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Vayigach

26 Décembre 2020

יא טבת התשפ"א

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Accepter le daat Torah, un principe fondamental du service divin

Rabbi David Hanania Pinto

« Alors Yéhouda s’avança vers lui en disant : “De grâce, seigneur (…).” » (Béréchit 44, 18)

En marge des versets « Car voici, les rois s’étaient ligués, mais ensemble ils ont disparu (…) un frisson s’empara d’eux » (Téhilim 48, 5-7), nos Maîtres commentent (Midrach Rabba 93, 2) : « “Car voici les rois” : il s’agit de Yéhouda et de Yossef. “Mais ensemble ils ont disparu” : l’un s’emplit de colère contre l’autre, et l’autre contre le premier. “Un frisson s’empara d’eux” : il s’agit des tribus qui dirent : ‘Les rois rivalisent l’un avec l’autre. Pourquoi s’immiscer dans leurs affaires ? Il sied à un roi de traiter avec un roi.’ C’est pourquoi “Yéhouda s’avança vers lui” ; lui seul s’approcha, tandis que tous les autres frères se tinrent de côté. »

Ce Midrach explique pourquoi les autres frères de Yossef ne se mêlèrent pas de sa discussion avec Yéhouda. Pourtant, il est certain qu’ils avaient, eux aussi, leur mot à dire et auraient tout aussi bien pu se justifier auprès de Yossef et lui affirmer qu’ils n’avaient pas volé sa coupe. Pourquoi donc se turent-ils ?

Pour répondre, notons tout d’abord que, dans toutes les sections de la Torah, la couronne de la royauté a été exclusivement donnée à Yéhouda. D’un commun accord, toute la fratrie décida de le couronner et d’accepter son autorité, dans tous les domaines, sans la moindre contestation.

Il est écrit : « Ce fut, en ce temps-là, Yéhouda s’écarta. » (Béréchit 38, 1) Rachi en déduit : « Cela nous enseigne que ses frères le rabaissèrent de sa dignité, lorsqu’ils constatèrent la souffrance de leur père. Ils lui dirent : “C’est toi qui as dit de le vendre. Si tu nous avais dit de le ramener à la maison, nous t’aurions écouté.” » En d’autres termes, toutes les tribus faisaient confiance à Yéhouda et obtempéraient à ses ordres qu’elles considéraient comme sacrés.

Yaakov, conscient de la supériorité de Yéhouda sur ses autres enfants, plaçait lui aussi son entière confiance en lui. Nous trouvons, à cet égard, que lorsque Réouven promit à son père de lui ramener Binyamin, il se montra réticent, alors qu’il accepta immédiatement ce même engagement émanant de la bouche de Yéhouda – « C’est moi qui réponds de lui, c’est à moi que tu le redemanderas » (Ibid. 43, 9). Car, en vertu de sa position de roi, le patriarche savait qu’il pouvait pleinement compter sur lui.

A l’avenir, le sceptre royal restera également entre les mains de la tribu de Yéhouda, et ce jusqu’à la venue du Machia’h, comme il est dit : « Le sceptre ne quittera pas Yéhouda, ni le législateur sa descendance, jusqu’à ce que vienne Chilo. » (Ibid. 43, 9) Si l’ensemble des tribus acceptèrent Yéhouda comme roi et dirigeant, l’Eternel leur donna Son aval et décida de lui octroyer la royauté à jamais. D’ailleurs, même le roi Messie descendra de lui. Cette royauté, acceptée à l’unanimité par les tribus, se maintiendra éternellement.

Dès lors, nous sommes en mesure de comprendre pourquoi les autres frères ne se mêlèrent pas de la discussion qui se tint entre Yossef et Yéhouda : ils considéraient ce dernier comme leur roi auquel ils vouaient une obéissance absolue. Ils se conformaient avec la plus haute fidélité à ses instructions et à sa position. Ils ne voyaient donc pas l’intérêt d’exprimer la leur, puisque Yéhouda leur indiquerait le daat Torah, exigeant une soumission absolue. Même s’ils avaient eu un avis personnel sur le sujet, ils se seraient tus pour laisser leur chef trancher.

