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Vayikra

20 Mars 2021

ז ניסן התשפ"א

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L’affection de l’Eternel pour Moché

Rabbi David Hanania Pinto

« L’Eternel appela Moché et lui parla de la Tente d’assignation pour dire. » (Vayikra 1, 1)

La parole divine sortait du Saint des saints, arrivait à la Tente d’assignation et s’arrêtait là. Rachi commente : « “Pour dire” : Va et dis-leur des divré khivouchin : c’est pour vous qu’Il me parle. Nous trouvons, en effet, que durant les trente-huit années où le peuple juif, dans le désert, fut comme frappé d’anathème depuis le péché des explorateurs, la parole divine ne s’attacha point à Moché. »

A priori, nous pouvons nous demander pourquoi la voix divine parvenait à Moché en passant par la Tente d’assignation, plutôt que d’arriver directement dans sa tente.

Une autre question se fait jour. Dans ses ‘hidouché Torah, Rabbi Yoël de Satmar zatsal objecte à Rachi que, d’après nos Sages (Taanit 16a), l’expression divré khivouchin se réfère à des paroles conquérant (kovchin) le cœur de l’homme et l’incitant à s’engager sur la route du retour, alors qu’ici, elle semble correspondre à des propos élogieux, puisque Moché dit aux enfants d’Israël que D.ieu ne lui a parlé que pour eux.

Pour renforcer sa question, il rapporte le Yalkout Chimoni : « On aurait pu penser que l’Eternel parlait à Moché pour lui dire des choses le concernant ; mais il est écrit “pour dire”, sous-entendant qu’Il lui parla par nécessité pour les enfants d’Israël. Autre explication : on aurait pu penser qu’Il ne lui parla que pour les besoins de la communauté ; mais il est écrit “pour dire”, d’où nous déduisons qu’Il s’adressa à Moché pour ses propres besoins. » Ce Midrach réclame des éclaircissements : dans quel but le Très-Haut s’adressa-t-Il donc à Moché ?

En préambule, rappelons la grandeur de Moché, le plus grand des prophètes. Malgré son sublime niveau spirituel, il était d’une humilité hors pair et incarna le principe selon lequel « les paroles de Torah ne se maintiennent qu’en une personne humble ». Tout homme doit être prêt à se sacrifier pour se plier à la volonté divine, à l’instar d’un animal acceptant volontiers qu’on l’abatte.

Telle doit être notre intention lorsque nous étudions la Torah. Nous devons nous atteler à cette tâche avec soumission et chercher, par ce biais, à connaître la volonté divine, et non pas à en retirer des honneurs. Moché, qui étudia tout en se considérant comme nul, nous transmit cette attitude. La Torah atteste à cet égard : « Or, cet homme, Moché, était fort humble, plus qu’aucun homme qui fût sur la terre. » (Bamidbar 12, 3)

Cette vertu, couronne de toutes les autres, trouve son expression dans le début du livre de Vayikra à travers la lettre Aleph, écrite en petit. Les jeunes enfants commencent à étudier la Torah par Vayikra. Quant à Moché, il avait lui-même le sentiment d’entamer cette étude, comme un jeune enfant. Il chérissait tant la Torah que même sa plus petite lettre Aleph, enseignée en premier aux enfants apprenant à lire, lui était chère. Tel est le sens implicite de vayikra, pouvant être décomposé en yakro (lui est cher) Aleph.

C’est justement pourquoi on initie l’apprentissage de la Torah chez les enfants par la paracha de Vayikra, afin que les paroles de Torah leur soient aussi chères qu’à Moché.

Avant sa mort, quand Moché s’apprêtait à transmettre son legs spirituel au peuple, il dit à D.ieu : « Tu as commencé à rendre Ton serviteur témoin de Ta grandeur. » (Dévarim 3, 24) A l’âge de cent vingt ans, après être monté aux cieux où il fut privé de nourriture durant quarante jours, avoir vu ce qu’aucun être humain n’a pu voir, être resté quarante ans dans la proximité de D.ieu et s’être plongé totalement dans l’étude de la Torah, Moché ressentait qu’il ne faisait que commencer à appréhender les paroles de l’Eternel. Quelle humilité !

