Ki Tissa 6 Mars 2021 כב אדר התשפ"א |
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Comment entraîner le déploiement de la Présence divine sur soi
Rabbi David Hanania Pinto
Notre paracha évoque plusieurs ordres et lois relatifs à la construction du tabernacle et au service qui devait y être effectué. D’après le Alchikh, il est dit « Ils Me feront un sanctuaire et Je résiderai au milieu d’eux », et non pas « au milieu de lui », pour signifier que l’Eternel réside en chaque Juif. La construction et l’aspect du tabernacle, ainsi que la manière dont on y servait l’Eternel, éléments qui contribuaient au déploiement de la Présence divine, constituent des guides nous indiquant comment en devenir les dignes réceptacles en nous sanctifiant et nous purifiant.
La première mitsva mentionnée est celle de l’apport des demi-siècles, servant à compter les enfants d’Israël et utilisés pour la construction des socles, constituant la base du tabernacle. Chacun devait apporter la même somme : « Le riche n’augmentera rien et le pauvre ne diminuera rien. » Le Daat Zékénim explique que, de cette manière, les plus aisés ne pouvaient pas prétendre avoir une plus grande part que les autres dans l’édification du tabernacle. On peut ajouter que c’est aussi pourquoi la Torah a demandé d’apporter un demi-sicle, plutôt qu’un entier, afin d’annihiler du cœur de l’homme la fierté en lui faisant prendre conscience qu’il n’est qu’une moitié, incomplète. Le Saint béni soit-Il tient compte, avant tout, du cœur de l’homme, comme il est dit : « Un cœur brisé et abattu, ô D.ieu, Tu ne le dédaignes point. »
Les commentateurs expliquent également que la notion de moitié symbolise l’imperfection de l’homme, qui ne peut atteindre la plénitude que s’il se lie à son prochain, s’associe à la communauté. Par conséquent, la perfection du Juif doit obligatoirement passer par la solidarité, qui marque notre spécificité et supériorité sur les autres nations.
Or, les concepts de soumission et de solidarité sont liés. Car, la fierté entrave la solidarité. L’orgueilleux se considère, en tout point, meilleur que son prochain ; aussi refuse-t-il de se lier à lui.
De même que l’humilité et la solidarité représentaient les forces sous-tendant le tabernacle, elles sont également la base du tabernacle personnel de tout Juif, qui doit s’éloigner de la fierté, elle-même faisant fuir l’Eternel, incapable de coexister avec l’individu imbu de lui-même (Sota 5a). A l’inverse, au sujet de celui gardant le profil bas, il est dit : « Sublime et saint est Mon trône ! Mais, il est aussi dans les cœurs contrits et humbles. » (Yéchaya 57, 15)
Ainsi donc, la solidarité, force de la communauté, est également une condition au déploiement de la Présence divine. D’ailleurs, Celle-ci ne réside que sur un groupe composé d’au moins dix personnes. De même, D.ieu ne descendit sur le mont Sinaï qu’une fois la solidarité atteinte parmi Ses enfants, comme le souligne le singulier du verset « Israël campa là, face à la montagne » – comme un seul homme, d’un seul cœur.
Le deuxième sujet de notre paracha est celui de la construction du bassin, dans lequel les Cohanim se lavaient les mains et les pieds pour se purifier avant d’entamer leur service. Chacun d’entre nous a la dimension d’un Cohen servant l’Eternel. Notre raison d’être est de Le servir fidèlement, en ne cherchant qu’à satisfaire Sa volonté. Cette mission nous oblige à préserver notre sainteté et notre pureté, tant au niveau de la pensée que de l’acte, afin d’être dignes de servir le Roi des rois, devant qui il ne sied pas de se présenter « revêtu d’un cilice » – spirituellement parlant.
Le bassin était construit à partir des miroirs des femmes. Quand nous nous tenons devant un miroir, qui nous renvoie notre image, cela peut éveiller en nous la conscience de l’omniprésence divine, nous rappeler qu’« un œil voit, une oreille entend et tous tes actes sont inscrits dans le livre ». Celui qui parvient à ce niveau de perception de la réalité divine et ressent que tous ses gestes sont vus et répertoriés, s’évertuera à préserver sa pureté, à s’éloigner de tout péché, invitant ainsi la Présence divine à résider dans son être.