Il s’agit là d’un principe de base du service divin. Il incombe à tout ben Torah de se plier au daat Torah, exprimé par son Maître. Même s’il lui semble étrange ou pas entièrement compréhensible, d’après sa perception limitée, il n’a pas le droit de s’y opposer. Il doit l’accepter aveuglément, au même titre qu’une loi donnée à Moché au Sinaï. La Torah nous ordonne : « Ne t’écarte de ce qu’ils t’auront dit ni à droite ni à gauche. » (Dévarim 17, 11) Nos Sages expliquent (cf. Sifri) que, même si nos Maîtres nous disent que notre droite est notre gauche, et inversement, nous devons y croire.

Telle fut l’attitude des fils de Yaakov, qui considéraient la parole de Yéhouda comme l’expression du daat Torah, auquel ils devaient pleinement adhérer. C’est pourquoi ils gardèrent le silence lors du conflit opposant Yossef et Yéhouda, estimant qu’ils n’avaient pas à exprimer leur point de vue devant celui qu’ils avaient élu roi. De toute manière, ils se plieraient à ses directives, qu’ils vénéraient et respectaient.

A présent, la raison pour laquelle seul Yéhouda débattit avec Yossef, pour sauver Binyamin des mains de celui qu’ils prenaient pour l’empereur égyptien, est claire : roi de ses frères, il parlait au nom de tous et était responsable du plus jeune d’entre eux.

Ainsi donc, le devoir de tout Juif est de se plier à l’avis de ses Maîtres, en tout point et en toute circonstance, même s’il ne parvient pas toujours à en comprendre la justesse et la profondeur.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Une brakha avant l’heure

Un jour où je recevais le public en Argentine, dans la synagogue « Sabban », l’épouse du rabbin de la communauté vint me raconter, très émue, la manière miraculeuse dont son mari et son fils avaient réchappé d’un accident de la route très grave.

Ils s’en étaient sortis avec à peine quelques égratignures, tandis que leur voiture était écrasée en morceaux, à en croire la photo qu’elle me montra pour me permettre de mieux réaliser l’ampleur du miracle. Comment était-il possible que des personnes soient sorties indemnes de cette carcasse ?

Mais ce n’était pas tout, puisque la Rabbanite sortit ensuite de son sac une feuille, sur laquelle j’avais inscrit, sept ans plus tôt, une brakha pour les membres de cette famille. Or, bizarrement, j’avais écrit de l’autre côté de la feuille le mot Bamidbar, souligné de deux traits. Pourtant, on était à l’époque à la paracha de A’haré Mot.

J’eus un choc en voyant ces mots. Ils faisaient de toute évidence allusion à l’accident de voiture qui avait eu lieu pendant la semaine de la paracha Bamidbar. Néanmoins, je me souvins qu’au moment où j’avais ajouté cette inscription, j’ignorais moi-même ce qui m’y poussait.

En outre, on pouvait voir dans les deux lignes soulignant le nom de cette paracha une allusion aux deux rescapés de l’accident – le père et le fils – qui s’en étaient tirés avec quelques légères égratignures seulement.

Autre détail remarquable : au cours de toutes ces années, ce morceau de papier avait été perdu et n’était « réapparu » qu’après l’accident. En outre, l’accident avait eu lieu non loin de la synagogue « Sabban », où avait été rédigée la brakha sept ans plus tôt !

Les voies de D.ieu sont cachées, Sa Providence extraordinaire : un père et son fils avaient reçu ma brakha de nombreuses années avant un accident dont ils allaient réchapper par miracle !

