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Vayé'hi

2 Janvier 2021

יח טבת התשפ"א

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Le devoir de l’homme de surmonter toutes les épreuves de la vie

Rabbi David Hanania Pinto

« Yaakov vécut, dans le pays d’Egypte, dix-sept ans. » (Béréchit 47, 28)

D’après nos Sages, les dix-sept années où Yaakov séjourna en Egypte furent les plus belles de sa vie, car il eut la joie de constater que son cher fils Yossef avait préservé sa piété, même dans un pays étranger et en dépit de toutes les épreuves auxquelles il dut faire face. Son intégrité et sa sainteté, desquelles il ne s’était pas départi, lui valurent le titre de « juste, pilier du monde ».

En marge du verset « Il vit les voitures que Yossef avait envoyées pour l’emmener et l’esprit de Yaakov leur père revint à la vie » (Béréchit 45, 27), Rachi commente : « Yossef leur donna un signe : lorsqu’il s’était séparé de Yaakov, il était occupé à étudier le passage de la génisse à la nuque brisée. C’est pourquoi il est dit : “Il vit les voitures que Yossef avait envoyées” et non pas “que Paro avait envoyées”. » J’ajouterai que le terme agalot (voitures) est formé de la lettre Ayin (équivalant numériquement à soixante-dix) et du mot galout (exil), laissant entendre qu’à travers celles-ci, le patriarche perçut la vaillance de son fils, parvenu à continuer à étudier la Torah, aux soixante-dix facettes, alors qu’il se trouvait exilé. Cette perception le fit littéralement revivre.

Tel est le secret que nous livrèrent nos ancêtres qui séjournèrent en Egypte : en toute circonstance, nous pouvons étudier la Torah et nous élever par ce biais. Même en exil et au milieu des plus dures épreuves, nous sommes en mesure, si seulement nous le voulons, de nous investir pleinement dans l’étude. D’ailleurs, la plupart des enseignements nous ayant été transmis de génération en génération proviennent de l’exil. Ainsi, le Talmud a été rédigé en Bavel par les Tanaïm et Amoraïm ; Rachi et les Tossaphistes ont écrit leurs commentaires en France, tandis que le Rambam vécut en Egypte, pour ne citer que quelques-uns de nos éminents Sages. Par conséquent, l’homme peut et doit étudier la Torah de manière inconditionnelle. Il lui incombe de surmonter toutes les épreuves de son existence et d’éloigner toute préoccupation extérieure, afin de pouvoir se vouer totalement à l’étude dans la tente de la Torah.

Conscient que la vaillance de Yossef n’est pas donnée à chacun, Yaakov décida de fonder une Yéchiva en Egypte, afin de permettre à ses descendants d’y puiser Torah et crainte du Ciel. Il est écrit : « Yaakov avait envoyé Yéhouda en avant, vers Yossef, pour qu’il lui préparât l’entrée en Gochen. » (Béréchit 46, 28) Rachi, citant le Midrach, explique : « Pour lui préparer un centre d’étude d’où sortira l’enseignement. » Car, si Yossef parvint à maîtriser son mauvais penchant en l’absence d’une telle structure, cela est loin de constituer une tâche aisée. Le pays d’Egypte, plongé dans l’impureté et l’idolâtrie, représentait une immense épreuve susceptible de faire tomber de nombreux membres de la famille de Yaakov dans les rets du péché. D’où l’initiative de celui-ci d’implanter une Yéchiva dans la région où ils habiteraient. Ce lieu saint les influencerait positivement et les aiderait à préserver leur sainteté dans un pays étranger.

Quant à Yaakov, la Torah était son essence et il n’aspirait qu’à l’étudier avec abnégation. Même lorsqu’il dormait, il étudiait, conformément à l’interprétation de nos Maîtres du verset « Yaakov se réveilla de son sommeil (michnato) » (ibid. 28, 16) – ne lis pas michnato, mais mimichnato, de son étude. Mais, comment étudier en dormant ?

Quand un homme s’impliquant pleinement dans l’étude s’endort, c’est contre son gré, parce que la fatigue suscitée par cette tâche l’a emporté. On considère donc qu’il continue à étudier, car c’est ce qu’il aurait réellement souhaité s’il pouvait se passer de sommeil.