Le texte évoque ensuite l’ordre de préparer l’huile d’onction et de la répandre sur le tabernacle et ses ustensiles. Il est dit « Un bon renom est préférable à une bonne huile », l’huile symbolisant les bonnes actions, comme il est écrit : « Une huile aromatique qui se répand. » L’homme doit s’efforcer de cultiver les vertus, d’accomplir de nombreuses bonnes actions, d’avoir un bon renom et d’être aimé de D.ieu comme des hommes. De même que l’huile sanctifiait le tabernacle et ses ustensiles, les bons actes de l’homme sanctifient son corps, permettant à la Présence divine de s’y déployer.
Enfin, la quatrième mitsva de notre section est celle de l’encens, qui fait allusion à plusieurs conduites devant être adoptées par l’érudit et tout homme qui désire être réceptacle de la Présence divine. Nos Sages (Cala 3b) déduisent du verset « bien mélangé (mémoula’h), pur et sacré » qu’un érudit doit être agréable envers tout homme, et non pas comme une marmite sans sel (méla’h). Il lui incombe de se conduire de sorte à susciter l’admiration des gens, de leur faire aimer la Torah et de sanctifier le Nom divin. En témoignant, par sa personne, combien la Torah raffine et élève l’homme, on entraînera une volonté générale, dans l’humanité, de s’y attacher et d’acquérir ses atouts. Le Nom divin sera ainsi sanctifié et la Présence divine plus manifeste dans l’univers.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « La parole de l’Eternel me fut adressée en ces termes : fils de l’homme (…). » (Yé’hezkel chap. 36)
Lien avec la paracha : dans la haftara, est évoqué le fait qu’aux Temps futurs, le Saint béni soit-Il purifiera le peuple d’Israël avec de l’eau mêlée à de la cendre de vache rousse, thème central de la parachat Para – la mitsva de la vache rousse et la purification des personnes impures par ce procédé. La lecture de cette paracha nous prépare mentalement à l’ère messianique.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Des signes du Ciel
« J’ai vécu un évènement tragique, mais qui m’a permis de revenir vers mon père céleste ! » C’est ainsi qu’un de mes visiteurs, un Juif de Nouvelle-Zélande, introduisit son histoire.
« Une nuit, poursuivit-il, une forme m’apparut en rêve. “Je suis venu t’annoncer que ton fils est mort en dormant, me dit-elle sans ambages. Tu as, à présent, deux possibilités : soit continuer à dormir, soit te lever pour vérifier si c’est vrai. Mais, dans tous les cas, quoi que tu fasses, tu ne pourras rien changer à l’état de ton fils.”
« Je me réveillai en sursaut et m’approchai aussitôt de son lit. Il était couché, inerte. Passé le premier choc, je compris que c’était une punition envoyée du Ciel pour mes mauvaises actions et décidai donc de me repentir et de me soumettre au joug de la Torah et des mitsvot. »
Je ne pus m’empêcher de demander au malheureux père : « Qu’avez-vous pensé lorsque vous avez découvert que la figure de votre rêve avait dit vrai et que votre fils était mort ? Avez-vous éprouvé de la colère, du dépit, des pensées de révolte ?
– Qu’aurais-je gagné à me révolter contre la volonté divine ? En quoi cela m’aurait-il aidé ? D.ieu est le Roi de l’univers et nous ne pouvons rien contre Lui ! »
La réponse de ce Juif, si courageux, constituait pour moi une grande leçon de émouna. Souvent, lorsqu’on reçoit un coup du Maître du monde, on est en colère et révolté contre Lui, réaction qui ne permet certainement pas d’atteindre le but recherché.
En fait, le Créateur voulait lui signifier de se rapprocher de Lui et de renforcer sa pratique des mitsvot, et non pas provoquer sa révolte. Lorsque l’homme est en colère et s’insurge contre Sa volonté, il ne se rapproche pas du tout du Créateur, pire, il s’écarte de Lui. Si bien qu’Il lui envoie encore d’autres signes et coups répétés pour le rappeler à l’ordre, jusqu’à ce qu’il s’incline et se repente.
Mais, n’est-ce pas dommage d’attendre tous ces signes et coups douloureux pour se reprendre ? Il lui aurait pourtant été possible de les éviter s’il s’était réveillé et repris tout de suite après le premier coup. Qui serait assez stupide pour rechercher sciemment les malheurs ?
