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Parachat Tazri'a Metsor'a

17 Avril 2021

ה אייר התשפ"א

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
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L’éducation des enfants et l’élevage des plantes potagères

Rabbi David Hanania Pinto

« Lorsqu’une femme, ayant conçu, enfantera un mâle. » (Vayikra 12, 2)

Les sections de Tazria et Métsora sont souvent lues le même Chabbat. Sachant que rien n’est le fruit du hasard, il existe sans nul doute un lien entre les deux, même s’il n’apparaît pas de manière évidente. Tentons donc de le définir.

La paracha de Tazria s’ouvre par les lois relatives à l’accouchée, impure suite à la naissance. Cependant, elle traite ensuite essentiellement de celles des diverses affections lépreuses qui, a priori, s’apparentent plutôt à la paracha de Métsora. Ces deux sujets entretiennent donc un rapport étroit. Quel est-il ?

L’homme était frappé de lèpre lorsqu’il avait médit de son prochain, comme l’indique le mot métsora (lépreux), pouvant être décomposé en motsi ra (dit du mal). Du fait qu’en publiant le blâme d’autrui, il poussait les autres à s’éloigner de lui, il était lui-même puni par l’excommunication.

En juxtaposant ce sujet et celui des lois relatives à l’accouchée, la Torah désire nous enseigner que, de même que la sanction du lépreux répond au principe de « mesure pour mesure », la descendance d’un homme s’y conforme également. Le fils calque sa conduite sur celle de son père, la fille sur celle de sa mère. Nous ne devons pas nous attendre à ce que nos enfants soient meilleurs que nous et, si nous voulons qu’ils empruntent la voie de la Torah, il nous incombe de leur en montrer l’exemple. Le cas échéant seulement, ils pousseront en donnant de bons arbres.

Les enfants sont surnommés zéra, « descendance », car ils sont la copie parfaite de leurs parents, les zéraïm. Tout comme il n’est jamais arrivé qu’en plantant des graines de pommes, on obtienne un oranger, notre progéniture nous ressemble fidèlement. L’homme clément et modeste aura des enfants dotés des mêmes vertus. Par contre, ceux de l’homme imbu de lui-même ou possédant d’autres vices les hériteront eux aussi.

Bien souvent, des parents viennent me voir en pleurs, se lamentant que leur fils ou leur fille ne les écoutent pas. Ils me demandent de leur parler pour les convaincre de ne pas réaliser leur mauvais projet. Bien entendu, j’essaie de mon mieux de les encourager et de les aider. Cependant, je ne peux m’empêcher de les réprimander en leur affirmant qu’ils pouvaient s’attendre à un tel résultat. Car, l’enfant qui n’a pas vu ses parents vivre à l’aune de la Torah et des mitsvot, n’a jamais vu son père participer à un cours de Torah ni sa mère allumer les bougies de Chabbat, qu’a-t-il donc du judaïsme ? Ce qu’on plante correspond exactement à ce qu’on récolte.

Une fois, un homme est venu me raconter que son fils voulait se suicider. Je lui répondis qu’un enfant de cet âge, qui a la vie facile et ne doit pas se soucier du gagne-pain ni de problèmes de santé, n’a pas gratuitement de telles intentions. Le père leva ses yeux pour signifier qu’il ignorait totalement d’où lui était venue cette effrayante idée. Quant à moi, fort de mon expérience, je compris rapidement quelle était sa source d’inspiration. Je demandai au père s’il regardait des films violents, ce qu’il me confirma, ajoutant qu’il aimait beaucoup ce genre d’émissions. Je lui fis remarquer qu’il avait là la réponse à sa question : si un enfant voit toute la journée des meurtres, il ne parvient plus à faire la distinction entre l’imaginaire et la réalité. Son âme s’est tellement abîmée que la vie humaine n’a plus de valeur à ses yeux, au point qu’il est prêt à mettre un terme à la sienne, sans raison véritable.

La double punition du médisant diffère en cela des autres sanctions de la Torah. Non seulement son corps est recouvert d’affections lépreuses, mais, en plus, il doit être excommunié et vivre à l’écart de la communauté. Il semble qu’à travers cette rigueur, se dissimule la bonté de l’Eternel, qui, par ce biais, cherche à éloigner au maximum les gens de ce péché, dans lequel il est si facile de trébucher, puisqu’il suffit d’ouvrir sa bouche.

