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Parachat EMOR

1er Mai 2021

יט אייר התשפ"א

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
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Décharge-toi sur D.ieu de ton fardeau, Il prendra soin de toi

Rabbi David Hanania Pinto

« Quand vous serez arrivés dans le pays que Je vous accorde et que vous y ferez la moisson, vous apporterez un omer des prémices de votre moisson au Cohen. » (Vayikra 23, 9-10)

La Torah évoque ici l’ordre d’apporter au Cohen un omer des prémices de sa moisson. Puis, elle poursuit par la mitsva de compter sept semaines complètes, menant à la fête de Chavouot, anniversaire du don de la Torah. De nombreux commentateurs demandent pourquoi le Créateur ordonna à Ses enfants d’apporter des prémices de leur moisson au prêtre et que sous-tendait Son injonction d’établir ensuite un compte de sept semaines aboutissant à Chavouot. Cette fête n’aurait-elle donc pas pu être célébrée le six Sivan sans passer préalablement par ce compte?

De fait, les deux buts essentiels de la libération des enfants d’Israël d’Egypte étaient le don de la Torah et la prise de possession de la Terre Sainte – où ils seraient en mesure d’accomplir les mitsvot ne s’appliquant qu’à ce pays et de construire le Temple. Or, le Saint béni soit-Il savait que lorsqu’ils entreraient dans ce pays, ils se soucieraient de leur gagne-pain, se demandant d’où il leur proviendrait s’ils consacraient leur temps à l’étude de la Torah et l’observance des mitsvot. Aussi leur a-t-Il demandé de faire don des prémices de leur moisson au prêtre dès leur entrée en Israël, afin de renforcer en eux la conscience que la subsistance et la réussite ne dépendent ni de leur force ni de leurs efforts, mais de la grâce de l’Eternel, qui nourrit l’homme en fonction de ses actes (Alchikh sur Vayikra 23, 9-10). Si les enfants d’Israël se montrent fidèles à la Torah, Il leur enverra de la nourriture en abondance, en minimisant les efforts qu’ils doivent fournir – les efforts ne pouvant être totalement contournés, en raison de la malédiction de l’homme « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain ».

Par conséquent, le fait d’apporter au Cohen les prémices de sa moisson avait pour but d’enseigner aux enfants d’Israël que leur gagne-pain ne dépend pas uniquement de leurs efforts, mais du Très-Haut, qui nourrit et pourvoit à la subsistance de toutes Ses créatures, « depuis les cornes des réémim jusqu’aux œufs des poux ». S’ils se plient à Sa volonté et s’attachent à la Torah, Il prendra en charge leur subsistance.

Puis, aussitôt après avoir remis au prêtre un prélèvement de la moisson, le peuple juif devra commencer le compte du Omer. Ce compte avait pour but de développer en eux une effervescence, une impatience pour la fête du don de la Torah, à laquelle il aboutit. Le fait de compter les jours qui s’écoulaient prouvait leur désir ardent de la recevoir et leur conscience qu’elle seule est à même de déverser sur eux la bénédiction, puisqu’elle leur ouvre largement les portes des trésors célestes. Cet état d’extase peut être comparé à celui qui s’empare d’un fiancé quelques jours avant son mariage : il attend cet événement avec une impatience telle qu’il compte les jours l’en séparant encore et, au fur et à mesure que le temps passe, son excitation ne fait qu’augmenter.

Nos Sages rapportent (Chémot Rabba 52, 3) l’anecdote suivante. L’un des élèves de Rabbi Chimon bar Yo’haï se rendit une fois en dehors d’Israël, où il s’enrichit considérablement. A son retour, les autres élèves, jaloux, voulurent eux aussi entreprendre ce voyage. Leur maître leur dit alors de le suivre vers une vallée où, sur son ordre, apparurent des milliers de dinars. Il leur dit : « Si c’est de l’or que vous désirez, en voici à votre disposition. Mais, sachez que tout ce que vous prendrez là vous sera déduit de votre part dans le monde futur, car c’est là que l’on reçoit la récompense pour la Torah, comme il est dit : “Elle pense en souriant à l’avenir.ˮ (Proverbes 31, 25) »

Face à ce reproche dissimulé de leur maître, les disciples réalisèrent l’immensité de la récompense réservée à ceux qui suivent la voie de l’Eternel. Ils laissèrent aussitôt derrière eux tous ces trésors, convaincus qu’un bonheur réel et une richesse authentique les attendaient dans le monde futur.

