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Toldot

21 Novembre 2020

ה כסלו התשפ"א

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Divers niveaux de confiance dans le Créateur

Rabbi David Hanania Pinto

« Its’hak implora l’Eternel au sujet de sa femme, parce qu’elle était stérile ; l’Eternel se laissa implorer et Rivka devint enceinte. » (Béréchit 25, 21)

Rachi commente : « Its’hak implora : il multiplia et insista dans sa prière. Its’hak se tenait dans un coin et priait et Rivka se tenait dans un autre et priait. »

Nous pouvons nous demander pourquoi nous ne trouvons pas qu’Avraham et Sarah prièrent pour avoir des enfants. Au contraire, dès que Sarah réalisa qu’elle ne pourrait pas avoir d’enfant, elle demanda à Avraham d’épouser sa servante Agar : « Saraï dit à Avram : “Voici ! L’Eternel m’a refusé l’enfantement ; approche-toi donc de mon esclave : peut-être, par elle, aurai-je un enfant.” » (Béréchit 16, 2)

A priori, il aurait semblé logique que la matriarche implore le Créateur de lui accorder une descendance, comme le fit ici Rivka. De même, comment expliquer qu’Avraham, qui priait pour tous les êtres humains et, en particulier, supplia l’Eternel de ne pas détruire les habitants de Sédom, ne sollicita pas Sa Miséricorde en faveur de son épouse, pour qu’elle puisse mettre au monde un enfant ?

Par ailleurs, notons que le Saint béni soit-Il annonça à Sarah la naissance d’Its’hak par l’intermédiaire d’un ange – comme il est écrit : « Il dit : “Certes, je reviendrai à toi à pareille époque et voici, un fils sera né à Sarah, ton épouse” » (Béréchit 18, 10) –, alors que Rivka et Ra’hel n’eurent pas ce mérite.

Avec l’aide de D.ieu, j’expliquerai qu’il existe divers niveaux de confiance dans le Créateur. Certains affirment haut et fort la placer en Lui, mais, en réalité, cette déclaration est superficielle, la preuve étant qu’ils investissent de nombreux efforts pour obtenir ce qu’ils désirent. S’ils avaient pleinement confiance en l’Eternel, ils seraient plus sereins et ne courraient pas de manière effrénée derrière l’argent.

D’autres individus ont une confiance plus ferme en D.ieu. Ils savent qu’Il est en mesure de leur apporter le salut. Même s’ils font quelques efforts pour trouver un gagne-pain, cela n’est pas en contradiction avec leur confiance en D.ieu. Car, le Très-Haut a créé le monde de telle sorte que l’homme doive y travailler pour subvenir à ses besoins, sachant toutefois qu’il doit essentiellement placer sa croyance en Lui.

Enfin, quelques hommes sont animés d’une confiance parfaite. Ils sont convaincus que l’Eternel comblera tous leurs besoins et ne fournissent donc pas le moindre effort pour acquérir ce qu’ils désirent. Même si des jours et des années passent sans qu’ils voient le salut, ils ne désespèrent pas et ne craignent pas ne jamais le mériter, conscients que viendra l’heure où le Saint béni soit-Il le leur enverra.

La confiance en D.ieu de Sarah n’avait d’égale que sa piété. Elle se dit que si l’Eternel avait promis à Avraham qu’elle lui donnerait des enfants, elle n’avait pas à s’inquiéter : quand le moment viendrait, Il le lui accorderait. C’est pourquoi elle ne voulut pas entreprendre la moindre action dans ce sens, serait-ce la prière. Si elle avait imploré le Créateur, cela aurait attesté ses doutes quant à la réalisation de Sa promesse et, subséquemment, prouvé la déficience de sa foi et sa confiance en Lui. Aussi, ne demanda-t-elle pas non plus à Avraham de prier en sa faveur et lui proposa-t-elle plutôt d’épouser Agar. Elle ne voyait pas l’inconvénient de cette union, convaincue que si D.ieu lui avait présagé une descendance, elle en aurait sans nul doute tôt ou tard. Tel était le sublime niveau de confiance en D.ieu de la mère de notre nation.