Dans le ‘Hovot Halévavot, nous pouvons lire les lignes suivantes : « Le jour du jugement final, on montrera à chacun ses actes. Or, de nombreux individus constateront, dans le livre des mérites, des mitsvot qu’ils n’ont pas accomplies et figurant malgré tout à leur actif. On leur expliquera qu’il s’agit de celles des personnes ayant médit d’eux. De même, d’autres verront qu’il leur manque des mitsvot et s’interrogeront à ce sujet ; on leur dira qu’ils les ont perdues en médisant d’untel et d’untel. »

Quelle grande peine éprouveront alors ces derniers ! Quand un homme est puni pour son péché, cela est déjà très douloureux, en particulier lorsqu’il est question du jugement de la géhenne. Combien plus cela lui cause-t-il de peine lorsqu’il doit subir une sanction à cause de péchés perpétrés par quelqu’un d’autre, considérés comme les siens suite à sa médisance ! C’est pourquoi le Saint béni soit-Il a prévu, déjà dans ce monde, une si grande punition pour la médisance, de sorte à dissuader les gens de transgresser cet interdit et de le fuir comme le feu.

CHEMIRAT HALACHONE

D’après le principe selon lequel un homme doit être prêt à subir un préjudice social ou financier pour éviter de médire d’autrui, il semblerait qu’il soit interdit de médire même pour qu’un intérêt en soit retiré. Pourquoi donc la loi l’autorise-t-elle ?

Dans certaines situations, il est clair que des propos blâmant notre prochain seront utiles et il est recommandé de les prononcer. C’est le cas lorsque l’on cherche à aider celui dont on parle ou à protéger les autres de cet individu. Dans de telles situations, même si on doit évoquer ses défauts ou conduites répréhensibles, cela n’est pas considéré comme de la médisance. Des paroles entraînant un préjudice correspondent à de la médisance, mais des paroles utiles n’en sont pas.

Afin de faire la distinction entre ces deux, une grande sensibilité et une connaissance de la halakha sont nécessaires. Le ‘Hafets ‘Haïm énumère plusieurs conditions devant être remplies pour que des propos soient considérés comme utiles et n’aient pas le statut de médisance.

PAROLES DE TSADIKIM

La médisance ne parle pas ou est alléchante ?

Comme le soulignent nos Sages, le nom hébraïque du lépreux, métsora, indique sa faute, motsi ra, dire du mal. D’après les ouvrages saints, quand on ouvre sa bouche pour médire, on entraîne que l’Accusateur ouvre la sienne pour nous accuser et causer de grands désastres dans le monde.

Il existe une différence fondamentale entre les péchés de la parole et les autres, note Rabbi Réouven Karlinstein zatsal. Ces derniers sont perpétrés par le biais d’un acte, aussi minime soit-il. Par exemple, pour transgresser l’interdit de trier le Chabbat, il faut retirer une petite arrête du poisson. Par contre, la médisance peut être enfreinte sans faire la moindre action. On peut rester assis, passif et se contenter de parler…

D’un côté, les péchés liés à la parole sont si importants que la Guémara (Arakhin 15b) affirme : « Quiconque médit commet un péché aussi grave que les trois péchés cardinaux : l’idolâtrie, l’immoralité et le meurtre. » De l’autre, on trébuche très facilement dans ce type de péchés. En parlant simplement, on peut provoquer un immense désastre. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’on est en proie à une tempête sentimentale, où on ne maîtrise plus du tout son discours. Parfois, on pense parler de manière désintéressée et croit que chacun de ses mots est une mitsva…

Comment donc éviter cet écueil ? Certains interprètent les mots du verset « il sera emmené chez le Cohen » comme le devoir de se rendre chez cet homme, plus élevé que les autres membres du peuple, soit le ‘Hafets ‘Haïm, pour apprendre les enseignements de son recueil Chmirat Halachone. Il s’agit là du meilleur conseil pour ne pas tomber dans le travers de la médisance. L’Admour de Gour lui-même attesta que l’étude de cet ouvrage lui a été personnellement très profitable.

