Parachat Aharei Mot Kedochim 24 Avril 2021 יב אייר התשפ"א |
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Le choix du titre de notre section
Rabbi David Hanania Pinto
« L’Eternel parla à Moché, après la mort des deux fils d’Aharon qui, s’étant avancés devant l’Eternel, avaient péri. » (Vayikra 16, 1)
Mis à part le premier verset d’A’haré Mot qui évoque la mort des deux fils d’Aharon – événement plus longuement détaillé dans Chemini –, le reste de la section traite de sujets relatifs au sanctuaire. Aussi, pouvons-nous nous interroger sur le choix du titre de notre section, qui fait mention d’un épisode apparemment secondaire à celle-ci.
En guise de préambule, rappelons les différentes explications données de la peine capitale qui sanctionna Nadav et Avihou. Certains affirment qu’ils furent punis pour s’être consacrés au service du sanctuaire alors qu’ils n’étaient pas mariés, d’autres, pour y avoir pénétré dans un état d’ivresse. D’aucuns avancent qu’ils apportèrent un feu étranger sans en avoir reçu l’ordre, d’autres qu’ils enseignèrent la loi en présence de leur Maître. Enfin, il existe un avis selon lequel ils se rendirent condamnables par leurs propos insolents : « Quand donc ces deux vieillards mourront-ils et nous pourrons prendre leur succession à la tête du peuple ? » En réalité, il semble que chacun de ces écarts n’était, en soi, pas condamnable, mais que leur association outrepassa le seuil de tolérance divine et aboutit à leur mort.
En fait, ils étaient animés de bonnes intentions lorsqu’ils firent brûler de l’encens devant l’Eternel : ils craignaient que, par la force de l’habitude, les enfants d’Israël n’en viennent à manquer de respect à l’égard du tabernacle. De même qu’ils s’étaient accoutumés à la présence de Moché et Aharon, au point qu’ils avaient osé se plaindre auprès d’eux, ils risquaient aussi de manquer d’égards vis-à-vis de la Présence divine. Aussi, mus par un extraordinaire dévouement, Nadav et Avihou se résolurent à accomplir un acte qui entraînerait leur mort, afin de prouver avec force à tout le peuple la haute mesure de vigilance exigée vis-à-vis de la Présence divine et du tabernacle. Leur décision d’approcher un feu étranger se solda effectivement par leur mort, événement qui produisit l’effet désiré par les deux héros : peur générale du peuple, vigilance et un surcroît de respect pour le sanctuaire.
Les fils d’Aharon qui, soucieux de l’avenir des enfants d’Israël, se sacrifièrent pour eux, furent pleurés par ces derniers (cf. Vayikra 10, 6) et leur souvenir fut éternisé par l’appellation de la section d’A’harei Mot, évoquant leur mort. Celle-ci, traitant de divers aspects relatifs au sanctuaire, leur fut dédiée, afin de souligner que l’attitude respectueuse du peuple juif à l’égard du tabernacle, puis du Temple, doit leur être créditée, car ils parvinrent à sensibiliser leurs frères à l’importance de ce point.
Nos Maîtres affirment (Roch Hachana 18b) que la disparition de justes équivaut à la destruction du Temple et suscite le pardon divin. En ce qui concerne Nadav et Avihou, cette analogie apparaît plus vraie que jamais : prêts à sacrifier leur vie pour assurer le respect du sanctuaire, leur mort apporta l’expiation à la manière dont celui-ci l’apporte. C’est pourquoi, à Kippour, nous lisons une grande partie de la section d’A’haré Mot.