Il serait donc sage de se repentir dès le premier signe envoyé par le Créateur. Car, dès qu’il se repentira de ses fautes, l’homme sera aimé en Haut et s’attirera une profusion de bienfaits divins.
PAROLES DE TSADIKIM
L’enthousiasme des paysans indiens
Cette semaine où nous lisons l’épisode du péché du veau d’or, nous rapporterons une histoire racontée par Rav Yé’hiel Meïr Tsouker chelita (Drouch Tov) au sujet du fils de l’un des juges du tribunal, qui s’est repenti et est aujourd’hui un grand érudit.
Le jeune homme, désirant s’évader un peu, décida de visiter l’Inde. Dans ce pays, il existe une loi interdisant d’apporter à la mer des boissons alcoolisées provenant de son domicile. Celui qui désire en boire doit en acheter au kiosque, dont les heureux propriétaires font de coquettes recettes. Quiconque est surpris en flagrant délit, sortant de son sac une canette de bière, se voit imposer une lourde amende.
Mais, notre touriste refusa de payer cinq dollars pour ce qui, au magasin, n’en vaut qu’un demi. Aussi, emporta-t-il une canette qu’il sortit de ses affaires. A cet instant, un Indien apparut et se mit à l’injurier en anglais, le traitant de voleur et d’effronté. Après avoir encore crié quelques bonnes injures, il s’arrêta soudain et lui dit : « Un instant… Etes-vous juif ? » Il répondit par l’affirmative et son interlocuteur se confondit alors en excuses : « Pardonnez-moi. Je n’avais pas l’intention d’offenser un Juif… »
L’Indien s’empressa de disparaître. Cependant, quelques minutes plus tard, il revint et demanda : « Pourriez-vous me rendre un service en m’accompagnant à mon village ? J’ai un scooter et je vous promets qu’en route, je vous montrerai de nombreux sites intéressants, desquels vous profiterez beaucoup. Vous êtes sans doute venu pour profiter, non ? Alors, vous pouvez compter sur moi pour cela ! »
L’Indien tint parole. Il le fit entrer dans de multiples lieux d’une rare beauté, malgré le détour que cela représentait. Comme il l’avait promis, cela en valait bien la peine. Finalement, ils arrivèrent au village. La conduite respectueuse des paysans à son égard laissait deviner qu’il était leur chef. Il fit signe à son invité de prendre place sur un banc, situé au centre du village, et d’attendre là. Quant à lui, il prit son scooter pour appeler les habitants à venir se rassembler sur la grande place, autour du jeune homme.
En quelques minutes, tous les paysans se trouvaient sur les lieux. Le chef descendit de son scooter, les fit taire et déclara : « L’homme qui est assis sur ce banc fait partie du peuple élu. Il est un membre du peuple choisi par D.ieu ! »
Les hommes simples furent saisis d’émotion. Certains s’empressèrent d’apporter des fleurs, d’autres des noix et des amandes, etc. Ils étaient si émus qu’ils ne savaient que faire.
Le jeune israélien conclut ainsi son histoire : « J’étais assis là, moi, un Juif complètement ‘hiloni avec des boucles d’oreilles, et je me demandais : “De quoi parle-t-il donc ? De quoi tous ces gens sont-ils si impressionnés ? Qu’est donc le peuple élu ? En quoi suis-je différent d’eux ?” J’étais si mal à l’aise que je me formulai le vœu de vérifier, dès mon retour en Israël, la signification d’appartenir au peuple élu.
« Et effectivement, je me renseignai immédiatement sur un endroit qui me fournirait de telles informations. On m’indiqua le séminaire de Arakhin et c’est là que commença mon processus de retour aux sources. »
Les nations du monde sont conscientes de la supériorité du peuple élu ; elles savent que les Juifs sont les enfants de D.ieu. Le problème est que nous-mêmes l’ignorons ! Nous ne réalisons pas notre spécificité, ne ressentons pas que nous sommes les chers enfants du Très-Haut.
CHEMIRAT HALACHONE
Créer un mauvais renom
Tous les types de médisance sont prohibés, même lorsqu’il s’agit de propos véridiques. Ceci ne les soustrait pas à l’interdit de dire du blâme ou des paroles risquant d’entraîner un préjudice.
