Vayéra 7 Novembre 2020 כ חשון התשפ"א |
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L’épreuve du ligotage d’Its’hak
Rabbi David Hanania Pinto
« Prends, s’il te plaît, ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes. » (Béréchit 22, 2)
Lors de l’épreuve de la akéda, Avraham attesta l’ampleur de son amour pour l’Eternel. Le Saint béni soit-Il lui avait promis de lui donner une postérité par Its’hak et voilà qu’Il lui demandait à présent de le sacrifier ! Mais, au lieu de contester les voies du Créateur et de s’interroger à ce sujet, le patriarche se plia avec zèle à Sa volonté, comme il est écrit : « Avraham se leva de bonne heure. » Quant à Its’hak, il accompagna son père, animé de la même pureté d’intentions, comme le laissent entendre les mots « Ils allèrent tous deux ensemble ». Lorsqu’ils arrivèrent à destination, Its’hak demanda à son père de bien l’attacher, de sorte à éviter qu’il ne bouge et rende le sacrifice impropre.
Au moment où Avraham saisit le couteau pour procéder au sacrifice, les anges, pris d’émotion, versèrent des larmes face à cette preuve de dévotion. Quel puissant amour pour D.ieu animait celui qui était prêt à accomplir avec joie un ordre si ardu ! Le Très-Haut s’empressa alors d’envoyer un ange pour lui ordonner : « Ne porte pas la main sur ce jeune homme ! » Avraham, déçu de ne pouvoir aller jusqu’au bout, demanda s’il ne pouvait pas, tout au moins, lui faire couler un peu de sang. « Ne lui fais aucun mal. Car, désormais, j’ai constaté que tu crains D.ieu », lui répondit l’ange.
Ceci demande à être éclairci : l’Eternel ne savait-Il pas auparavant qu’Avraham Le craignait ? Pourtant, il avait déjà surmonté plusieurs épreuves, à travers lesquelles il avait démontré son considérable amour pour le Saint béni soit-Il. Pourquoi seule celle de la akéda est-elle suivie de cette conclusion divine ?
La Guémara (Berakhot 61b) rapporte l’anecdote relative à la mort en martyre de Rabbi Akiva : « A l’heure où Rabbi Akiva fut conduit à la mort, c’était le moment de réciter le Chéma. Alors qu’ils écorchaient son corps avec des peignes de fer, il se soumettait au joug divin. Ses disciples lui dirent : “Maître, jusque-là ?” Il répondit : “Toute ma vie, je m’affligeais en prononçant le verset ‘de toute ton âme’ [qui signifie : même s’Il te reprend ton âme], me demandant quand je pourrai l’accomplir pleinement. A présent que j’en ai enfin l’opportunité, comment n’en profiterais-je pas ?” Tandis qu’il s’attardait sur le mot é’had, son âme le quitta. »
Il semble que ce grand maître ait voulu dire que, de son vivant, il avait toujours eu l’intention de se sacrifier pour D.ieu lorsqu’il prononçait ce verset du Chéma, mais que, néanmoins, tant qu’il ne l’avait pas fait concrètement, il ne pouvait être certain qu’il en était réellement à la hauteur – peut-être sa « déclaration d’intention » était-elle purement verbale ?
Lorsque les Romains le torturèrent au moyen de peignes de fer incandescents et qu’il se soumit avec une profonde joie au joug divin, il se prouva à lui-même qu’il en était effectivement capable. Il en éprouva alors un immense bonheur, celui d’être certain de l’intensité de son amour pour D.ieu.
De même, tout au long de son existence, Avraham chercha une opportunité d’attester son brulant amour pour l’Eternel. S’il s’appliquait certes toujours à publier la réalité divine auprès de ses contemporains et était animé d’un profond amour pour D.ieu, néanmoins, cela ne prouvait pas qu’il était prêt à se sacrifier pleinement pour Lui. Il craignait ne pas en être à la hauteur. Le Très-Haut le soumit alors à l’épreuve extrêmement ardue de la akéda. Quand Il constata qu’en dépit de l’immense difficulté de sacrifier son fils, il avait accepté de le faire par amour pour Lui, Il déclara : « Désormais, J’ai constaté que tu crains D.ieu. » En d’autres termes, Je sais que tu désires réellement vouer ce qui t’est le plus cher pour te plier à Ma volonté.