Un des élèves de la Yéchiva de Slabodka se rendit auprès du Roch Yéchiva, Rav Eizik Char, pour lui confier : « J’ai une très grande tendance à médire et je ne parviens pas à me maîtriser. Je retire d’autant plus de plaisir à raconter des histoires connues de personne. Ce désir brûle en moi comme du feu ! Si seulement le Rav pouvait me donner un conseil pour ne pas succomber à ce péché… »

Le Sage lui répondit : « Ton père est venu me voir il y a deux semaines et m’a demandé de tes nouvelles. Il m’a fait une très bonne impression. J’aimerais te poser une question : est-ce que tu aurais aussi envie de médire sur son compte ?

– Non, s’empressa de répondre le disciple. Je ne ressens aucun désir de médire de mon père.

– As-tu l’impression d’être confronté à une épreuve quand tu t’abstiens de médire de lui ? Ressens-tu que tu te maîtrises lorsque tu tais toute parole négative à son sujet ?

– Non, je n’ai aucune envie de dire du mal de mon père, ce n’est pas du tout une épreuve pour moi.

– Pourquoi ? Penses-tu que ton père n’a aucun défaut ?

– Tout le monde a des défauts, y compris mon père. Mais, je n’éprouve aucune envie de les publier. Plus encore, si j’entends quelqu’un médire de lui, je suis hors de moi et ne peux en dormir.

– Pourrais-tu m’expliquer pourquoi ? En quoi est-il différent des autres hommes ?

– Je ne veux pas dire du mal de Papa parce que je l’aime. Et, quand on ne veut pas parler, on se garde de parler.

– Tu viens juste de suggérer un merveilleux conseil pour maîtriser sa tendance de médire d’autrui : l’aimer ! Si tu aimes ton prochain, tu ne voudras plus médire de lui. Et, comme tu l’as affirmé, lorsqu’on ne veut pas parler, on ne parle pas. »

Tel est bien le secret pour éviter de tomber dans le péché de la médisance. Untel a des défauts ? Qu’importe donc ! Ton père aussi en a, ton fils également et même toi ! Malgré cela, on n’est pas porté à médire de celui qu’on aime.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Une simple salade composée ?

Au cours d’un voyage en avion, l’homme qui me rapporta lui-même ces faits avait très faim, mais il ne voulait pas consommer la nourriture servie dans l’avion du fait qu’elle n’était pas cachère.

Pourtant, les heures passaient et la faim le tenaillait, aussi finit-il pas aller demander le plateau-repas qui avait été servi à tous, dans l’intention de ne manger que la salade composée, qui, croyait-il, ne comportait pas de problème de cacheroute. Il s’agissait d’une erreur, car, même en ne mangeant que des légumes, on peut ingérer des substances interdites à la consommation.

Notre homme commença à manger, puis, trouvant que la salade était un peu fade, il y ajouta du vinaigre à partir du petit récipient qui l’accompagnait. Or, il s’agissait certainement de vinaigre produit à partir de vin non cachère, et donc interdit à la consommation d’après la Torah.

En outre, la salade contenait des crustacés. Même s’il les évita soigneusement, ceux-ci donnaient du goût à l’ensemble de la salade, si bien que les légumes en devenaient également interdits à la consommation. Ainsi, en ne mangeant « que » des légumes, notre ami avait consommé des aliments interdits !

Il faut faire attention à ce danger. On croit parfois que, même dans un plat non cachère, on peut consommer certains aliments, alors qu’en vérité, c’est non seulement risqué, mais pratiquement impossible. Aussi ne faut-il manger que des plats portant une certification de cacheroute délivrée par un organisme reconnu et fiable.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Or, quatre lépreux se trouvaient à l’entrée de la porte (…). » (Mélakhim II chap. 7)

Lien avec la paracha : la haftara rapporte l’histoire de quatre lépreux assis à l’entrée de la porte, ce qui correspond au sujet de la paracha de Métsora, évoquant les lois du lépreux qui doit être excommunié.