Dès lors, notre question se trouve résolue. « D.ieu mène l’homme dans la voie qu’il désire emprunter » (Makot 10b), aussi, face à la modestie de Son serviteur, Il lui signifia que Son discours répondait aux besoins du peuple. Cependant, de Son point de vue, Il s’adressait à lui, qui équivalait à l’ensemble de ses membres. Si Moché considérait que l’Eternel lui parlait pour les enfants d’Israël, en réalité, Il s’adressait à lui par estime et affection.

Nous comprenons simultanément pourquoi la parole divine devait passer par la Tente d’assignation, car celle-ci et le tabernacle représentaient le domicile des enfants d’Israël et cela signifiait donc qu’elle était adressée à Moché pour les besoins de ces derniers, même lorsque ce n’était pas le cas.

Moché, estimant que l’Eternel ne lui parlait que pour eux, en déduisit qu’ils devaient être méritants. C’est pourquoi le Saint béni soit-Il lui conseilla de les prier de maintenir en eux un élan de prière et de repentir, ce qui garantirait la poursuite de Son discours à Moché pour leurs besoins. Telle était la teneur de ces divré khivouchin.

Il en ressort que l’homme doit aimer le Créateur de toutes les fibres de son être. Il vérifiera donc constamment s’il est sur la bonne voie, engagé dans cette direction. D’où la signification profonde de notre incipit « L’Eternel appela Moché et lui parla de la Tente d’assignation pour dire » : dans Sa grande bonté, l’Eternel interpelle toutes les âmes juives, leur enjoignant de s’attacher à la Tente d’assignation, afin que leur amour pour Lui soit aussi solide qu’un pieux inébranlable.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Ce peuple, Je l’ai formé pour Moi (…). » (Yéchaya chap. 43)

Lien avec la paracha : la haftara parle de l’époque du roi A’haz, qui ferma les portes du Temple afin d’empêcher que le service y soit accompli, tandis que la paracha évoque les lois relatives à l’apport des sacrifices.

PAROLES DE TSADIKIM

Que frottons-nous avant Pessa’h ?

Le livre de Vayikra débute par le récit d’un Juif qui a péché involontairement et doit apporter un sacrifice pour être absous. Il lui incombe de prendre une brebis saine et de l’apporter à Jérusalem pour qu’elle soit sacrifiée au Temple. Toutefois, pour que son sacrifice soit accepté, une condition doit être remplie : il doit l’apporter de plein gré, avec entrain et une volonté sincère de se repentir et d’y trouver l’expiation.

Cela étant, si quelqu’un, ne comprenant pas l’importance du sacrifice, n’était pas intéressé à l’apporter, il ne pouvait le faire de plein gré et, dès lors, il ne servait à rien de le réaliser. Dans de telles conditions, comment procédait-on ? On le frappait jusqu’à ce qu’il affirme vouloir l’apporter.

En réalité, explique Rav Kobalsky chelita dans son Pniné parachat hachavoua, dans le cœur de tout Juif brûle une puissante étincelle, une volonté réelle de faire le bien, de se plier à la volonté de son Créateur. Elle subsiste en chacun de nous, en toute situation et à tout moment, quels que soient notre passé et notre avenir. Il suffit de la raviver pour qu’elle se transforme en une grande flamme et nous conduise à l’action. Plus nous sommes conscients de cette volonté qui est nôtre, plus nous l’intériorisons et plus il nous sera facile de lui donner de l’ampleur et le pouvoir de nous pousser à accomplir notre véritable volonté – procurer de la satisfaction au Très-Haut.

Une année, à la fin du mois d’Adar, les Rabbanim de la Yéchiva se rendirent auprès de l’Admour de Loubavitz zatsal pour lui demander conseil au sujet d’un ba’hour, fraîchement arrivé, dont le mode de vie, très matériel, demeurait éloigné de celui de la Yéchiva. Ils cherchaient à l’aider à s’acclimater, mais ignoraient de quelle manière.