Avraham, qui se tenait à un très haut niveau spirituel de sainteté et de piété, reçut la promesse de l’Eternel que Sa crainte l’animerait continuellement. Ceci corrobore l’affirmation de nos Sages selon laquelle le Saint béni soit-il créa le monde par le mérite d’Avraham, comme il est dit : « Telles sont les origines du ciel et de la terre lorsqu’ils furent créés (béhibaram) » (Béréchit 2, 4), ce dernier mot étant composé des mêmes lettres que Avraham. Conscient du sublime niveau de pureté qu’atteindrait le premier patriarche, qui s’exprimerait durant toute sa vie, D.ieu créa l’univers par son mérite.
Renforçons-nous dans les trois piliers du monde, légués par nos ancêtres, et nous aurons ainsi l’assurance d’ancrer profondément l’amour de l’Eternel dans notre cœur et de ne jamais nous détourner de Sa voie. Amen.
PAROLES DE TSADIKIM
Pourquoi Rav ‘Haïm annula son voyage de ben hazmanim
Le Gaon Rav Elazar Mena’hem Man Chakh zatsal, dont la Hilloula tombe cette semaine, répond remarquablement à la question de Rachi sur le verset « Comme il levait les yeux et regardait, il vit trois personnages debout près de lui. En les voyant (…) » : pourquoi le verbe « voir » est-il répété ?
Il explique qu’à travers cette redondance, la Torah a voulu nous signifier que la mitsva de tsédaka ne se limite pas à donner de l’argent à un pauvre venant nous solliciter, mais consiste également à rechercher celui qui est dans le besoin afin de lui venir en aide. La deuxième occurrence du verbe « voir » nous indique qu’Avraham réfléchit si ces passants avaient besoin de son hospitalité. Il n’attendit pas qu’ils frappent à sa porte, mais, dès qu’il les aperçut, il estima qu’ils devaient avoir faim et soif et courut à leur rencontre pour les faire entrer chez lui.
Or, si nous devons être sensibles aux besoins des autres, a fortiori nous incombe-t-il de bien réfléchir pour ne leur causer aucune peine. Pour ce faire, il convient de s’investir dans la trouvaille de stratagèmes visant à lui éviter toute affliction. Même si nous nous efforçons dans ce sens dans une modeste mesure, nous et notre prochain en sortirons gagnants.
Celui qui eut la chance de connaître de près le Rav Chakh zatsal pourra attester qu’il pratiquait lui-même ce qu’il prêchait, en particulier concernant ce souci permanent de chercher le bien-être d’autrui et de l’épargner de toute atteinte sentimentale.
Le Rav Avraham Tsvi Toyb chelita, qui était proche de lui, raconte qu’il connaît la raison pour laquelle le Gaon Rav ‘Haïm Kanievsky chelita a décidé d’annuler son voyage annuel de ben hazmanim à Tsfat.
Il y a quelques années, avant les congés du mois d’Av, Rav Toyb se rendit auprès de Rav Kanievsky. Avant qu’il ne se présente au grand Sage, l’un de ses proches lui dit : « Rav ‘Haïm aime bien entendre de temps à autre des histoires de Grands de notre peuple. Peut-être pourriez-vous lui en raconter l’une ou l’autre sur Rav Chakh, à laquelle vous avez été témoin ? »
Il entra alors dans la pièce de Rav Kanievsky et lui raconta : « J’ai une fois demandé à Rav Chakh pourquoi il ne voyageait jamais pendant les congés de ben hazmanim, alors qu’il ne donnait de toute façon pas cours à la Yéchiva. Il m’a répondu : “Les gens ont beaucoup de malheurs. Lorsque je suis chez moi, ils viennent parfois solliciter mon aide ou mes conseils. Je suis en mesure d’aider seulement certains d’entre eux, mais je demeure impuissant dans la plupart des cas. Cependant, le seul fait de déverser leur cœur devant moi les console et les soutient. Si je pars en vacances et ne suis pas chez moi, ils frapperont à ma porte, ne me trouveront pas et resteront désolés. Comment puis-je leur faire cela ?” »