De même que Yossef conserva sa pureté intérieure, il éduqua ses enfants dans cette voie. C’est pourquoi Yaakov dit à Yossef : « Par toi Israël donnera sa bénédiction en disant : D.ieu te fasse devenir comme Ephraïm et Ménaché. » (Ibid. 48, 20) Rachi souligne : « Quand quelqu’un voudra bénir ses enfants, il le fera par cette bénédiction en disant à son fils : D.ieu te fasse devenir comme Ephraïm et Ménaché. » En quoi ces deux fils de Yossef se distinguèrent-ils tant par rapport aux autres chefs de tribus pour mériter de devenir l’image de gloire, souhaitée par tout père à son fils par sa bénédiction, à travers les générations ?

Les autres chefs de tribus grandirent dans l’atmosphère élévatrice du foyer de Yaakov avinou ; il n’était donc pas étonnant qu’ils devinrent des personnalités saintes. Par contre, Ephraïm et Ménaché naquirent et grandirent en Egypte, pays empli d’impureté et d’idolâtrie. En outre, en tant que fils du vice-roi, ils côtoyaient les princes et magiciens du royaume. Malgré cela, ils résistèrent au courant et réussirent à rester intègres. Yossef les éleva si bien à l’aune de la Torah et de la crainte du Ciel que chacun d’eux mérita d’être considéré comme une tribu à part entière, comme il est dit : « Comme Réouven et Chimon, Ephraïm et Ménaché seront à moi. » (Ibid. 48, 5) Il va sans dire que le mauvais penchant plaça de nombreuses embûches sur leur chemin ; néanmoins, ils surent y faire face, en veillant à marcher dans les sillons de leurs ancêtres, conformément à l’éducation reçue par leur père. C’est pourquoi tout père désirant bénir son fils lui souhaite de se conformer toujours à la voie de la Torah, sans jamais se laisser influencer par les pécheurs qui l’entourent, à l’instar d’Ephraïm et de Ménaché.

CHEMIRAT HALACHONE

Faire la distinction entre l’ignorance et le vice

La Torah nous ordonne : « Ne va point colportant le mal parmi les tiens. » (Vayikra 19, 16) Nos Maîtres déduisent de ces derniers mots que l’interdiction de médire ne s’applique qu’à un Juif se comportant comme tel, c’est-à-dire se conformant à la conduite des membres du peuple juif.

Il en résulte qu’il est permis de médire d’un mécréant cruel et mauvais. Par contre, celui qui faute par ignorance ou parce qu’il n’est pas parvenu à surmonter son penchant, est toujours considéré comme un Juif, duquel il est interdit de rapporter le blâme.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Les jours de David approchant de leur fin (…). » (Mélakhim I chap. 2)

Lien avec la paracha : la haftara relate le décès du roi David qui dicta ses dernières volontés à son fils Chlomo, tandis que, dans la paracha, sont mentionnées la mort de Yaakov et ses dernières volontés à son fils Yossef.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

De l’obscurité à la lumière

Un important responsable de la tsédaka en Israël, extrêmement dévoué à la Torah et au ‘hessed, subit une épreuve très difficile. Son fils de vingt-deux ans, considéré comme l’un des meilleurs éléments de la Yéchiva, par son assiduité et son esprit brillant, fut soudain en proie à des troubles psychiques si graves qu’il dut être hospitalisé dans le service de psychiatrie de l’hôpital Tel Hachomer.

C’était une grande souffrance pour ses parents de le voir atteint à ce degré, alors que, peu de temps auparavant, on lui promettait un bel avenir. En outre, les différentes tentatives de traitement avaient échoué et ils ne savaient plus que faire.

Quand ils entendirent que j’étais de passage en Israël, non loin de là où ils se trouvaient, ils décidèrent de venir me voir avec leur fils, qu’ils emmenèrent sur son lit d’hôpital. Dès qu’ils furent introduits devant moi, ils éclatèrent en sanglots déchirants et me dépeignirent leur souffrance : leur fils venait enfin d’arriver en âge de se marier et avait acquis une excellente réputation, tant du point de vue de son niveau dans l’étude que de son caractère, et voilà que soudain, tout avait basculé et ce mal s’était abattu sur lui.