PAROLES DE TSADIKIM

Un support doit en remplacer un autre

L’éducation est bien plus profitable lorsqu’il existe un bon lien entre l’éducateur et son élève, dans l’esprit du verset de notre paracha, dit au sujet de Yaakov et de Yossef, « Sa vie est attachée à la sienne » (Béréchit 44, 30). Afin d’illustrer notre propos, nous rapporterons une histoire datant d’il y a une cinquantaine d’années. Un ba’hour de la Yéchiva de Ponievitz, ne trouvant pas suffisamment de goût dans l’étude de la Torah, en rechercha ailleurs. Il fut ainsi attiré par un mouvement de jeunesse dati, lui proposant des activités et une formation. Cependant, la Yéchiva exigeait un investissement complet dans l’étude, si bien qu’il se retrouva en dehors de ses murs.

Il s’inscrivit alors dans une autre Yéchiva, mais, là aussi, il continua à fréquenter ce mouvement de jeunesse. Il fut donc de nouveau en conflit avec la direction, qui exigea qu’il cesse ces occupations extérieures et s’implique exclusivement dans l’étude.

Son ami, craignant les retombées d’un nouveau renvoi, prit conseil auprès du ‘Hazon Ich zatsal et lui demanda de bien vouloir recevoir ce ba’hour pour lui parler. Le Sage accepta et l’ami parvint à convaincre ce dernier de se présenter à lui.

Le Tsadik les accueillit avec le sourire et un visage avenant. Il leur demanda ce qu’ils étudiaient en ce moment à la Yéchiva et le principal intéressé eut des difficultés à répondre. Il savait tout juste de quel traité il s’agissait. Son esprit était presque entièrement plongé dans ses activités du mouvement de jeunesse et, pour le reste, il était préoccupé par son désaccord avec la direction.

Avec une grande joie et une exceptionnelle douceur, le ‘Hazon Ich leur expliqua calmement, par des paroles lumineuses, les enseignements de la Guémara et l’interprétation des Tosfot. Soudain, il les surprit par une question ardue à ce sujet. Ils tentèrent d’y répondre, mais sans succès.

Le Sage sourit et leur dit : « Ce n’est pas grave. Retournez à la Yéchiva et approfondissez le sujet. Consultez vos Rabbanim et les ouvrages à votre disposition et, quand vous avez une réponse, revenez me voir. »

Il prit congé d’eux en les bénissant et leur souhaitant la réussite. Lorsqu’ils arrivèrent à la Yéchiva, l’ami du ba’hour revint sur ses pas pour rejoindre la demeure du ‘Hazon Ich afin de l’interroger. Il ne comprenait pas pourquoi il s’était entretenu d’étude avec son compagnon, au lieu de lui parler du motif de sa visite. Il lui répondit par une phrase édifiante : « On ne peut pas prendre à quelqu’un son support sans le remplacer par un autre. »

S’il avait trouvé tant de satisfaction dans les activités d’un mouvement de jeunesse, il était impossible de l’en détacher sans lui proposer une autre occupation passionnante à la place. Car, même s’il acceptait de les abandonner, il tomberait bien vite dans l’ennui et la dépression, ce qui ne serait d’aucune utilité. Il fallait donc raviver son étincelle pour la Torah en lui redonnant goût à l’étude, en la lui présentant comme un défi. De cette manière, attiré par l’étude, il serait prêt à renoncer à ses autres occupations et le ferait de son plein gré. Cette judicieuse approche porta ses fruits et, à l’heure actuelle, ce jeune homme remplit les fonctions de Roch Yéchiva.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « La parole de l’Eternel me fut adressée en ces termes : “Or, toi, fils de l’homme (…).” » (Yé’hezkel chap. 37)

Lien avec la paracha : la haftara mentionne les royaumes de Yéhouda et de Yossef qui finiront par se réunir, comme il est dit : « Or toi, fils de l’homme, prends une pièce de bois et écris dessus : “Pour Yéhouda et pour les enfants d’Israël, ses associés.” Puis, prends une autre pièce de bois et écris dessus : “Pour Yossef (…)” et elles seront réunies dans ta main. »

C’est également le sujet de notre paracha, où Yéhouda combat pour sauver son frère Binyamin et où, finalement, toutes les tribus se réunissent avec Yossef le juste, vice-roi de l’Egypte.