Lorsque Rav ‘Haïm entendit ce témoignage, il décida : « S’il en est ainsi, je ne voyagerai désormais plus pendant ben hazmanim. Je resterai chez moi afin d’aider les hommes à supporter leur détresse. »
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
La foi en D.ieu
Il arriva une fois qu’un érudit très assidu, que je connaissais bien, se présente à moi avec la requête suivante : « Vénéré Rav, pourriez-vous renforcer ma foi en D.ieu ? »
Surpris, je lui demandai : « Vous observez pourtant parfaitement les mitsvot et vous attelez à l’étude de la Torah. Aussi, comment pouvez-vous dire que votre foi est chancelante ? »
Il me répondit : « Il est vrai que je suis continuellement plongé dans l’étude et c’est pourquoi, jusqu’à aujourd’hui, je pensais que ma foi en D.ieu était ferme. Mais, je me suis malheureusement rendu compte que j’étudie machinalement, uniquement parce que j’y ai été habitué dès mon plus jeune âge. Dans mon entourage, tout le monde étudie la Torah et donc moi aussi. Pourtant, en mon for intérieur, je ne suis pas encore totalement convaincu que c’est la bonne voie. A l’heure actuelle où je suis confronté à de dures épreuves, j’ai réalisé, à mon grand regret, que ma foi en D.ieu manquait de fermeté, ce pour quoi il m’a été difficile de les surmonter. »
Suite à l’aveu de cet homme, je me levai aussitôt pour lui baiser la tête, admiratif face à son honnêteté. Il avait eu le courage de m’avouer ce qu’il ressentait au plus profond de lui et de venir solliciter mon assistance. Evidemment, je fis le maximum pour raffermir sa foi et le toucher, tout en lui indiquant le bon chemin à emprunter.
Bien qu’il s’agît d’un érudit, il ne prêta pas immédiatement attention au fait qu’il faisait fausse route. Naïvement, il pensait être engagé sur la bonne voie et, seulement après de nombreuses années, il se rendit compte, à sa plus grande déconvenue, qu’il était loin de la vérité et de la foi en D.ieu. Ceci était dû au fait que le début de son parcours n’avait pas été accompagné par une intériorisation des choses, mais découlait d’une habitude acquise machinalement.
CHEMIRAT HALACHONE
Tout dépend de qui on parle
Certaines paroles sont considérées comme de la médisance lorsqu’elles sont prononcées au sujet de quelqu’un, alors qu’elles feraient au contraire l’éloge d’un autre. Par exemple, affirmer qu’un certain homme d’affaire consacre cinq heures par jour à l’étude de la Torah est un compliment, alors que cette même déclaration faite au sujet d’un avrekh sensé y consacrer toute sa journée est un blâme.
De même, il est interdit de révéler la somme d’argent remise par untel à la tsédaka si elle correspond au montant généralement donné par les personnes aux maigres moyens.
Dans certains cas, il est prohibé de raconter des faits indubitablement élogieux, comme la générosité d’un individu donnant beaucoup de tsédaka. Car, la plupart des gens ne sont pas intéressés à le publier.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « La femme de l’un des jeunes prophètes (…) » (Mélakhim II chap. 4)
Lien avec la paracha : la haftara rapporte la bénédiction que le prophète Elicha donna à la Chounamite pour la naissance d’un enfant, promesse qui s’accomplit au moment où il le lui avait prédit et, dans notre paracha, les anges annoncent à Avraham qu’un an plus tard, il aura un garçon.
PERLES SUR LA PARACHA
Résultat naturel ou travail personnel ?
« Il vit trois personnages debout près de lui. » (Béréchit 18, 2)
D’après Rachi, chacun de ces trois anges s’était vu reléguer un rôle déterminé : l’un de guérir Avraham suite à la circoncision, l’autre d’annoncer à Sarah qu’elle aurait un enfant et le troisième de détruire Sédom. Dans son ouvrage Gour Arié, le Maharal demande pourquoi ce dernier devait passer par la demeure du patriarche, alors que sa mission ne le concernait pas du tout.
