La Paracha de la semaine en format PDF

la Paracha en PDF

Mikèts

19 Décembre 2020

ד טבת התשפ"א

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
Paris 16h37 17h50 18h40
Lyon 16h39 17h49 18h36
Marseille 16h46 17h53 18h38

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La paix, la plus grande lumière

Rabbi David Hanania Pinto

« Ce fut au bout de deux années, Paro eut un songe. » (Béréchit 41, 1)

Dans le Midrach, nos Maîtres commentent : « C’est ce qui est écrit : “Il a mis fin à l’obscurité.” Un certain nombre d’années avait été défini pour le séjour de Yossef dans l’obscurité de la prison ; quand leur terme arriva, Paro eut un songe. »

Lorsque règne la haine gratuite, que l’homme est hostile à son prochain et ne le juge pas selon le bénéfice du doute, l’obscurité domine dans le monde. Car, en le voyant, il éprouve des difficultés à le regarder à cause de la haine qui le nourrit à son égard, comme si un écran obscur les séparait. Mais, une fois qu’il se réconcilie avec lui, la lumière revient ; il partage sa joie et le juge positivement. La paix domine alors.

Tel est le sens implicite du Midrach précité. Cette section marque la fin de l’obscurité et de la haine qui régnaient entre les tribus. Jusque-là, les frères de Yossef le haïssaient à cause de ses rêves les concernant. A présent, cette animosité s’était estompée, avant même qu’il ne se fût révélé à eux ; ils espéraient le revoir et se faisaient du souci à son sujet.

De son côté, Yossef leur avait pardonné leur dureté à son égard, conscient que c’était pour le bien et que cela faisait partie du plan divin. Cette section est celle de la réconciliation. La haine, qui avait plongé les enfants de Yaakov dans l’obscurité, se dissipait, tandis qu’ils entamaient un processus de paix. Dès lors, une lumière poignit, chassant toute trace de haine et de désaccord.

Ceci rejoint l’interprétation de nos Maîtres du verset de Béréchit « Ce fut (vayéhi) le soir, ce fut le matin » (1, 5) – le terme vayéhi connote toujours la tristesse. D’où provient essentiellement la tristesse ? De l’obscurité, de la haine habitant les cœurs des hommes. Notons que le mot érev est composé des mêmes lettres que le mot baar que l’on retrouve dans les Psaumes « J’étais un sot (baar), ne sachant rien » (73, 22). En d’autres termes, celui qui hait son prochain vit dans l’obscurité et est un sot.

Par ailleurs, le mot érev peut être rapproché du mot arvout (solidarité), allusion au fait que, lorsque cette valeur, caractérisant le peuple juif, fait défaut chez un individu qui, au lieu d’aimer autrui, le déteste, il se plonge dans l’opacité de la nuit. A l’inverse, celui qui s’efforce de cultiver la paix et d’aimer gratuitement son prochain transforme la tristesse du soir en lueur de l’aube, comme si un nouveau jour se levait pour l’éclairer de son éclat. A cet égard, soulignons que le mot boker est composé des mêmes lettres que le mot karov (proche) : quiconque s’évertue à se rapprocher sentimentalement de son prochain et à faire preuve de solidarité à son égard jouit de la lumière éblouissante de la paix et de la fraternité.

Par conséquent, l’homme haïssant autrui transforme la lumière en obscurité, alors que celui qui l’aime et lui est bienfaisant modifie celle-ci et la remplace par une grande lumière. Même le soir, son âme brille d’un grand éclat, celui de la Présence divine. C’est pourquoi, avant de dormir, nous récitons aussi le Chéma et nous soumettons au joug divin. En disant « Ecoute, Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est un », nous devons également penser à nous acquitter de la mitsva d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Car, l’homme animé d’un profond amour pour autrui est toujours entouré de lumière, même lorsqu’il fait nuit.