Selon la conception du monde de Rabbi Chimon, le monde entier ne tient que sur la Torah, aussi ne voyait-il pas la nécessité, pour l’homme, de travailler pour s’assurer un gagne-pain. Il était convaincu que celui qui étudie la Torah et s’efforce par tous les moyens de servir D.ieu, n’a pas à peiner pour sa subsistance, le Créateur s’en souciant Lui-même (Brakhot 35b).

S’il va sans dire qu’à notre niveau, nous sommes très loin du degré de sainteté sublime de Rabbi Chimon, cette grande figure peut néanmoins être pour nous source d’inspiration et raffermir notre foi en D.ieu, qui fixe le gagne-pain de l’homme du début jusqu’à la fin de l’année, et ce, en fonction de ses actes déterminant son jugement. Tel est le sens du verset des Psaumes « Décharge-toi sur D.ieu de ton fardeau, Il prendra soin de toi » (55, 23) : celui qui place sa confiance dans le Créateur et compte sur Lui pour lui assurer une subsistance bénéficiera effectivement de Son assistance.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Quant aux Cohanim lévites, descendants de Tsadok (…). » (Yé’hezkel chap. 44)

Lien avec la paracha : la haftara mentionne les lois relatives à la sainteté des Cohanim, suivant les directives du prophète Yé’hezkel, tandis que, dans la paracha, il est question des conduites saintes devant être adoptées par les descendants d’Aharon.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Épreuve et engagement

Une année, une femme me téléphona pour me faire part de sa détresse : son bébé avait de gros problèmes respiratoires et se trouvait dans un état très grave ; c’est pourquoi elle désirait que je le bénisse par le mérite de mes ancêtres.

Je demandai alors à la mère de s’engager à s’habiller plus décemment, comme la Torah l’exige de toute femme juive et, le mérite de ces Tsadikim aidant, les troubles respiratoires de son fils s’arrangeraient.

La mère s’y engagea et, grâce à D.ieu, l’état de son fils connut une amélioration notable. Cependant, après un certain temps, l’enfant fit une rechute et la jeune maman me téléphona pour me dire, avec une colère rentrée : « Si, à D.ieu ne plaise, cet enfant meurt, j’arrêterai de m’habiller avec pudeur. »

Je me désolai en l’entendant et lui dis : « Dans les Téhilim (24, 3), il est écrit : “Qui s’élèvera sur la montagne du Seigneur et qui se tiendra dans Sa sainte résidence ?” Dans ce monde, il existe deux types d’épreuves : celles qui visent à pousser l’homme à se repentir de ses fautes, en parallèle à la première partie de ce verset, et celles qui ont pour objectif de vérifier l’intensité de la foi et du dévouement d’un homme envers le Créateur, auxquelles renvoie la deuxième partie du verset. Il est difficile de gravir les degrés de la Torah et de la crainte du Ciel, mais infiniment plus dur de rester au niveau élevé que nous avons atteint.

« Aussitôt après la naissance de votre fils, vous avez été soumise à la première sorte d’épreuve et l’avez brillamment surmontée en prenant sur vous un important engagement dans le domaine de la pudeur. A présent, le Saint béni soit-Il a choisi de vous confronter à la deuxième sorte d’épreuve, afin de vérifier si votre engagement est ferme et constant, ou seulement temporaire pour la guérison de votre enfant.

« Avec l’aide de D.ieu, lorsque vous surmonterez l’épreuve et continuerez à respecter les exigences de la pudeur sans réserve ni condition, en dépit de votre mauvais penchant qui vous pousse à cesser, vous aurez rapidement le mérite de connaître la délivrance et de voir votre jeune fils guérir de sa maladie. »

Grâce à D.ieu, cette femme surmonta brillamment cette difficile épreuve envoyée du Ciel, tout en continuant à se renforcer dans le domaine de la crainte du Ciel, et son fils recouvra la santé.

CHEMIRAT HALACHONE

Vérifier l’authenticité de la source

Même si on est témoin d’une conduite a priori inconvenable d’autrui, on ne doit pas s’empresser de le juger négativement. Il est interdit d’en tirer une conclusion sur son caractère comme de trancher lequel des deux partis impliqués dans la querelle a raison.