En vertu de cela, elle eut le mérite de donner naissance à Its’hak, qui eut lui-même pour fils Yaakov, duquel descendirent toutes les tribus d’Israël. La promesse divine selon laquelle « C’est la postérité d’Its’hak qui portera ton nom » (Béréchit 21, 12) se réalisa donc pleinement. En outre, Its’hak adhéra à la voie sainte de sa mère. En effet, lorsque le Saint béni soit-Il lui ordonna de monter sur l’autel et de s’y laisser sacrifier, il n’émit pas la moindre contestation et ne posa pas de question quant à la postérité supposée descendre de lui. Avec une confiance absolue, il obtempéra à la parole de l’Eternel et accomplit aveuglément Sa volonté, marchant ainsi dans les sillons de ses saints parents.

Il va sans dire que Rivka et Ra’hel avaient elles aussi atteint un très haut niveau de confiance en D.ieu. Elles comptaient sur Lui de tout leur cœur. Néanmoins, Sarah se tenait à un degré encore supérieur. C’est la raison pour laquelle Rivka ressentit le besoin d’agir d’une manière ou d’une autre pour mériter une descendance ; elle supplia donc l’Eternel de lui donner une descendance. Dans le même esprit, Ra’hel demanda à Yaakov de prier en sa faveur : « Donne-moi des enfants. » (Béréchit 30, 1) Toutes deux estimèrent ne pas être encore parvenues à s’élever suffisamment dans le domaine de la confiance en D.ieu, au point de pouvoir se passer de toute hichtadlout [efforts pour obtenir ce qu’on désire, notamment le gagne-pain], comme Sarah.

Au regard de son ultime niveau de confiance en D.ieu, Sarah eut droit à l’apparition d’un ange, venu lui annoncer la prochaine naissance d’un fils, mérite qui ne fut pas dévolu aux autres matriarches.

Puissions-nous parvenir à suivre la voie de nos saints ancêtres et à ancrer dans nos cœurs une foi pure et une ferme confiance en D.ieu !

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Un changement d’itinéraire providentiel…

Une famille vivant près de New York, aux États-Unis, a connu une tragédie terrible : la mère glissa et fit une grave chute alors qu’elle était enceinte, causant sa mort, ainsi que celle de son fœtus.

Ce fut un choc pour l’ensemble de la communauté, qui demanda à différents Rabbanim d’intervenir sur ce sujet, afin d’en sortir renforcée.

Je fus également sollicité pour prononcer quelques paroles de sensibilisation, qui seraient suivies d’un appel de dons en faveur de la tsédaka.

À mon arrivée dans la mégalopole, je fus accueilli par mon hôte, qui me devait me conduire en voiture à la synagogue où il était prévu que j’intervienne.

Pendant le trajet, il me demanda la permission de prendre un autre parcours que celui auquel il était habitué, en continuant tout droit au lieu de tourner à gauche, et ce, bien que ce chemin fût un peu plus long. Il désirait en fait me montrer la Yéchiva où étudiait son fils. Je voulus au départ décliner son offre, mais, après qu’il m’eut promis que le détour ne prendrait pas plus d’une minute, j’acceptai.

Une fois qu’il m’eut montré la Yéchiva de son fils, nous reprîmes la route de la synagogue. Nous eûmes alors un choc : l’endroit précis où nous aurions dû passer une minute plus tôt avait été le théâtre d’un grave accident. Un camion extrêmement lourd avait heurté de plein fouet une voiture qui venait face à lui. Les deux passagers de celle-ci reposaient sur le bas-côté et on n’avait pas encore déterminé s’ils étaient morts ou blessés.

Cette vision me bouleversa : si nous n’avions pas changé d’itinéraire pour voir cette Yéchiva, nous serions passés à cet endroit au moment exact de la collision ; qui sait ce qui nous serait arrivé ?

Je suis absolument certain que c’est l’opération de collecte qui devait avoir lieu aussitôt après mon intervention qui nous a sauvé la vie. Car tel est le pouvoir de la mitsva de tsédaka.

