vingt-six années, durant lesquelles il s’efforça d’enseigner à de nombreux Juifs la foi en D.ieu.