Je regardai leur fils, après quoi, me tournant vers ses parents, je leur demandai : « La maladie de votre fils aurait-elle commencé un mercredi ? »

Ils réfléchirent un moment pour tenter de se rappeler exactement quand et comment cela avait commencé, puis me confirmèrent cette intuition.

« Ne vous inquiétez pas, les rassurai-je alors. Dès demain, la maladie de votre fils va commencer à disparaître et, si D.ieu veut, il rencontrera cette année celle qui lui est destinée et se mariera. »

Ma question était liée à des considérations kabbalistiques associées à ce jour. Sans les détailler ici, toujours est-il que ce jeune était apparemment tombé au pouvoir des forces impures qui lui avaient perturbé l’esprit. M’appuyant sur le mérite de mes saints ancêtres, je priai pour qu’il leur échappe et reprenne une vie normale.

Grâce à D.ieu et conformément au verset « A celui qui accomplit, Lui seul, de grandes merveilles » (Téhilim 136, 4), le jeune homme se remit progressivement, jusqu’à parvenir à une guérison complète, et eut le mérite d’épouser une jeune fille de très bonne famille, avec laquelle il fonda un foyer basé sur la Torah et les mitsvot.

PAROLES DE TSADIKIM

Pourquoi Yaakov embrassa Ménaché et Ephraïm

La tradition veut que les enfants baisent la main du Sage qui les bénit. Le Rama de Fano en explique la raison : les mains du Sage, qui écrivent des interprétations de Torah, ont la même sainteté qu’un objet de culte ; la Présence divine réside sur elles. Dans le Zohar, sont relatés de nombreux secrets relatifs au Sage couchant à l’écrit de nouvelles explications sur la Torah.

S’il existe une coutume d’embrasser les mains du Tsadik ou des parents qui nous bénissent, où trouve-t-on celle selon laquelle le juste embrasse les mains de la personne qu’il bénit ? Et pourquoi Yaakov baisa-t-il Ménaché et Ephraïm ?

L’ouvrage Dorech Tsion explique qu’un érudit peut bénir par son seul regard, ses yeux ayant acquis de la sainteté par le biais de l’étude de la Torah.

La Guémara (‘Haguiga 5b) raconte à cet égard l’histoire suivante, au sujet de Rabbi ‘Hiya et de Rabbi Yéhouda Hanassi. Après avoir marché une certaine distance, ils arrivèrent à une ville et demandèrent à ses habitants si un érudit vivait parmi eux, afin d’aller le saluer. On leur répondit qu’il y en avait effectivement un, mais qu’il était aveugle.

Rabbi ‘Hiya dit à Rabbénou Hakadoch qu’il irait seul, car il n’était pas de son honneur, en tant que prince d’Israël, de se rendre auprès de lui. Mais, Rabbénou Hakadoch refusa et accompagna son camarade chez cet érudit. Lorsqu’ils prirent congé de lui, il leur dit : « Vous, qui avez salué un homme visible mais qui ne peut voir, que vous ayez le mérite d’accueillir Celui qui voit mais ne peut être vu ! »

Rabbénou Hakadoch fit remarquer à Rabbi ‘Hiya : « D’une telle bénédiction, tu voulais me priver ? »

Bien que, de manière générale, la brakha d’un Sage ait de l’effet à travers son regard, ses yeux s’étant sanctifiés par l’étude de la Torah, néanmoins, celle de cet aveugle fut remarquable.

A propos de Yaakov, il est dit : « Les yeux d’Israël étaient appesantis par la vieillesse. » (Béréchit 48, 10) Dès lors, comment pouvait-il bénir Ephraïm et Ménaché ? C’est la raison pour laquelle, afin que sa bénédiction puisse se réaliser, il les enlaça et les embrassa.