PERLES SUR LA PARACHA

La préséance de la mitsva de circoncision sur le Chabbat

« Au huitième jour, on circoncira l’excroissance de l’enfant. » (Vayikra 12, 3)

Dans son ouvrage Pardès Rimonim, Rabbi Avraham Halévi zatsal de Tsala, au Yémen, s’interroge : la mitsva de la circoncision a déjà été énoncée dans le livre de Béréchit (17, 12), comme il est écrit : « A l’âge de huit jours, que tout mâle, dans vos générations, soit circoncis » ; pourquoi donc le texte la répète-t-il ici ?

Il rapporte la Guémara (Chabbat 132a) selon laquelle on peut déduire de notre verset, « Au huitième jour, on circoncira l’excroissance de l’enfant », que la mitsva de circoncision a la préséance sur le Chabbat.

Mais pourquoi dans la section de Lekh-Lékha, la Torah n’a-t-elle pas employé, comme ici, l’expression « au huitième jour » ?

Si l’ordre de la circoncision n’avait été écrit que dans Béréchit, nous aurions pu nous leurrer en pensant qu’il n’avait la préséance sur le Chabbat que pour nos ancêtres, lesquels n’avaient pas encore reçu la Torah ni donc la mitsva du Chabbat. En l’écrivant une nouvelle fois ici, après avoir souligné la gravité du Chabbat, « Qui le violera sera puni de mort » (Chémot 31, 14), le texte nous enseigne que la circoncision a toujours la préséance sur le respect du jour saint, même après le don de la Torah.

Punir au moyen de la miséricorde

« S’il se forme sur la peau de l’homme une tumeur. » (Vayikra 13, 2)

Dans le Midrach, il est dit : « Lorsque les enfants d’Israël entendirent le passage des affections lépreuses, ils prirent peur. Le Saint béni soit-Il leur dit alors : “Ces punitions sont destinées aux nations du monde, mais vous, vous pouvez manger, boire et vous réjouir.” »

Ce Midrach réclame des éclaircissements. L’auteur de l’ouvrage Yitav Lev l’explique en s’appuyant sur l’interprétation du Maguid de Mezritch des paroles de l’hymne « Attire Ta grâce sur ceux qui Te connaissent, Eternel (El) jaloux et vengeur ». Généralement, le Nom El correspond à l’attribut de Miséricorde, aussi, comment peut-on l’associer aux mots « jaloux et vengeur » ?

Parfois, quand un roi désire punir un sujet, il commence par l’élever à un grade supérieur, afin qu’il finisse par comprendre de lui-même l’ampleur de son offense à son égard. Cette attitude est en soi une vengeance du roi. Dans cet esprit, nous prions pour que, même si nous fautons vis-à-vis de l’Eternel, Il nous punisse par des manifestations de grâce.

Tel est bien le sens du Midrach : les non-juifs ne peuvent être punis que par des sanctions concrètes, car, dans le cas contraire, ils ne reconnaissent pas la grandeur divine et ne regrettent pas leurs méfaits. A l’inverse, les enfants d’Israël peuvent l’être par le biais d’une profusion de bénédictions, apte à les mener au regret et au repentir.

Les portes de la prière fermées devant le lépreux

« Il doit crier “Impur, impur !” » (Vayikra 13, 45)

Nos Maîtres expliquent (Chabbat 67a) : « Le lépreux doit informer les autres de sa souffrance. » Rachi commente : « Il doit le faire lui-même. »

Nous pouvons nous demander pourquoi le lépreux devait informer le public de son état, plus que les autres malades.

L’auteur de l’ouvrage Midrach Yonathan nous éclaircit en s’appuyant sur l’interprétation de Rachi du verset « D.ieu entendit la voix du jeune homme » : « Nous en déduisons que la prière du malade lui-même vaut mieux que celle d’autrui pour lui. »

Le Zohar s’interroge : pourquoi le lépreux est-il appelé « enfermé » ? Il répond : parce que l’accès à sa prière est fermé dans le ciel. C’est la raison pour laquelle il doit renseigner les gens sur son état, afin qu’ils prient en sa faveur. Quant aux personnes atteintes d’une autre maladie, il est préférable qu’elles prient elles-mêmes.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

Avant tout, juger selon le bénéfice du doute

Lorsque l’homme ne parvient pas à déceler la vérité pure, comme l’Eternel en est capable, il ne juge pas positivement son prochain et médit de lui.