Il convient de bien vérifier toutes les données avant d’estimer avoir cerné la situation. Plus encore, il est fondamental de maîtriser toutes les lois liées à ce sujet avant de déduire qu’untel a enfreint une transgression.

PAROLES DE TSADIKIM

Comment garder les mitsvot ?

Nous pouvons nous interroger sur la définition d’une personne « gardant la Torah et les mitsvot ». Que garde-t-on exactement ? Ce terme revient à maintes reprises dans le texte saint, notamment dans notre paracha où il est écrit : « Gardez Mes commandements et pratiquez-les. » (Vayikra 22, 31) En quoi consiste cette injonction et comment la remplir ?

Dans son ouvrage Yé’hi Réouven, Rabbi Réouven Karlinstein zatsal propose tout d’abord une première lecture : il s’agit de garder les mitsvot, c’est-à-dire de veiller à ce qu’elles ne s’abîment pas, de préserver leur qualité. Si on ne s’implique pas pleinement dans la mitsva et l’accomplit sans joie ni ferveur, elle perd de sa valeur.

Puis, il rapporte le remarquable commentaire de Rabbi Chalom Shwadron zatsal sur l’interprétation de nos Maîtres (Mékhilta) du verset « Gardez la fête des azymes » (Chémot 12, 17) : « Quand se présente à toi l’opportunité d’accomplir une mitsva, ne la repousse pas. » Rabbi Chalom demande pourquoi nos Sages ont déduit ce principe précisément de ce verset.

Il répond que, pour que la matsa devienne ‘hamets, on n’a rien besoin de faire. Une pâte faite à partir de farine et d’eau le devient automatiquement. C’est pourquoi ce verset concernant la matsa fait allusion à la manière dont il nous incombe d’aborder les mitsvot. Nous devons savoir qu’elles peuvent se perdre ou s’abîmer très facilement, sans même qu’on agisse négativement. Pour peu que nous ne les « gardons » pas, elles disparaissent ou perdent de leur valeur.

La récitation du birkat hamazone représente l’occasion propice pour se rapprocher de D.ieu. Nous Le remercions notamment pour la nourriture qu’Il nous donne. Quoi de plus merveilleux que cette expression de notre reconnaissance ! Celui qui ne dit pas « brit véTorah » n’est pas quitte de son devoir. Or, celui qui le dit, mais laisse son esprit planer ailleurs perd énormément, comme le soulignent l’auteur du Yessod Véchorech Haavoda ainsi que d’autres Sages. Si on ne se concentre pas sur la signification des mots que nous prononçons, on perd cette mitsva de la Torah.

Quand un homme se lève le matin, il devrait penser joyeusement au mérite qui l’attend bientôt de mettre les téfilin. Parfois, à son réveil, la première chose qu’il se demande est quelle heure il est. Peut-être pourra-t-il encore savourer quelques minutes de doux sommeil… ? Mais pourquoi donc cherche-t-il à le prolonger, alors qu’une mitsva si précieuse l’attend ?

Ainsi, l’injonction « gardez Mes commandements » sous-entend notre devoir de nous préparer à l’accomplissement de la mitsva afin de pouvoir la faire correctement, avec entrain. Le cas échéant, nous parviendrons à nous plier également à la suite de cet ordre, « pratiquez-les ».

PERLES SUR LA PARACHA

Garder son calme même durant un jeûne

« Ils ne feront point de tonsure à leur tête, ne raseront point l’extrémité de leur barbe et ne pratiqueront point d’incision sur leur chair. » (Vayikra 21, 5)

Compte tenu du tempérament coléreux des Cohanim, souligne Rabbi Yossef ‘Haïm, auteur du Ben Ich ‘Haï, la Torah les met particulièrement en garde contre ce vice. D’après nos Maîtres (Pessa’him 66b), « quiconque se met en colère, si c’est un Sage, il perd sa sagesse ». Or, son siège est dans l’esprit, d’où l’avertissement adressé aux prêtres : « Ils ne feront point de tonsure à leur tête. » En d’autres termes, ne vous emportez pas, de peine de devoir vous départir de votre sagesse.