Dans son ‘Hazon Yé’hezkel, Rabbi Yé’hezkel Avramsky zatsal explique que cet ange éprouvait des difficultés à accomplir sa fonction destructrice. Il arguait que la conduite des habitants de Sédom était naturelle pour des hommes animés d’un mauvais penchant, comme l’avaient prédit les créatures célestes avant la création de l’homme : « Qu’est donc l’homme que Tu penses à lui, le fils d’Adam que Tu le protèges ? »
Le Saint béni soit-Il lui répondit alors : « Rends-toi chez Avraham Mon bien-aimé et tu constateras combien l’homme est capable de s’élever et de maîtriser son penchant. » La suite du texte confirme cette interprétation : « Les hommes se levèrent et fixèrent leurs regards dans la direction de Sédom. » Après avoir vu le noble comportement du patriarche, les anges n’hésitèrent plus à appliquer le jugement divin à cette ville pervertie.
Seulement un peu d’eau
« Qu’on aille quérir un peu d’eau ; lavez vos pieds. » (Béréchit 18, 5)
Avraham excellait dans l’hospitalité. Il choisit généreusement pour ses invités trois mesures de farine et sacrifia trois veaux pour leur en servir les plus belles parts. Pourquoi se montra-t-il avare concernant l’eau en ne leur en donnant qu’un peu ?
Le texte présente une autre difficulté : il dit aux anges « Je vais apporter une tranche de pain », alors qu’il demanda ensuite à Sarah « Pétris-la et fais-en des gâteaux » ? Pourquoi décida-t-il de leur offrir des gâteaux plutôt que du pain ?
L’Admour de Tsanz zatsal, auteur du Chéfa ‘Haïm, explique qu’Avraham vit par inspiration divine qu’au moment où D.ieu voudrait donner la Torah aux enfants d’Israël, les anges s’y opposeraient, avançant que sa place se trouve plutôt dans les cieux. Il leur fit donc transgresser l’interdit de mélanger lait et viande afin que, le moment venu, l’Eternel puisse leur répliquer qu’ils ne peuvent accepter la Torah, puisqu’ils en avaient déjà enfreint un commandement.
Selon le Choul’han Aroukh (Yoré Déa 89, 2), il faut manger un morceau de pain et boire un peu d’eau pour pouvoir manger de la viande après du lait. Avraham servit à ses visiteurs du beurre et du lait, puis de la viande, tandis qu’il s’abstint de leur donner du pain et de l’eau pour nettoyer leur bouche entre le lacté et le carné. De cette manière, ses descendants pourraient recevoir la Torah. C’est pourquoi il ne leur fournit que l’eau nécessaire pour laver leurs pieds.
Des sucreries de fleur de farine
« Il dit : “Vite, prends trois mesures de farine, de pur froment, pétris-la et fais-en des gâteaux.” » (Béréchit 18, 6)
Nos Maîtres (Baba Métsia 87a) déduisent du glissement de ce verset que la femme sert ses invités avec parcimonie. Avraham demanda à Sarah de prendre de la farine, alors qu’elle prit de la fleur de farine, ce qui, d’après Rachi, prouve le principe énoncé par nos Sages.
De nombreux commentateurs s’interrogent sur cette preuve apportée par Rachi. Ces choix respectifs du patriarche et de la matriarche semblent au contraire réfuter cette théorie, la fleur de farine étant d’une qualité supérieure.
L’auteur de l’ouvrage Otsar Haraayon Véhama’hachava nous éclaircit à ce sujet. Un repas est à distinguer d’une collation. Avant le premier, on se lave les mains pour manger du pain, puis on prend l’entrée et le plat principal, alors que le second ne consiste qu’en de petites douceurs présentées sur une table. La farine est utilisée pour cuire du pain et la fleur de farine pour confectionner des gâteaux. Avraham désirait servir à ses hôtes un repas entier, composé notamment de viande, aussi, demanda-t-il à Sarah d’utiliser de la farine. Quant à celle-ci, elle voulut leur offrir uniquement un petit en-cas, d’où sa préférence pour la fleur de farine.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
L’influence de la personnalité des parents sur l’éducation des enfants
« Car Je l’ai distingué pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de l’Eternel, en pratiquant la vertu et la justice. » (Béréchit 18, 19)
L’Eternel, qui connaît les pensées les plus secrètes de l’homme, atteste au sujet d’Avraham « Car Je l’ai distingué », expression à connotation affective. Pourquoi D.ieu aimait-Il le patriarche ? Car Il savait qu’il éduquerait ses enfants conformément à la voie de la Torah et au service divin.