L’Admour leur répondit : « Qu’il étudie comme les autres ba’hourim durant la journée et, le soir, après les heures d’étude, qu’il se consacre au nettoyage de Pessa’h. Il déploiera tous ses efforts dans ces travaux de nettoyage. Les efforts physiques fournis dans ce domaine ont la ségoula de nettoyer le corps de l’homme de son aspect matériel dominant et d’octroyer une dimension spirituelle à son existence. »

Les Rabbanim furent sidérés, mais se plièrent néanmoins aux instructions du Rabbi. Or, quelle ne fut pas leur surprise de constater la métamorphose qui eut lieu dans le cœur du jeune homme. Le nettoyage purifia son âme de l’enveloppe matérielle qui l’étouffait et lui transmit un élan spirituel et des ambitions pures, si bien que, quelques années plus tard, il devint l’une des grandes figures des ‘hassidim de Loubavitz.

Les difficiles tâches de nettoyage auxquelles nous nous consacrons pleinement durant les semaines précédant Pessa’h opèrent aussi une métamorphose en nous. Comme l’a souligné Rabbi Pin’has de Karitz zatsal, ces travaux de nettoyage, de rangement, de tri d’objets superflus nous mènent à épurer et renouveler notre âme.

Soyons donc à l’affût de toutes les opportunités de frotter pour Pessa’h, car, par ce biais, outre la propreté physique gagnée, nous purifions également notre être et avons la possibilité de profiter de l’élan de renouveau et d’élévation spirituelle propre à la fête.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

La photo prémonitoire

Rabbi David Elbaz, directeur d’une école juive dans la région parisienne, m’a raconté qu’un jour, en faisant de l’ordre dans son bureau, il décida de jeter à la poubelle de vieux classeurs poussiéreux dont il n’avait plus besoin.

Soudain, une photo s’échappa de l’un d’eux. Il la ramassa aussitôt et la déposa sur la table, devant lui. Sans savoir pourquoi, à chaque fois qu’il passait à côté, ses yeux s’y posaient quelques instants. Pendant deux jours, cette photo resta sur la table et, à chaque fois qu’il la voyait, il pensait à cet élève, scolarisé quelques années plus tôt dans son école.

Deux jours plus tard, il reçut un appel. A l’autre bout du fil, on lui demandait s’il se souvenait d’un certain élève, qui avait autrefois étudié dans son école.

Stupéfait, il répondit que, depuis deux jours, il avait sa photo sous les yeux, sur son bureau. Cet élève, lui annonça-t-on, venait de périr tragiquement dans un accident de la route.

En entendant la terrible nouvelle, Rav Elbaz éprouva un choc. Une peur sourde l’envahit : il s’agissait de l’enfant dont la photo avait atterri sur son bureau. Il vint me trouver pour me demander s’il devait considérer qu’il y avait dans ce concours de circonstances une allusion à son intention.

Je le rassurai ; il ne devait absolument pas se sentir responsable. L’apparition soudaine de cette photo, deux jours avant l’événement tragique, était en fait un signe prémonitoire de la mort imminente de cet élève et de son devoir d’œuvrer pour l’élévation de son âme.

Il s’agit en réalité d’une grande leçon pour nous tous : l’avenir de personne n’est assuré. Nous vivons dans ce monde à titre provisoire. Aujourd’hui, ici-bas et, demain, dans le monde futur. C’est pourquoi nous devons faire provision de Torah, de mitsvot et de bonnes actions pour le Monde de Vérité.

Du fait que l’allusion à la mort imminente de cet élève était arrivée dans le bureau de son ancien directeur d’école, je suggérai à celui-ci d’organiser un grand rassemblement de sensibilisation, au cours duquel il raconterait l’histoire de cette photo soudain réapparue dans son bureau peu avant le décès tragique du jeune. Le fait que tous les participants se renforcent en prenant connaissance de cette histoire et de son message – à savoir que nul n’est éternel dans ce monde – serait une source de mérites pour cet élève et contribuerait immanquablement à élever son âme.