Or, lors des jours de jeûne, même les gens généralement calmes ont tendance à être plus nerveux. Il faut alors redoubler de prudence pour ne pas tomber dans le travers de la colère.

Cette idée peut se lire en filigrane dans notre verset à travers le mot zaken, composé des lettres Zayin, Kouf et Noun. Dans l’alphabet hébraïque, celles-ci sont respectivement précédées par les lettres Vav, Tsadik et Mèm, qui forment le terme tsom, signifiant jeûne. La Torah signifie ainsi aux Cohanim leur devoir de ne pas se laisser entraîner par la colère, afin de ne pas perdre leur sagesse.

En outre, ils « ne raseront pas l’extrémité de leur barbe ». A nouveau, le mot barbe, en hébreu zakan, renvoie allusivement au mot tsom. Enfin, ils « ne pratiqueront point d’incision sur leur chair » : ils veilleront à préserver leur santé en s’abstenant de s’énerver.

La patience est toujours rentable

« Il arriva que le fils d’une femme israélite sortit. » (Vayikra 24, 10)

Rachi commente : « Il raillait au sujet du verset “On les disposera le Chabbatˮ et disait : “La coutume du roi est de manger chaque jour du pain frais. Est-elle donc de consommer du pain vieux de neuf jours ?ˮ »

L’auteur de l’ouvrage Oznaïm Latorah en déduit une leçon de morale à notre intention. Il nous incombe de nous plier à la lettre aux mitsvot de la Torah, que nous en comprenions ou non la logique. Nous devons prendre conscience du fait que, lorsque celle-ci ou une certaine conduite divine nous échappe, c’est en raison des limitations de notre intellect ; aussi, notre devoir d’accomplir intégralement cette mitsva reste le même.

L’anecdote de cet homme ayant proféré le Nom divin entendu au Sinaï et blasphémé en est la preuve. Au départ, il ne fit que se moquer de la mitsva de conserver les pains de proposition, qu’il ne parvenait pas à comprendre. Mais, il finit par blasphémer.

D’après lui, il sied au roi de manger du pain frais tous les jours, et non pas un pain vieux de neuf jours. Cependant, s’il avait placé sa confiance dans les lois de l’Eternel, justes et véridiques, et avait attendu une semaine, il aurait constaté que les pains du Temple gardaient toute leur fraîcheur même après huit jours. La patience l’aurait préservé du grave péché qu’il transgressa et de sa sévère punition.

La sainteté au début ou à la fin ?

« Tiens-le pour saint, car c’est lui qui offre le pain de ton D.ieu. » (Vayikra 21, 8)

Le Maharam de Rothenburg fait remarquer que le terme vékidachto (tiens-le pour saint) figure deux fois dans le texte saint : la première occurrence apparaît au sujet de la révélation du Sinaï – « Défends la montagne et déclare-la sainte » –, la seconde dans notre paracha, dans le verset précité.

Nos Sages en expliquent la raison : le mot vékidachto signifie que le Cohen doit être appelé en premier à la Torah et prononcer la bénédiction en premier. C’est pourquoi, lorsque ce terme apparaît au sujet du Cohen, il figure au début du verset, tandis que lorsqu’il apparaît dans le contexte du don de la Torah, il est écrit à la fin du verset. Car, la sainteté d’un érudit devient plus évidente après son départ, comme le laissent entendre les versets « Aux saints qui sont dans la terre » (Téhilim 16, 3) et « Quoi ! Même en Ses saints, Il n’a pas confiance » (Iyov 15, 15). De même, on honore l’érudit à la fin de la lecture de la Torah, conformément à la loi selon laquelle « le plus important de tous ferme le rouleau de Torah ».