Si l’on comprend aisément la possibilité de donner des biens matériels en héritage, il est plus difficile de concevoir celle de transmettre un legs spirituel, comme la foi en D.ieu, l’amour de l’Eternel et le respect des mitsvot. Comment est-ce possible ? En outre, même si on peut s’efforcer d’éduquer son enfant dans le droit chemin, il faut encore qu’il accepte de se laisser guider. Heureux celui qui a le mérite de voir sa progéniture marcher dans ses sillons !
Cela étant, si le Saint béni soit-Il atteste que les descendants d’Avraham suivront sa voie, cela signifie qu’il y a eu un accord des deux côtés : le patriarche a voulu leur léguer sa piété dans le service divin et eux-mêmes ont bien voulu accepter cet héritage. Comment obtenir un tel privilège ?
En premier lieu, par l’exemple personnel. Si les parents se conduisent avec dignité, respectent avec constance les paroles et principes qu’ils énoncent, parlent calmement aux gens, sont honnêtes dans les affaires, observent toutes les mitsvot, petites comme grandes, se comportent avec pudeur même au sein de leur foyer et honorent les règles de bienséance, il est certain que leur brillante personnalité influera positivement sur celle de leurs enfants, plus que toute autre méthode éducative.
A l’inverse, si la conduite des parents contredit ce qu’ils tentent d’inculquer à leurs enfants, non seulement ils ne pourront pas les éduquer dans tous les domaines où ils présentent eux-mêmes des lacunes, mais, en plus, ils les plongeront dans la plus grande confusion en leur signifiant qu’il est possible de ne pas appliquer ce que l’on prêche. Les résultats peuvent être dramatiques.
Avraham et Sarah, deux personnalités exemplaires, étaient tel un livre de morale vivant pour leur fils Its’hak. Depuis sa plus tendre enfance, Its’hak était témoin de leur noble conduite, ce qui l’encouragea à les imiter. Il aspira à suivre leur voie, tandis que leur sainteté s’ancra profondément dans sa jeune âme, ce qui lui permit ensuite de poursuivre son élévation spirituelle.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Sur l’ordre de l’Eternel, Avraham prit la route pour le mont Moria afin d’y sacrifier son fils. Au dernier instant, un ange l’arrêta en lui ordonnant : « Ne porte pas la main sur ce jeune homme ! » (Béréchit 22, 12) Le patriarche obtempéra, puis regarda autour de lui pour remarquer un bélier s’étant embarrassé les cornes dans un buisson. Il s’empara de l’animal et l’offrit en holocauste à la place de son fils. Suite à cela, l’ange l’appela une nouvelle fois pour lui dire : « Parce que tu as agi ainsi, parce que tu n’as point épargné ton enfant, ton fils unique, je te comblerai de mes faveurs ; je multiplierai ta race comme les étoiles du ciel et comme le sable du rivage de la mer, et ta postérité conquerra les portes de ses ennemis. Et toutes les nations de la terre seront bénies par ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix. » (Ibid. 22, 16-18)
Pourquoi l’ange n’a-t-il pas béni Avraham dès sa première intervention ? Ce dernier avait pourtant déjà prouvé au Saint béni soit-Il sa volonté de se plier à son ordre, quitte à devoir sacrifier son cher fils.
L’histoire qui suit est racontée au sujet de Rav Arié Lévin zatsal, surnommé le « Rav des prisonniers ». Un Chabbat, il se rendit à la prison de Jérusalem, comme à son habitude. Mais, lorsqu’il arriva au portail, deux gardiens étaient postés, l’un Juif et l’autre anglais. Ce dernier s’adressa à lui d’un ton sévère : « Je sais que vous êtes le Rav des prisonniers et détenez un permis d’entrée. Mais comment donc êtes-vous arrivé ici ? Ne savez-vous pas qu’un couvre-feu a été décrété ? Je suis vraiment désolé, mais, aujourd’hui, vous ne pourrez pas entrer.»