CHEMIRAT HALACHONE     

Dire ce qui est déjà su de tous

On n’a pas le droit de médire, même si tout le monde a déjà eu vent de nos propos. Car, le fait de dire du blâme d’autrui est interdit en soi.

Par exemple, il est prohibé de répéter le blâme figurant dans les journaux sur un Juif. Les médias publient souvent des faits en se basant sur la rumeur. C’est pourquoi il est interdit de prêter crédit à des choses ne trouvant leur source que dans les journaux. Même si on a eu confirmation de ces informations, cela reste interdit de les répéter.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

La primauté de l’existence spirituelle

« Je suis Yossef, votre frère, que vous avez vendu pour l’Egypte. » (Béréchit 45, 4)

Yossef avait déjà dit avant « Je suis Yossef ; mon père vit-il encore ? » (Ibid. 45, 3) Pourquoi répéta-t-il ensuite « Je suis Yossef, votre frère, que vous avez vendu pour l’Egypte » ?

A l’âge précoce de dix-sept ans, Yossef se retrouva seul, à l’écart de sa famille et de toute connaissance, dans un pays étranger, empli d’impureté, d’idolâtrie et de sorcellerie. Logiquement, il était prévisible qu’il se laisse influencer par l’atmosphère délétère ambiante, s’éloigne de la pratique du judaïsme et oublie les enseignements de Torah de son père. Pourtant, au prix d’un immense sacrifice, il parvint à maintenir sa pureté et sa sainteté et à résister aux forces impures régnant en maîtresses sur cette terre. Il garda constamment ses distances des autochtones et se garda d’imiter leur conduite.

Tout au long de son séjour en Egypte, il resta proche de l’Eternel, ce qui lui permit notamment de surmonter l’épreuve ardue de la femme de Potifar. Il était conscient du fait que la Torah, les mitsvot et la crainte du Ciel ne s’acquièrent pas incidemment, mais uniquement avec abnégation et persistance dans le but recherché. Seulement alors, l’homme est en mesure de faire des acquis spirituels et de purifier son âme. En disant « Je suis Yossef ; mon père vit-il encore ? », Yossef signifiait qu’il perpétuait le lien vital le rattachant à son père, ce qui lui avait permis de maintenir son intégrité morale.

Il ajouta ensuite « Je suis Yossef, votre frère, que vous avez vendu pour l’Egypte », autrement dit, je suis le même Yossef maintenant, en Egypte, que celui que j’étais lorsque je me trouvais dans le foyer parental et apprenais la Torah auprès de mon père, duquel je puisais la sainteté. Après la vente, je suis resté le même qu’avant, attaché à l’Eternel et percevant constamment Sa Présence face à moi.

Ce témoignage de Yossef suscita l’admiration de ses frères. Ils furent très impressionnés par l’exceptionnel dévouement dont il fit preuve en résistant à l’influence impure de l’Egypte, dans laquelle il fut plongé durant vingt-deux ans. Face à une telle vaillance, une extraordinaire fidélité à la voie de la Torah et un visage saint attestant la sainteté du corps, « ses frères ne purent lui répondre, car ils étaient consternés devant lui ».

PERLES SUR LA PARACHA

Des opinions divergentes concernant la descente en Egypte

« Ils vinrent en Egypte, Yaakov et, avec lui, toute sa descendance. Ses fils et ses petits-fils avec lui, ses filles et les filles de ses fils et toute sa descendance, il emmena avec lui en Egypte. » (Béréchit 46, 6-7)

Comme le souligne le Or Ha’haïm, l’insistance inhabituelle de ce verset réclame un éclaircissement. Il répond qu’il existait des divergences d’opinion parmi les membres de la famille du patriarche : certains se soumirent de plein gré au décret de l’exil prononcé par D.ieu, alors que d’autres hésitaient à repousser le moment fatidique où ils devraient se purifier dans le creuset égyptien.