PAROLES DE TSADIKIM

Pourquoi Rav Ovadia Yossef n’alla pas dormir cette nuit

En marge du verset « Comme les enfants se heurtaient en son sein » (Béréchit 25, 22), nos Sages commentent : « Lorsqu’elle passait devant les portes de la maison d’étude de Chem et Ever, Yaakov heurtait pour sortir et, lorsqu’elle passait devant celles des lieux d’idolâtrie, Essav heurtait pour sortir. »

De nombreux commentateurs posent la question suivante : on comprend la volonté d’Essav de sortir du ventre maternel pour rejoindre les lieux de culte idolâtre, auquel il n’avait pas accès, mais, comment expliquer celle de Yaakov de se rapprocher du beit hamidrach des Tsadikim de la génération ? D’après nos Sages (Nida 30b), un ange enseigne la Torah à l’embryon pendant la période prénatale, comme il est dit : « Aux jours où (…) son flambeau brillait sur ma tête. » (Iyov 29, 2-3)

Plusieurs réponses ont été données ; nous nous concentrerons sur la principale d’entre elles. La Torah étudiée avec acharnement est d’une valeur supérieure à celle étudiée dans la facilité. Nos Maîtres affirment (Sanhédrin 99b) que le verset « L’homme est né pour le labeur » (Iyov 5, 7) se réfère à celui propre à l’étude de la Torah.

Par conséquent, lorsque Rivka passait près du beit hamidrach, Yaakov était attiré par ce pôle, car il ressentait l’assiduité avec laquelle la Torah y était étudiée. Il aspirait à atteindre ce niveau d’étude plus élevé que celui à sa disposition à travers l’enseignement de l’ange, cadeau du Ciel ne lui demandant aucun effort. Ceci corrobore l’affirmation de nos Sages selon laquelle « l’homme désire davantage un kav [unité de mesure] lui appartenant que neuf possédés par son prochain » (Baba Métsia 38a).

Yaakov aspirait déjà à atteindre ce niveau d’étude, auquel il se hissera par la suite lorsque son exceptionnelle assiduité le mènera à s’y plonger au point d’étudier quatorze années consécutives auprès de Chem et Ever sans aller dormir, comme l’expliquent nos Sages sur le verset « Il se coucha à cet endroit-là » (Béréchit 28, 11) – c’est une exclusion : seulement à cet endroit, il se coucha, ce qu’il ne fit pas durant ses quatorze années d’étude à la Yéchiva, qu’il consacra totalement à l’étude.

Nos propos rejoignent l’interprétation de nos Maîtres du verset « Voici la règle (Torah) lorsqu’il se trouve un mort dans une tente » (Bamidbar 19, 14) : « La Torah ne se maintient qu’en celui qui “se tue à la tâche” pour elle » (Brakhot 63b), qui, avec assiduité, se voue jour et nuit à son étude dans la tente de la Torah.

On raconte, à cet égard, que Rav Ovadia Yossef zatsal étudiait jusqu’à deux ou trois heures du matin. Durant ces heures d’étude nocturne, il écrivait des interprétations inédites de la Torah. A l’âge de quatre-vingt-dix ans, il n’avait pas encore cessé cette habitude.

Quant à l’avrekh responsable de coucher par écrit ses ‘hidouchim et plus jeune que lui d’une quarantaine d’années, il recevait de sa part l’instruction : « Cela suffit. Va maintenant dormir. » Pour sa part, Maran continuait à étudier.

Un matin, Rabbi Eliahou Chétrit, qui transcrivait ses brillantes idées, constata que la pile de feuilles était encore plus grande qu’à l’accoutumée. Etonné, il demanda au Rav : « Rabbénou, n’avez-vous pas dormi de la nuit ? » Il le lui confirma en expliquant : « Le sommeil ne m’est pas venu. »

Quoi de plus incroyable ! Maran n’allait pas se coucher pour la nuit. Il étudiait jusqu’à ce que le sommeil l’emportât. Il s’endormait alors sur son lieu d’étude, à l’instar de Yaakov qui n’alla pas dormir durant ses quatorze ans d’étude à la Yéchiva.

DE LA HAFTARA 

Haftara de la semaine : « Enoncé de la parole de l’Eternel (…) » (Malakhi chap. 1 et 2)

Lien avec la paracha : la haftara parle de Yaakov et d’Essav, comme il est dit : « Essav n’est-il pas le frère de Yaakov ? », sujet évoqué dans notre paracha où il est question de la naissance de ces jumeaux, puis de leur évolution respective.

CHEMIRAT HALACHONE

Parler de l’aspect extérieur d’une personne

Comme nous l’avons appris, il est interdit de prononcer des paroles de blâme sur quelqu’un, même si celui qui les émet ne les considère pas comme péjoratives.

De même, il est prohibé de dire des propos qui, en soi, ne sont pas du blâme, mais qui sont considérés comme tels, soit par leur auteur, soit par leur auditeur.