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

La gravité du courroux

« Un fils d’une femme israélite sortit. » (Vayikra 24, 10)

Rachi commente : « Un fils d’une femme israélite sortit. D’où est-il sorti ? Rabbi Lévi a enseigné : de son monde [futur] (…) Une Beraïta nous apprend : il est sorti condamné du tribunal de Moché. Il avait voulu planter sa tente au sein de la tribu de Dan, mais ses membres lui ont dit : “De quel droit disposes-tu ici ?ˮ Il a répondu : “Je fais partie des descendants de Dan !ˮ Ils lui ont rétorqué : “Il est écrit : ‘Chaque homme sur son drapeau, selon les signes de la maison de leur père camperont les fils d’Israël.’ˮ C’est alors qu’il s’est rendu au tribunal de Moché et que, ayant été débouté, il s’est dressé et a blasphémé. »

En ce qui concerne l’héritage d’un homme, il se définit en fonction de la tribu d’appartenance de son père, et non de sa mère. Furieux de ne pas obtenir gain de cause au tribunal et de n’avoir pas de place parmi la tribu de Dan, cet homme, né d’un père égyptien, se laissa emporter par la colère et blasphéma.

Ceci illustre la gravité et le danger que représente le courroux. En effet, celui qui est en proie à la colère perd souvent le contrôle de lui-même, parce que « toutes sortes d’enfers le dominent » (Nédarim 22a). En d’autres termes, mis à part le fait qu’il sera plus tard condamné à passer par l’enfer, dès ce monde-ci, il subira l’emprise et les attaques de ses créatures malfaisantes. Combien de personnes s’étant laissées emporter par le courroux en sont-elles arrivées à tomber dans une dépression nerveuse ou ont subi une crise cardiaque, une attaque cérébrale ou autre fin dramatique – que D.ieu nous en préserve ?

Dans l’épisode mentionné par la Torah, cet homme a connu une décadence à cause de la colère intense qui l’animait. Ce vice, capable de perturber l’homme au point de lui faire perdre la raison, l’a mené à renier la Vérité qu’il connaissait pourtant au sujet de l’incroyable miracle des pains de proposition, qui restaient frais après une semaine.

Ajoutons que les membres de la tribu de Dan, qui suivirent à la lettre les indications de la Torah, ont également une part de responsabilité dans cet incident, puisqu’ils auraient dû se montrer plus indulgents à l’égard de cet homme qui, somme toute, faisait partie de leur peuple et avait participé à la révélation du Sinaï. En lui permettant de planter sa tente parmi eux, la suite des événements qui se conclurent par un blasphème aurait pu être évitée. S’ils s’étaient montrés moins pointilleux et plus compréhensifs envers lui, il n’en serait sans doute pas venu à railler une mitsva, à s’irriter et à blasphémer. Ils portent donc également la responsabilité de son péché.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Mettre en garde les jeunes enfants avec amour

Si nous levons les yeux pour observer les étoiles, elles nous apparaîtront comme de minuscules points de lumière. Pourtant, en réalité, elles sont de gigantesques corps célestes, certains dix fois plus grands que le globe terrestre.

Dans la conception juive orthodoxe, les enseignants de jeunes enfants sont comparés aux étoiles, en vertu de l’interprétation de nos Sages (Baba Batra 8b) : « “Ceux qui auront dirigé la multitude dans le droit chemin [resplendiront] comme les étoiles à tout jamaisˮ (Daniel 12, 3) : il s’agit des enseignants de jeunes enfants. » Or, l’incipit de notre section évoque la notion d’enseignement : « Parle aux Cohanim, fils d’Aharon, et dis-leur. » Nos Maîtres s’interrogent sur cette redondance et en déduisent qu’elle enseigne aux adultes leur devoir d’intimer l’ordre aux enfants.

Le Tsadik Rabbi ‘Haïm Frilander zatsal, Machguia’h de la Yéchiva de Ponievitz, s’interroge sur la comparaison établie entre les enseignants de jeunes enfants et les étoiles.

Il explique que, lorsque ces derniers exercent leur métier, il est difficile de déceler sa prépondérance et leur influence sur leurs élèves. Toutefois, ils remplissent un rôle fondamental et, incontestablement, créent des mondes. La fidélité de chacun de leurs élèves à la bonne voie qu’ils leur ont tracée constitue un mérite à leur actif, puisqu’elle est à créditer à leur investissement dans ce sens. S’ils sont parvenus à les éduquer correctement, cette réussite se maintiendra et influencera même les générations suivantes. Mais, inversement, une erreur éducative peut entraîner de grands désastres se répercutant à long terme.