Les fils d’Aharon furent frappés de mort pour avoir outrepassé la mesure de tolérance divine. Loin de contredire leur remarquable niveau de piété – « Je serai sanctifié par Mes proches » –, ceci vise simplement à nous enseigner que le Maître du monde ne punit pas l’homme dès le moindre écart, mais uniquement lorsqu’il persiste dans le péché (Sota 9a). Si nous ne sommes pas en mesure d’appréhender la subtilité des erreurs de Nadav et Avihou, nous pouvons néanmoins en retirer une leçon : l’importance de se repentir au plus vite de tout écart afin que nos péchés ne s’accumulent pas et que D.ieu ne se trouve pas contraint de sévir avec rigueur.
Le Créateur ne punit jamais l’homme directement et de manière subite, mais commence par lui envoyer des signes de sorte à susciter son repentir – son costume se déchire, puis le moteur de sa voiture lâche en pleine route, enfin, il est atteint d’une maladie bénigne. Si tous ces avertissements ne suffisent pas à le remettre sur le droit chemin, D.ieu le confronte à une épreuve plus douloureuse, dans l’espoir que ceci le secoue et le ramène vers Lui (cf. Kidouchin 20a). Le Rambam (Toumat Tsaraat 16, 10) souligne que le calomniateur n’était pas immédiatement frappé de lèpre ; des altérations lépreuses apparaissaient dans un premier temps sur les murs de sa maison et ses ustensiles, puis, en seconde phase, sur ses vêtements ; seulement s’il ne s’était pas repenti, il se trouvait lui-même frappé.
Comme nous l’avons mentionné, la force de l’habitude constitue le principal obstacle à notre service divin. Les facultés physiques dont le Créateur nous a dotés nous apparaissent si naturelles que nous éprouvons de grandes difficultés à L’en remercier. Seul le spectacle d’une personne handicapée se déplaçant à l’aide de béquilles ou d’un aveugle s’aidant de son bâton éveille en nous un sentiment de reconnaissance envers l’Eternel, qui nous a donné un corps sain, grâce auquel nous avons l’inestimable chance de nous déplacer librement et de voir tout ce qui se passe autour de nous.
Le Saint béni soit-Il approuva la conduite de Nadav et Avihou et leur dédia précisément la section relative à la sainteté du sanctuaire, puisque ce sont eux qui en relevèrent l’honneur, tout en sanctifiant le Nom divin – comme il est dit : « Je serai sanctifié par Mes proches. »
PAROLES DE TSADIKIM
A qui était le paquet de gaufrettes ?
La Torah dessille nos yeux quant au regard que nous devons porter sur notre prochain : « Juge ton semblable avec impartialité. » (Vayikra 19, 15) D’après nos Maîtres, il s’agit de le juger selon le bénéfice du doute lorsque sa conduite semble répréhensible. Il nous incombe de mettre à contribution nos cellules grises pour trouver des arguments à sa défense, en dépit des apparences, de sorte à le considérer comme méritant.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce comportement digne ne correspond ni à une vertu ni à un excès d’indulgence, mais à une mitsva positive de la Torah, exactement au même titre que la récitation quotidienne du Chéma. Plus encore, même si, dans le passé, nous avions déjà établi qu’untel était une personnalité négative, il nous est demandé de modifier cette pensée et de lui découvrir des points positifs.
Dans la salle d’attente d’un certain service d’hôpital, un Juif entra, un sachet à la main contenant plusieurs documents médicaux et un paquet de gaufrettes. Il sortit quelques minutes, mais laissa son sachet sur le siège. A côté, un autre homme attendait lui aussi son tour. Lorsqu’il revint, il n’en crut pas ses yeux : ce dernier tenait en main le paquet de gaufrettes qu’il dégustait avec appétit. Il fut frappé par son effronterie de voler le bien d’autrui aux yeux de tous et de ne pas avoir su réprimer sa gloutonnerie.
Il s’empressa de prendre place à ses côtés pour se servir lui aussi, avant que l’autre ne termine tout son butin. Celui-ci ne semblait pas trop surpris, mais continua également à manger. Le spectacle de ces deux individus, qui ne se connaissaient pas et partageaient un paquet de gaufrettes, était plutôt étrange et amusant. On avait l’impression qu’ils concouraient pour en manger le plus possible.