CHEMIRAT HALACHONE

L’impossibilité de se repentir pleinement

Le principal interdit transgressé par la médisance est « Ne va point colportant le mal parmi les tiens ». Cependant, comme l’explique le ‘Hafets ‘Haïm, celui qui enfreint les interdits de médisance et de colportage transgresse, simultanément, plusieurs commandements positifs et négatifs de la Torah.

L’homme ayant l’habitude de médire a de fortes chances de perpétrer bien plus qu’une seule transgression. C’est pourquoi nos Sages ont affirmé : « Pour trois péchés, l’homme est puni dans ce monde et perd sa part dans le suivant : l’idolâtrie, l’immoralité et le meurtre, tandis que la médisance équivaut à tous ceux-ci réunis. »

En outre, il est impossible de se repentir pleinement du péché de médisance, parce qu’il faudrait demander pardon à toutes les personnes desquelles on a publié le blâme, ce qui, dans la pratique, est impossible. En effet, on ne peut se souvenir de toutes et, de plus, on devrait également s’excuser auprès de leurs descendants.

PERLES SUR LA PARACHA

La corne du bélier, un signe éternel

« Le Cohen fera fumer le tout sur l’autel comme holocauste. » (Vayikra 1, 9)

D’après le Torat Cohanim, les mots « le tout » incluent les cornes et les sabots.

Dans son Or Ha’haïm, Rabbénou ‘Haïm ben Attar – que son mérite nous protège – demande pourquoi Avraham, lorsqu’il offrit un bélier en holocauste, laissa les cornes de côté pour en faire des chofarot (cf. Pirké de Rabbi Eliezer 31), plutôt que de les brûler avec le reste sur l’autel ?

Il propose plusieurs explications. Il brûla l’ensemble de la bête, mais les cornes dépassaient du feu et il est enseigné à ce sujet que « tout ce qui dépasse de l’autel, on ne l’y remet pas » (Zéva’him 86b).

Autre démarche : la Torah n’avait pas encore été donnée, même si Avraham l’accomplissait pleinement de son plein gré (cf. Yoma 28b). Tant que nos ancêtres n’avaient pas de contre-indication de la part de D.ieu, ils observaient les mitsvot. Mais, lorsque l’Eternel leur révélait qu’ils ne devaient pas s’y conformer, la chose leur devenait permise, comme par exemple le mariage de Tamar avec Yéhouda ou celui de Yaakov avec deux sœurs.

De même, ici, suite à une révélation prophétique (Béréchit Rabba 56, 9), Avraham conserva les cornes et ne les brûla pas sur l’autel.

Mitsva ou avéra ?

« Si un prince a péché en faisant, par inadvertance, quelqu’une des mitsvot que l’Eternel, son D.ieu, défend de faire et se trouve ainsi en faute. » (Vayikra 4, 22)

Pourquoi préciser « en faisant quelqu’une des mitsvot que l’Eternel défend de faire » ? S’il a fauté, il est évident qu’il a fait une chose défendue, s’interroge l’auteur du Divré Yoël de Satmar. Il pose une deuxième question : pourquoi son péché est-il qualifié de mitsva ?

Il en déduit un principe essentiel du service divin : le mauvais penchant s’attaque à l’homme avec ruse. Il ne lui demande pas directement de commettre une transgression, mais lui fait croire qu’il s’agit d’une mitsva. Evidemment, il procédait aussi de cette manière à l’égard du chef de tribu qu’il aveuglait en lui faisant prendre une avéra pour une mitsva.

Ainsi, il pensait accomplir une mitsva, comme le laisse entendre notre verset, alors qu’en réalité, il s’agissait d’une chose « que l’Eternel défend de faire ».