Dans cet esprit, à l’heure où l’on récite le Chéma du soir, on veillera à prononcer avec sincérité la phrase « Je pardonne quiconque m’a irrité ou importuné ». On chassera de son cœur toute haine pour son prochain, car, dans le cas contraire, cette déclaration serait hypocrite. On s’efforcera de lui pardonner totalement, de le juger positivement et de l’aimer réellement ; le Saint béni soit-Il éclairera alors notre voie. Car, en faisant preuve d’amour pour autrui et en annihilant toute animosité, nous mettons fin à l’obscurité, tandis que notre amour gratuit permet à l’éclat de la lumière de pénétrer notre cœur et de chasser toute obscurité de nous.

Dans la Guémara (Brakhot 9b), nous pouvons lire : « A partir de quand peut-on réciter le Chéma du matin ? (…) D’autres affirment : dès qu’on peut voir son prochain à une distance de quatre amot et l’identifier. » Les Maîtres moralistes interprètent ainsi cette loi : seul l’homme capable de percevoir autrui, serait-ce de loin, et de le reconnaître, c’est-à-dire désirant être charitable envers lui, est en mesure de réciter le Chéma et de se soumettre au joug divin. Celui qui n’observe pas la mitsva d’aimer son prochain comme soi-même ne peut, en effet, accepter la royauté divine.

Puisse le Saint béni soit-Il nous donner le mérite de déceler les vertus de notre prochain plutôt que ses défauts et, par ce biais, d’amplifier la lumière de la Torah et de la sainteté en notre sein ! Amen.

CHEMIRAT HALACHONE

Il est interdit de dire du blâme de quelqu’un, même si on est sûr que cela ne le dérange pas. Car, comme nous l’avons déjà expliqué, le fait même de médire de son prochain est prohibé, quels que soient les sentiments de celui-ci.

La médisance va à l’encontre de la supériorité de l’homme en tant qu’unique créature animée d’une l’âme, parcelle divine supérieure. Cette caractéristique essentielle ne peut être modifiée sous prétexte qu’on a reçu la permission de quelqu’un de raconter son blâme.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Le kidouch du kidouch Hachem

À l’époque où M. Moché Bénaïm était gravement malade, je me rendis à son chevet à l’hôpital, à la demande de sa famille. Il était sans connaissance et semblait vivre ses dernières heures. Autour de son lit, se trouvaient de nombreux proches et amis, dont beaucoup semblaient loin de la Torah et de la foi. J’entendis même quelques-uns dire, à mon entrée : « Pourquoi ce Rav est-il venu ? Que peut-il bien faire à présent ? »

Après avoir entendu ces paroles et pris conscience de l’ambiance irréligieuse qui régnait, je priai le Créateur d’accomplir un miracle par mon intermédiaire, afin de sanctifier Son Nom en public. Ainsi, tous les incroyants qui se trouvaient autour du malade prendraient clairement conscience de l’existence de D.ieu et se remettraient en cause.

Après avoir terminé de prier, je pris un verre d’eau en main et, m’approchant du malade agonisant, je lui dis : « Moché, lève-toi pour faire kidouch. Tu te souviens comment tu faisais kidouch tous les vendredis soirs ? Alors, lève-toi et fais kidouch. »

Par miracle, le malade ouvrit les yeux, prit le verre de mes mains et se mit à réciter tout le kidouch mot à mot. Lorsqu’il arriva à la brakha « boré péri haguéfen », pour lui éviter de réciter une brakha en vain, je l’interrompis en lui indiquant de prononcer à la place « chéhakol nihya bidvaro » : il s’agissait d’eau, et non de vin.

Après avoir terminé la brakha, le malade but un peu d’eau, puis se coucha et perdit de nouveau connaissance. Peu de temps après, son âme montait au Ciel.

La scène merveilleuse dont furent témoins tous ceux qui se trouvaient là éveilla leur foi. Véritable kidouch Hachem, ce miracle fit tomber tous les écrans qui les séparaient du Créateur.

Jusqu’à ce jour, la fille de M. Benaïm et son mari, M. Benguigui de Paris, toujours aussi émus par le miracle dont leur père et beau-père fut l’objet, ne se lassent pas de raconter, à qui veut l’entendre, ses dernières heures.