Lorsqu’il ne resta plus que la dernière gaufrette dans le paquet, il pensait que son concurrent s’efforcerait de la lui céder. Cependant, ce ne fut pas le cas et il osa la lui prendre. Il ne lui restait plus que l’emballage, qu’il jeta à la poubelle. Il était en fureur contre cet étranger mal élevé. Heureusement, le médecin sauva la situation en l’invitant à entrer dans sa pièce.
A la fin de la consultation, il remit ses documents dans son sachet quand ses yeux tombèrent sur… son paquet de gaufrettes, intègre ! Il pâlit et se mit à trembler. Personne n’y avait touché. Il réalisa alors que lui-même s’était servi impoliment de celui de son prochain, alors qu’il l’avait pris pour un voleur.
Cette anecdote, publiée dans la revue Vaï Haamoudim, nous met en garde : il est impossible de connaître les mobiles ayant poussé quelqu’un à agir d’une certaine manière et on ne peut donc savoir s’il a eu raison. La seule chose dont nous sommes capables est de le juger positivement, en cherchant des circonstances atténuantes à ses actes. Et, telle est notre mission.
CHEMIRAT HALACHONE
Des paroles utiles
Dans quatre cas, il est permis de blâmer quelqu’un pour qu’un intérêt en soit retiré :
1. Afin d’aider cet individu, par exemple en parlant à un autre homme des défauts de celui-ci pour l’aider à s’améliorer.
2. Afin d’aider les personnes influencées négativement par la conduite de cet individu.
3. Afin de secourir les personnes ayant subi, de cet individu, des dommages physiques, sentimentaux ou financiers. Ou bien, pour protéger d’autres gens de tels dommages à l’avenir, notamment ceux qui auraient envisagé de conclure des affaires avec cet individu, duquel ils ne se méfient nullement.
4. Afin d’aider les gens à tirer leçon des erreurs de cet individu.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
L’influence de l’étude du moussar
« Rav Pinto, m’interrogea un jour un élève de Yéchiva, pourquoi ai-je l’impression de manquer de émouna, alors que j’étudie la Torah toute la journée ? Cela me perturbe beaucoup dans mon étude. »
En entendant cette question, je lui demandai quelle explication il pouvait lui-même proposer. Je lui suggérai de déterminer lui-même les causes éventuelles de ce phénomène. Après avoir réfléchi quelques instants, il me dit que cela venait peut-être du fait que, dans le cadre de son étude de la Torah, il ne consacrait pas assez de temps à celle du moussar.
En entendant cette réflexion honnête, je compris les paroles de la Michna : « Sans dérekh érets, point de Torah.» (Avot 3, 17) Le dérekh érets fait allusion au moussar – la morale –, tandis que la Torah évoque la foi et l’accomplissement des mitsvot. Par le biais du moussar, qui passe avant la émouna et les mitsvot, nous apprenons comment accomplir celles-ci de manière optimale, avec crainte du Ciel et amour du Créateur.
Un jour, un Juif religieux se présenta à moi et, me serrant la main, il me demanda si je me souvenais de lui. Je dus m’excuser et lui avouer que je ne le reconnaissais pas. Je rencontre sans cesse tellement de personnes qu’il m’est difficile de garder en mémoire leurs visages.
Sans se formaliser, cet homme m’expliqua que, douze ans plus tôt, alors qu’il était très loin d’accomplir la Torah et les mitsvot, il avait entendu un de mes cours. Il y a peu de temps, celui-ci lui était revenu en mémoire et il avait décidé de prendre un nouveau tournant dans sa vie et de faire téchouva.
Cette anecdote, qui démontre le pouvoir d’un seul cours de moussar, m’a beaucoup encouragé. Car, même si cette influence n’est pas immédiate, son effet subsiste de nombreuses années et, longtemps après, elle peut permettre à une personne de changer et de rapprocher son cœur du Créateur.
