Bechala'h 30 Janvier 2021 יז שבט התשפ"א |
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Le peuple juif et la séparation de la mer des Joncs
Rabbi David Hanania Pinto
« Et toi, lève ton bâton et étends ta main sur la mer, et divise-la, et les enfants d’Israël entreront au milieu de la mer à sec. » (Chémot 14, 16)
Nous connaissons bien les paroles de nos Sages selon lesquelles (Chémot Rabba 21, 6), au moment où Moché tendit sa main sur la mer pour qu’elle se fende, les eaux ne voulurent pas se plier à son ordre. Elles continuèrent à couler, en dépit de la condition que le Saint béni soit-Il leur avait fixée, dès les six jours de la Création – elles devraient se fendre lorsque les enfants d’Israël, sortis d’Egypte, seraient poursuivis par les Egyptiens (cf. Béréchit Rabba 5, 5).
Le Or Ha’haïm s’interroge (Chémot 14, 27) : comment expliquer que la mer ait refusé de se fendre et d’accomplir l’ordre divin ? De plus, cette condition avait été établie avec elle depuis la Création. Enfin, nous trouvons par ailleurs un certain nombre d’anecdotes au sujet de Tanaïm et d’Amoraïm, en faveur desquels les eaux d’un fleuve se sont fendues – par exemple, pour Rabbi Pin’has ben Yaïr (cf. ’Houlin 7a).
Selon le Or Ha’haïm, la clé de cette énigme se trouve dans le fait qu’au temps de notre maître Moché, les enfants d’Israël n’avaient pas encore reçu la Torah et ne détenaient donc pas ce mérite pour que le monde s’écarte des lois naturelles selon lesquelles il est régi ; c’est pourquoi, la mer n’a pas voulu se fendre devant eux. Par contre, Rabbi Pin’has ben Yaïr a pu bénéficier de ce miracle grâce au pouvoir de la Torah de sa génération (cf. le long développement du Or Ha’haïm à ce sujet).
Dans la suite du passage évoquant la séparation de la mer des Joncs, il est écrit : « Le Seigneur dit à Moché : “Etends ta main sur la mer, que les eaux reviennent sur l’Egyptien, sur ses chars et sur ses cavaliers.” » (Chémot 14, 26) Le Or Ha’haïm pose une nouvelle question : quel intérêt y avait-t-il à ordonner à Moché d’étendre une fois de plus sa main sur la mer, afin qu’elle retourne à son niveau et engloutisse les Egyptiens dans ses eaux ? En effet, le but de la séparation de la mer des Joncs était que les enfants d’Israël puissent la traverser à sec et que les Egyptiens, derrière eux, soient ensuite engloutis ; donc, si la mer était restée fendue, les Egyptiens auraient eux aussi pu la traverser à sec et ce miracle n’aurait servi à rien ! L’ordre divin adressé à Moché, de tendre sa main une nouvelle fois semble donc superflu, puisque la mer aurait dû d’elle-même retourner à son niveau.
Nos Sages, de mémoire bénie, expliquent que la mer a entendu l’accusation de l’ange Samaël, qui objectait que « ceux-ci sont idolâtres au même titre que ceux-là ». En d’autres termes, en quoi les enfants d’Israël auraient-ils droit à un traitement de faveur – la séparation de la mer – alors que les Egyptiens ne mériteraient pas ce miracle ? Ce raisonnement ne manque pas de nous surprendre : comment comparer le degré d’idolâtrie des enfants d’Israël à celui du peuple égyptien, d’autant plus que les premiers étaient déjà bien loin des quarante-neuf degrés d’impureté dans lesquels ils étaient plongés en Egypte, puisqu’ils avaient cessé de pratiquer l’idolâtrie et avaient progressé vers la pureté ?
Proposons l’explication suivante. A propos de la génération du roi ‘Hizkiyahou, il est dit qu’elle ne comprenait pas un seul garçon, ni une seule fille, qui ne fût pas versé dans les moindres détails des lois de pureté et d’impureté. Car le roi avait planté une épée à l’entrée de la salle d’étude et avait déclaré que celui qui ne s’y assiérait pas pour étudier la Torah finirait par en être transpercé.