Par exemple, dans certains cas, on n’a pas le droit de parler de l’aspect extérieur d’un individu ou de sa manière de se vêtir. Même si sa présentation n’a rien de réprimandable, on ne doit pas dire qu’il s’habille d’une certaine manière si soi-même ou son auditeur le regarde d’un mauvais œil.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

L’amour d’Its’hak pour Essav, un frein aux forces du mal

Lorsque Rivka se rendit au beit hamidrach de Chem et Ever pour les interroger au sujet de ses étranges secousses ressenties à la fois devant les lieux d’étude et ceux de culte idolâtre, ils lui répondirent : « Deux nations se ramifieront depuis ton sein et deux peuples forts. » (Béréchit 25, 23) Ainsi, avant même la naissance de ses jumeaux, elle savait que l’un d’entre eux serait juste et l’autre mécréant. Il va sans dire qu’Its’hak le savait lui aussi, par prophétie. Pourtant, nous trouvons qu’il aimait Essav et voulut même le bénir ; comment l’expliquer ?

Its’hak était pleinement conscient de l’impiété d’Essav. Toutefois, il voulait le rapprocher afin d’atténuer cette tendance au mal. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de le repousser, il lui témoigna des marques d’honneur, d’amour et d’affection, dans l’espoir que ces manifestations suscitent sa honte de ses mauvais actes et l’encourage à les abandonner. De même, il désirait lui donner ses bénédictions afin qu’elles aient une influence positive sur lui et le ramènent au droit chemin.

Or, tout comme son père se souciait de l’avenir de son fils Essav, Yaakov en était lui aussi préoccupé. C’est justement pourquoi il lui acheta le droit d’aînesse, pour éviter que son statut d’aîné ne lui entraîne de lourdes punitions en regard à ses nombreux péchés. En effet, le jour où allait se faire l’échange entre un plat de lentilles et le droit d’aînesse, Essav avait enfreint cinq transgressions des plus graves. Yaakov ayant entendu cela, il se dit que D.ieu lui tiendrait d’autant plus rigueur qu’il était l’aîné. Par pitié, il lui acheta ce statut dans le but d’amoindrir sa punition.

Par conséquent, Its’hak savait combien Essav était mécréant, mais il lui exprima son affection afin de l’encourager, de le rapprocher et d’éviter qu’il ne rejette tout ce qui a trait à la sainteté. Une étincelle pure subsisterait ainsi en lui.

Le Saint béni soit-Il a créé le monde selon un équilibre. Le verset décrit Yaakov comme « un homme intègre (tam) assis sous les tentes » (Béréchit 25, 27), où le terme tam est composé des mêmes lettres que le terme mèt, signifiant mort. Car, toute sa vie durant, il se « tuait à la tâche » dans la tente de la Torah. Quant à Essav, il cherchait perpétuellement des moyens d’atténuer la persévérance de son frère dans l’étude. Conscient que tant que la voix de la Torah résonne, les mains d’Essav demeurent impuissantes, et inversement, il luttait pour prendre le dessus. Comment donc ? En ôtant la lettre Vav du mot kol (voix), le transformant ainsi en kal (léger), c’est-à-dire en affaiblissant son adversaire. De la sorte, ce dernier n’aurait pas suffisamment de forces pour étudier assidûment la Torah et aspirerait lui aussi à jouir des plaisirs de ce monde, si bien qu’Essav pourrait facilement le vaincre.

Dans sa clairvoyance, Yaakov devina les intentions de son frère et s’en protégea en se plongeant pleinement dans l’étude de la Torah. De même, tant que nous faisons retentir la voix de la sainte Torah dans les maisons d’étude, nous avons l’assurance d’être à l’abri des mains d’Essav, des assauts de nos ennemis.

PERLES SUR LA PARACHA

Des enfants en bonne santé, un père disponible pour la prière et l’étude

« Its’hak implora l’Eternel au sujet de sa femme, parce qu’elle était stérile. » (Béréchit 25, 21)

La Guémara (Yévamot 64a) nous rapporte cette interprétation de Rabbi Its’hak : « Pourquoi nos ancêtres étaient-ils stériles ? Parce que le Saint béni soit-Il chérit la prière des justes. »

L’auteur du Tiféret Chlomo explique que, généralement, les enfants détournent leur père, soucieux de combler tous leurs manques, de l’étude de la Torah et de la prière. C’est pourquoi nous demandons à l’Eternel de nous donner « une descendance viable ne nous contraignant pas à interrompre notre étude », c’est-à-dire des enfants en bonne santé qui ne nous causeront pas trop de soucis et nous permettront de continuer à étudier la Torah.