Créer un mauvais renom (hotsaat chem ra), c’est-à-dire raconter des faits non véridiques, est un péché encore plus grave.
Dire des propos blâmables fondés sur la vérité, mais en exagérant ou en les modifiant, même légèrement, est inclus dans l’interdit de créer un mauvais renom.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La Torah, le vêtement de l’Eternel
« Et maintenant, laisse-Moi, que s’allume contre eux Ma colère et que Je les anéantisse, tandis que Je ferai de toi un grand peuple ! » (Chémot 32, 10)
Rabbi Abahou affirme : « Si ce n’était pas écrit, on n’aurait pas pu le dire. Cela nous enseigne que Moché attrapa le Saint béni soit-Il, à la manière dont un homme saisit le vêtement de son prochain, et lui a dit : “Maître du monde, je ne Te laisserai pas partir jusqu’à ce que Tu leur pardonnes.” » (Brakhot 32a)
Il va sans dire que cette image donnée par nos Sages a pour seul but d’illustrer clairement une idée, D.ieu n’ayant ni de corps ni d’image corporelle. Toutefois, il nous faut comprendre pourquoi ils ont précisément choisi l’exemple d’un homme saisissant quelqu’un par son vêtement pour représenter la démarche de Moché visant à supplier le Créateur de pardonner à Son peuple le péché du veau d’or.
Le vêtement a pour fonction de recouvrir et, en le voyant, on ne sait pas ce qui se cache en dessous. De manière générale, le nom renseigne sur l’essence d’une chose. La Torah est composée des Noms divins, comme si l’Eternel se dissimulait entre ses lignes.
Notre mission, dans ce monde, est de nous rapprocher de l’Eternel et de nous attacher à Lui, comme il est dit : « Aimer l’Eternel, votre D.ieu, marcher toujours dans Ses voies et Lui demeurer fidèles. » (Dévarim 11, 22) Cependant, on ne peut pas se lier directement à Lui, aussi nous a-t-Il donné la Torah, tissée de Ses Noms, afin qu’à travers elle, nous puissions adhérer à Lui.
La Torah est donc, en quelque sorte, le vêtement de D.ieu, duquel Il s’est recouvert ; par son intermédiaire, nous pouvons Le percevoir. Notre perception et notre attachement à Lui passent par Son vêtement, la Torah, comme l’écrit d’ailleurs le Ram’hal (prière 287) : « D.ieu un et unique (…), les cinq livres de la Torah, une Torah de lumière, sont Ton vêtement, comme il est dit : “Tu T’enveloppes de lumière comme d’un manteau.” »
Lorsque Moché vint supplier l’Eternel d’absoudre les enfants d’Israël et de ne pas les détruire dans Sa colère, il saisit Son habit, c’est-à-dire la Torah, arguant : le Saint béni soit-Il, le peuple juif et la Torah sont une seule entité, tandis que le monde entier n’a été créé que pour la Torah et le peuple juif, surnommés « début » (cf. Béréchit 1, 1 ; Rachi, Midrach), autrement dit, afin que celui-ci observe la Torah, comme l’affirme aussi le Zohar (Chémot 200, 1). Par conséquent, si D.ieu anéantissait le peuple juif, l’univers perdrait sa raison d’être, car nul ne pourrait plus justifier son existence par l’étude et l’observance de la Torah.
En saisissant le vêtement divin, la Torah, Moché exprima le lien indissociable existant entre l’Eternel, la Torah et Ses enfants, lui-même représentant ces derniers. D’où l’image choisie par nos Sages, illustrant ce triple lien indéfectible.
PERLES SUR LA PARACHA
La ségoula de la récitation de la kétorèt
« L’Eternel dit à Moché : “Choisis des ingrédients.” » (Chémot 30, 34)
Dans le Zohar, Rabbi Chimon bar Yo’haï loue la ségoula de la récitation du passage de la kétorèt : « Si les hommes savaient combien la lecture du passage de la kétorèt est chère au Saint béni soit-Il, ils prendraient chacun de ses mots pour en faire une couronne d’or sur leur tête. Celui qui le lit doit réfléchir et, s’il y médite chaque jour, il aura une part dans ce monde et dans le suivant, échappera à la mort, lui-même et toute l’humanité, sera soustrait à tous les décrets de ce monde, aux mauvaises sentences et au jugement de la géhenne comme de tous les royaumes. »
Rabbi Chimon ajoute que, lorsque la fumée de l’encens s’élevait en colonne, le Cohen y voyait les lettres du Nom divin s’envoler dans l’air et s’élever. Puis, plusieurs chars saints entouraient le Cohen de toute part, jusqu’à ce qu’il fût plongé dans la lumière et la joie.