Ces paroles d’Ezéchias ne doivent pas être interprétées au sens littéral. En effet, nous avons certes foi en notre devoir d’étudier la Torah, qui, d’une part, aiguise l’intelligence de l’homme et, d’autre part, le protège du mauvais penchant. Cependant, il n’est dit nulle part de façon explicite que l’individu manquant à cette obligation sera puni par la mort. Autrement dit, l’étude de la Torah constitue un mérite, mais le fait de ne pas étudier n’entraîne pas la peine capitale pour une personne qui, par ailleurs, veille à accomplir toutes les mitsvot. Dès lors, comment ‘Hizkiyahou put-il affirmer que quiconque s’esquivait de la salle d’étude serait transpercé par le glaive ?
Lorsqu’un homme meurt physiquement, son âme continue à vivre dans le monde à venir, alors qu’un individu spirituellement égaré perd non seulement sa vie dans ce monde, mais aussi dans le suivant. Tel est le sens de la déclaration du roi : celui qui n’étudie pas la Torah invite, par là-même, tous les plaisirs de ce monde à pénétrer en lui, tuant ainsi son âme ; c’est donc la rue (re’hov, tranchant imagé de l’épée, ’hérev) qui finira par le tuer.
Dès lors, nous comprenons pourquoi la mer refusa dans un premier temps de retourner à son niveau pour noyer les Egyptiens. Elle pensait que les enfants d’Israël se trouvaient au même degré d’idolâtrie que les Egyptiens, du fait qu’ils n’avaient pas encore reçu la Torah et ne détenaient donc aucune protection contre les épreuves de ce monde. De plus, les désirs matériels sont assimilables à l’idolâtrie, source de ravages spirituels pour le peuple juif. Or, la mer constata l’importance considérable des biens possédés par les enfants d’Israël – hérités du butin de l’Egypte – et l’interpréta comme un signe de leur attirance vers la matérialité, comparable à l’idolâtrie. Aussi, elle n’accepta de retourner à son niveau pour engloutir les Egyptiens que lorsque l’Eternel lui expliqua que ces biens représentaient la concrétisation de Sa promesse, faite aux patriarches – « ils la quitteront avec de grandes richesses ».
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Ne va pas au Pakistan !
Un Juif français, qui était très éloigné du Judaïsme, avait projeté de se rendre au Pakistan avec un certain nombre d’amis.
Ayant eu vent de ce projet, je l’appelai pour le dissuader d’entreprendre le voyage : « J’ai entendu que vous aviez l’intention d’aller au Pakistan et voudrais vous demander d’annuler votre participation à ce voyage, car c’est une destination très dangereuse pour les Juifs en ce moment. »
Très étonné, mon interlocuteur me demanda : « D’où savez-vous que j’ai prévu d’aller au Pakistan et qu’est-ce qui vous fait penser que je ferais mieux de ne pas y aller ? »
« J’ai entendu que vous aviez prévu de vous y rendre et je ne sais pas pourquoi, mais il m’est venu à l’esprit qu’il fallait vous avertir de ne pas y aller ! Si D.ieu veut, le Tout-Puissant éclairera vos yeux et vous vous rapprocherez de Lui. »
Il décida finalement d’écouter mon conseil et annula son billet.
Quelques jours plus tard, il apprit que tous ses camarades qui avaient fait le voyage avaient trouvé la mort dans un accident de la route. Notre ami réalisa ainsi qu’en écoutant bon gré mal gré mes instructions, émanant du pouvoir de la Torah, il avait échappé à la mort.
Grâce à D.ieu, cela l’a poussé à reconnaître le Créateur et à se repentir complètement.
CHEMIRAT HALACHONE
Dire du mal d’un produit
Affirmer qu’un produit est de mauvaise qualité et dissuader ainsi les gens de l’acheter est considéré comme de la médisance, car cela cause préjudice au gagne-pain du producteur ou du vendeur.
De même, il est interdit de parler d’un orateur sur un ton moqueur ; cela risque de diminuer le nombre de ses auditeurs ou l’influence de son discours sur ces derniers.
Comme pour toute autre mitsva, il faut habituer ses jeunes enfants à se garder de médire. Souvent, ils parlent négativement d’un plat non apprécié qu’on leur sert, faisant de la peine à celle qui l’a préparé. Il convient de les habituer à ne pas faire ce genre de remarque déplaisante.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Dvora chanta (…). » (Choftim chap. 5)
Lien avec la paracha : la haftara raconte la chute de Sisra et de son armée et le cantique entonné par Dvora et Barak, fils d’Avinoam, suite au miracle de leur victoire contre leurs ennemis, tandis que la paracha évoque la chute de Paro l’impie, dont l’armée se noya dans les profondeurs de la mer Rouge, et le cantique entonné par Moché et les enfants d’Israël sur le rivage de la mer.