Ainsi, l’Eternel, qui aime particulièrement les prières des justes, a fait en sorte que les patriarches et matriarches soient au départ stériles, afin qu’ils puissent Le prier en toute sérénité, sans être perturbés par les préoccupations suscitées par les enfants.

Ne pas mentionner le nom d’un impie dans la prière

« Its’hak implora l’Eternel au sujet de sa femme, parce qu’elle était stérile. » (Béréchit 25, 21)

D’après nos Sages (Brakhot 34a), quand on prie en faveur d’un malade en sa présence, on n’a pas besoin de mentionner son nom, comme nous trouvons que Moché pria pour Miriam en disant simplement : « Seigneur, oh, guéris-la, de grâce ! » (Bamidbar 12, 13)

Lorsqu’Its’hak implora le Saint béni soit-Il en faveur de sa femme, stérile, il préféra omettre son nom, car, dans le cas contraire, il aurait aussi dû mentionner celui de ses parents, mécréants. C’est pourquoi il supplia le Très-Haut « au sujet de sa femme ».

Une vente le ventre plein, en toute connaissance de cause

« Essav dit à Yaakov : “Laisse-moi avaler, je te prie, de ce rouge, de ce mets rouge.” » (Béréchit 25, 30)

Essav demanda à Yaakov de le « laisser avaler » les lentilles, c’est-à-dire de les lui verser dans la bouche. Or, au lieu de le nourrir ainsi, Yaakov les lui apporta pour qu’il mange seul, comme il est dit : « Yaakov servit à Essav du pain et un plat de lentilles ; il mangea. »

Dans son ouvrage Kné Avraham, Rabbi Avraham Hacohen de Jerba zatsal pose deux questions. Premièrement, pourquoi Yaakov ne se conforma-t-il pas exactement à la requête de son frère ? Deuxièmement, pourquoi lui donna-t-il également du pain, alors qu’il ne lui avait que demandé des lentilles ?

Il explique qu’à ce moment-là, Essav était pris de voracité et se trouvait même en danger, comme il l’affirma : « Voici ! Je marche à la mort. » Aussi, Yaakov craignait qu’il ne prétende ensuite avoir été contraint de lui vendre son droit d’aînesse, à cause de son état de grande faiblesse, et revienne sur sa décision.

C’est pourquoi il commença par lui donner du pain pour le rassasier et le mettre hors de danger. Puis, une fois qu’il avait mangé sereinement et retrouvé tous ses esprits, il était possible de faire la transaction, car Essav ne pourrait plus se plaindre de l’avoir conclue contre son gré.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Suite au décès de Rav Arié Leib Birenbauim, son père, Rabbi Chmouel, Roch Yéchiva de Mir en Amérique, prononça son oraison funèbre. Le spectacle d’un père faisant l’élégie de son fils était terrifiant. Néanmoins, à travers son discours authentique, il parvint à calmer l’agitation palpable des participants. En voici un extrait :

« Au sujet du verset “Il arriva, comme Its’hak était devenu vieux, que sa vue était troublée” (Béréchit 27, 1), Rachi explique qu’il avait la vue faible parce que, quand son père s’apprêtait à le sacrifier sur l’autel, l’Eternel ouvrit les cieux et, à cette vue, les anges versèrent des larmes qui tombèrent dans ses yeux. Nous pouvons nous demander pourquoi il était nécessaire que le Saint béni soit-Il ouvre les cieux. Sans cela, les créatures célestes n’auraient-elles pas pu observer cette scène ?

« Certes, elles auraient pu la voir, mais pas la ressentir, car, dans les sphères célestes, les questions n’existent pas. D.ieu désirait montrer aux anges comment les choses se présentent quand on les regarde depuis ce monde. Lorsque les espaces furent supprimés, ils virent le ligotage d’Its’hak tel qu’il apparaissait sur la planète terre, avec toutes les questions et émotions qu’il suscitait ; aussitôt, ils se mirent à pleurer.

