Tetsaveh 27 Février 2021 טו אדר התשפ"א |
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Le pouvoir d’élévation du peuple juif tiré de celui du Tsadik
Rabbi David Hanania Pinto
« Et toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de te choisir une huile pure d’olives pilées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence. » (Chémot 27, 20)
Pourquoi est-il écrit « Et toi, tu ordonneras », et non pas, comme dans les autres versets de la Torah, « L’Eternel parla à Moché » ou « L’Eternel dit à Moché de dire » ? Par ailleurs, cette huile devait être apportée pour une fonction sacrée, l’allumage du candélabre, aussi il aurait semblé logique de dire « de prendre pour Moi », comme nous le trouvons dans la section Térouma, plutôt que « de te choisir ».
Nos Maîtres stipulent (Choulkhan Aroukh, Ora’h ‘Haïm 231a) que, pour toute jouissance retirée par l’homme de ce monde, il doit avoir l’intention d’en profiter afin de servir l’Eternel, dans l’esprit du verset « Dans toutes tes voies, songe à Lui » (Michlé 3, 6). Nos Maîtres nous enseignent à cet égard : « Que tous tes actes soient désintéressés. » (Avot 2, 12) Même les actes permis, comme la consommation et les autres besoins de notre corps, doivent être effectués dans le but de mieux servir le Créateur.
Pourtant, comment exiger d’un homme, fait de matière, de se concentrer exclusivement sur son service divin ? De quelle manière peut-il faire fi de volontés personnelles, alors qu’il est animé d’un mauvais penchant ? De même, un homme fortuné, travaillant toute la journée et exploitant chaque instant pour amplifier encore sa richesse, parviendra-t-il à réaliser que tout appartient à D.ieu, que son aisance Lui est due et n’est pas le fruit de ses efforts ? Il semble impossible, pour l’homme, de parvenir à une compréhension que, invariablement, tout n’est que vanité.
Afin de répondre à ces questions, soulignons tout d’abord que le Saint béni soit-Il ne soumet jamais l’homme à une épreuve qu’il ne serait en mesure de surmonter. L’auteur du Beit Israël de Gour affirme, au nom du ‘Hidouché Harim – que leur mérite nous protège – que l’Eternel ne confronte pas l’homme à des difficultés dépassant ses potentialités. Dans le même esprit, nos Maîtres interprètent le verset « Il répand la neige comme des flocons de laine » (Téhilim 147, 16) : si D.ieu fait tomber la neige, Il nous donne aussi de la laine pour nous réchauffer. L’homme peut avoir le sentiment que l’adversité à laquelle il doit faire face est immense, mais cette impression n’est due qu’à l’image produite par son mauvais penchant, cherchant à le précipiter dans le désespoir.
D’après nos Sages, dans les temps futurs, l’Eternel sacrifiera le mauvais penchant devant les justes et les impies ; aux premiers, il apparaîtra comme une haute montagne, tandis qu’aux seconds, il semblera aussi insignifiant qu’un cheveu. Les Tsadikim pleureront de joie en réalisant leur immense victoire, tandis que les mécréants se lamenteront de ne pas être parvenus à relever un défi si minime. Mais pourquoi n’aura-t-il pas du tout le même aspect pour les uns et les autres ?
Répondons à la lumière de l’idée développée ci-dessus. En réalité, l’homme est soumis à une très petite épreuve, de l’épaisseur d’un cheveu. Mais, son mauvais penchant l’agrandit à ses yeux. Quant aux justes, ils perçoivent toute œuvre du mauvais penchant comme une épreuve grande ampleur, parce que, en regard de leur niveau spirituel élevé, même le plus petit acte répréhensible est grave. Car, ils se tiennent à un si haut degré de sainteté que la moindre déviation a la dimension d’un grand péché. Bien entendu, le mauvais penchant déploie toutes ses ressources pour les faire trébucher, même dans de petits écarts. C’est pourquoi celui-ci leur apparaîtra comme une immense montagne.