Les achkénazes lisent la haftara : « Or Dvora, une prophétesse (…). » (Choftim chap. 4)
PAROLES DE TSADIKIM
Les maladies, des signaux d’alerte pour corriger ses vices
Le Maguid Rabbi Arié Chakhter chelita raconte :
« Lorsque ma femme était malade, j’ai reçu pas moins de soixante-quatre conseils pour sa guérison. Cinq ou six personnes m’ont donné le même avis. Cependant, je n’ai pas compté le nombre de personnes, mais celui de conseils qui, au bout du compte, était de soixante-quatre.
« L’un d’entre eux me parlait plus que les autres. Un certain professeur, nommé Dr. Brein, a fondé une maison de convalescence près de Miami. Les malades y sont reçus pendant trois semaines, durant lesquelles ils suivent un régime végétarien correspondant à sa méthode de soins. Il espère ainsi sauver les malades. Par rapport aux autres suggestions qu’on me donna, celle-ci me semblait la plus fiable.
« Deux heures avant l’heure prévue pour le vol que mon épouse et moi-même devions prendre, je téléphonai à mon Rav et lui dis : “Rav, j’ai l’impression que je voyage pour rien. Dois-je vraiment gaspiller quinze mille dollars, sans compter le coût des billets ? N’est-il pas dommage de jeter tellement d’argent à la poubelle ? Je n’ai pas envie de voyager.” Il me répondit : “Voyage ! L’exil expie, voyage.”
« Pour ce qui était de l’exil, il avait plus que raison. Le voyage jusqu’à Miami était terriblement dur. Nous étions enfermés trente heures dans l’avion. Quelle souffrance ! Sans doute, ces peines contribuaient à des réparations spirituelles…
« Dans cette maison de convalescence, il n’y a ni pain, ni produits laitiers, ni œufs et, évidemment, pas de viande. On dispose de noix à volonté et de jus naturels de pastèque et de melon. En plus de cela, on y cultive un type spécial de blé qu’on laisse germer. Le malade, isolé, doit se tenir debout et rouler les épis de blé pour qu’ils produisent du lait, qu’il boit ensuite. Ceci est supposé lui apporter la guérison.
« Le professeur m’expliqua sa méthode : “Sache que les maladies ne sont que des signaux d’alerte visant à nous alerter des vices que nous devons corriger. Les gens coléreux ou orgueilleux tombent malades. Ces maladies sont uniquement des avertissements leur indiquant dans quel domaine ils ne se conduisent pas correctement.”
« Puis il poursuivit et conclut : “Que faisons-nous au malade pour le guérir ? Nous le sortons complètement de son cadre normal. Il avait l’habitude de pouvoir tout manger et, soudain, on limite son alimentation à des denrées étranges. Il commence alors à réfléchir, à se reconstruire et cesse progressivement de se mettre en colère ou de s’enorgueillir. Notre traitement peut lui servir de tremplin pour entreprendre un grand tournant dans sa vie, pour se défaire définitivement de tout comportement négatif et de toute tare.”
« Je sortis de son bureau et éclatai en sanglots. “Avais-je besoin de parcourir des milliers de kilomètres pour m’entendre dire par un médecin non-juif la raison pour laquelle D.ieu envoie des maladies à l’homme et la manière dont il peut trouver la guérison ?” »
Les maladies nous frappent afin de nous inciter à changer notre conduite, à affiner nos traits de caractère ; tel est leur seul but. Voilà la promesse formulée par le Saint béni soit-Il à Ses enfants, s’ils respectent les mitsvot et agissent conformément à Sa volonté : « Toutes les plaies dont J’ai frappées l’Egypte, Je ne les mettrai pas sur toi, car Je suis l’Eternel qui te guéris. » (Chémot 15, 26)
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La fidélité à la voie de la Torah : l’arme épargnant l’homme du mauvais penchant
« Paro fit approcher, les enfants d’Israël levèrent les yeux et voici que l’Egypte marchait derrière eux ; ils furent remplis d’effroi et les enfants d’Israël crièrent vers l’Eternel. » (Chémot 14, 10)
Certains commentateurs expliquent (cf. Rambam dans le moussar adressé à son fils) que Paro représente le mauvais penchant. Le verset signifie alors que celui-ci s’approchait ; le cas échéant, il faut immédiatement raffermir son lien avec la Torah et les mitsvot, implorer par la prière le Maître du monde et persévérer ensuite dans cette voie, celle de la Vérité, afin que l’Eternel reste avec nous.