Après le décès, sa famille entreprit des démarches pour faire transférer son cercueil au Maroc. Ils finirent par obtenir les autorisations nécessaires et le défunt fut enterré le vendredi, peu de temps avant Chabbat, au cimetière de Casablanca.

En apprenant ces détails, je réalisai qu’il y avait un lien entre le kidouch qu’il avait fait juste avant son décès et son enterrement réalisé le vendredi, peu de temps avant l’entrée de Chabbat. Un kidouch inoubliable, qui fut un vrai kidouch Hachem.

PAROLES DE TSADIKIM

L’oraison funèbre de l’âne

« Le Tout-Puissant a su atteindre l’iniquité de tes serviteurs. » (Béréchit 44, 16)

L’ouvrage Léhitaneg bétaanouguim raconte l’histoire qui suit. Un Rav, de passage dans une ville, désirait connaître ses caractéristiques afin de guider ses habitants sur la bonne voie. Il rencontra l’un d’eux et lui demanda : « Dis-moi, mon fils, où se situe ta ville sur le plan du respect de la Torah et des mitsvot ? » Il lui répondit : « Rabbi, le verset « Et ton peuple ne sera composé que de justes » (Yéchaya 60, 21) s’applique parfaitement à nous. Personne n’est voleur, ni meurtrier ni corrompu. » Le Rav le remercia pour ces informations et poursuivit sa route.

Il rencontra un autre homme et lui posa la même question. Il lui dit : « Rabbi, un climat d’amour règne parmi nous, personne ne fait de faux témoignage, ne convoite les biens de son prochain ou ne lève la main contre lui. Si tout le peuple juif était comme nous, le Messie serait déjà arrivé. » Le Rav, stupéfait, poussa un peu plus loin son investigation : « Dis-moi, et qu’en est-il de votre respect des mitsvot – la prière, la pose des téfilin, le respect du Chabbat et des fêtes ? » Quelque peu confus, l’autre répondit : « Rabbi, pourquoi nous accuser ? N’est-il pas suffisant que nous nous abstenons au maximum de transgresser des interdits et nous comportons convenablement envers autrui ? Pourquoi en exiger davantage ? »

Le Rav comprit que les résidents de cette localité pensaient pouvoir se contenter de s’abstenir des transgressions – « éloigne-toi du mal » – et ne pas être tenus d’accomplir des mitsvot – « pratique le bien ».

En route, il sentit soudain une mauvaise odeur. Il regarda autour de lui et découvrit la charogne d’un âne, jetée sur le bas-côté. Il s’adressa aussitôt à son assistant pour lui demander d’aller acheter une étoffe noire. Celui-ci obtempéra et le Rav en recouvrit la bête. Il lui ordonna alors : « Va proclamer dans la ville qu’on a trouvé un défunt et que tout le monde doit venir participer à son cortège, l’enterrement d’un mèt mitsva ayant la préséance sur toutes les autres mitsvot. Que les hommes ferment leurs commerces et que les femmes quittent leurs foyers pour s’y joindre. »

Le serviteur se plia aux paroles de son maître. Bientôt, une foule d’habitants s’était rassemblée. Hommes et femmes s’étaient interrompus pour témoigner les derniers honneurs au défunt. Tous se demandaient qui était décédé, tandis que, d’une voix tremblante, le Rav commença son discours : « Mes chers frères, écoutez bien. Lorsque l’on trouve un cadavre sur terre et qu’on ignore comment il est mort, les habitants de la ville la plus proche doivent apporter une génisse à la nuque brisée et affirmer ne pas être responsables de cette tragédie. Cette mitsva s’applique a fortiori quand il s’agit d’un juste et saint qui n’a jamais médit ni colporté et qui, en outre, a respecté un jeûne de la parole durant toute sa vie. »

Sans leur laisser le temps de réfléchir, il poursuivit : « Le défunt qui repose ici comptait parmi ceux qui écoutent leur disgrâce sans répliquer. De plus, son dos a subi de nombreux coups et il a accepté cette souffrance en silence. Il n’a jamais mangé de viande ni bu de vin. Il a toujours souffert du froid, mais s’est contenté de vêtements légers. N’ayant pas de lit, il dormait à même le sol. Malheur à nous ! Qui saurait le remplacer ? »