Tel est le lien existant entre les trois sections Tazria, Métsora et A’haré Mot, dont les initiales forment le mot émèt. Après la mort (a’haré mot), l’homme réalisera combien il s’est trompé en prenant la vérité pour le mensonge et inversement. Par exemple, il pensait bien faire en médisant d’autrui, du moment qu’il ne disait que la vérité à son sujet. Arrivé au monde futur, il réalisera son erreur grossière et les immenses dommages causés à son prochain par ses paroles, outre le fait qu’en médisant, il a aussi entraîné le départ de la Présence divine de son être.

La Guémara (Pessa’him 50a) rapporte l’histoire de Rabbi Yéhochoua ben Lévi qui, après être revenu du monde de la Vérité, le décrivit à son père comme un « monde à l’envers », où les individus honorés dans ce monde ne le sont pas, tandis que ceux qui ne l’étaient pas sur terre y jouissent d’une grande estime. Le jugement du monde futur est extrêmement subtil et l’homme est scrupuleusement jugé en fonction de chacune de ses moindres conduites terrestres.

Il est très difficile de savoir pourquoi untel a agi d’une certaine manière ; si l’on s’efforce de le juger selon le bénéfice du doute, on pourra supposer qu’il a été contraint d’agir ainsi à cause d’un cas de force majeure. Nos Sages nous mettent en garde : « Ne juge pas ton prochain tant que tu n’es pas arrivé à sa place. » (Avot 2, 4) Si on était à sa place, on en aurait sûrement fait de même. Par conséquent, en le blâmant pour cet acte, on transgresse l’interdit de médisance, puisqu’on octroie à autrui un défaut qu’on possède soi-même.

Tel est le lien étroit existant entre ces sections. Celui qui sème (tazria) de la médisance devient lépreux (métsora) ; ayant publié le blâme de son prochain, il est puni de lèpre. Il ne trouvera la réparation de son péché qu’après sa mort (a’haré mot), seule celle-ci lui apportant l’expiation. En effet, tout homme porte en lui l’image divine. Or, en médisant d’autrui, on lui retire la grâce qu’il trouvait aux yeux de la société. Personne ne veut plus le regarder, comme s’il était mort, privé de son image divine. Ceci corrobore les propos de nos Sages (Arakhin 15b) : « La médisance tue trois personnes : celui qui la prononce, son auditeur et l’homme auquel elle se rapporte. »

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Les mots sont gratuits mais valent de l’or

Les commentateurs s’interrogent sur le lien existant entre les sections de Tazria et Métsora qui se suivent. La première traite des affections lépreuses et la seconde, principalement des aliments interdits à la consommation.

Rav Israël Salanter zatsal explique que la lèpre frappait celui qui avait médit de son prochain, péché malheureusement répandu dans la société. Si la plupart des gens veillent à ne pas manger d’aliments interdits et vérifient scrupuleusement ceux susceptibles de contenir des vers, ils se permettent par contre, pour ainsi dire, d’avaler autrui vivant, en bafouant son honneur. La Torah a juxtaposé ces deux sujets afin de nous enseigner notre devoir de nous montrer aussi méticuleux concernant cet interdit que l’autre. Plus encore, le long processus nécessaire pour purifier le lépreux atteste la sévérité de sa faute, qui dépasse celle d’une consommation non conforme aux lois de la cacheroute.

On raconte l’anecdote suivante au sujet de Rabbi Israël Meïr Hacohen zatsal, auteur du ‘Hafets ‘Haïm. Il voyagea une fois en compagnie d’un autre Rav pour accomplir une certaine mitsva. En route, ils s’arrêtèrent à une auberge pour se restaurer. L’aubergiste, qui reconnut immédiatement les deux personnalités, les invita à prendre place à une table réservée aux personnes de leur rang et s’assura qu’on les serve correctement. Lorsqu’ils eurent terminé de manger, elle s’approcha d’eux et leur demanda : « Comment avez-vous trouvé mon repas ? »