Si l’épreuve à laquelle nous sommes soumis ne dépasse pas nos potentialités, néanmoins, le travail d’abnégation attendu de nous est loin de correspondre à une tâche aisée. Comment parviendrons-nous à annuler notre ego pour agir de manière totalement désintéressée, avec un dévouement total, comme si on prenait sa personne pour la donner à D.ieu ? L’Eternel nous répond en ordonnant à Moché : « Et toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de te choisir » ou, littéralement, « de prendre vers toi ». En d’autres termes, pour qu’ils puissent se hisser au niveau de « prendre pour Moi », c’est-à-dire de vouer exclusivement leur être au service divin, annihilant toute volonté personnelle, ils doivent préalablement passer par l’étape de « Et toi ».
Le Très-Haut choisit Moché comme un modèle de référence pour le peuple juif. Le Tsadik d’une génération équivaut en effet à l’ensemble des membres de celui-ci, sur lesquels il exerce son influence bénéfique, par l’éclat de sa dignité. En outre, ils le craindront, comme il est dit : « Témoigne autant de déférence pour ton maître que de révérence pour D.ieu. » (Avot 4, 12)
Cependant, afin que tous prennent exemple du juste et s’inspirent de sa conduite, une étape préliminaire est nécessaire, « Et toi ». Le Vav de véata inclut toujours quelque chose ; ici, il signifie qu’uniquement quand le Tsadik est lui-même parvenu au niveau de se donner à D.ieu, de Le servir d’un cœur entier, il est en mesure d’influencer les autres et de les entraîner dans sa propre élévation.
En conclusion, l’homme n’est capable d’annuler ses volontés personnelles, de surmonter son attrait pour les biens matériels que lorsqu’il se voue à D.ieu. S’il se conduit de la sorte, il méritera d’être comblé physiquement comme spirituellement.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Toi, fils de l’homme, décris le Temple (…). » (Yé’hezkel chap. 43)
Lien avec la paracha : la haftara évoque l’inauguration de l’autel et les sept jours de la cérémonie de consécration, ainsi que la prophétie de Yé’hezkel relative au second Temple, tandis que dans notre paracha, Moché reçoit l’ordre de célébrer sept jours de consécration avant d’inaugurer le tabernacle.
A Jérusalem, on lit la haftara : « Le Seigneur dit à Chmouel (…). » (Chmouel I chap. 16)
Les Achkénazes lisent la haftara : « Fils de l’homme, ainsi parle le Seigneur D.ieu (…). » (Yé’hezkel chap. 43)
PAROLES DE TSADIKIM
Une décision encore plus figée qu’une hypothèque
Le concept de « sagesse du cœur », qui revient en boucle dans le sujet de la construction du tabernacle, a été emprunté par tous les domaines de la vie juive pour décrire un ben Torah animé de ce type particulier de sagesse. Même dans notre génération, nous avons eu le mérite de connaître des personnalités de ce niveau. Dans les lignes qui suivent, nous nous pencherons sur l’une d’elles, Rabbi Moché Shapira zatsal.
Le beau-père d’un avrekh de Bayit Végan, autrefois riche, fit faillite. Ce dernier se mit alors à ramasser de l’argent pour tenter de redresser sa situation. Il frappa notamment à la demeure de Rabbi Moché Shapira, bien qu’il ne le connût pas de très près. Dès que le Sage entendit la détresse de ce nanti, il en fut très affligé. Très sensible aux sentiments d’autrui, il éprouva de la compassion pour cet homme, tombé d’un très haut sommet dans le plus grand précipice.
« Vous me dites qu’il était vraiment aisé autrefois ? demanda-t-il à l’avrekh.
– Tout à fait, confirma son visiteur. »
Le juste laissa échapper un profond soupir. Il sortit son chéquier et signa un chèque d’une très grande somme. « C’est tout ce que je possède actuellement », précisa-t-il, les yeux étincelant de larmes.