De même, il est dit d’Its’hak : « Il arriva, comme Its’hak était devenu vieux, que sa vue était troublée. » (Ibid. 27, 1) C’est pourquoi il demanda à Yaakov : « Approche, je te prie, et embrasse-moi, mon fils » (27, 26), de sorte que sa bénédiction puisse reposer sur lui.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

La spécificité d’Ephraïm et de Ménaché

« Il les bénit ce jour-là en disant. » (Béréchit 48, 20)

Le Alchikh s’interroge sur l’insistance du verset à travers les mots « ce jour-là », a priori superflus. Il relève également le Vav supplémentaire du mot lémor (en disant).

Avec l’aide de D.ieu, je répondrai en m’appuyant sur le commentaire de Rachi : « Quand quelqu’un voudra bénir ses enfants, il le fera par cette bénédiction en disant à son fils : D.ieu te fasse devenir comme Ephraïm et Ménaché. » Autrement dit, les chefs de tribus eux-mêmes reçurent l’ordre de bénir leurs enfants par cette phrase. Or, ils auraient pu voir cela d’un mauvais œil et se demander en quoi leurs neveux étaient supérieurs à leurs enfants.

De plus, le jour où Yossef emmena ses enfants chez son père pour qu’il les bénisse avant son décès, ses frères lui ont sans doute également présenté les leurs dans ce but. Mais, parmi tous ses petits-enfants, le patriarche mit en valeur Ephraïm et Ménaché et indiqua à tous de bénir leurs enfants en leur souhaitant de leur ressembler. Ne craignit-il pas, par ce biais, d’éveiller la jalousie de ses autres fils ?

De fait, Yaakov cherchait ainsi à leur enseigner une leçon, en l’occurrence leur devoir de se plier au daat Torah. S’il avait décidé qu’on bénisse ses enfants par cette formule, ils n’avaient pas le droit de le contester, car son avis correspondait à l’esprit de la Torah. Il fallait donc s’y plier qu’on le comprenne ou non. Par ailleurs, ils devaient réaliser que Yaakov avait une perception bien plus profonde qu’eux et parvenait à anticiper l’avenir. Ils le comprirent, firent face à cette épreuve et se plièrent à ses saintes exhortations avec joie et amour, en employant sa formule pour bénir leurs enfants.

Cela étant, afin que cette directive perdure au cours des générations et que personne ne la remette en question, le verset précise « ce jour-là », insistant sur notre obligation de nous référer à jamais à cette bénédiction. C’est aussi pourquoi Yaakov se donna la peine de croiser les bras, malgré le grand effort que cela représentait à son âge, plutôt que de demander à Ephraïm et Ménaché de changer de place pour pouvoir les bénir plus facilement. Il voulait que ce geste s’inscrive profondément dans la mémoire de ses enfants, pour qu’ils ne remettent pas en question la bénédiction spécifique reçue par les fils de Yossef.

Le verset insiste donc en soulignant « ce jour-là » pour signifier qu’il s’agissait d’un jour bien particulier, où tous constatèrent, à travers le geste inhabituel de Yaakov et sa bénédiction unique à Ephraïm et Ménaché, leur spécificité et leur dignité.

PERLES SUR LA PARACHA

Un testament pour les générations futures

« Ne m’ensevelis pas, je te prie, en Egypte. » (Béréchit 47, 29)

En voyant que ses enfants étaient bien installés en Egypte, Yaakov craignit qu’ils la prennent pour leur patrie, oublient qu’ils naquirent en Israël et substituent le Yarden par le Nil.

Ce souci, explique Rabbi Chimchon Raphaël Hirsh zatsal, préoccupait Yaakov en tant que chef de famille ; il désirait renforcer dans le cœur de ses descendants l’espoir de retourner en Terre promise. Par sa demande de ne pas être enseveli en Egypte, il leur signifia que, même de manière posthume, il ne voulait pas y reposer et qu’il n’y avait donc pas de quoi aspirer à demeurer dans ce pays.

Un symbole de fraternité

« Par toi Israël donnera sa bénédiction en disant : D.ieu te fasse devenir comme Ephraïm et Ménaché. » (Béréchit 48, 20)

Ephraïm et Ménaché se distinguèrent par une qualité encore sans précédent dans l’histoire. Depuis la création du monde, les frères étaient toujours en querelle ; ils symbolisaient la jalousie et la concurrence. Ainsi en fut-il de Caïn et Hével, d’Its’hak et Ichmaël, de Yaakov et Essav, de Yossef et ses frères.