Dans son ouvrage Otsrotéhem Amalé, Rabbi Eliezer Tourk chelita rapporte l’habitude qu’avait le Gaon Rabbi ‘Haïm Kanievsky chelita d’étudier quotidiennement avec ses jeunes enfants. Avec certains d’entre eux, il parvint même à conclure l’étude de tout le Talmud avant leur bar-mitsva. Quand on l’interrogea sur le sens de cette pratique, alors que des enfants en bas âge ne sont pas à même de comprendre des traités complexes comme Erouvin ou Nida, il répondit, avec sa brièveté caractéristique : « Je voulais leur prouver que ce n’est pas la fin du monde de terminer le Chass, de sorte à les encourager et à leur donner l’aspiration d’étudier et de le conclure de nouveau plus tard. »

Comme nos Sages l’ont affirmé, « s’il n’y a pas de chevreau, il n’y a pas de bouc et, s’il n’y a pas de bouc, il n’y a pas de chevreau ». Si nous désirons que nos enfants grandissent bien, nous devons ancrer dans leur âme pure, dès leur plus jeune âge, tous les principes que nous considérons comme fondamentaux – la prépondérance de la Torah, la volonté d’être élevé à son aune et de progresser dans son étude.

L’Admour de Kamiv zatsal raconte que, lors de la Shoah, dans le camp de concentration d’Auschwitz, il vit un jeune enfant faire des allers-retours, tout en murmurant constamment. Il s’approcha de lui pour lui demander ce qu’il disait. Au départ, le jeune sursauta, car il ignorait l’identité de son interlocuteur et ses intentions. Mais, après que l’Admour se fut présenté comme un Juif, il lui répondit : « Je murmure sans cesse le premier verset du Chéma. Ma mère, que l’Eternel venge son sang, me le répétait tous les jours matin et soir, lorsque je me trouvais encore dans ma patrie. C’est le seul verset que je connais par cœur et il m’accompagne dans toutes les difficultés que je traverse pendant cette terrible guerre. »

Une minute d’amour silencieuse

L’un des principes les plus fondamentaux de l’éducation, souligne le Rav Tourk chelita, est l’expression de l’amour. Car, celui-ci crée un lien sentimental entre le maître et l’élève, permettant ainsi au premier de se frayer un chemin vers son cœur, à l’aide de ses facultés personnelles et de son savoir-faire professionnel.

En l’absence de ce lien affectif, l’éducateur n’est pas en mesure d’influencer l’intériorité de son disciple, même s’il détient les méthodes les plus approuvées et efficaces ; il peut uniquement le pousser à agir dans un certain sens. Plus le maître aime son élève et se rapproche de lui, lui exprimant son affection, plus il a de chances de l’influencer positivement.

Un Roch Yéchiva de Jérusalem raconte que, lorsqu’il fonda sa Yéchiva, il se rendit auprès de l’Admour de Slonim chelita pour recueillir ses directives et conseils. Il lui répondit : « Mon père et Maître zatsal, auteur du Nétivot Chalom de Slonim, avait l’habitude de dire qu’un éducateur ou un Rav qui entre le premier jour dans sa nouvelle classe pour lui donner cours doit, avant de prononcer le moindre mot, s’asseoir une minute et contempler silencieusement ses élèves avec amour et compassion, afin d’emplir son cœur d’un amour sincère pour eux. Car, uniquement dans la mesure où il les aime, il pourra réellement les guider, l’amour étant une condition sine qua non à la relation entre le maître et l’élève. »

Rabbi Avich Eizen chelita raconte qu’à l’époque où il était élève dans le Talmud-Torah Ets ‘Haïm, il eut plusieurs fois la chance de participer, dans le cadre de celui-ci, à un voyage organisé chez le ‘Hazon Ich zatsal, qui les interrogea sur les sujets étudiés et les bénit. Lors de ces visites, il eut le mérite d’entendre cet édifiant message du Sage à son enseignant : « Un enseignant doit savoir que, si le matin, en arrivant au Talmud-Torah, il fait un large sourire à chacun de ses élèves, ils lui en rendront deux et toute sa journée se déroulera d’une autre manière. »

Le Tsadik lui signifiait ainsi que sa relation avec ses élèves, la mesure de son influence sur eux et son lien sentimental avec eux dépendaient directement de son sourire à leur intention, de ses manifestations d’amour et d’affection et de sa patience à leur égard. Uniquement de cette manière, il aura accès à leur cœur et pourra les influencer notablement.

 

 

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