DE LA HAFTARA
« La parole de l’Eternel me fut adressée en ces termes : “O toi, fils de l’homme ! (…)” » (Yé’hezkel chap. 22)
Lien avec la paracha : le prophète se lamente sur les péchés des enfants d’Israël, sujet de notre paracha où D.ieu leur ordonne de ne pas imiter les pratiques abominables des nations.
Les Achkénazes lisent la haftara « N’êtes-vous pas pour Moi comme les fils de l’Ethiopie (…) » (Amos chap. 9) où il est question des tribus du royaume d’Israël qui furent exilées à cause des péchés de leur génération, écho au verset de notre paracha « Craignez que cette terre ne vous vomisse si vous la souillez ».
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Le pouvoir de l’influence
« Les pratiques du pays d’Egypte, où vous avez demeuré, ne les imitez pas, les pratiques du pays de Canaan où Je vous conduis, ne les imitez pas et ne vous conformez point à leurs lois. » (Vayikra 18, 3)
Comment concevoir que le peuple élu, qui avait déjà reçu la Torah, cherche à imiter la conduite de nations aussi immorales ? En outre, comme nous le savons, les enfants d’Israël méritèrent d’être libérés d’Egypte parce qu’ils restèrent fidèles à trois points d’ancrage dans leur tradition – leurs noms, leurs habitudes vestimentaires et leur langue et ne se mêlèrent pas au peuple égyptien. Par conséquent, ils avaient déjà démontré leur formidable capacité à préserver leur identité juive, aussi en quoi l’Eternel a-t-Il ressenti le besoin de leur ordonner explicitement de ne pas imiter le comportement des autres peuples ?
A première vue, cet ordre semble s’apparenter à la consigne plutôt absurde, adressée à un riche, de ne pas épouser la conduite du pauvre. Comment donc le comprendre ?
Rachi, dans son commentaire sur la Torah (Bamidbar 15, 39), nous en livre la clé : « L’œil voit et le cœur désire. » En d’autres termes, l’œil humain est naturellement attiré par le désir physique, si bien que, même lorsque l’homme ne souhaite pas se laisser entraîner par le spectacle qui s’offre à ses yeux, son cœur est rapidement séduit à son insu et il se retrouve soudain en train de commettre les plus graves transgressions. C’est pourquoi Dieu, qui « scrute les reins et les cœurs », connaissait la nécessité d’un ordre interdisant formellement à Ses enfants d’imiter la conduite des peuples non-juifs, puisque, même si telle n’était pas leur volonté, rien ne pouvait garantir qu’ils ne se laisseraient pas ensuite séduire progressivement, par la force de l’influence.
De fait, lors de l’exil des enfants d’Israël en Egypte, en dépit de leur fidélité à trois coutumes essentielles qui les avait certes préservés de l’assimilation totale, ils avaient néanmoins subi l’influence des mœurs dépravées de leurs oppresseurs. Ainsi, il est affirmé qu’ils avaient atteint le quarante-neuvième degré d’impureté. S’ils ne s’étaient pas abstenus des mariages mixtes, leur chute aurait été fatale. Le Créateur, conscient qu’un petit pas de plus les aurait définitivement plongés dans le cinquantième palier d’impureté, point de non-retour, leur accorda une assistance et une protection particulière.
PERLES SUR LA PARACHA
Le nouvel éclat de ce qui était sale
« Car, en ce jour, on fera propitiation sur vous afin de vous purifier ; vous serez purs de tous vos péchés devant l’Eternel. » (Vayikra 16, 30)
Pourquoi, après avoir été absous, est-il encore nécessaire de se purifier ? L’auteur du Haktav Véhakabbala répond en s’appuyant sur l’enseignement de nos Maîtres (Yoma 86b) selon lequel le repentir a le pouvoir de transformer les fautes volontaires en mérites. Cela étant, le terme « pur » a deux sens : dépourvu de toute saleté (comme lorsqu’on parle d’or pur) et brillant d’un éclat, comme dans le verset « limpide comme la substance du ciel» (Chémot 24, 10).