Tous les participants éclatèrent en sanglots. Ils se demandèrent : « De qui s’agit-il donc ? Nous ignorions qu’un si grand juste vivait parmi nous. » Le Rav s’écria : « Le voici devant nous et nous devons lui demander pardon de ne pas lui avoir témoigné suffisamment d’honneurs. » Se dirigeant vers la charogne, il retira soudain l’étoffe qui la recouvrait. Tous sautèrent en arrière d’effroi. Puis ils hurlèrent : « On nous a trompés ! »

Cependant, le Rav, loin de se laisser déconcerter, conclut calmement : « Pourquoi vous plaignez-vous ? Je n’ai fait que vous dire la pure vérité. L’âne est un être qui souffre. Durant toute son existence, il s’éloigne du mal à l’extrême et, pourtant, il est un âne et en reste un. Si vous voulez être des hommes et non des ânes, vous ne pouvez vous contenter de vous abstenir du mal et devez également vous engager dans le bien, en étudiant la Torah et observant les mitsvot. J’espère que vous avez bien compris mon message. »

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Chlomo s’éveilla (…). » (Mélakhim I chap. 3 et 4)

Lien avec la paracha : La haftara évoque le rêve du roi Chlomo et sa grande sagesse, tandis que la paracha nous conte celui de Paro, roi d’Egypte, et la sagesse de Yossef qui sut l’interpréter.

PERLES SUR LA PARACHA

Etre explicite seulement pour une bonne nouvelle

« Yossef dit à Paro : “Le songe de Paro est un : ce que D.ieu prépare, Il l’a annoncé à Paro.” » (Béréchit 41, 25)

Lorsque Yossef révéla à Paro le sens de son rêve, il dit que l’Eternel lui « a annoncé » l’avenir à travers celui-ci, puis qu’Il le lui « a montré ». Quel est le sens de ce glissement ?

Rabbi Chlomo Kloguer zatsal explique, en s’appuyant sur la Guémara de Pessa’him, qu’on annonce explicitement une bonne nouvelle, tandis qu’on dit par allusion une mauvaise. De même, nos Sages affirment que « le Saint béni soit-Il n’associe pas Son Nom au mal ».

C’est pourquoi, au sujet des sept belles vaches, il dit « a annoncé », comme si D.ieu Lui-même en avait informé Paro, alors que concernant les sept vaches maigres et laides, il dit « a montré ».

Le masque de Yossef

« Yossef reconnut ses frères, mais eux ne le reconnurent point. » (Béréchit 42, 8)

Pourquoi les frères de Yossef ne le reconnurent-ils pas ? Rachi explique : « Yossef reconnut : ils portaient [déjà] la barbe quand il les quitta. Mais eux ne le reconnurent point : il était parti imberbe et, à présent, il portait la barbe. »

Au moment de leur séparation, Yossef était un jeune homme et n’avait pas encore de barbe ; lorsqu’ils se retrouvèrent, il en portait. Quant à eux, ils n’avaient pratiquement pas changé d’aspect.

L’ouvrage Drouch Tsion propose une autre explication. Il souligne que Yossef portait un masque lors de sa rencontre avec ses frères, conformément à la coutume de l’époque qui voulait que les monarques s’en recouvrent le visage. C’était un signe d’honneur, les différents princes n’étant ainsi pas en mesure de voir le visage du roi.

Nous trouvons, à cet égard, dans le livre d’Esther, la mention de « sept seigneurs qui avaient accès auprès de la personne [lit : du visage] du roi ». Ces sept princes, les plus haut placés, avaient le privilège de voir le roi sans masque.

Le meilleur indice, le respect du Chabbat

« Ils venaient de quitter la ville, ils en étaient à peu de distance. » (Béréchit 44, 4)

Dans son ouvrage Ohev Chalom, Rav Chalom Shapira zatsal explique que Yossef observait le Chabbat avant même que cette mitsva ne fût donnée au peuple juif. C’est pourquoi il demanda à son intendant de préparer la nourriture avant l’entrée du jour saint, le vendredi.