Le papier de Rabbi ‘Hiya
« Qui le profane mourra. » (Chémot 31, 14)
Le Talmud de Jérusalem rapporte l’anecdote de Rabbi ‘Hiya qui vit un homme arracher des herbes pendant Chabbat. A la clôture de ce jour, le Sage se rendit chez ce dernier et lui écrivit sur un petit papier « Qui le profane mourra ».
Le Gaon de Vilna s’interroge : pourquoi ne lui a-t-il pas formulé ce reproche immédiatement et a-t-il préféré attendre la fin du Chabbat pour le lui écrire ?
Il explique que, du fait que ce Sage lisait la lettre Hèt comme un Hé (cf. Méguila 24b), s’il avait cité ce verset de la Torah, l’autre l’aurait compris méhaléla mot youmat, celui qui le loue mourra, ce qui aurait constitué un blasphème du Nom divin. C’est pourquoi il attendit la fin du jour saint pour le lui écrire.
La prolongation du Chabbat, une protection
« Gardez donc le Chabbat. » (Chémot 31, 14)
D’après le Yalkout Méor Haaféla, le respect du Chabbat inclut les ajouts que nous faisons avant son entrée et après son départ, en « ajoutant du ‘hol au kodech », ajouts qui sont source de protection pour nous.
On se montre strict à cet égard en accueillant le jour saint dès la chékia et en le clôturant le lendemain, à la tombée de la nuit. On fait ainsi du Chabbat une « garde » durant laquelle on s’abstient de tout travail.
Le péché et le retrait de la sainteté
« Il les brisa au pied de la montagne. » (Chémot 32, 19)
Dans son ouvrage Chté Yadot, Rabbi Avraham ‘Hizkouni explique pourquoi Moché brisa les tables de la Loi, alors qu’il est interdit de casser des objets sous des accès de colère. Il cite le commentaire du Maharcha sur le traité Chabbat (105b) selon lequel il n’est pas prohibé de déchirer un objet secondaire, et non essentiel.
Or, dans le Talmud de Jérusalem (traité Chékalim), il est rapporté que, lorsque le peuple juif commit le péché du veau d’or, les lettres inscrites sur les tables de la Loi s’envolèrent. Dès lors, à cet instant, celles-ci devinrent secondaires et il n’était donc pas interdit de les briser.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Bien souvent, nous sommes témoins d’événements incompréhensibles et nous demandons pourquoi l’Eternel les a suscités, quel est leur but. Néanmoins, passée une certaine période, qui peut parfois s’étendre sur plusieurs années, nous avons soudain face à nos yeux l’image complète, qui nous permet de voir de manière palpable la main divine à l’œuvre à travers ces faits à l’apparence si mystérieuse. Nous réalisons alors, après coup, que rien ne s’est passé par hasard et que, au contraire, tous les détails avaient été minutieusement calculés pour concourir à un but prédéfini, devant apporter le salut à l’ensemble du peuple juif, du particulier et de la communauté.
Le ‘Hatam Sofer – que son mérite nous protège – fait remarquer que cette idée se retrouve allusivement dans notre paracha à travers le verset « Tu Me verras par derrière, mais Ma face ne peut être vue » (Chémot 33, 23). Il laisse entendre que, si l’on désire percevoir la Providence divine, on ne doit pas s’attendre à comprendre immédiatement le sens de chaque événement. Uniquement une fois qu’il a atteint son but, nous sommes parfois en mesure, en reconsidérant les choses, de comprendre comment elles se sont complétées pour aboutir à leur finalité commune, conformément au plan divin, d’une complexité inégalable.