Dans l’ouvrage Mikdach Mordékhaï, il est souligné que, bien que Yaakov bénît en premier Ephraïm, le plus jeune des frères, Ménaché n’en conçut pas de haine ni de jalousie, preuve de la fraternité totale qui régnait entre eux.

C’est la raison pour laquelle Yaakov leur donna la brakha « Par toi Israël donnera sa bénédiction en disant : D.ieu te fasse devenir comme Ephraïm et Ménaché », car ils sont le symbole de la fraternité et en montrent l’exemple à tous les enfants juifs des générations futures.

Réserver la ferveur pour les mitsvot

« Car, dans leur colère, ils ont tué un homme et, dans leur arbitraire, ils ont abattu un taureau. » (Béréchit 49, 6)

Rachi commente : « “Dans leur colère, ils ont tué un homme” : il s’agit de ‘Hamor et des habitants de Chékhem. “Dans leur arbitraire, ils ont abattu un taureau” : ils ont voulu abattre Yossef, appelé un taureau. »

Rabbi Avraham Falagi, citant l’un des grands Rabbanim de Tsfat, Rabbi Yossef Chaoul, explique que, quand on transgresse un interdit, il vaut mieux le faire involontairement, alors que lorsqu’on accomplit une mitsva, il est encore plus louable de le faire avec ferveur. Malheureusement, certaines personnes font exactement l’inverse.

Le massacre des habitants de Chékhem avait le statut d’une mitsva, car il sanctionnait leur conduite. De quelle manière Chimon et Lévi l’accomplirent-ils ? Avec colère, souligne Yaakov, et non pas avec l’intention d’exécuter une mitsva. Par contre, la vente de Yossef, qui correspondait à un péché, fut exécutée de manière volontaire.

Plus que ces actes en eux-mêmes, le patriarche leur reprochait la façon dont ils les accomplirent. S’ils n’avaient d’autre choix que d’agir ainsi, ils auraient dû, tout au moins, le faire avec les bonnes intentions : vendre Yossef avec colère et tuer les habitants de Chékhem avec la pensée de s’acquitter d’une mitsva.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Nous trouvons que Yaakov revint sur ses pas et traversa le fleuve pour récupérer de petites fioles oubliées. Dans la Guémara, nos Sages en expliquent la raison : aux yeux des justes, l’argent est plus cher que leur corps, parce qu’ils sont très scrupuleux de ne pas voler. Or, dans notre paracha, nous lisons ce commentaire de Rachi (Béréchit 46, 6) : « Tout ce que le patriarche acquit à Padan Aram, il le donna à Essav, en échange de sa part dans la maarat hamakhpéla. Il se dit : “Les biens provenant des autres pays que la Terre Sainte ne me conviennent pas.” C’est ainsi qu’il est dit : “Que je me suis acquis (kariti).” (Ibid. 50, 5) Il a réuni quantité d’or et d’argent en tas (kari) et a dit à Essav : “Prends tout cela.” »

Dans son ouvrage Mé Zahav, Rabbi Moché Weiss met en exergue un point remarquable : Yaakov ne voulait pas utiliser la richesse provenant de Diaspora, car nos Sages nous enseignent (Kétouvot 110b) que celui qui y habite ressemble à un idolâtre. Dans son commentaire sur la section A’haré Mot, le Ramban explique que cela signifie qu’en dehors des frontières d’Israël, la Providence divine est plus faible. La Terre Sainte est « constamment sous l’œil du Seigneur, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin » (Dévarim 11, 12), alors que les autres pays sont sous l’égide de leur prince tutélaire respectif.

Par conséquent, quand on habite en Diaspora, toute la bénédiction matérielle nous provient par le biais du prince tutélaire de notre pays de résidence ou encore par des sphères ou des astres. Uniquement en Israël, l’Eternel Lui-même la déverse directement sur nous.

C’est pourquoi, explique Rabbi Yossef Salant zatsal dans son ouvrage Beer Yossef, Yaakov se dit : « Je ne veux pas faire usage de mes biens reçus de l’ange, des sphères ou des astres, et non directement de D.ieu. » Il fut prêt à donner toute sa fortune pour acheter une part dans la maarat hamakhpéla, parce que, s’il s’enrichit certes en Diaspora, il y perdit deux mitsvot. Lesquelles ?