Notre verset contient également une allusion à l’épisode de Yossef le juste, mis à l’épreuve par la femme de Potifar. Il est écrit : « Il est venu dans la maison pour faire son travail » (Béréchit 39, 11) et Rachi rapporte à ce propos deux opinions de nos Sages (Sota 36b) : certains affirment qu’il est effectivement venu pour accomplir son travail, d’autres, qu’il est également venu pour avoir des rapports avec elle – car le mauvais penchant l’avait séduit et placé face à une très grande épreuve, au point qu’il en est lui-même venu à désirer fauter. Comme nous l’avons expliqué, cette situation correspond à « Paro s’approcha », c’est-à-dire à l’attaque de plus en plus virulente du mauvais penchant contre l’homme, dans le but de le faire trébucher.
La Guémara rapporte (ibid.) que Yossef a été épargné du péché grâce à l’image de son père qui lui est apparue et également parce qu’il a vu, par Esprit Saint, que s’il fautait, son nom ne serait pas écrit sur le éphod, avec celui des autres tribus. Le verset « les enfants d’Israël levèrent les yeux » y fait allusion : d’une part, Israël c’est Yaakov, père de Yossef, dont l’image lui est apparue et l’a sauvé du péché ; d’autre part, Israël renvoie à l’avertissement transmis à Joseph par l’Esprit Saint, à savoir que son nom risquait de ne pas être transcrit parmi celui des autres tribus d’Israël.
Ce qui protégea Yossef, c’est son attachement à la Torah et aux mitsvot, auquel la suite du verset se réfère allusivement : « Les enfants d’Israël crièrent vers l’Eternel. » En effet, comme nous l’avons dit en introduction, celui qui est attaché à la Torah, qui est Vérité, mérite que D.ieu soit à ses côtés. Or, Yossef était attaché à la Torah, puisque, comme le précise le verset, au moment où il révéla à ses frères son identité, il demanda qu’on fasse parvenir à son père des chariots qui, comme nos Maîtres l’expliquent (Béréchit Rabba 94, 3), rappelaient le sujet de la génisse à la nuque brisée, qu’il étudiait avec son père avant qu’il n’ait été vendu. Par ce biais, il désirait lui transmettre un message : en dépit de son séjour prolongé en Egypte parmi des sorciers non-juifs, il était resté lié à la Torah. Grâce à cet attachement soutenu, il eut le mérite d’échapper au péché avec la femme de Potifar, en parvenant à résister aux séductions du mauvais penchant – assimilables à la situation décrite par le verset « Paro s’approcha ».
Le verset peut aussi être interprété relativement aux enfants d’Israël qui, lorsqu’ils constatèrent que Paro, représentant le mauvais penchant, s’approchait d’eux afin de semer la panique, de les plonger dans l’épreuve et de les faire désespérer dans leur service divin, se tournèrent immédiatement vers leur Père céleste, comme il est dit : « Les enfants d’Israël levèrent les yeux. » Ainsi, ils se renforcèrent, parvinrent à maîtriser leur peur et implorèrent l’Eternel de les sauver des mains de Paro l’impie.
Cet enchaînement des événements constitue une véritable leçon de morale pour les générations à venir.
PERLES SUR LA PARACHA
Sur quoi portait le cantique des enfants d’Israël
« Alors Moché chanta, ainsi que les enfants d’Israël, l’hymne suivant. » (Chémot 15, 1)
Nos Maîtres affirment (Méguila 10b) : « Les anges voulurent entonner un cantique, mais le Saint béni soit-Il leur dit : “Les œuvres de Mes mains se noient dans la mer et vous voulez chanter ?” »
Pourquoi D.ieu ne leur permit-Il pas d’entonner la chira, alors qu’Il laissa les enfants d’Israël le faire ?