Il en résulte que les frères de Yossef, qui furent renvoyés le lendemain chez eux, quittèrent l’Egypte un Chabbat matin, tandis que la coupe royale avait été dissimulée dans le sac de Binyamin.

Yossef, qui avait prévu de les poursuivre, craignit que le retard qu’il leur causerait ainsi ne mette en danger de vie les membres de leur famille attendant, en Canaan, qu’ils leur ramènent des vivres.

C’est justement la raison pour laquelle il prit congé d’eux un Chabbat, afin d’observer leur conduite et d’en déduire comment réagir. Si leur famille était réellement en danger, ils se permettraient de transgresser le Chabbat pour leur apporter le plus rapidement possible de la nourriture – le sauvetage d’une vie humaine ayant la préséance sur le respect du jour saint. Dans le cas contraire, ils ne marcheraient pas au-delà de deux mille amot et Yossef pourrait alors les poursuivre et les retarder.

D’où l’information que les messagers de Yossef lui transmirent : « Ils venaient de quitter la ville, ils en étaient à peu de distance. » En d’autres termes, ils n’avaient pas dépassé la limite de la distance pouvant être parcourue le Chabbat. Yossef déduisit de cet indice que personne n’était en danger de vie et ordonna donc : « Va, cours après ces hommes et rattrape-les. »

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

La foi, garantie de la lucidité

En dépit de tout son lot de malheurs, Yossef parvint à se hisser au degré de « juste, pilier du monde ». Comment donc ? Par le pouvoir de sa foi puissante et de sa confiance entière en D.ieu. Il comprit que les souffrances auxquelles il devait faire face ne visaient que son bien, que « tout ce que le Miséricordieux fait est pour le bien ». Cette foi lui permit de surmonter toutes les difficultés, de conserver sa lucidité et de préserver son niveau spirituel. En dépit de la haine de ses frères, de leur conduite distante et dure à son égard et de leur volonté de le tuer, il ne tomba pas dans le désespoir et ne remit pas en cause les voies divines.

En outre, il ne garda pas rancune contre eux, conscient que tous ces événements faisaient partie du plan divin et avaient été soigneusement calculés. Non seulement il ne déchut pas, mais, en plus, il s’éleva encore davantage, renforçant sa foi et sa confiance dans le Très-Haut. Son haut niveau spirituel l’aida à conserver sa sainteté et sa pureté dans un pays étranger.

C’est aussi pourquoi il n’oublia pas les enseignements de Torah de son père, même vingt-deux ans après leur séparation, comme il le lui signifia à travers l’envoi de charrettes (agalot) rappelant le dernier sujet qu’ils étudièrent, la génisse à la nuque brisée (égla aroufa), comme l’explique Rachi (Béréchit 45, 27).

Ceci est loin d’être banal. En effet, l’homme plongé dans la détresse perd généralement sa lucidité et oublie son étude, comme nous le trouvons dans la Guémara (Témoura 16a) : « Rabbi Yéhouda dit, au nom de Chmouel : trois mille lois ont été oubliées pendant le deuil de Moché. » Or, Yossef, confronté à l’adversité une fois après l’autre, n’oublia cependant pas son étude et resta juste et intègre, fort de la conviction que l’Eternel était à l’origine de chaque fait et que tout était pour le bien. C’est ce qui lui permit de résister vaillamment aux multiples épreuves qu’il rencontra sur sa route et de se souvenir de son étude au fil des années.

Yossef légua cette force de sainteté à ses enfants qui, eux aussi, s’élevèrent spirituellement en Egypte jusqu’à parvenir au niveau des saintes tribus d’Israël.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Dans son ouvrage Daat Tévounot, le Ram’hal explique un remarquable principe : « Toute élévation que le Saint béni soit-Il désire accorder à un particulier ou à l’humanité, Il la lui prodigue de manière très dissimulée, à travers un voile, si bien qu’on la prend au départ pour un malheur. » Dans le même esprit, nos Sages affirment (Brakhot 5a) : « D.ieu a remis trois bons cadeaux au peuple juif et, tous, Il les leur a donnés par le biais de souffrances. »

Ce principe de base concerne tout Juif confronté à l’adversité. Nul ne peut comprendre les calculs divins, néanmoins, il est une chose que nous devons savoir : les souffrances et le voilement de la face divine ne sont que le préambule du salut ; ils préparent l’homme à devenir le réceptacle de la bénédiction divine. Tout provient donc de D.ieu.