C’est la raison pour laquelle le texte s’attarde longuement sur le détail des personnes ayant accompagné Yaakov en Egypte, afin de faire la distinction entre les tenants de chaque position. « Ses fils et petits-fils avec lui » : ceux-ci se joignirent d’eux-mêmes à lui. Puis, « ses filles et les filles de ses fils et toute sa descendance, il emmena » : ceux-là, il dut les prendre de force en Egypte.

La dimension du prophète Eliahou

« Les enfants d’Acher : Yimna, Yichva, Yichvi, Béria et Séra’h leur sœur. » (Béréchit 46, 17)

Comme l’explique le Targoum Yonathan, Séra’h, fille d’Acher, fut celle qui annonça à Yaakov que Yossef était vivant.

Il est expliqué dans l’ouvrage Méor Enayim, sur la paracha de Vayétsé, que quand un homme, rencontrant des difficultés de compréhension dans le sujet étudié, commence à percevoir un point de lumière, cela s’appelle la « dimension d’Eliahou ». Il parviendra ensuite plus aisément à appréhender l’idée dans son ensemble.

Le prophète Eliahou est, par excellence, l’annonciateur de bonnes nouvelles. Aussi, l’homme porteur d’une bonne nouvelle reçoit une étincelle du prophète Eliahou. Cette dimension existe depuis les six jours de la création ; par la suite, elle a été héritée par Pin’has.

C’est pourquoi, lorsque quelqu’un a l’opportunité d’annoncer une bonne nouvelle, il doit s’empresser de le faire, car son âme ressent la dimension d’Eliahou dont elle a été dotée et désire l’introduire en lui. Bien qu’on ne le ressente pas, c’est une réalité. Si on était intelligent, on en profiterait pour se mettre à servir l’Eternel comme le prophète Eliahou, duquel on a acquis une étincelle, et se hisser de degré en degré.

En outre, l’individu auquel une bonne nouvelle est annoncée reçoit lui aussi une étincelle d’Eliahou et son esprit s’éclaircit, ce qui lui permet de se rapprocher plus facilement du Créateur.

L’épisode de la vente de Yossef, un mystère

« Il vit les voitures que Yossef avait envoyées. » (Béréchit 45, 27)

Après avoir révélé son identité à ses frères, Yossef envoya des voitures (agalot) à son père, en allusion au dernier sujet étudié avec lui avant leur séparation, la génisse à la nuque brisée (égla aroufa), comme le souligne Rachi. C’est pourquoi, lorsque le patriarche les reçut, il est écrit « Il vit les voitures que Yossef avait envoyées » et non « que Paro avait envoyées ».

L’Admour de Gour, auteur du Beit Israël, y lit en filigrane l’idée suivante. En introduction au sujet de la génisse à la nuque brisée, il est dit : « Et que l’auteur du meurtre est resté inconnu. » (Dévarim 21, 1) Dans le même esprit, Yossef signifiait à Yaakov : même s’il te semble que mes frères m’ont vendu, en réalité, personne ne sait ni ne saura qui m’a venu, car c’est D.ieu qui l’a voulu.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Les Maîtres moralistes se sont étendus sur les leçons que nous devons tirer de la réprimande adressée par Yossef à ses frères, qui les frappa de stupeur au point qu’ils ne purent y répondre. La manière dont il la leur exprima, ainsi que leur réaction, nous enseignent les lois relatives à la formulation d’un reproche.

A Jérusalem, vivait un célèbre enseignant et éducateur, Rabbi Né’hamia Baker zatsal, qui eut le mérite de former de nombreux élèves durant des décennies, avant de quitter ce monde à un bel âge. Dans sa jeunesse, il y a plus de soixante-quinze ans, il étudia à la Yéchiva de Lomja de Péta’h Tikva. L’un de ses Rabbanim était Rabbi Eliahou Douchnitzer zatsal, au sujet duquel le ‘Hazon Ich affirma qu’il faisait partie des trente-six justes de la génération.

Dans son ouvrage Otsrotéhem Amalé, Rabbi Eliezer Tourk chelita raconte un épisode vécu par Rabbi Né’hamia à cette période.