L’auteur du Klé ‘Hemda explique qu’ils ne la récitèrent pas pour célébrer la défaite des Egyptiens, mais leur propre salut, comme il est dit : « Il fut pour moi le salut. » Par contre, les anges, qui ne furent pas asservis en Egypte, l’auraient prononcée uniquement pour fêter la noyade des Egyptiens et il est interdit de se réjouir du malheur d’autrui.
La manne, soixante fois plus sucrée que le miel !
« La maison d’Israël appela son nom : manne. C’était comme une graine de coriandre blanche, et sa saveur comme un gâteau au miel. » (Chémot 16, 31)
La Torah souligne que la manne avait le goût d’un gâteau au miel.
D’après nos Sages, le miel était soixante fois moins sucré que la manne, donc celle-ci soixante fois plus sucrée que le miel. Pourtant, notre verset semble affirmer que leur saveur était la même.
Rabbi Réouven Karlenstein zatsal rapporte cette réponse du Gaon de Vilna : le terme vétaamo (et sa saveur) du verset signifie « qui donne sa saveur », mais pas forcément avec la même concentration. Dans le cas de la manne, elle avait le goût du miel, mais soixante fois plus prononcé. Si une portion de manne était mélangée à une quantité soixante fois plus grande d’un autre aliment, on ressentait encore le goût du miel.
Yossef participa à la mitsva de transporter ses ossements en Israël
« Moché emporta les ossements de Yossef avec lui. » (Chémot 13, 19)
Le terme imo (avec lui) semble a priori superflu.
La Guémara rapporte (Sota 13a) que, lorsque l’ensemble du peuple juif était occupé à prendre le butin de l’Egypte, Moché se rendit sur le bord du Nil et dit : « Yossef, Yossef, le moment où l’Eternel a promis de nous délivrer est arrivé, donc aussi celui où nous devons accomplir la promesse que tu nous as faite jurer. Si tu te montres, tant mieux, et sinon, nous sommes exempts de notre serment. » Aussitôt après, le cercueil de Yossef apparut, flottant à la surface de l’eau.
Dans son ouvrage Haré bachamaïm, Rabbi Its’hak Badrachi zatsal, l’un des Sages de France, demande comment Moché pensait être quitte de son serment si le cercueil de Yossef n’apparaissait pas.
La Michna du traité Baba Métsia nous éclaire à ce sujet. Dans la Torah, figure l’ordre suivant : « Si tu vois l’âne de ton ennemi qui ploie sous sa charge, t’abstiendrais-tu de lui venir en aide ? Tu viendras à son aide » (Chémot 23, 5) – azov taazov imo. D’après nos Sages, si le propriétaire de l’âne s’en va pour s’asseoir et suggère à quelqu’un d’autre de décharger son âne, il n’est pas obligé d’accepter, car il est écrit imo, littéralement « avec lui».
Il est écrit : « Moché emporta les ossements de Yossef avec lui. » Autrement dit, Moché y parvint avec l’aide de Yossef, qui apporta sa contribution en faisant remonter son cercueil à la surface du fleuve. Désormais, Moché avait l’obligation de remplir les termes du serment et d’emporter les ossements de Yossef en terre d’Israël. Mais, si Yossef ne l’avait pas assisté dans cette tâche, il en aurait été exempt.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Si l’on nous demandait qui mérite le monde futur, chacun proposerait une réponse décrivant l’individu ayant droit à cet insigne mérite. Nos Sages se sont eux aussi interrogés à ce sujet et ont répondu : « Celui qui récite la amida immédiatement après la bénédiction sur la délivrance. » En quoi cela nous ouvre-t-il les portes du monde futur ?
Dans les Téhilim (111, 4), nous pouvons lire : « Il a perpétué le souvenir de Ses merveilles, le Seigneur est clément et miséricordieux. » Quel est le lien entre le début de ce verset, affirmant que le Saint béni soit-Il a fait un rappel de la sortie d’Egypte deux fois par jour, et la fin, évoquant les vertus divines ?
Rav Israël était un Juif érudit et fortuné habitant à Brisk. Mais, un jour, la roue de la fortune tourna et sa situation pécuniaire se dégrada pour devenir des plus précaires. Avant de faire complètement faillite, il décida d’agir pour sauver la situation en voyageant en Angleterre pour demander au baron de Rothschild de bien vouloir lui accorder un prêt de trois mille roubles. Seul cet emprunt pourrait le tirer d’embarras.