« S’ils avaient assisté à ce spectacle depuis les cieux, par le biais du filtre des espaces, il ne leur aurait pas causé le moindre étonnement ni la plus infime peine. Ils auraient immédiatement compris que tout était pour le mieux. De même, dans ce monde, certains faits ne peuvent être compris que longtemps après, tandis que d’autres restent mystérieux jusqu’à ce qu’on rejoigne le monde de la vérité. »

Ces mots du Rav Birenbauim sont à la fois émouvants et d’une vérité poignante. Jour après jour, nous sommes confrontés à des questions de ce type, auxquelles nous n’avons pratiquement pas de réponses. Nous ne comprenons rien. Néanmoins, il est important de savoir que, dans le monde supérieur, les questions n’ont plus de place. Pour que les anges éprouvent de la peine en voyant la akéda, il fallait les placer dans l’optique de ce monde. L’Eternel ne nous révèle le secret de Ses voies qu’à de très rares occasions et, alors, toute question et tout grief disparaissent, tout devenant clair et limpide.

Rapportons, à ce sujet, une incroyable histoire racontée par le célèbre auteur Rav ‘Hanokh Teller :

« A la fin de la deuxième guerre mondiale, les Nazis, maudits soient-ils, exterminèrent la majorité des Juifs d’Europe. Les forces alliées intervinrent alors et, avec l’aide de D.ieu, parvinrent à les repousser en Allemagne. Ils durent se retirer de tous les fronts, mais, malheureusement, contraignirent les Juifs à les suivre sur des centaines de kilomètres, parcourus partiellement en train mais aussi à pied.

« Dans le camp de Bergen-Belsen, la situation des détenus était extrêmement difficile. La faim, la soif et la maladie n’étaient qu’une partie des malheurs inscrits dans leur quotidien. Le camp était subdivisé en plusieurs annexes et l’une d’elles comprenait également des soldats russes prisonniers.

« Un rescapé juif appartenant à cette annexe raconte qu’un beau matin, les Nazis déclarèrent : “Nous savons que, dans quelques jours, les Anglais vont arriver et nous voulons que vous leur racontiez combien nous nous sommes bien occupés de vous. C’est pourquoi nous vous avons apporté des petits pains tout frais.”

« La famine frappant les détenus était effroyable, inimaginable. Ce Juif, comme beaucoup d’autres, n’avait presque rien avalé depuis cinq ans et ne pensait qu’à un moyen de raviver son âme. Après avoir reçu un pain, il remarqua qu’à côté du soldat, était déposé un grand panier empli d’autres pains. Il pensa : “Pourquoi ne pas en prendre un de plus ? Il ne remarqua sûrement pas que j’en avais déjà eu.” Ainsi, quand le Nazi demanda à qui était le tour d’en recevoir, il se présenta de nouveau et en reçut un deuxième. Ses deux petits pains en main, il était heureux.

« Mais, soudain, il sentit une main le saisir au cou et une voix menaçante murmurer à ses oreilles : “Juif, je t’ai vu !” Il se retourna pour vérifier de qui il s’agissait : ce n’était pas l’officier nazi, mais un prisonnier russe. L’étreignant avec force, il lui ordonna : “Donne-moi ton deuxième pain !” Cependant, le Juif se dit : “Il est prisonnier comme moi, pourquoi le lui donnerais-je ?” “Non !” répondit-il fermement.

« Le Russe l’attrapa et le fit entrer dans la baraque où il le roua cruellement. Lorsqu’il estima lui avoir donné le coup de grâce, il s’empara de ses pains et s’en alla.

« Le pauvre Juif sentit que l’ange de la Mort avait étendu ses ailes devant lui. Levant les yeux vers le ciel, il s’écria : “Maître du monde, c’est maintenant que Tu veux que je meure, quelques instants avant la libération ? Si Tu voulais me reprendre mon âme, Tu disposais de centaines d’opportunités pour le faire, durant ces cinq années d’enfer…”

« Plein de griefs contre le Créateur, il perdit connaissance. Lorsqu’il se réveilla, un horrible spectacle s’offrait à ses yeux ahuris : tous ses camarades gisaient morts. Les petits pains étaient empoisonnés ! Il avait échappé à ce sort, car le Très-Haut avait décrété qu’il continue à vivre. C’est pourquoi Il avait fait en sorte qu’on s’empare de ses pains. Ayant refusé de les céder, il a dû recevoir de virulents coups… pour pouvoir rester vivant. »

 

 

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