Rabbi Yaakov Chich chelita raconte l’histoire qui suit. Dans l’une des villes voisines de Bné-Brak, le résident d’un immeuble décida de rénover et d’agrandir son appartement. Ces travaux importunèrent beaucoup ses voisins, mais ils ne s’en plaignirent nullement.

Environ un an plus tard, un résident de l’étage supérieur dut, lui aussi, entreprendre des travaux similaires, son appartement devenant étroit pour abriter sa famille nombreuse. Il ne pensait pas devoir se heurter à l’opposition des voisins, mais, à son grand désarroi, celui du bas, qui en avait pourtant fait de même l’année précédente, ne cessa de se plaindre jour et nuit et lui imposa même plusieurs fois de cesser ses travaux. De plus, il n’avait prévu que d’agrandir son propre terrain, alors que le premier, qui lui faisait à présent opposition, s’était également étendu sur le domaine public. Se sentant trahi, il voulait rétorquer : « Est-ce ainsi que tu me remercies pour mon silence de l’année passée, pour tous les dérangements que j’ai acceptés sans jamais me plaindre ? N’est-ce pas ingrat ? » Cependant, il se maîtrisa et se retint de prononcer toute réplique.

Au beau milieu d’une journée, alors que le résident de l’étage supérieur se trouvait chez lui, son téléphone sonna. La direction d’une célèbre Yéchiva de Bné-Brak était à l’autre bout du fil. Ils cherchaient un directeur et désiraient avoir des renseignements sur son voisin du bas – qui n’avait pas de gagne-pain depuis déjà six mois. Intuitivement, il voulut en profiter pour médire de celui qui le poursuivait injustement. Mais, une fois de plus, il surmonta son mauvais penchant et demanda qu’on le rappelle une heure plus tard, sous prétexte qu’il était occupé à ce moment.

Durant une heure entière, une lutte sans répit se tint dans son esprit entre le bon penchant et le mauvais : l’un arguait qu’il devait préserver la Yéchiva de cette dangereuse personnalité, l’autre qu’il n’avait pas de travail depuis une demi-année et que c’était peut-être pourquoi il se montrait si désagréable à son égard, outre le fait qu’il détenait le potentiel d’être directeur.

Une heure plus tard, la direction le rappela. Notre héros ne tarit pas d’éloges sur son voisin, prit le temps de décrire toutes ses qualités et les assura que le poste de directeur lui convenait certainement et qu’ils seraient pleinement satisfaits. Finalement, il fut élu à ces fonctions, en échange d’un salaire très honorable.

Or, à cette même période, la femme du voisin de l’étage supérieur cherchait également du travail depuis déjà un an. Elle avait envoyé son C.V. à plusieurs établissements, qui avaient tous répondu que, pour le moment, ils n’avaient pas besoin de sa candidature.

Que fit le Très-Haut ? Aussitôt après que son mari avait fait preuve d’une bravoure hors du commun, surmontant sa rancune, l’un de ces établissements l’invita à une entrevue de travail. Sur place, on lui confia un emploi important et très bien rémunéré. Ils furent ainsi récompensés par D.ieu au centuple de toutes les peines qu’ils avaient endurées dans le passé. Car, on ne perd jamais de renoncer.

Un schéma semblable se retrouve dans l’histoire de Yossef. Au départ, il plaça sa confiance dans le maître échanson et en fut puni par la prolongation de sa détention. Mais, le Créateur préparait d’ores et déjà sa libération : durant deux années entières, il suscita le même rêve chez Paro, nuit après nuit, afin que, dès l’instant où Yossef aurait suffisamment renforcé sa confiance en Lui, Il pût lui envoyer le salut, le faire libérer de prison et le nommer vice-roi d’Egypte.

 

 

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