Il vendit les ustensiles de sa maison, remit la moitié de la somme ainsi gagnée à sa femme pour les dépenses courantes et garda le reste pour couvrir les frais du voyage. Après trois mois, il arriva enfin à destination. Il apprit que le baron recevait le public dans une certaine salle, le mardi après-midi.
Il fut au rendez-vous et y vit des centaines de personnes faire la queue. Deux responsables, assis là-bas, distribuaient une lire à certains pauvres, une demie à d’autres. Il en fut très affligé : avait-il parcouru une route de trois mois et quitté une famille avec des enfants pour ne recevoir qu’une lire ? Il se retira dans un coin et pleura à chaudes larmes. Il ne prêta même pas attention au fait que ses larmes avaient inondé son visage. Mais, les responsables le remarquèrent. Comprenant qu’il se trouvait dans une très mauvaise passe, ils lui demandèrent ce qu’il avait besoin. Il leur raconta alors qu’il était venu de très loin pour demander au baron un emprunt de trois mille roubles et constatait à présent qu’on ne distribuait que des lires.
Ils lui expliquèrent qu’ils étaient uniquement les émissaires du baron et ne décidaient rien eux-mêmes. Cependant, ajoutèrent-ils, ce dernier reviendrait dans cette salle vendredi pour passer en revue tous les individus inscrits sur la liste et réfléchir comment les aider. S’il revenait ce jour-là, lui proposèrent-ils, ils essaieraient de l’introduire auprès du nanti.
Le jour dit, Rav Israël se présenta au bureau du baron et, avant même qu’il n’ait eu le temps de parler, celui-ci lui demanda : « Où passez-vous Chabbat ? » L’autre répondit qu’il l’ignorait. Le baron reprit : « Dans ce cas, vous serez mon invité. »
Rav Israël se réjouit. « Voilà le début du salut », pensa-t-il. Erudit, il prononça de profonds divré Torah vendredi soir et entonna les zémirot jusqu’à une heure tardive de la nuit. De même, lors des deuxième et troisième repas de Chabbat, il agrémenta la table du baron de Rothschild.
Après havdala, ce dernier s’enquit du motif de sa venue. « Je vais vous dire la vérité, commença-t-il. Autrefois, je jouissais moi aussi de la prospérité. Mais, soudain, ma situation s’est dégradée et je suis devenu très pauvre. J’ai urgemment besoin d’un prêt de trois mille roubles pour la redresser. »
« Lorsque votre situation était optimale, combien d’argent possédiez-vous ? demanda le baron.
– Dix mille roubles, répondit son hôte. »
Le baron se leva pour sortir cette somme de son coffre-fort. Il lui remit ces billets, qui venaient de sortir de la presse. Puis, il prit une feuille, où il écrivit le nom et l’adresse de son emprunteur, et la posa sur la liasse. Enfin, il conclut en disant : « Maintenant je vous connais. S’il vous arrive encore une fois de faire faillite, vous n’avez pas besoin de vous déranger en vous déplaçant jusqu’ici ; faites-moi simplement parvenir une lettre pour m’en informer et je vous aiderai. »
De même, le Saint béni soit-Il nous signifie : « Vous étiez asservis en Egypte. Je l’ai frappée de dix plaies, Je vous ai libérés de ce pays et J’ai fendu la mer en votre faveur. Notez bien l’adresse ! Si de nouveaux malheurs vous frappent, souvenez-vous de la sortie d’Egypte, rappelez-vous que Je suis clément et miséricordieux. Ainsi, vous n’oublierez pas de M’invoquer. »
La plupart des gens ne prient du fond du cœur que lorsqu’ils éprouvent un manque, que tout ne va pas comme ils le désirent, que les résultats de leurs examens médicaux sont mauvais, etc. Face à l’adversité, ils se souviennent soudain que Quelqu’un est en mesure de les aider. Malheureusement, quand tout va bien pour eux, leur prière est bien différente.
Telle est la nature de l’homme. Uniquement dans la détresse, il se rappelle de tourner les yeux vers le Créateur et de Le supplier. Seul l’homme intelligent Le sollicite avant que le malheur survienne. Tel est bien le sens de l’injonction de nos Sages : « Que l’homme anticipe toujours la détresse par la prière. » Car, à l’heure de la détresse, on lui demande un mérite justifiant le salut attendu.