La majorité des histoires illustrant son véritable souci paternel pour ses élèves n’a pas été divulguée. En voici l’une d’elle, racontée par un de ses disciples, repenti :
« Rabbi Moché a toujours fait preuve de dévouement pour moi. On peut dire qu’il m’a construit du début à la fin, y compris pendant les périodes où, en proie au désespoir, je venais le voir en pleurs. Il m’a accompagné tout au long de mon existence, partageant mes difficultés et surmontant mes épreuves comme si elles étaient siennes. On pourrait dire qu’il m’a donné à manger à la cuiller, jusqu’à ce que je sois formé et devienne un homme de Torah.
« A une certaine période, j’étais alité à l’hôpital, cloué à mon lit à cause d’une maladie infectieuse. Durant une partie de mon hospitalisation, je n’avais pas le droit de bouger. A certaines heures de la journée, personne n’était à mes côtés pour m’assister physiquement. Or, à ma plus grande surprise, Rabbi Moché arrivait alors ! Il entrait dans ma pièce avec une bassine, me lavait les mains, me brossait lui-même les dents et répondait à encore d’autres besoins physiques. Dans mon piètre état, j’avais du mal à croire au spectacle que j’avais devant moi : Rabbi Moché de Slabodka, cet éminent Sage, se rabaissait à ces tâches.
« Ce n’est que bien plus tard que je réalisai, par son exemple, que l’homme s’y impliquant, quand la nécessité se présente, concourt à son image de gloire. »
Concluons par une autre histoire d’un de ses élèves de Or Saméa’h, qui avait besoin d’une greffe de rein. Le prix d’un tel organe compatible à son corps s’élevait à cent mille dollars, somme considérable à cette époque qui, bien-sûr, n’était pas en sa possession. Lorsque Rabbi Moché Shapira eut vent des souffrances de son disciple, il décida, sans hésiter un instant : « Qu’on fasse un emprunt bancaire ! J’hypothéquerai ma maison pour l’obtenir. »
Le pauvre malade, confus, ne savait que faire. Il hésita, tenta de refuser, mais, finalement, son Maître eut le dernier mot. Sa détermination était encore plus figée qu’une hypothèque, sort que connut son appartement.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Un signe du Ciel
Lors de l’inauguration d’un Beit Hamidrach à Paris, je pris place parmi le public et demandai au Créateur de me donner un signe que ce lieu saint Lui serait consacré et que la voix de la Torah y retentirait constamment.
Soudain, un couple, accompagné de son fils, se dirigea droit vers moi. La femme annonça : « Rav, voilà, je vous ai amené notre cher fils. »
L’espace de quelques instants, je restai confus. Je ne me souvenais pas d’eux et ne comprenais pas où elle voulait en venir. Aussi me rappela-t-elle que, quelque temps auparavant, son enfant avait dérapé et était tombé du troisième étage. Il était dans un état si critique que les médecins ne lui avaient donné aucune chance de survie. Désespérés, elle et son mari étaient venus me voir pour me demander d’implorer la Miséricorde divine en sa faveur, par le mérite de mes ancêtres. Je les avais également bénis.
« Le Rav nous avait promis que, par le mérite de ses ancêtres, notre fils guérirait et viendrait participer à l’inauguration de ce lieu, qu’il rejoindrait en marchant de manière autonome, ajouta-t-elle. Il y a peu de temps, il était encore plongé dans le coma. Or, quelques jours avant cette inauguration, il a soudain repris connaissance. Un peu plus tard, il s’est mis à parler et à communiquer avec nous. Finalement, il s’est tenu debout, sous les regards ahuris des médecins, qui peinaient à croire au miracle auquel ils assistaient.