Certains ajoutent une plaisanterie à ce sujet. Un Juif entre par erreur dans une synagogue réformée. Sur un mur central, il remarque l’inscription : « L’étude de la Torah contre tout. » Interloqué, il questionne les fidèles sur leur lien avec l’étude. Ils répondent alors : « Nous lisons cette inscription à l’envers, de gauche à droite, comme en anglais : tous contre l’étude de la Torah. »

La coupable, l’âme

« Parle ainsi aux enfants d’Israël : lorsqu’une âme faute. » (Vayikra 4, 2)

Comme le rapporte le Midrach, dix membres sont au service de l’âme : l’œsophage pour la nourriture, la trachée-artère pour la voix, le foie pour la colère, les poumons pour la boisson, le feuillet [chez le ruminant] pour le broyage, la rate pour le rire, l’estomac pour le sommeil, la bile pour la jalousie, les reins pour la pensée et le cœur pour traduire celle-ci en acte.

Il est écrit : « Lorsqu’une âme faute. » Le Saint béni soit-Il dit à l’âme : « Je t’ai rendue plus importante que tous, tandis que toi, tu te permets de voler, de faire violence et de pécher ? »

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

L’affection de D.ieu pour Moché

Nombreux furent les Tsadikim de notre peuple qui se promenèrent dans les mondes supérieurs. On raconte que Rabbi ‘Haïm Pinto eut une fois ce mérite lors de la prière de moussaf. De même, au moment de l’ablution des mains de séouda chlichit, le Baal Chem Tov, dont l’âme errait alors dans les sphères célestes, apprit que le Or Ha’haïm décédait à ce moment.

C’est pourquoi celui qui maîtrise son mauvais penchant et se sanctifie, s’élevant en Torah et en crainte de D.ieu, dépasse les anges, toujours prêts à servir le Créateur et à exécuter Sa mission. En effet, dans ce monde, l’homme doit résister à toutes sortes de séductions, comme la médisance, l’immoralité, la fierté, la recherche des honneurs. Si, en dépit de tous ces obstacles, il ne cherche qu’à se rapprocher de l’Eternel et ne prête pas attention aux assauts de son penchant, il est évident qu’il se hisse à un niveau supérieur aux créatures célestes. Le verset dit à son sujet : « Héros puissants, qui exécutez Ses ordres. » (Téhilim 103, 20) C’est pourquoi, lorsque les enfants d’Israël déclarèrent « nous ferons et nous comprendrons », faisant preuve d’une maîtrise d’eux-mêmes, le Midrach les compara à des anges.

J’ai pensé que tel est le sens profond du verset « L’Eternel appela Moché ». Il n’est pas écrit « L’Eternel dit » ou « parla », mais « appela », verbe employé par la Torah au sujet des anges, comme il est dit : « S’appelant l’un l’autre, ils s’écriaient. » Par ailleurs, il exprime la proximité, comme l’indique sa valeur numérique, équivalente, à un près, à celle du terme vékarev ou du terme karov. Nous y lisons en filigrane que, de même que les anges sont très proches du Saint béni soit-Il, Il éprouvait cette même proximité avec Moché, qu’Il appela affectueusement et nomma par son nom. Cette grande proximité pour Son fidèle serviteur découlait de ses mitsvot et de ses bons actes.

Aussi, en marge du verset précité, « Bénissez l’Eternel, vous, toutes Ses armées » (Téhilim 103, 20), le Midrach commente qu’il s’agit de Moché et d’Aharon, dont la proximité avec l’Eternel dépassait les normes. Telle était leur unique aspiration dans ce monde, dans l’esprit du verset « Pour moi, le voisinage de D.ieu fait mon bonheur » (ibid. 73, 28). C’est pourquoi, lorsque Moché voulut se sanctifier et se purifier, il alla jusqu’à se séparer de sa femme, afin de rompre tout lien avec le monde matériel.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Epargner la tension aux nécessiteux

Au sujet de la première halakha de Pessa’h, le devoir d’étudier les lois afférentes à cette fête trente jours avant, le Rama écrit : « Il existe une coutume d’acheter du blé et de le distribuer aux pauvres pour les besoins de Pessa’h. » Dans le Chaar Hatsion, le ‘Hafets ‘Haïm zatsal rapporte la question du Beit David : il s’agit là d’une loi dans la Guémara figurant dans le Talmud de Jérusalem (Baba Batra 1, 6), aussi, pourquoi le Rama la mentionne-t-il en tant que coutume ?