« Très bon », répondit le ‘Hafets ‘Haïm. Puis, elle réitéra sa question à son accompagnateur. « Assez bon, dit-il, mais un peu trop salé. » Dès qu’elle entendit ce commentaire, elle se dirigea vers la cuisine. Le ‘Hafets ‘Haïm, visiblement troublé, pâlit. « Je n’arrive pas à croire ! Toute ma vie, je me suis efforcé de ne pas médire ni écouter de la médisance. Comment est-il possible que j’aie trébuché aujourd’hui en écoutant de tels propos ? Si j’avais su que cela arriverait, je n’aurais pas entrepris ce voyage. »

Face à la réaction du Sage, l’autre Rav sursauta et dit : « Qu’ai-je dit de si grave ? Après tout, j’ai seulement dit que le repas était bon, mais un peu trop salé... »

« Tu ne connais pas le pouvoir des mots, répondit le ‘Hafets ‘Haïm en sanglotant. Il est possible que la cuisinière soit une pauvre veuve ayant besoin d’argent. A cause de tes paroles, l’aubergiste va l’accuser d’avoir mis trop de sel. Pour se défendre, l’employée lui répondra qu’elle n’avait pas salé le plat et l’avait même goûté avant de le servir. L’autre l’accusera alors de mentir en disant : “Penses-tu vraiment que les Rabbanim sont des menteurs ? C’est toi la menteuse !ˮ Ils continueront ensuite à discuter et la patronne sera si irritée qu’elle la licenciera. La pauvre se retrouvera ainsi sans travail.

« Constate combien de péchés tu as transgressés, poursuivit-il. Tu as médit, tu m’as obligé, ainsi que l’aubergiste, à écouter ta médisance, tu l’as poussée à répéter tes propos devant l’intéressée, péché du colportage. Suite à cela, la cuisinière a menti, tandis que la maîtresse de maison a causé de la peine à une veuve. Enfin, tes mots ont entraîné une querelle entre ces deux femmes. »

Lorsque le Sage eut terminé son discours réprobateur, l’autre Rav répondit doucement : « J’ai l’impression que tout ceci est vraiment exagéré. Il n’est pas possible que mes mots aient provoqué tant de désastres. »

« Allons donc le vérifier à la cuisine », suggéra le Tsadik. Dès qu’ils en ouvrirent la porte, ils remarquèrent la cuisinière en train d’essuyer les larmes de son visage. Cette fois-ci, ce fut le Rav qui pâlit. Il s’excusa auprès d’elle pour la peine qu’il lui avait causée et la supplia de lui pardonner. Ensuite, il s’adressa à la patronne et lui demanda de bien vouloir pardonner son erreur à son employée et de la laisser continuer à travailler pour elle. Il lui proposa même de la payer pour cela.

C’était une femme bonne et généreuse. « Bien sûr, bien sûr, répondit-elle, elle continuera à travailler ici. Je voulais juste éveiller son attention à ce sujet. C’est une excellente cuisinière et je ne la renverrai pas. »

Rabbi Its’hak Zilberstein (Pri Amalénou) cite un célèbre adage : « Les mots sont gratuits, mais valent de l’or. » En effet, ils sont capables d’encourager même les personnes les plus déprimées. Le Zohar (Tazria 46b) affirme à ce sujet que, de même qu’après cent vingt ans, l’homme sera puni pour les mots déplacés ou légers qu’il aura prononcés (s’il ne s’en sera pas repenti), il sera également sanctionné pour s’être abstenu d’avoir adressé des paroles réconfortantes et des compliments à autrui.

Par exemple, au Collel ou au travail, si on garde le silence devant la réussite de son prochain dans un projet ou un bon acte qu’il a accompli, D.ieu nous en tiendra rigueur. Pourquoi ne pas l’avoir félicité ? De même, si une bonne amie s’est acheté un habit ou un nouvel appareil, pourquoi ne pas la complimenter ? Les mots ne coûtent pourtant rien et valent plus encore que l’or.

Ils peuvent faire revivre un homme ou, au contraire, le détruire, voire même le tuer. Si seulement nous décidions de nous évertuer, désormais, à dire un mot gentil à autrui au bon moment, à l’encourager ou à lui exprimer notre reconnaissance, nous jouirions d’un grand bonheur.     

 

 

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