« A présent, conclut la mère, comme le Rav nous l’avait promis, notre fils est venu en parfaite santé se joindre aux réjouissances de cette inauguration. »
Après avoir entendu ce merveilleux récit, je remerciai le Tout-Puissant pour tous les bienfaits qu’Il prodigue sans cesse à Ses créatures et, en particulier, pour la prodigieuse guérison qu’Il avait accordée à cet enfant.
M’adressant ensuite au Rav Salomon chelita, qui était assis à mes côtés et avait lui aussi entendu ce remarquable témoignage, je dis : « J’avais demandé à l’Éternel de me donner un signe que ce lieu Lui serait voué, ainsi qu’à la sainte Torah. Or, ce miracle atteste clairement qu’avec l’aide de D.ieu, ce Beit Hamidrach sera telle une pierre angulaire pour le peuple juif, répondant à sa soif de Torah, et qu’il créera une grande sanctification du Nom divin dans le monde. »
CHEMIRAT HALACHONE
L’interdiction de faire une allusion, un clin d’œil ou un signe
L’interdiction de médisance ne se limite pas à la parole. Elle inclut toutes les expressions manifestant la désapprobation. C’est pourquoi on n’a pas le droit de médire par écrit ou en faisant une allusion, un clin d’œil ou un autre signe de ce type dénotant un jugement négatif.
De même, il est prohibé de montrer à autrui une lettre ou un article dénonçant un individu, ainsi que de révéler l’identité de l’auteur d’un livre ou d’un article déprécié par le public. Il est également interdit de montrer des photographies de gens si cela risque de les humilier.
PERLES SUR LA PARACHA
Le Tsadik allume les âmes des enfants d’Israël
« Et toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de te choisir une huile pure d’olives pilées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence. » (Chémot 27, 20)
Notre Maître, le Tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita, explique ce verset sur le mode allusif : par sa sainteté, le juste a le pouvoir d’allumer les âmes des enfants d’Israël pour le service divin.
Les mots « et toi » se réfèrent au juste, tandis que la suite du verset signifie que les membres du peuple juif devaient lui apporter leurs âmes, auxquelles fait écho l’huile par la similarité des lettres composant les termes néchama et hachémèn.
Le mot « pillées » renvoie à notre devoir de briser notre ego, d’annuler notre être devant le Tsadik, « le luminaire », qui éclaire nos yeux.
Enfin, l’expression « afin d’alimenter les lampes en permanence » signifie que le juste allume nos âmes, auxquelles la lampe fait allusion, comme il est dit : « L’âme de l’homme est un flambeau divin. » (Michlé 20, 27)
Etudier la Torah sans se distraire
« De te choisir une huile pure d’olives pilées, pour le luminaire. » (Chémot 27, 20)
Rabbénou ‘Haïm ben Attar, le saint Or Ha’haïm, explique que ce verset fait allusion à la Torah, comparée à l’huile, toutes deux éclairant le monde. C’est pourquoi il est précisé « pure », afin de nous enseigner notre devoir d’étudier avec désintéressement, sans que se mêlent des mobiles personnels, à l’image de l’huile totalement pure.
Dans son ouvrage Roua’h ‘Hokhma, Rabbi Chabtaï Aton zatsal ajoute une autre déduction de ce verset : nous ne devons pas détourner notre attention de l’étude, car « les paroles de Torah se perdent aussi facilement que les ustensiles en verre » (‘Haguiga 15a). Aussi, nous incombe-t-il d’étudier continuellement, sans nous distraire. Tel est le sens de la suite du verset, « afin d’alimenter les lampes en permanence (tamid) » : il s’agit d’être assidu (matmid) pour que la flamme de la Torah se maintienne dans notre cœur et que notre étude perdure.
L’allumage des bougies, une ségoula pour la royauté
« Règle invariable pour leurs générations. » (Chémot 27, 21)
Bien que, de nos jours, nous n’ayons plus de Temple, les synagogues et les lieux d’étude existent toujours et on y allume une lumière en permanence.