Un Chabbat après-midi, Rabbi Né’hamia se promenait dans les rues du village, avant de rejoindre la Yéchiva. Après quelques minutes de marche, il aperçut Rabbi Eliahou debout près d’un immeuble, qui levait son regard vers l’un des appartements. Son visage pur laissait transparaître un souci perturbant sa sérénité.

Le jeune Né’hamia se tourna vers son Maître et lui souhaita « Chabbat chalom ». Puis, il lui demanda poliment : « Puis-je vous être utile en quelque chose ? » Le Sage lui répondit : « Peut-être saurais-tu qui habite dans cet immeuble au deuxième étage ? »

Son disciple, désolé, lui dit qu’il n’en avait aucune idée. Mais, il ne put retenir sa curiosité et se risqua à demander à son Rav pourquoi l’identité de ces résidents l’intéressait tant. Profondément peiné, il lui expliqua : « Chaque Chabbat, je passe dans cette rue et j’entends des bruits en provenance de cet appartement attestant qu’on y profane le jour saint. J’aimerais les réprimander et je dois le faire. »

L’élève ne comprit pas le problème. « Je suis prêt à monter tout de suite chez eux pour les sermonner comme il faut », s’empressa-t-il de proposer, poussé par le zèle de la jeunesse.

Rabbi Eliahou sursauta et désapprouva d’un signe de tête. D’un ton sévère, il prononça ces mots qui s’ancrèrent à jamais dans le cœur de Rabbi Né’hamia : « On n’adresse pas une réprimande de cette manière ! Comme cela, je pourrais aussi le faire moi-même. Une réprimande ne doit jamais émaner de mobiles personnels. »

« Parfois, poursuivit Rabbi Eliahou visiblement affligé, on exprime sa désapprobation à un organisme ou à une activité qui le mérite effectivement. Cependant, le problème est qu’on ne le fait pas de manière désintéressée, mais uniquement parce qu’ils appartiennent à un mouvement ou à un cercle religieux différent du nôtre. On prétend les réprimander sur un point donné, alors qu’en réalité, c’est autre chose qui nous dérange et nous pousse à formuler notre critique. Une telle réprimande est tout à fait déplacée ! »

« S’il en est ainsi, reprit son élève, comment peut-on être sûr d’agir et de réprimander correctement ? » En d’autres termes, il demandait à son Maître de quelle manière il réprimandait lui-même autrui.

Rabbi Eliahou répondit : « Il s’agit là de l’une des tâches sacrées les plus ardues. Personnellement, j’ai l’habitude d’écrire sur une feuille les paroles de réprimande que je désire adresser à quelqu’un et de les laisser en attente un ou deux jours. Si, après ce laps de temps, je constate que cela me tient encore à cœur, je consulte ce papier et vérifie que les mots ont été bien choisis, que la formulation est correcte et qu’aucun parti pris ne se mêle à ma réprimande. Uniquement après m’être assuré de ma pureté d’intentions, j’envoie ma lettre à l’intéressé. »

« De cette manière, conclut Rabbi Eliahou, je peux m’assurer que mes paroles ont un intérêt et auront de bonnes retombées. Par contre, si nous reprenons notre prochain de façon incorrecte, notre discours sera loin de porter ses fruits. »

Le reproche adressé par Yossef à ses frères témoigne l’amour et l’affection qui en furent à l’origine. Aussitôt après les avoir réprimandés, il leur dit : « Et maintenant, ne vous affligez point, ne soyez pas irrités contre vous-mêmes, de m’avoir vendu pour ce pays. Car c’est pour la subsistance que le Seigneur m’y a envoyé avant vous. » D’un côté, il nous incombe de sermonner notre prochain en étant fermes et explicites, à l’instar de Yossef qui s’acquitta si bien de ce devoir que ses frères furent réduits au silence. Mais, d’un autre côté, nous devons le faire poussés par la pitié, comme Yossef qui eut de la peine de les voir dans cette situation. Une réprimande comprenant ces deux aspects essentiels a un effet optimal, à l’exemple de celle de Yossef qui toucha profondément ses frères.

 

 

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