D’après de nombreux décisionnaires, le Rama se réfère effectivement ici à une coutume. Car, selon la loi du Talmud, il suffit, la veille de Pessa’h ou très peu de temps avant, de donner aux pauvres l’argent nécessaire pour acheter du blé, alors que le Rama l’énonce comme une pratique qu’il juxtapose à l’obligation d’étudier les lois de la fête trente jours avant, afin de nous enseigner qu’on a l’habitude de le faire dès Pourim.

Rav Aharon Toïsig chelita raconte à ce sujet l’histoire qui suit (Mékarvan LéTorah sur la Haggada de Pessa’h).

Un des élèves du grand décisionnaire Rabbi Moché Feinstein zatsal le conduisait dans ses divers déplacements. Comme on le sait, le temps de ce géant spirituel était précieux, ses minutes comptées.

Un jour, il devait participer à une réunion importante avec les autres grands dirigeants du judaïsme américain, Rabbi Aharon Kotler et Rabbi Yaakov Kaminsky zatsal. Ils éclaircirent ensemble ce qui devait l’être et se prononcèrent sur les sujets en question. A dix heures, Rav Moché Feinstein demanda à ses pairs la permission de prendre congé d’eux. Il rejoignit son chauffeur et lui demanda de le conduire à une salle de fête, où un mariage était célébré.

Son élève s’intéressa : « Le mariage d’un élève ? » Le Rav répondit par la négative. « Celui d’un proche parent ? » reprit-il. « Si c’était le cas, la Rabbanite y aurait, elle aussi, participé. » Il ne poussa pas l’enquête plus loin.

Ils arrivèrent à destination. Le chauffeur accompagna son vénéré Maître et constata l’émotion palpable à son arrivée. Le père du ‘hatan sortit à la rencontre de Rabbi Moché, qui lui adressa de chaleureuses bénédictions. Puis, il ajouta : « Je suis en famille avec la cala et la connais personnellement. Vous avez eu le mérite de recevoir un trésor, sachez l’apprécier à sa juste valeur ! » Le disciple resta bouche bée.

Le père du marié, lui aussi surpris, s’excusa auprès du Tsadik : « Nous ne savions pas que vous étiez apparenté à la mariée… Nous vous aurions aussi invité à la ‘houpa. » Le Rav répondit : « Je m’y serais associé avec joie, mais je reviens juste d’une réunion importante avec mes collègues traitant de divers sujets communautaires. Je les ai quittés avant la fin pour vous rejoindre le plus rapidement possible. »

On l’accompagna ensuite à la table d’honneur où, contrairement à son habitude, il resta assis longtemps. De nombreux invités firent la queue pour lui souhaiter mazal tov en tant que parent de la cala, tandis que chacun d’eux se présenta et lui exprima sa joie d’être désormais en famille avec le Gadol hador. Rabbi Moché écouta patiemment ces vœux et leur en retourna avec son visage rayonnant, en attendant que les nouveaux mariés apparaissent. Ce moment venu, il se leva pour danser avec le ‘hatan. La joie et l’enthousiasme avaient atteint leur apogée. Le juste souffla aux oreilles de ce dernier l’éloge de son épouse, sa noble lignée, ses vertus et sa personnalité exceptionnelle.

Le marié et sa famille le remercièrent encore de s’être déplacé. Avant de quitter la salle, il appela une petite fille pour lui demander d’appeler la cala et de lui dire de venir près de la mé’hitsa. Elle apparut et y trouva Rabbi Moché, aux côtés de son fidèle élève. Elle était visiblement très émue. Il lui dit : « N’est-ce pas que nous avons des liens de parenté ? Il fallait absolument que je vienne. Tu es rentrée dans une belle famille. » Puis, il la couvrit de bénédictions, tandis qu’elle répondait amen avec ferveur, tout en pleurant.