Il est écrit : « Yaakov s’effraya beaucoup et fut angoissé. » (Béréchit 32, 8) De quoi eut-il donc peur, alors que l’Eternel lui avait assuré Sa protection ? Nos Sages expliquent qu’il craignit ne pas être méritant, à cause de deux mitsvot qu’il n’avait pas pu accomplir lors de son long séjour à Padan Aram : résider en Terre Sainte et respecter ses parents.

Or, Yaakov se déclara prêt à renoncer à tous ses biens acquis en Diaspora afin de pouvoir accomplir ces deux mitsvot. De quelle manière pourra-t-il les observer ?

L’auteur du Beer Yossef explique qu’en cédant l’ensemble de ces possessions à Essav, Yaakov recevait une part en terre d’Israël et, de surcroît, aux côtés de son père. Il gagnait donc simultanément les deux mitsvot non observées en dehors de ce pays. C’est pourquoi il fut prêt à les acheter à un prix si élevé.

Il témoigna ainsi combien il chérissait la Terre Sainte. Quant à Essav, en se montrant prêt à vendre sa part dans la maarat hamakhpéla pour quelques pièces d’or, il attesta au contraire son peu d’estime pour ce pays, tout comme pour son père.

Dès lors, nous comprenons pourquoi le patriarche voulut donner tant d’argent pour acheter une portion d’Israël, afin d’obtenir le pardon pour ne pas avoir pu dans le passé, à l’extérieur des frontières de ce pays, accomplir deux mitsvot fondamentales.

La valeur de la pose des tefillin

Le Rav Rozenblaum chelita raconte l’histoire d’un Juif qui oublia ses tefillin à la synagogue, après y avoir prié cha’harit. Il ne le remarqua que le soir, de retour chez lui après sa journée de travail. Très fatigué, il renonça à aller les chercher, bien qu’il craignît qu’on les lui vole la nuit.

Le lendemain, à son réveil, il remarqua qu’une épaisse couche de neige recouvrait les routes. Il décida alors de prier chez lui, mais il n’avait pas ses tefillin. Il téléphona à son Rav pour lui demander quoi faire. Il lui répondit que, d’après le Choul’han Aroukh, on doit être prêt à donner le cinquième de ses biens pour pouvoir observer une mitsva positive de la Torah.

Il téléphona immédiatement à la municipalité pour se plaindre qu’on n’avait pas dégagé la rue où il habitait.

« – Etes-vous devenu fou ? lui répondit-on. Pensez-vous qu’on puisse dégager toutes les rues de New York ? Nous ne le faisons que pour les plus centrales.

– Et combien me reviendrait le loisir de faire dégager la route depuis mon domicile jusqu’à la synagogue, sur une distance d’un kilomètre et demi ?

– Ce loisir vous coûterait dix mille dollars, monsieur. »

Il se remémora l’avis du Choul’han Aroukh, cité par son Rav, puis réfléchit un instant : la somme de dix mille dollars représentait moins qu’un cinquième de ses biens. Il s’empressa de répondre :

« C’est d’accord ! Venez faire ce travail. »

Après qu’il eut réglé par carte de crédit, une équipe de travailleurs arriva sur place. En quelques heures, ils accomplirent la besogne.

Arrivé à la synagogue, il y trouva le Rav. Quand il entendit ce qu’il avait fait pour pouvoir prier avec ses tefillin, il lui dit avec émotion : « Chlomélé ! Par ta remarquable conduite, tu as donné un prix à la mitsva de tefillin que tu accomplis. Tu as prouvé qu’elle t’est aussi chère que dix mille dollars. Désormais, ta récompense pour cette mitsva sera fonction de ce prix onéreux que tu lui as donné et, en plus, tu seras aussi récompensé rétroactivement selon ce barème. Car, tu as témoigné combien cette mitsva t’est chère. Deux hommes mettant les tefillin ne sont pas forcément récompensés de la même manière ; tout dépend de l’importance que chacun d’eux donne à cette mitsva. »

 

 

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