Notre verset se réfère à ces deux connotations du mot. Tout d’abord, il nous enjoint de nous purifier de nos péchés, puis, il nous promet que, si nous nous évertuons dans ce sens, l’Eternel nous purifiera Lui aussi et, de surcroît, donnera de l’éclat à notre saleté, transformant nos péchés en mérites.
Ne jamais désespérer
« Quand vous moissonnerez la récolte de votre pays, tu laisseras la moisson inachevée au bout de ton champ. » (Vayikra 19, 9)
Le Or Ha’haïm explique pourquoi ce verset, évoquant la mitsva de péa et lékèt, suit celui-ci « Cette personne sera retranchée de son peuple » : pour que celui auquel s’applique cette peine ne pense pas, en conséquence, être dispensé de l’observance des mitsvot.
Aussi, le texte poursuit-il en soulignant : « Quand vous moissonnerez la récolte de votre pays », sous-entendu, même quand un homme s’est retrouvé dans une situation où il est passible de la peine de retranchement, il ne doit pas s’abstenir de continuer à bien agir : « Tu laisseras la moisson inachevée au bout de ton champ. » Car, cette sanction qui lui est infligée ne s’applique pas à l’ensemble de son âme, mais uniquement à la partie de celle-ci parallèle à la mitsva transgressée ; ses autres parties sont donc encore rattachées à leur racine. Toute âme juive possède des racines supérieures correspondant chacune à une mitsva de la Torah, aussi, même dans le cas où l’une d’elles est coupée, il doit veiller à préserver les autres et éviter qu’elles le soient également.
C’est pourquoi le verset poursuit : « Tu ne ramasseras point la glanure de ta moisson » en perpétrant de nombreux péchés, car l’Eternel désire que, par le biais de cette glanure restante, l’homme éprouve un éveil intérieur et se repente, afin qu’Il le prenne en pitié. D’après nos Sages (Yoma 86a), même si un homme a transgressé des péchés sanctionnés par la peine de retranchement ou de mort, il peut obtenir le pardon au moyen d’un repentir sincère.
Juger favorablement un voleur
« Juge ton semblable avec impartialité. » (Vayikra 19, 15)
On raconte qu’un jour où Rabbi Zalman de Volozhin se rendit au mikvé, il remarqua que sa chemise avait disparu. Il revêtit alors directement sa veste et retourna chez lui.
Dès son arrivée à son foyer, son épouse remarqua qu’il n’avait pas de chemise et le questionna à ce sujet. Il répondit : « Un pauvre l’a sans doute prise pour la sienne par erreur. »
« Alors pourquoi n’as-tu pas pris la sienne ? lui demanda-t-elle.
– Parce qu’il a oublié de la laisser… »
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
L’association de l’Eternel à une amitié solide
Il existe un lien étroit entre notre paracha et la période dans laquelle nous nous trouvons, celle de la supputation du Omer, où il nous est demandé de corriger nos traits de caractère et notre conduite vis-à-vis d’autrui.
En marge du verset « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, Je suis l’Eternel » (Vayikra 19, 18), l’Admour de Rozhin souligne que la fraternité et l’amour d’autrui sont des valeurs si fondamentales que, lorsque deux Juifs s’aiment sincèrement et sont prêts à tout faire l’un pour l’autre, le Saint béni soit-Il dit « Je suis l’Eternel », autrement dit exprime Sa volonté de s’associer à leur amitié.