L’agent juif intervint auprès de son collègue : « S’il te plaît, laisse-le entrer. C’est sa mitsva. Il aime tellement consoler les prisonniers et s’adresser à leur cœur. Il leur fait leur journée. » Cependant, l’autre refusa de se laisser convaincre : « Arrête de dire des bêtises. Ne me fais pas mauvaise conscience. Il s’agit uniquement d’un business. Il en retire honneurs et gagne-pain. Aujourd’hui, il y a un couvre-feu et il n’a donc pas besoin de travailler. Qu’il rentre chez lui et profite de la vie ! »
Rav Arié ne se laissa pas décourager. Il contourna la prison et remarqua qu’à un endroit, la grille était plus basse qu’ailleurs. Malgré son âge avancé, il essaya de grimper. Face à ce spectacle, le gardien anglais l’appela et lui dit : « Maintenant, vous pouvez entrer par l’entrée principale. » Le policier juif, étonné, lui demanda : « Pourquoi as-tu soudain changé d’avis ? »
Il lui expliqua : « A présent, je sais qu’il ne fait pas cela pour s’enrichir ou être honoré. Car, s’il agissait ainsi pour l’argent, il aurait dû être heureux de ne pas pouvoir travailler et profiter de l’occasion pour prendre un jour de congé. Du moment qu’il avait tenté d’accomplir son travail et n’avait pas pu aller jusqu’au bout, son patron n’aurait rien eu à dire. Le fait qu’il s’efforce malgré tout d’entrer prouve qu’il est animé d’une profonde volonté intérieure et est totalement désintéressé. »
Revenons au sujet de la akéda. Avraham fit son devoir. Il prit son cher fils unique, dans l’intention de le sacrifier pour se plier à l’ordre divin. Un ange l’appela du ciel pour l’en empêcher. Un homme ordinaire s’en serait réjoui, empressé de prendre son enfant et de quitter les lieux pour en rejoindre un plus sûr. Il aurait rapidement regagné son foyer pour annoncer à sa femme que tout va bien et que tous sont revenus vivants.
Or, Avraham ne se comporta pas de la sorte. Il ne se pressa pas de rebrousser chemin. Il resta sur place, confus et déçu qu’une telle épreuve doive se terminer ainsi, qu’il n’ait pas pu démontrer concrètement au Créateur sa réelle volonté de Le satisfaire. Il observa alors autour de lui et vit un bélier. Il se réjouit de cette opportunité de l’offrir à l’Eternel à la place de son fils. Vraisemblablement, le Créateur n’avait pas totalement renoncé à Son sacrifice, puisqu’Il avait fait en sorte qu’un bélier se trouve là. Rachi commente : « Pour chaque rite qu’il accomplissait, Avraham prononçait cette prière : “Que ce soit de la volonté de D.ieu de l’accepter comme si je l’accomplissais sur mon fils !” »
Lorsque l’ange ordonna à Avraham de ne pas sacrifier Its’hak, il ne le bénit pas immédiatement, car il n’avait pas encore témoigné son désir ardent de satisfaire la volonté divine. Il était possible qu’il ne se soit plié à l’ordre de l’Eternel que sous la contrainte, en l’absence d’autre choix. C’est uniquement quand il s’attarda à cet endroit et rechercha une autre manière d’accomplir la akéda, à travers le bélier, qu’il prouva sa volonté personnelle d’observer la parole de l’Eternel et son amour pour Lui. Dès lors, il était digne de recevoir les bénédictions de l’ange.
Rabbi Avraham Tsvi Margalit chelita souligne que cette idée se retrouve dans le premier sujet de notre paracha, l’épisode lors duquel Avraham fit entrer chez lui trois passants. Il est écrit : « Avraham courut au troupeau » (Béréchit 18, 7) Pourquoi courut-il ? Qu’y avait-il donc de si urgent ? Les termes rats (courut) et rotsé (veut) sont formés à partir de la même racine. Comment déterminer si un homme agit de son plein gré, sous la contrainte ou encore par habitude ? D’après la rapidité avec laquelle il entreprend cet acte : s’il le fait avec nonchalance, avançant doucement et à grande peine, cela signifie qu’il n’est pas animé d’une volonté intérieure d’accomplir celle de D.ieu. Par contre, s’il marche vite, monte les marches deux à deux ou court, cela prouve sa joie intérieure de satisfaire son Créateur.