Le ‘Hafets ‘Haïm zatsal illustre cette idée par la parabole qui suit. Un Chabbat, un homme de passage dans une ville se joignit à la prière de la synagogue. Il observa comment le responsable distribuait les divers honneurs, notamment qui serait appelé à la Torah. D’après lui, il procédait de manière très étrange. Aussi, à la fin de la prière, il vint le voir pour lui exprimer son étonnement : pourquoi avait-il donné préférence à untel plutôt qu’à untel, fait passer ce fidèle avant cet autre et pour quelle raison ne suivait-il pas tout simplement l’ordre des places, ce qui aurait permis à chacun de savoir quand viendrait son tour et évité ainsi toute querelle ?
Le gabaï lui expliqua : « En venant parmi nous un seul Chabbat, il est évident que vous vous posiez de telles questions. Restez donc avec nous plusieurs semaines et vous comprendrez qu’untel avait déjà été mis à l’honneur le Chabbat précédent, qu’un autre célèbre une sim’ha ou commémore un yhartseit, et ainsi de suite. Vous réaliserez alors qu’avant de décider qui honorer, je dois tenir compte de multiples facteurs, bien plus nombreux que vous ne pensez. »
Il en est de même concernant l’existence terrestre de l’homme, souligne le ‘Hafets ‘Haïm. Il peut parfois lui sembler qu’il n’existe pas de Juge ni de jugement, que le Créateur favorise les impies et délaisse les jutes ou encore qu’un certain incident lui étant arrivé est un véritable malheur. Il se demande pourquoi il a mérité un si dur traitement, remet en question l’équité divine.
Or, en vérité, la vie de l’homme est trop courte pour lui donner le loisir de constater la réalité énoncée par le verset « Les jugements de l’Eternel sont vérité » (Téhilim 19, 10). Sa perception est trop étroite pour inclure tous les détails de la conduite divine et en appréhender la profondeur et la droiture.
Si le Saint béni soit-Il prolongeait la vie de l’homme et lui dessillait les yeux, il s’émerveillerait de l’ordre incroyable d’après lequel est gérée la création, à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective, et serait surpris de constater l’équité absolue du jugement divin. « Lui, notre Rocher, Son œuvre est parfaite, toutes Ses voies sont la justice même ; D.ieu de vérité, jamais inique, constamment équitable et droit. » (Dévarim 32, 4)
Dans son ouvrage Otsrotéhem Amalé, Rabbi Eliezer Tourk chelita nous donne un remarquable conseil pour renforcer notre foi dans la Providence individuelle. Il s’appuie sur une lettre écrite par les grands Maîtres de Diaspora, Rabbi Moché Feinstein et Rabbi Yaakov Kaminsky – de mémoire bénie –, en introduction à un recueil traitant de ce sujet. Voici, en substance, leurs paroles :
Au cours de son existence, tout homme est confronté à des difficultés, auxquelles il ressent ensuite avoir été soustrait de manière miraculeuse. Il est constamment exposé à un nombre incalculable de manifestations de la bonté divine. Par exemple, il lui arrive parfois d’avoir urgemment besoin de quelque chose quand, exactement à cet instant, il le reçoit de manière tout à fait inattendue. Il constate alors clairement la Providence divine dont il a pu jouir.
Combien est-il important et souhaitable d’écrire ces expériences dans un carnet personnel, qu’on pourra consulter à chaque fois que surviendra un malheur similaire ou différent. En lisant ces incidents passés vécus, on renforcera sa confiance en D.ieu. Il est très judicieux, pour l’homme, d’ancrer en son cœur la vérité élémentaire selon laquelle « il n’est rien en dehors de Lui » et la conscience claire que le Saint béni soit-Il ne retire jamais Sa Providence de lui, serait-ce l’espace d’un instant.
Le Rav Tourk chelita ajoute : « J’ai entendu de Rabbi Moché Mordékhaï Chlesinguer zatsal, auteur du Michmar Halévi, au nom du Rav de Brisk, Rav Soloveitchik zatsal, que l’homme peut davantage progresser en foi et confiance en D.ieu par le biais de ses propres aventures qu’en étudiant des livres de moussar traitant de ces sujets. »
Ainsi donc, la foi consiste essentiellement en la conviction que tout a été soigneusement programmé par le Très-Haut et s’est accompli par Son décret. Dès lors, les difficultés ne sont pas perçues comme accablantes, car nous savons qu’elles s’inscrivent dans le long processus devant être traversé pour notre bien. Cette conscience nous renforce et nous donne l’espoir de faire face plus facilement aux épreuves.