Rabbi Arié Chakhter zatsal raconte (Arié Chaag) l’histoire de deux amis intimes et fidèles. Une fois, des mauvaises langues fomentèrent un complot contre l’un d’eux et l’accusèrent à tort. Il fut convoqué en justice, jugé puis condamné à mort. Son ami déploya tous ses efforts pour prouver son innocence et l’épargner de ce sort. Mais, en vain, à son plus grand regret.
Arrivé le moment fatal, on lui proposa de formuler une dernière requête, selon la coutume. Il exprima alors le vœu de revoir une dernière fois sa femme et ses enfants avant de quitter ce monde. Toutefois, sa famille habitant dans un autre pays, on lui opposa un refus, de peur qu’il n’en profite pour s’enfuir.
Sur ces entrefaites, son ami intervint et dit : « Je suis prêt à rester en prison jusqu’à ce qu’il revienne. Ainsi, s’il ne revient pas, je monterai à sa place sur la potence. » Nombre furent ceux qui tentèrent de le dissuader d’entreprendre un acte aussi généreux au péril de sa vie, mais l’amitié prit le dessus et il refusa de les écouter. Il s’assit derrière les barreaux, heureux de permettre ainsi à son meilleur ami de revoir ses êtres chers avant sa mort.
Le dernier jour où il était supposé revenir arriva, alors qu’il n’avait pas encore fait son apparition. Ceux qui avaient conseillé à son ami de ne pas se laisser emprisonner à sa place lui soulignèrent combien ils avaient eu raison. Mais, là encore, il rétorqua avec ardeur : « Vraisemblablement, il a eu un empêchement qui ne lui a pas permis d’arriver à temps. Dans le cas contraire, il serait certainement revenu. Quoiqu’il en soit, même s’il ne parvient pas à revenir à temps, je suis prêt à mourir à sa place. »
L’heure sonna et l’inculpé n’était toujours pas là. On fit alors monter son ami sur la potence, s’apprêtant à le tuer. Alors qu’on avait déjà attaché la corde autour de son cou, un cheval au grand galop s’arrêta soudainement pour laisser descendre son cavalier, tant attendu. Il s’empressa de demander : « Suis-je arrivé à temps ou ai-je du retard, à D.ieu ne plaise ? Mon cher ami est-il encore vivant ? J’ai été retardé en route, mais j’ai fait tous les efforts pour arriver le plus vite possible afin qu’il ne subisse pas le sort qui m’était réservé. »
Les deux amis, en larmes, se jetèrent l’un au cou de l’autre. Mais, une discussion tenace se tint bientôt entre eux. L’homme qui était déjà monté sur la potence argua : « On m’a mené jusque-là et je me suis donc préparé à accepter la mort, aussi qu’on me tue. Quant à toi, retourne donc en paix chez ta chère famille. »
Cependant, l’inculpé rétorqua : « C’est moi qui ai été condamné à mort. Il n’est pas question que tu meures à ma place ! Veuillez libérer mon ami et pendez-moi, conformément à la sentence qui a été prononcée. »
Ceci entraîna un grand tumulte. La peine ne pouvait être appliquée tant que l’affaire n’avait pas été éclaircie. Elle arriva rapidement aux oreilles du roi, qui ordonna qu’on fasse venir aussitôt les deux intéressés. Lorsqu’ils se présentèrent à lui, il leur demanda de lui raconter les faits de manière totalement véridique, ce qu’ils firent.
Ils lui expliquèrent : « Nous sommes des amis intimes et chacun d’entre nous désire renoncer à sa vie pour sauver celle de l’autre, bien que nous soyons tous les deux innocents. » Ces paroles touchèrent profondément le monarque, qui s’écria : « Je suis prêt à vous accorder à tous deux la vie sauve, mais à une condition : que vous m’associez à votre amitié. »
Tel est le message dissimulé dans notre verset : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, Je suis l’Eternel. » Si nous aimons autrui comme nous-mêmes, le Saint béni soit-Il aspire à s’associer à notre amitié. Tel est le véritable amour du frère juif.