Dans le Midrach Hagadol, nous pouvons lire : « Celui qui a l’habitude d’allumer la lampe dans les synagogues et lieux d’étude méritera la royauté, comme il est dit : “Ner engendra Kich, celui-ci Chaoul” (Divré Hayamim I 8, 33) et “Il y avait un homme de la tribu de Binyamin, nommé Kich, fils d’Aviël” (Chmouel I 9, 1). » Aviël fut surnommé Ner, parce qu’il allumait les lampes des synagogues et des lieux d’étude, ce qui lui donna le mérite d’avoir le roi Chaoul pour descendant.
Une bonne pensée, considérée comme un acte
« Et la ceinture de son éphod qui est sur lui sera du même travail, elle en fera partie. » (Chémot 28, 8)
Concernant une mitsva, il existe un célèbre principe selon lequel « une bonne pensée est considérée comme un acte », même si un empêchement ne nous a pas permis de la traduire en acte.
Le ‘Hida retrouve cette idée dans notre verset. Vé’héchev aphoudato (litt. : la ceinture de son éphod) : si on a une pensée (ma’hachava) de mitsva, qui embellit (aphoud) l’homme, elle sera considérée comme un acte (kémaasséhou ; litt. : du même travail). Toutefois, comme le souligne la fin du verset, miménou yihyé (elle en fera partie), ceci n’est valable que dans la mesure où l’on désirait réellement effectuer la mitsva et n’y est pas parvenu, à cause d’un cas de force majeure.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La force réside dans le début
« De te choisir une huile pure d’olives pilées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence. » (Chémot 27, 20)
Dans la Michna (Ména’hot 8, 4), nos Maîtres affirment : « Il y a trois récoltes d’olives et, pour chacune d’elles, trois qualités d’huile. Les premières à mûrir, on les récolte au sommet de l’arbre. On les cueille et les écrase dans un panier ; c’est la première pression. Puis, on place la poutre et les écrase ainsi : deuxième pression. Enfin, on broie une deuxième fois avec la poutre : troisième pression. L’huile de première pression est réservée à l’allumage de la ménora, celle des deux suivantes utilisée pour les offrandes. »
Nous pouvons nous demander pourquoi seule l’huile de première pression pouvait être utilisée pour l’allumage du candélabre.
Proposons une interprétation moraliste s’appuyant sur l’enseignement de nos Sages : « Faites-Moi une ouverture de la taille du chas d’une aiguille et Je vous ouvrirai des portes assez larges pour laisser passer des chariots. » (Chir Hachirim Rabba 5, 2) Rabbi Tan’houma, Rabbi ‘Hounia et Rabbi Abahou affirment au nom de Rèch Lakich : « Il est écrit : “Tenez-vous cois (harpou) et sachez que Moi, Je suis D.ieu.” (Téhilim 46, 11) Le Saint béni soit-Il dit aux enfants d’Israël : abandonnez (harpou) vos mauvais actes et sachez que Je suis votre D.ieu. » Rabbi Lévi dit : « Si les enfants d’Israël se repentaient, serait-ce un jour, ils seraient immédiatement libérés et le descendant de David viendrait les libérer, comme il est dit : “Oui, Il est notre D.ieu, et nous sommes le peuple dont Il est le pasteur, le troupeau que dirige Sa main. Si seulement aujourd’hui encore vous écoutiez Sa voix !” (Téhilim 95, 7)»
Il en résulte que le Saint béni soit-Il ne nous demande qu’une seule chose : s’engager sur la voie du repentir et des bonnes actions. Dès l’instant où nous entamons ce processus, Il nous aide à surmonter notre mauvais penchant.