« Puis-je vous reposer ma question ? s’aventura le chauffeur. Lorsqu’on était en route vers la salle, vous m’avez affirmé qu’elle n’était pas de votre famille…

– Je vais t’expliquer, commença le juste. Il y a quelques jours, j’étais en train d’étudier, quand la Rabbanite m’interrompit pour me dire qu’une cala était venue pour recevoir ma bénédiction. Je la reçus, la bénis de tout mon cœur et me replongeai dans mon étude. Mais, quelques instants après, mon épouse entra de nouveau dans ma pièce et me raconta que cette jeune fille, encore dans le couloir, pleurait à chaudes larmes. Elle en ignorait la raison et celle-ci refusait de la lui révéler. Je la fis donc entrer une seconde fois. En pleurs, elle me confia qu’elle venait d’une très pauvre famille de la vieille ville de Jérusalem. On lui avait proposé un jeune homme américain appartenant à une famille aisée, qui était prête à prendre en charge tous les frais du mariage à condition qu’il ait lieu sur place. N’ayant d’autre choix, elle avait accepté. Mais, aucun membre de sa famille n’avait pu se déplacer et elle se retrouvait donc seule, perdue dans une immense famille étrangère… Je lui demandai ce que je pouvais y faire et, sans perdre ses moyens, elle me demanda de venir à son mariage en me présentant comme son parent. De cette manière, expliquait-elle, sa belle-famille l’estimerait et la respecterait aussitôt. Au départ, je refusai, craignant de tromper les gens. Toutefois, elle n’était pas prête à céder. Elle argua que tous les Juifs sont en famille, proche ou lointaine, et sortit de son sac une invitation qu’elle me tendit. »

Une dernière question préoccupait encore le disciple du Rav : « Si vous lui aviez déjà adressé votre bénédiction, pourquoi vous êtes-vous attardé ce soir pour la bénir encore ?

– Ecoute bien. Elle m’a demandé de venir à son mariage parce qu’elle y fondait ses espoirs pour en retirer une place honorable dans sa nouvelle famille. La célébration ne se terminera que dans une ou deux heures et elle aurait alors demandé à son époux si je suis venu et s’en serait réjouie. Mais, en attendant, elle aurait été tendue et dans le doute. Malgré les danses faites autour d’elle, elle n’aurait pas pu être sereine et pleinement joyeuse. Si j’ai la possibilité de lui épargner ces moments de tension, pourquoi ne le ferais-je pas ? »

Il nous incombe de nous inspirer de la grandeur d’âme de ce Sage et de tenir compte des sentiments du pauvre. Voyant Pessa’h approcher à grands pas, il ne sait comment il pourra subvenir aux importants besoins de la fête. Epargnons-lui donc cette tension !

Certes, nous nous préoccupons de son sort, veillons à lui remettre l’argent nécessaire pour ses achats, le kim’ha dépiss’ha. Le Gaon de Vilna souligne à cet égard que, dans les versets « Sept jours durant, tu te nourriras d’azymes (…) ; on se nourrira de pains azymes durant sept jours » (Chémot 13, 6-7), le terme matsot figure deux fois, la première sans Vav et la deuxième avec cette lettre. Il explique que la première occurrence se réfère à l’ordre de consommer des matsot et la seconde à celui de veiller à ce que son prochain en ait également. C’est pourquoi ce mot figure d’abord dans sa transcription incomplète, car on est en droit de se limiter et d’économiser pour ses propres besoins, puis dans sa transcription complète, parce qu’il nous appartient de faire preuve de largesse et de générosité envers autrui.

De surcroît, on veillera à lui transmettre notre soutien le plus tôt possible, afin de lui éviter des jours de tension inutile. Or, cette attitude ne doit pas uniquement être adoptée envers les nécessiteux et à l’approche de Pessa’h : chaque fois qu’on est en mesure d’aider son prochain ou de le réjouir, on doit le faire le plus vite possible !

 

 

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