Nos Maîtres nous enseignent par ailleurs : « On mène l’homme dans la voie qu’il désire emprunter. » (Makot 10b) Tout dépend donc du commencement, comme le prouve également le verset : « Le début de la sagesse, c’est la crainte de l’Eternel. » (Téhilim 111, 10) De même, il est dit : « Et maintenant, ô Israël ! Ce que l’Eternel, ton D.ieu, te demande uniquement, c’est de révérer l’Eternel. » (Dévarim 10, 12) Du moment qu’on est animé de crainte du Ciel, on détient tout. Dans le cas contraire, on n’a rien et, même si l’on se repent, ce n’est pas sincère.
D’où la prépondérance du commencement, duquel tout dépend. L’essentiel d’un acte ou d’une mitsva réside dans son amorce. D’après les Richonim (introduction du Rokéa’h), la piété trouve sa force dans son début ; par la suite, l’habitude nous pousse à nous relâcher et à manquer de méticulosité.
Dès lors, nous comprenons pourquoi seule l’huile de première pression pouvait être utilisée pour l’allumage du candélabre, car l’Eternel signifiait ainsi à Ses enfants leur devoir de faire une toute petite ouverture, que Lui-même amplifierait ensuite, leur permettant de vaincre leur penchant. Pour peu que nous commençons à nous engager sur la bonne voie, le Créateur nous aide à y persister. C’est pourquoi nous ne devons pas nous décourager à cause de l’ampleur des mitsvot exigées de nous et du nombre considérable de péchés desquels nous devons nous éloigner, puisque c’est notre premier pas qui est important, à l’image de l’huile extraite au départ. Par la suite, nous bénéficierons de l’assistance divine.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
La satisfaction que l’Eternel retire des sacrifices est la plus importante qui soit, comme le souligne leur appellation de réa’h ni’hoa’h, littéralement « odeur agréable », ainsi commentée par Rachi : « J’éprouve de la satisfaction (na’hat roua’h) en cela que J’ai dit et Ma volonté a été remplie. » Il s’agit là d’un service divin pur, dénué de tout mobile personnel, procurant un plaisir tout particulier au Très-Haut.
Une lecture superficielle nous conduirait à penser que le Saint béni soit-Il retirerait de la satisfaction de l’odeur agréable s’élevant des sacrifices. Mais, Rachi nous révèle que ce qui Le contente tant, c’est la pureté d’intentions qui les accompagne, lorsque nous Les offrons dans le seul but de nous plier à Sa volonté.
Rav Binyamin Birenstweig chelita pose la question suivante : toute mitsva accomplie correspond à la volonté divine, aussi pourquoi seuls les sacrifices sont-ils considérés comme la satisfaction de celle-ci (réa’h ni’hoa’h) ? La supériorité des sacrifices sur les autres mitsvot réside dans la perfection qui les caractérise, car on les offre entièrement à D.ieu, sans chercher à en retirer le moindre profit. A l’inverse, on doit débourser de l’argent pour les offrir. On satisfait ainsi pleinement le Créateur.
Nous pouvons en tirer une conclusion relative à l’ensemble des mitsvot : celui qui observe une mitsva uniquement pour contenter l’Eternel, Le satisfait lui aussi pleinement, car Il a pour seule intention de se plier à Sa volonté. A notre époque, en l’absence de sacrifices, écrit Rabbi Meïr Robman zatsal (Zikhron Meïr), toute mitsva accomplie dans cet esprit de perfection donne entière satisfaction au Saint béni soit-Il.
Dans l’ouvrage Ohel Moché, est rapportée une histoire merveilleuse et émouvante. Rav Its’hak Eizenbach naquit dans une célèbre famille orthodoxe de Jérusalem. Dans son enfance, il était très actif et joyeux et contribua grandement à l’animation des rues et des sentiers de la ville.
Un Chabbat après-midi, il se dirigea vers le Kotel en passant par la porte de Yaffo et la vieille ville, emplie d’une population arabe. Soudain, il aperçut une pièce d’or sur le sol, dont la valeur permettait de combler les besoins d’une famille nombreuse, comme la sienne, durant deux semaines.
L’enfant fut ému d’une telle aubaine, grâce à laquelle il pourrait soutenir sa famille en proie à des difficultés financières. Mais, il se souvint aussitôt que son statut de mouktsé lui interdisait de la déplacer pendant Chabbat. Aussi, eut-il l’idée de mettre son pied sur sa trouvaille et de rester sur place jusqu’à la fin du jour saint, afin que personne d’autre ne la remarque.
C’est ainsi qu’il resta immobile durant plus d’une heure, en plein quartier arabe. Tout d’un coup, un jeune arabe lui demanda pourquoi il restait debout sans bouger. Au départ, il ne répondit pas, mais, suite aux insistances de ce curieux, il lui expliqua naïvement que quelque chose, en dessous de son pied, ne pouvait être ramassé pendant Chabbat et… Ne lui laissant pas le temps de terminer sa phrase, son interlocuteur le poussa brutalement à terre, s’empara furtivement de la pièce et prit la fuite.
Quand Its’hak, couché au sol et étourdi, se fut remis de son choc, le voleur avait déjà disparu de l’horizon. Affligé, il poursuivit sa route vers le beit hamidrach de Rav Na’houm Tabarski zatsal, où son père avait l’habitude de prier min’ha et de faire séouda chlichit. Généralement, son fils était chargé d’arranger les chaises autour de la table et de dresser celle-ci avec toute la nourriture. Mais, ce jour-là, il dérogea à son habitude et alla s’asseoir dans un coin, désœuvré. Le Rabbi de Tchernobil, qui l’aimait beaucoup, sentit que quelque chose n’allait pas.
Il s’approcha de l’enfant et lui demanda ce qui s’était passé. « Personne n’a mis la table aujourd’hui, nous avons besoin de toi. Tu as l’air si triste… » Its’hak lui raconta son aventure et lui exprima sa tristesse d’avoir perdu un si grand trésor. Le Sage l’écouta attentivement, puis lui prit la main et lui dit : « Maintenant, viens t’asseoir près de moi et, après Chabbat, tu m’accompagneras à la maison. »
A la clôture du Chabbat, ils se dirigèrent ensemble vers la demeure du Rabbi. Arrivé à son domicile, ce dernier ouvrit le tiroir de sa table pour en sortir une pièce d’or, semblable à celle trouvée par l’enfant dans la vieille ville. « Cette pièce est à toi, dit-il. Mais, je te la donne à la condition que tu me cèdes en échange la récompense de ta mitsva, accomplie aujourd’hui ! »
Its’hak, confus, posa son regard sur le juste et lui demanda, étonné : « Le Rabbi veut m’échanger cette pièce contre le salaire de ma mitsva ? »
Il répondit : « Oui. Aujourd’hui, tu as sanctifié le Nom divin de manière exceptionnelle, en t’abstenant de ramasser la pièce d’or pour respecter la sainteté du Chabbat. Une mitsva si parfaite pour un enfant de ton âge ! Je te demande donc de bien vouloir me donner sa récompense en échange de cette pièce d’or. »
Its’hak, interdit, ne savait plus que faire. Observant la pièce, il évalua rapidement tout ce qu’elle permettrait à sa famille d’acheter. Puis, il leva les yeux vers le Sage et s’exclama : « Si la mitsva que je viens de faire a une si grande valeur, elle n’est pas à vendre ! »
Le Rav se pencha vers l’enfant et lui baisa le front.
Durant de nombreuses années, Rabbi Its’hak prit l’habitude de raconter à ses enfants et petits-enfants cette histoire et la moralité qu’il en retira durant son enfance. Le Rabbi de Tchernobil parvint à lui illustrer concrètement, plus que tout ce qu’il apprit par la suite au cours de son existence, l’inestimable valeur, aux yeux de l’Eternel, d’une mitsva accomplie avec une pureté d’intentions absolue.